Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et Mme A... C..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du 26 janvier 2024 par lesquels la préfète de l'Oise a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits en cas d'exécution d'office des mesures d'éloignement, et, en ce qui concerne M. D..., lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement nos 2400805, 2400806 du 23 mai 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 21 juin 2024 sous le n° 24DA01219, M. D..., représenté par Me Bulajic, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte ses moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et son moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par la préfète de l'Oise au regard de sa situation professionnelle ;
- le refus de séjour et la mesure d'éloignement méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- ces décisions méconnaissent les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation professionnelle ;
- l'interdiction de retour méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Oise qui n'a pas présenté d'observations.
II. Par une requête, enregistrée le 21 juin 2024 sous le n° 24DA01220, Mme D..., représentée par Me Bulajic, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte ses moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour et la mesure d'éloignement méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- ces décisions méconnaissent les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Oise qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- et les observations de Me Miralles, représentant M. et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants tunisiens nés les 9 février 1978 et 18 novembre 1978 qui déclarent être entrés en France au cours de l'année 2018, ont présenté une demande d'admission au séjour à la préfète de l'Oise, le 30 janvier 2023. Par deux arrêtés du 26 janvier 2024, la préfète de l'Oise a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de leur pays d'origine et, s'agissant de M. D..., lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 23 mai 2024 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le tribunal administratif a répondu de façon suffisante aux moyens dont il était saisi par M. et Mme D..., tirés d'une méconnaissance des articles 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en les écartant par une même motivation au point 6 de son jugement alors que les requérants appuyaient leurs moyens sur des arguments communs. La circonstance que les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble de ces arguments n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation.
3. En second lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments avancés par M. D..., ont répondu de façon suffisamment motivée, au point 12 de leur jugement, à son moyen tiré de ce que la préfète de l'Oise a entaché la décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation professionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
5. M. et Mme D... font état de leur durée de résidence en France depuis 2018, de la situation professionnelle du requérant depuis 2019 et de la scolarisation de leurs trois enfants nés en 2007, 2012 et 2017. Toutefois, il ressort des pièces du dossiers que M. D... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français le 9 août 2018, qu'il n'a pas exécutée. Sa demande d'asile et celle de son épouse, présentées le 14 novembre 2018, ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 avril 2019, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2019. Si M. D... justifie d'une situation professionnelle comme chauffeur poids lourd, il a été condamné par un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Versailles du 6 novembre 2018 à une peine de trois mois d'emprisonnement ferme assortie d'une interdiction judiciaire du territoire pendant une durée de dix ans, pour conduite d'un véhicule sans permis, en faisant usage d'un titre de conduite falsifié. La cour d'appel de Versailles, qui a relevé M. D... de cette interdiction judiciaire du territoire, a maintenu dans son arrêt du 21 septembre 2023 la peine d'emprisonnement, avec sursis, pour une durée de six mois. Il n'est pas démontré que Mme D... justifierait d'une insertion sociale et professionnelle particulière. M. et Mme D... étant tous deux en situation irrégulière, aucune circonstance ne fait obstacle, à la date des décisions contestées, à la reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine de la famille. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions et stipulations citées au point précédent doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, il n'est pas établi que la préfète de l'Oise a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement sur la situation des requérants.
6. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Si M. et Mme D... font état de la scolarisation de leurs trois enfants en France et de leurs bons résultats, il n'est pas établi que la cellule familiale serait dans l'impossibilité de se reconstituer dans le pays d'origine de la famille, ni que les enfants ne pourraient y poursuivre normalement leur scolarité en obtenant les mêmes résultats. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
8. En troisième lieu, M. D... se prévaut de sa présence en France depuis plus de cinq années et de sa situation professionnelle comme conducteur poids lourd depuis 2019. Toutefois, eu égard à la condamnation dont il a fait l'objet en 2018, confirmée en 2023 avec une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis pour des faits en relation avec son activité professionnelle, la préfète de l'Oise n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, en dépit de l'ancienneté de cette activité et du soutien allégué de son employeur.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
10. Si M. D... se prévaut de l'ancienneté de sa résidence et de sa situation familiale sur le territoire français, et de la stabilité de son activité professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, que ses liens personnels en France se restreignent à sa famille dont les membres sont en situation irrégulière, et qu'il a été condamné pour conduite sans permis en faisant usage d'un titre de conduite falsifié. A cet égard, la préfète de l'Oise pouvait tenir compte de cette condamnation, quand bien même la présence de M. D... ne constituerait pas une menace à l'ordre public sur le territoire français. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la préfète de l'Oise a fait une inexacte application des dispositions précitées en décidant de lui interdire le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme A... C..., épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
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Nos 24DA01219, 24DA01220