Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Delannoy Dewailly Entreprise a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Mouvaux à lui verser, à titre principal, la somme de 138 387,13 euros hors taxes ou, à titre subsidiaire, celle de 72 402,49 euros hors taxes au titre du solde du marché correspondant au lot n° 5 " chauffage ventilation - plomberie " conclu en vue de la construction d'un espace culturel.
Par un jugement n° 1809314 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, la société Delannoy Dewailly Entreprise, représentée par Me Poissonnier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2023 ;
2°) de condamner la commune de Mouvaux à lui verser, à titre principal, la somme de 138 387,13 euros hors taxes ou, à titre subsidiaire, celle de 72 402,49 euros hors taxes au titre du solde du marché litigieux, la somme allouée étant assortie des intérêts à la date de dépôt de la requête et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mouvaux une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée au tribunal administratif est recevable dès lors que le délai de recours a été interrompu ou à tout le moins suspendu par la proposition de transaction faite par la commune de Mouvaux, qui a organisé une réunion postérieurement au terme de ce délai et a saisi le juge des référés aux fins d'obtenir la désignation d'un expert ;
- il lui était impossible de saisir la juridiction compétente pendant le temps de la tentative de transaction ;
- la commune de Mouvaux a omis de rappeler le délai de recours contentieux dans son courrier du 12 avril 2018 proposant de transiger ;
- la commune a reconnu une partie de la dette et a procédé à des paiements à son profit, interrompant ainsi le délai de recours ;
- il résulte du rapport d'expertise déposé devant le tribunal administratif qu'elle n'est pas à l'origine des retards de chantier, justifiant ses demandes présentées au titre des descentes d'eaux pluviales provisoires, des descentes d'eaux de la salle de spectacle et de dépose et repose de gaines pour un montant total de 25 238,90 euros ;
- les conclusions de l'expert admettent dans son principe la demande présentée au titre du décalage du chantier qu'il y a lieu d'évaluer à la somme totale de 99 727,55 euros compte tenu d'un retard de onze mois et d'une perte de rendement de 20 % ;
- ce poste de préjudice peut être évalué à titre subsidiaire au montant de 33 742,91 euros ;
- une somme de 13 420,68 euros reste due en rémunération des prestations prévues au marché.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, la commune de Mouvaux, représentée par Me Balaÿ, conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens soient mis à la charge de la société requérante, ainsi qu'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée devant le tribunal administratif est tardive et par suite irrecevable ;
- les sommes réclamées ne sont pas justifiées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public,
- et les observations de Me Jacquelard, représentant la société Delannoy Dewailly Entreprise, et de Me Hermary, représentant la commune de Mouvaux.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Mouvaux a engagé en 2012 une opération de construction d'un espace culturel, désignant une équipe de maîtrise d'œuvre par un acte d'engagement signé le 18 octobre 2012. Par un marché notifié le 13 juin 2014, le lot n° 5 " chauffage ventilation - plomberie " a été attribué à la société Delannoy Dewailly Entreprise. Celle-ci a établi son projet de décompte final en y incluant notamment des travaux supplémentaires et une demande indemnitaire en raison de retards de chantier, qu'elle a transmis au maître d'œuvre par un courrier du 16 octobre 2017. Ce dernier, refusant de tenir compte d'autres prestations que celles prévues par le marché, a établi le projet de décompte général en conséquence et l'a transmis le 26 octobre 2017 à la commune de Mouvaux. Par un courrier du 21 décembre 2017, la commune de Mouvaux a notifié le décompte général à la société Delannoy Dewailly Entreprise en lui confirmant son refus d'accepter le projet de décompte préparé par la société. La société Delannoy Dewailly Entreprise a contesté cette décision en présentant un mémoire en réclamation le 6 février 2018. Alors que la commune de Mouvaux n'avait donné aucune suite à ce mémoire, la société Delannoy Dewailly Entreprise a saisi le tribunal administratif de Lille le 17 octobre 2018 d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Mouvaux à lui verser, à titre principal, la somme de 138 387,13 euros hors taxes et, à titre subsidiaire, la somme de 72 402,49 euros hors taxes, en règlement du solde du marché relatif au lot n° 5. Par un jugement du 13 juin 2023, dont la société Delannoy Dewailly Entreprise relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande comme tardive.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché litigieux : " Les pièces constitutives du marché sont, par ordre de priorité, les suivantes : / A - Pièces particulières : (...) / Le présent CCAP et ses annexes éventuelles, dont l'exemplaire original conservé dans les archives du maître de l'ouvrage fait seul foi (...) / B - Pièces générales : / Les documents applicables sont ceux en vigueur au premier jour du mois d'établissement des prix tel qu'il est défini à l'article 3-3.2 du présent CCAP (...) / Le CCAG issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et publié au JO du 1er octobre 2009 et l'ensemble des textes qui l'ont modifié (...) ". Dans sa version communiquée par la commune de Mouvaux, laquelle fait seule foi, le CCAP prévoit que les prix du marché sont établis sur la base des conditions économiques du mois de février 2014. Par suite, les parties ont entendu se référer au cahier des clauses administratives générales annexé à l'arrêté précité du 8 septembre 2009, dans sa version antérieure à celle résultant de l'arrêté modificatif du 1er avril 2014.
3. Aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales : " (...) 50.1.1. / Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. / 50.1.2. Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. (...) / 50.2. Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6. / 50.3. Procédure contentieuse : (...) / 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. / 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. / 50.4. Intervention d'un comité consultatif de règlement amiable : Le représentant du pouvoir adjudicateur ou le titulaire peut soumettre tout différend qui les oppose au comité consultatif de règlement amiable des litiges, dans les conditions mentionnées à l'article 127 du code des marchés publics. / 50.4.1. La saisine d'un comité consultatif de règlement amiable suspend les délais de recours prévus par le présent CCAG jusqu'à la décision du représentant du pouvoir adjudicateur après avis du comité. / Le délai de recours suspendu repart ensuite pour la durée restant à courir au moment de la saisine du comité ".
4. La procédure de réclamation préalable prévue par l'article 50.3.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, notamment le respect du délai de six mois pour saisir le juge du contrat à compter de la notification à l'entrepreneur de la décision prise sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général, résulte des clauses contractuelles auxquelles les parties ont souscrit. Les parties ont organisé de la sorte, ainsi qu'elles le pouvaient, des règles particulières de saisine du juge du contrat. Ces stipulations ne prévoient aucune cause d'interruption de ce délai ni d'autres cas de suspension que la saisine du comité consultatif de règlement amiable.
5. Il résulte de l'instruction que la société Delannoy Dewailly Entreprise a présenté son mémoire en réclamation par un courrier daté du 6 février 2018 et reçu par la commune de Mouvaux le 9 février 2018. La commune de Mouvaux n'a pas donné de suite expresse à cette réclamation, de sorte qu'une décision implicite de rejet est née quarante-cinq jours plus tard le 24 mars 2018. Le délai de recours contentieux de six mois a commencé à courir à compter de cette date sans être interrompu ou suspendu, contrairement à ce que soutient la société requérante, par une invitation à transiger ou un paiement partiel effectué par la commune. A cet égard, il n'est pas établi que la proposition de règlement amiable faite à la société Delannoy Dewailly Entreprise par des courriers de la commune de Mouvaux des 12 avril et 14 juin 2018 aurait eu pour objet d'induire la société en erreur sur les conditions de délai d'une saisine du tribunal administratif ou, en tout état de cause, lui aurait interdit de procéder à cette saisine, alors qu'il lui a été rappelé dans ces courriers que le mémoire en réclamation avait été rejeté conformément à l'article 50 du cahier des clauses administratives générales. La société requérante ne saurait utilement soutenir que les délais et voies de recours ne lui ont pas été précisés par la commune de Mouvaux dès lors que seules trouvent à s'appliquer les règles particulières de saisine du juge du contrat figurant dans le cahier des clauses administratives générales, lesquelles ne prévoient aucune obligation pour le maître de l'ouvrage d'informer le titulaire du marché de ces voies et délais de recours. Dès lors, la demande de la société Delannoy Dewailly Entreprise, enregistrée le 17 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif de Lille, postérieurement à l'expiration du délai de recours de six mois, était tardive. Par suite, ainsi que l'ont estimé les premiers juges qui ont accueilli la fin
de non-recevoir opposée par la commune de Mouvaux, cette demande était irrecevable et ne pouvait qu'être rejetée.
Sur les dépens :
6. Il résulte de l'instruction que, par une ordonnance n° 1811874 du 15 novembre 2021, les frais d'expertise ont été mis à la charge de la commune de Mouvaux. Si celle-ci réitère en appel ses conclusions tendant à ce que les dépens, incluant ces frais d'expertise, soient mis à la charge de la société Delannoy Dewailly Entreprise, elle ne formule aucune critique de la décision des premiers juges qui ont estimé que, dans les circonstances de l'espèce, il y avait lieu de laisser cette somme à la charge de l'administration. Dans ces conditions, les conclusions de la commune de Mouvaux se rapportant aux dépens doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mouvaux, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la société Delannoy Dewailly Entreprise demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Delannoy Dewailly Entreprise une somme de 2 000 euros, à verser à la commune de Mouvaux sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Delannoy Dewailly Entreprise est rejetée.
Article 2 : La société Delannoy Dewailly Entreprise versera une somme de 2 000 euros à la commune de Mouvaux sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Mouvaux est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Delannoy Dewailly Entreprise et à la commune de Mouvaux.
Délibéré après l'audience publique du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
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N° 23DA01393