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24/04/2025 | FRANCE | N°24DA00589

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 24 avril 2025, 24DA00589


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La communauté urbaine de Dunkerque a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 9 274 890 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2020, avec capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice financier ayant résulté de la faute commise dans la détermination des montants de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et du fonds national de garantie indiv

iduelle des ressources (FNGIR) qui lui ont été versés au titre des années 2011 à 2020.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Dunkerque a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 9 274 890 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2020, avec capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice financier ayant résulté de la faute commise dans la détermination des montants de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) qui lui ont été versés au titre des années 2011 à 2020.

Par un jugement n° 2103298, 2202493 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2024 et un mémoire, enregistré le 6 février 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la communauté urbaine de Dunkerque devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- les créances invoquées par la communauté urbaine de Dunkerque au titre de la DCRTP au titre des années 2011 à 2017 sont exclues de la période répétible prévue à l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, laquelle est limitée aux années 2018 à 2020 ;

- en application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, les créances invoquées par la communauté urbaine au titre des années 2011 à 2015, étaient prescrites à la date de la demande indemnitaire préalable du 16 décembre 2020 ;

- eu égard à son mode de calcul, l'existence d'une minoration annuelle de la DCRTP n'est pas établie par la communauté urbaine de Dunkerque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2025, et un mémoire, enregistré le 3 mars 2025, qui n'a pas été communiqué, la communauté urbaine de Dunkerque, représentée par la SCP Buk Lament, Robillot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne sont pas fondés ;

- la lecture faite par l'administration de la règle de prescription posée par l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 porte atteinte au droit au recours et au droit au respect des biens garantis par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 portant loi de finances pour 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de M. C..., représentant la communauté urbaine de Dunkerque.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société Polimeri Europa France SNC a été absorbée le 28 février 2005, par traité de fusion avec transmission universelle de patrimoine, par la société Polimeri Europa Distribution France SAS, devenue société Polimeri Europa France SAS. La communauté urbaine de Dunkerque a estimé que les cotisations primitives de taxe professionnelle auxquelles avait été assujettie la société Polimeri Europa France SAS au titre des années 2006 à 2009, ainsi que la cotisation de compensation de la disparition de la taxe professionnelle, dite " compensation-relais ", à laquelle elle avait été soumise au titre de l'année 2010, étaient insuffisantes au regard des conséquences, sur les bases d'imposition de cette société, de la fusion-absorption du 28 février 2005. Par une réclamation du 23 décembre 2010, la communauté urbaine de Dunkerque a demandé à l'Etat le versement d'une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi à raison des fautes commises par l'administration fiscale dans la détermination de ces cotisations.

2. Par un jugement du 28 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat, en réparation de ce préjudice, à verser à la communauté urbaine de Dunkerque une somme de 2 790 575 euros, à raison d'une somme de 1 863 086 euros au titre de l'établissement de la taxe professionnelle des années 2008 et 2009 de la société Polimeri Europa France SAS et d'une somme de 927 489 euros au titre de l'établissement de la " compensation-relais " due au titre de 2010.

3. Par un arrêt du 22 février 2018, cette cour a rejeté l'appel du ministre de l'action et des comptes publics formé contre ce jugement. Le pourvoi du ministre contre cet arrêt a été rejeté par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 15 octobre 2020.

4. A la suite de cette décision, la communauté urbaine de Dunkerque a, par une réclamation du 16 décembre 2020 qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet, demandé à l'Etat le paiement d'une somme de 927 489 euros pour chaque année, entre 2011 et 2020, soit une somme totale de 9 274 890 euros, en réparation du préjudice né de la minoration des versements de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) en raison d'erreurs commises par les services de l'Etat dans le calcul des sommes.

Sur le cadre juridique applicable :

5. Aux termes de l'article 1640 B du code général des impôts : " (...) II. - 1. a) (...) les collectivités territoriales, à l'exception de la région Ile-de-France, et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre reçoivent au titre de l'année 2010, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation relais. / Le montant de cette compensation relais est, pour chaque collectivité ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, égal au plus élevé des deux montants suivants : / - le produit de la taxe professionnelle qui résulterait pour cette collectivité territoriale ou cet établissement public de l'application, au titre de l'année 2010, des dispositions relatives à cette taxe dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009. (...) / - le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au titre de l'année 2009. / (...) ".

6. Aux termes de l'article 78 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 : " 1. Instauration à compter de 2011 des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle. / 1.1. Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle au profit des communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. / I.- Il est institué, à compter de 2011, une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. / (...) / 1.4. Notification aux collectivités territoriales. / I.- Une estimation du montant individuel de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, ainsi que du prélèvement ou reversement du A... national de garantie individuelle des ressources est notifiée à chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour le 15 mars 2011. / En tant que de besoin, le montant de la compensation relais prévue au II de l'article 1640 B du code général des impôts est corrigé sur la base des impositions à la taxe professionnelle et à la cotisation foncière des entreprises émises jusqu'au 30 juin 2011 et des dégrèvements de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises ordonnancés jusqu'à la même date. Le montant de la correction est, le cas échéant, notifié à la collectivité territoriale concernée pour le 31 juillet 2011. / (...) / Le montant définitif des dotations, prélèvements et reversements mentionnés au premier alinéa du présent I est calculé à partir des impositions établies, des dégrèvements ordonnancés et des produits perçus jusqu'au 30 juin 2011 et actualisé en fonction des redressements opérés par les services fiscaux sur les bases de la taxe professionnelle de 2010, jusqu'au 30 juin 2012. / (...) ". Aux termes du 2 du même article : " 2. A... nationaux de garantie individuelle des ressources. / 2.1. A... national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales. / I.- Il est créé, sous le nom de A... national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales, un fonds chargé de compenser, pour chaque commune et établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, les conséquences financières de la réforme de la fiscalité locale. / (...) ". Selon le 2 bis du même article : " 2 bis. Suite à la notification de la dotation de compensation de la réforme de taxe professionnelle définie au 1 et du prélèvement ou reversement du A... national de garantie individuelle des ressources défini au 2 au titre de l'exercice 2011, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ont jusqu'au 30 juin 2012 pour faire connaître à l'administration fiscale toute erreur qui entacherait le calcul détaillé au I des 1.1 à 1.3./ A l'issue des opérations de rectification d'erreurs dans les calculs individuels mentionnés aux mêmes 1.1 à 1.3 relevées par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale et par l'administration des finances publiques, il est procédé à l'automne 2012, au titre de 2012 et des années suivantes, aux calculs mentionnés au 2 des II et III desdits 1.1 à 1.3 et au III des 2.1 à 2.3. / Le montant de dotation définie aux 1.1 à 1.3 et le montant de prélèvement ou reversement défini aux 2.1 à 2.3 rectifié sont notifiés aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à l'issue des opérations de calcul global mentionnées au deuxième alinéa du présent 2 bis. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont relève la communauté urbaine de Dunkerque, ont perçu, au titre de l'année 2010, en lieu et place de la taxe professionnelle, la compensation relais prévue par le II de l'article 1640 B du code général des impôts. En outre, l'article 78 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a institué, à compter de l'année 2011, une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et créé un fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales (FNGIR) destinés à compenser la perte de recettes induite par la suppression de la taxe professionnelle. En vertu du 1 et du 2 de cet article 78, les montants de la DCRTP et des prélèvements et reversements au FNGIR sont déterminés en tenant compte notamment du montant de la compensation relais.

Sur les conclusions indemnitaires de la communauté urbaine de Dunkerque :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre :

8. D'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Selon l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ; / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, issu de l'article 26 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 : " L'action en réparation du préjudice subi fondée sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure ou la demande de dommages et intérêts résultant de la faute commise dans la détermination de l'assiette, le contrôle et le recouvrement de l'impôt ne peut porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la deuxième année précédant celle au cours de laquelle l'existence de la créance a été révélée au demandeur ".

10. Il résulte des termes mêmes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, que la prescription quadriennale instituée par cette loi n'est applicable que sous réserve des dispositions définissant un régime légal de prescription spécial à une catégorie déterminée de créances susceptibles d'être invoquées à l'encontre de l'une de ces personnes morales de droit public.

11. Les dispositions précitées de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales ont pour effet d'instituer un régime légal de prescription propre aux créances dont l'origine procède, comme en l'espèce puisque le montant de la minoration de la DCRTP et du FNGIR est égal à celui de la minoration antérieure de la taxe professionnelle, d'une faute commise par l'Etat dans la détermination de l'assiette, le contrôle et le recouvrement de l'impôt.

12. En vertu du 2° du III de l'article 26 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, les dispositions de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales s'appliquent aux actions en réparation relatives à des créances dont l'existence a été révélée au demandeur à compter du 1er janvier 2013. Par suite, ces créances sont, de ce fait, exclues du champ d'application de la loi du 31 décembre 1968. En revanche, il en va différemment des créances dont l'existence a été révélée avant cette date.

13. Il suit de là qu'il y a lieu d'examiner l'exception de prescription quadriennale dont se prévaut le ministre sur le fondement de la loi du 31 décembre 1968 pour les seules créances invoquées par la communauté urbaine de Dunkerque au titre des années 2011 et 2012.

14. Le point de départ de la prescription quadriennale est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration.

15. Il résulte des dispositions de l'article 78 de la loi du 30 décembre 2009 citées précédemment qu'à la suite à la notification de la DCRTP et du prélèvement ou reversement du FNGIR au titre de l'exercice 2011, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre avaient jusqu'au 30 juin 2012 pour faire connaître à l'administration fiscale toute erreur qui en entacherait le calcul.

16. Les préjudices dont la communauté urbaine de Dunkerque demande réparation pour les années 2011 et 2012, trouvent leur fait générateur dans la connaissance qu'elle avait en 2011, puis au versement annuel suivant, des erreurs de calcul commises par l'administration dans la détermination des montants de la DCRTP et des prélèvements et reversements au FNGIR résultant de l'erreur initialement commise dans la détermination des bases de la taxe professionnelle de la société Polimeri Europa France SAS au titre de l'année 2009 ayant affecté la détermination de la compensation relais due au titre de l'année 2010.

17. Les créances que la communauté urbaine de Dunkerque invoque sont ainsi chacune rattachables à l'année au cours de laquelle l'administration a procédé au versement des sommes au titre de la DCRTP et du FNGIR. La communauté urbaine de Dunkerque ne conteste pas avoir eu connaissance des décisions lui attribuant les sommes dues au titre de la DCRTP et au FNGIR pour les années 2011 et 2012 au plus tard à la fin de chacune de ces années. Au vu des indications suffisantes dont elle disposait, la communauté urbaine de Dunkerque ne pouvait ainsi ignorer, à chaque versement annuel, l'existence de la créance qu'elle était susceptible de détenir sur l'Etat à raison d'une sous-évaluation des bases de de la compensation relais au titre de l'année 2010.

18. Ni la demande introduite par la communauté urbaine de Dunkerque en 2012 devant le tribunal administratif de Lille, qui tendait à ce que soient indemnisées les fautes commises par les services fiscaux dans l'établissement des cotisations de taxe professionnelle auxquelles avait été assujettie la société Polimeri Europa France SAS au titre des années 2006 à 2009 et de la compensation relais au titre de l'année 2010, ni l'intervention de la décision du 15 octobre 2020 du Conseil d'Etat statuant au contentieux citée précédemment, tous évènements ayant trait à des créances distinctes de celles en cause dans le présent litige, n'ont pu exercer une influence sur le cours de la prescription de ces créances.

19. Contrairement à ce que soutient la communauté urbaine de Dunkerque, le seul fait que ses prétentions au versement de telles indemnités puissent être soumises, en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, à un délai de prescription de quatre ans, qui ne présente pas en tant que tel un caractère exagérément court, n'est pas en lui-même incompatible avec les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni avec celle de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

20. Par suite, lorsque la communauté urbaine de Dunkerque a, le 16 décembre 2020, adressé à l'administration une demande tendant à l'indemnisation de la perte de recettes ayant résulté de l'erreur commise par les services fiscaux dans le calcul des montants de la DCRTP et du FNGIR au titre des années 2011 à 2020, son action, s'agissant des années 2011 et 2012, était prescrite. Le ministre est, dès lors, fondé à opposer l'exception de prescription quadriennale à la créance dont se prévaut la communauté urbaine de Dunkerque au titre de ces années.

En ce qui concerne les règles spéciales de prescription prévues à l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales :

21. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les règles spéciales de prescription prévues à l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales s'appliquent aux actions en réparation relatives à des créances dont l'existence a été révélée au demandeur à compter du 1er janvier 2013.

22. Il résulte des travaux préparatoires, de l'objet et de l'économie de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales que la demande de dommages et intérêts résultant de la faute commise dans la détermination de l'assiette, le contrôle et le recouvrement de l'impôt ne peut porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la deuxième année précédant celle au cours de laquelle le créancier a présenté sa réclamation.

23. Or la communauté urbaine de Dunkerque n'a introduit une réclamation que le 16 décembre 2020. Le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires de la communauté urbaine de Dunkerque, en ce qu'elles portent sur les années 2013 à 2017, étaient atteintes de la prescription prévue à l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la faute commise par les services fiscaux :

24. Une faute commise par l'administration, lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice. Il en va de même de toute faute commise par l'administration dans le calcul des sommes à verser aux collectivités locales au titre des impôts locaux dont elles sont les bénéficiaires.

25. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement, ou du fait que ces décisions se traduisent par une minoration indue des dotations instituées pour compenser la perte de recettes fiscales découlant de la modification ou de la suppression de ces impôts ou taxes. L'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité, comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.

26. Ainsi qu'il a été dit précédemment, en vertu des dispositions du II de l'article 78 de la loi du 30 décembre 2009, les montants de la DCRTP et des prélèvements et reversements au FNGIR ont été déterminés en tenant compte notamment du montant de la compensation relais prévue pour l'année 2010.

27. L'erreur commise par l'administration fiscale dans la détermination des bases imposables à la taxe professionnelle de la société Polimeri Europa France SAS au titre de l'année 2009 et, ce faisant, dans la détermination du montant de la compensation relais versée à la communauté urbaine de Dunkerque au titre de l'année 2010, et dont le caractère fautif a été reconnu par le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans sa décision du 15 octobre 2020, a eu pour effet de minorer les montants de DCRTP et de FNGIR versés à cet établissement public au titre des années en cause.

28. Dès lors, l'administration fiscale a commis une faute, qu'au demeurant elle ne conteste pas, de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la communauté urbaine de Dunkerque.

En ce qui concerne le montant du préjudice subi au titre des années 2018 à 2020 :

29. Il résulte de l'instruction que l'augmentation de la compensation relais due au titre de l'année 2010 ayant résulté pour la communauté urbaine de Dunkerque du rehaussement en base de la taxe professionnelle assignée à la société Polimeri Europa France SAS s'est établi à la somme de 927 489 euros.

30. Il suit de là que le préjudice financier de la communauté urbaine de Dunkerque ayant résulté de la minoration des montants de DCRTP et de FNGIR en raison de l'absence de prise en compte de ce montant de 927 489 euros, du fait de la faute commise par l'administration dans la détermination du montant de la compensation relais, s'établit à cette somme de 927 489 euros à chaque attribution annuelle des montants de DCRTP et de FNGIR.

31. Si le ministre se prévaut, de manière générale, de la complexité des règles de détermination de la DCRTP et fait valoir qu'outre la prise en considération du montant de la compensation relais, d'autres paramètres viennent minorer le calcul de la dotation, il n'apporte aucun élément précis, que l'administration fiscale était pourtant en mesure de fournir, au soutien de cette allégation.

32. Il suit de là que le préjudice financier subi par la communauté urbaine de Dunkerque s'élève, pour la période de 2018 à 2020, à la somme totale de 2'782'467 euros. Les intérêts dus sur cette somme, eux-mêmes capitalisés, seront calculés selon les modalités fixées par l'article 2 du jugement attaqué.

33. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est seulement fondé à demander que le montant de l'indemnisation du préjudice financier subi par la communauté urbaine de Dunkerque soit ramené de la somme de 9 274 890 euros à la somme de 2'782'467 euros. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne la procédure de première instance :

34. Il résulte de sa condamnation à verser à la communauté urbaine de Dunkerque la somme de 2'782'467 euros que l'Etat doit être regardé comme étant la partie perdante en première instance au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

35. Dès lors, il n'y a pas lieu de décharger l'Etat de la condamnation prononcée par le tribunal administratif à verser à la communauté urbaine de Dunkerque la somme de 1 500 euros au titre de cette disposition. Les conclusions du ministre tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué doivent, par suite, être rejetées.

En ce qui concerne la procédure d'appel :

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la communauté urbaine de Dunkerque demande au titre des frais exposé par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 9 274 890 euros que l'Etat a été condamné à verser à la communauté urbaine de Dunkerque, par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille du 8 février 2024, est ramenée à la somme de 2'782'467 euros.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2103298, 2202493 du 8 février 2024 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté urbaine de Dunkerque et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord et au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA00589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00589
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;24da00589 ?
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