Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ;
Par un jugement n° 2401577 du 29 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté préfectoral et a enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 juin 2024, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'absence de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
- les autres moyens soulevés par la requérante dans sa demande de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2024, Mme B..., représentée par Me Verilhac, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à titre subsidiaire, qu'elle lui soit versée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Maritime ne sont pas fondés ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation :
- elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu préalablement à toute décision défavorable ;
- elle a été adoptée à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été saisi ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle justifie être en situation de se voir accorder un titre de séjour de plein droit en qualité d'étranger malade ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est, en raison de l'illégalité de la décision lui portant obligation de quitter le territoire français, dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme B... a obtenu le maintien, de plein droit, du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Delahaye, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 14 février 1979 et entrée sur le territoire français le 4 août 2022, s'est vue opposer, suite au rejet de sa demande d'asile, un arrêté du 9 avril 2024 par lequel le préfet de Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 29 mai 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de l'intéressée.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Tel est notamment le cas de l'étranger qui remplit les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales émanant du pôle de psychiatrie du centre hospitalier de Dieppe, que Mme B... souffre d'un stress post-traumatique, associé à des idées suicidaires, et que tout arrêt de son traitement comporte un risque de passage à l'acte. Il ressort également de ces pièces que le traitement suivi par l'intéressée, depuis le mois de décembre 2023, associe deux molécules qui ne sont pas disponibles au Cameroun et qu'il n'y existe par ailleurs pas de traitement de substitution possible. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir, en l'état de l'instruction, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine au sens des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ne pouvait dès lors légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
4. Il résulte de ce tout qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 9 avril 2024 et a enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de Mme B....
Sur les frais liés au litige :
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B... présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... B... et à Me Verilhac.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : L. DelahayeLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A.-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01120