Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 juin 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.
Par un jugement n° 2204767 du 28 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Ferrand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord en date du 28 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 440 euros TTC à verser à son avocat, en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que le rapport du médecin rapporteur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été produit ;
- il méconnaît le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'illégalité de la décision de refus de séjour entraîne l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.
Par un mémoire, enregistré le 22 novembre 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête tout en s'en remettant à ses écritures produites en première instance.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'accord-franco algérien du 27 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 8 janvier 1954, est entrée sur le territoire français le 13 novembre 2018. Le 9 novembre 2020, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 28 juin 2021 le préfet du Nord a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 28 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège des médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège des médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...). Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 23 juin 2021 a été rendu à la suite d'une délibération du 26 juin 2021 et de la transmission par le médecin rapporteur de son rapport médical le 27 mars 2021. Ainsi, cet avis a été rendu dans des conditions conformes aux dispositions citées au point 2. En revanche, il ne résulte pas de ces dispositions que l'autorité préfectorale doit être rendue destinataire de ce rapport médical. Dès lors, le préfet du Nord a pu légalement rejeter la demande de titre de séjour de Mme B... au seul visa de l'avis du collège médical, sans prendre en compte ce rapport. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une pathologie cardiaque qui nécessite un traitement médicamenteux composé, notamment, du Duoplavin à raison d'un comprimé par jour. Dans son avis du 23 juin 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il a toutefois indiqué que l'appelante peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. S'il est constant que le Duoplavin est indisponible en Algérie, il ressort des pièces du dossier que ses substances actives, le clopidogrel et l'acide acétylsalicylique sont commercialisés dans ce pays notamment, pour l'acide acétylsalicylique, sous l'appellation Aspigal 900, Aspégic 500 et Aspégic 250. Si Mme B... soutient que son traitement nécessite la prise de ces médicaments avec un dosage de 75 mg par molécule et qu'elle ne peut pas effectuer elle-même le dosage adéquat de l'acide acétylsalicylique, il n'est pas établi que ce dosage ne pourrait pas être réalisé par un professionnel de santé algérien, notamment un pharmacien. Dès lors, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en rejetant la demande de certificat de résidence présentée par l'appelante. Pour les mêmes motifs, l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 28 juin 2021 ne méconnaît pas les dispositions, alors en vigueur, du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France à l'âge de 64 ans, qu'elle ne séjourne sur le territoire national que depuis deux années à la date de l'arrêté attaqué et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où résident notamment ses filles. Si elle fait valoir qu'elle est séparée de son conjoint résidant en Algérie, qui lui faisait subir des violences conjugales et que depuis qu'elle l'a quitté, il l'a menacée, l'existence de telles menaces ne saurait être établie par la seule reproduction d'une photo d'un écran de téléphone portable comportant trois messages qui, s'ils emploient un ton menaçant, ne sont pas datés et ne permettent pas d'identifier leur auteur. A supposer l'existence de telles menaces avérée, l'appelante n'établit pas qu'elle ne sera pas en mesure d'obtenir une protection adéquate des autorités algériennes. Il n'apparaît pas non plus qu'il lui est nécessaire de demeurer en France en raison de son état de santé ainsi qu'il a été dit au point précédent. En conséquence, le préfet du Nord, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ainsi qu'il a été dit au point 6, si Mme B..., qui n'a pas sollicité l'asile, fait valoir qu'elle est séparée de son conjoint résidant en Algérie, qui lui faisait subir des violences conjugales, elle ne démontre pas l'impossibilité d'obtenir une protection des autorités algériennes en cas de retour dans ce pays. Dès lors, elle n'établit pas que l'arrêté du 28 juin 2021 méconnaitrait les dispositions précitées. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. En dernier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'étant pas fondés, le moyen excipant de son illégalité à l'encontre des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Ferrand.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 11 mars 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01549