Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif C... d'annuler l'arrêté du 13 mai 2024 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure, d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Somme de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, pour versement à son avocat, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2402206 du 10 octobre 2024, le tribunal administratif C... a rejeté la requête de M. B....
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 18 novembre 2024 sous le n° 24DA02302, M. A... B..., représenté par Me Homehr, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2402206 du 10 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif C... a rejeté sa requête ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2024 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Somme de réexaminer sa demande dans le même délai et de lui délivrer dans l'attente un récépissé et une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, pour versement à son avocat, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de fait et la décision en litige porte atteinte à la présomption d'innocence ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu'il constituait une menace pour l'ordre public, sans qualifier la menace grave, réelle et actuelle qu'il constituerait ;
- l'arrêté est illégal, dès lors qu'il s'est fondé sur le traitement des antécédents judiciaires en méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;
- les premiers juges ont méconnu les articles L. 423-8 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 6 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'il exerce l'autorité parentale sur son enfant ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2024, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par décision du 5 décembre 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a refusé l'aide juridictionnelle à M. B....
II. Par une requête et des pièces enregistrées le 29 novembre 2024 et le 2 décembre 2024 sous le n° 24DA02377, M. A... B..., représenté par Me Homehr, avocat, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2402206 du 10 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif C... a rejeté sa requête.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral en litige du 13 mai 2024 est susceptible d'entraîner des conséquences graves et difficilement réparables pour sa vie privée et familiale, ainsi que pour l'intérêt supérieur de son enfant ;
- les moyens soulevés dans l'instance n° 24DA02302 présentent un caractère sérieux.
Par décision du 17 décembre 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a refusé l'aide juridictionnelle à M. B....
Par une ordonnance du 27 janvier 2025, la présidente de la 1ère chambre a dispensé d'instruction la présente affaire, en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord conclu le 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vérisson.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 27 février 1993 à Maskara (Algérie), est entré en France en août 2019 selon ses déclarations. Le 28 février 2023, il a demandé la délivrance d'un certificat de résidence en sa qualité de parent d'enfant français et en raison de ses liens personnels et familiaux proches en France. Par l'arrêté litigieux du 13 mai 2024, le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure. M. B... demande l'annulation de cet arrêté. Par le jugement attaqué du 10 octobre 2024, le tribunal administratif C... a rejeté la requête de M. B.... Par ses requêtes enregistrées les 18 et 29 novembre 2024, M. A... B..., demande à la cour d'annuler le jugement du 10 octobre 2024 du tribunal administratif C... et d'en prononcer le sursis à exécution.
Sur la requête n° 24DA02302 :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ". D'autre part, l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
3. En premier lieu, si les faits constatés par le juge pénal s'imposent au préfet et au juge administratif, la même autorité ne s'attache pas aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Le préfet doit alors apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ces faits sont suffisamment établis et s'ils justifient que la présence de l'intéressé en France soit regardée comme une menace pour l'ordre public.
4. Pour refuser le certificat de résidence sollicité, le préfet de la Somme s'est fondé sur les condamnations prononcées à l'encontre de M. B... par le juge pénal le 7 septembre 2023 pour des faits de violence envers la mère de son enfant et le 19 octobre 2023 pour usage illicite de stupéfiant, ainsi que sur la circonstance qu'il a été interpellé le 29 juillet 2023 pour des faits de vol avec effraction, puis une nouvelle fois le 3 avril 2024 pour des faits de viol sur la mère de son enfant. Si M. B... soutient que la décision litigieuse méconnaît la présomption d'innocence et que ces derniers faits ne sont pas établis, aux motifs qu'il n'a pas été poursuivi, ni condamné, il ne conteste pas avoir été interpellé à raison de ces faits, ni avoir déclaré une fausse identité aux services de police à l'occasion de son interpellation pour vol. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Somme aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les condamnations pénales de M. B.... Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de la méconnaissance de la présomption d'innocence doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, M. B... soutient que l'arrêté en litige est entaché d'erreur de qualification juridique des faits et d'erreur de droit, dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Cependant, il ressort des motifs de l'arrêté litigieux du 13 mai 2024, tel que mentionnés au point 4, que le préfet a légalement pu considérer que le parcours pénal de M. B... et son comportement récents constituent une menace pour l'ordre public, sans entacher sa décision d'erreur de qualification juridique, ni d'erreur d'appréciation. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article L. 432-1 et de l'erreur de qualification juridique doivent être écartés.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 230-6 du code de procédure pénale : " Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel recueillies : 1° Au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant : a) Un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques / b) Une atteinte aux personnes, aux biens (...) ". L'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité dispose que : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers (...) ". Enfin, le I. de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale précise que : " Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'État ".
7. Si M. B... soutient, sans autre précision, que l'arrêté litigieux a été édicté sur la base de la consultation du fichier " traitement des antécédents judiciaires " sans saisine des services compétents, il résulte des dispositions précitées que l'autorité administrative peut, à l'occasion de la délivrance, du renouvellement ou du retrait de certains titres de séjour, procéder à des enquêtes administratives donnant lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel, au nombre desquels figure le traitement des antécédents judiciaires (TAJ). En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la fiche extraite le 9 juillet 2024 du TAJ concernant M. B... comporte en en-tête la mention " PREF 80 C... ". Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 13 mai 2024 a été édicté irrégulièrement doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Il est constant que M. B... est entré irrégulièrement en France en 2019 où il s'est maintenu depuis. Si l'intéressé fait valoir qu'il entretient une relation avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant le 28 juin 2022, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a jamais entretenu de vie commune avec la mère de son enfant et qu'il a été condamné le 7 septembre 2023 pour des faits de violence envers celle-ci. De plus, il n'est pas contesté qu'après avoir été confié à sa mère par le tribunal pour enfants C..., l'enfant du couple a depuis été confié en urgence au service de l'aide sociale à l'enfance le 28 juin 2023, que M. B... " peine à adopter un comportement adapté et à respecter les conditions fixées par le juge des enfants ", et que ce placement a été prolongé jusqu'au 31 janvier 2024, puis jusqu'au 31 janvier 2025. Par ailleurs, il résulte notamment des termes de l'avis de la commission du titre de séjour du 13 décembre 2023 que M. B..., qui ne maîtrise pas la langue française, entretien des relations " instables et fragiles dans un contexte de placement de l'enfant en famille d'accueil ". Enfin, il n'est pas davantage contesté que l'appelant dispose toujours d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans et où résident trois de ses frères et sœurs. Dans ces conditions, au regard de ce qui précède et de ce qui a été dit au point 4, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux du 13 mai 2024 méconnaît les stipulations précitées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 octobre 2024, le tribunal administratif C... a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Somme du 13 mai 2024.
S'agissant des frais de l'instance :
11. L'État n'étant pas la partie perdante, la somme demandée au titre des frais de l'instance ne peut être mise à sa charge. Au demeurant, M. B... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle au titre de la présente instance. Par suite, son avocat ne peut, dans tous les cas, se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Les conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetées.
Sur la requête n°24DA02377 :
12. Le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 2402206 du 10 octobre 2024 du tribunal administratif C..., la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement devient sans objet.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 24DA02377 de M. B....
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information sera adressée au préfet de la Somme et à Me Homehr.
Délibéré après l'audience du 27 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Borot, présidente de chambre,
- M. Thulard, premier conseiller,
- M. Vérisson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. Vérisson
La présidente,
Signé : G. Borot La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
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N°24DA02302, 24DA02377