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18/02/2025 | FRANCE | N°24DA02313

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 18 février 2025, 24DA02313


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... A... et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 avril 2024 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités

des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée (SAS) à asso

cié unique GAB France Retail.



Par un jugement n° 2406752 du 25 septembre 2024, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... A... et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 avril 2024 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités

des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée (SAS) à associé unique GAB France Retail.

Par un jugement n° 2406752 du 25 septembre 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2024 et un mémoire enregistré le 19 décembre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mmes C... A...

et F..., représentées par Me Rilov, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 30 avril 2024 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société GAB France Retail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 1233-57-4 du code du travail dès lors que : elle ne précise ni l'auteur, ni la date de la demande d'homologation du document unilatéral ; elle ne permet pas de s'assurer que l'administration a procédé au contrôle des points visés à l'article L. 1233-24-2 du code du travail relatifs au nombre d'emplois supprimés et aux catégories professionnelles concernées, à la pondération, au périmètre et aux critères d'ordre des licenciements, au caractère suffisant des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens de l'entreprise, au périmètre du groupe de reclassement retenu pour l'élaboration du plan et aux recherches de reclassement opérées par le liquidateur ainsi qu'à la consultation du comité social et économique (CSE) sur l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé et la sécurité des travailleurs et au respect de l'obligation de sécurité ;

- l'administration a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation en homologuant le document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi sans procéder au contrôle des différents points visés à l'article L. 1233-24-2 du code du travail ;

- le CSE a été consulté dans des conditions irrégulières dès lors que : investi d'une mission d'assistance et non de représentation, l'administrateur judiciaire n'avait ni le pouvoir de convoquer le CSE, ni de mener, en lieu et place de l'employeur, la procédure de licenciement collectif ; le CSE n'a pu se prononcer précisément sur l'opération envisagée et ses modalités d'application de même que sur le projet de licenciement collectif ; le comité n'a pas été régulièrement réuni en vue d'une information-consultation après le jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise ;

- les actes effectués par l'administrateur judiciaire étant irréguliers, ils sont réputés ne jamais avoir été accomplis au nom et pour le compte de la société GAB France Retail et ne sont pas opposables dans le cadre de la présente instance ;

- l'administrateur judiciaire n'a pas effectué de recherches sérieuses et loyales des possibilités de reclassement interne auprès de l'ensemble des sociétés du groupe ; de même, il n'a pas sollicité leur contribution financière au plan de sauvegarde de l'emploi ;

- l'administration n'a pas valablement contrôlé le périmètre du groupe de reclassement, la proportionnalité des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi aux moyens de l'entreprise et le respect par l'employeur de son obligation de sécurité ;

- l'ordonnance rendue le 2 mai 2024 par le juge commissaire autorisant les licenciements n'indique pas les catégories professionnelles concernées par les licenciements économiques, ne comporte qu'une liste de postes et ne lie donc pas l'administration, de sorte que le plan de sauvegarde de l'emploi devait préciser les catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement collectif, conformément aux dispositions du 4° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail ;

- le plan de sauvegarde de l'emploi ne comporte aucune identification et évaluation des risques présentés par la réorganisation pour la santé des salariés et ne mentionne aucune mesure de prévention relative à la santé et à la sécurité des intéressés ; en tout état de cause, aucune mesure de suivi de leur mise en œuvre n'est prévue ; en outre, le CSE n'a pas été précisément informé et consulté sur les éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs et les actions projetées pour les prévenir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2024, la société Axyme, prise en la personne de Me Demortier, liquidateur judiciaire de la société GAB France Retail, et la société 2M et associés, prise en la personne de Me Pace, administrateur judiciaire de la société GAB France Retail, représentées par Me Masson, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de chacune des appelantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par Mmes C... A... et F... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2024, la ministre du travail et de l'emploi conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mmes C... A... et F... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Ratinaud, représentant Mmes C... A...

et F..., de Me Masson, représentant la société Axyme, et de Mme D..., représentant la ministre du travail.

Considérant ce qui suit :

1. La société GAB France Retail, créée en 2015 et anciennement dénommée

Scotch et Soda Retail, a pour activité l'achat et la vente au détail de vêtements de la marque néerlandaise " Scotch et Soda ". Elle exploitait une vingtaine d'établissements situés en France métropolitaine. Par un jugement du 2 novembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société GAB France Retail et l'a placée en période d'observation pour une période de six mois. Ce tribunal a désigné la société Axyme prise en la personne de Me Dumortier en qualité de mandataire judiciaire et la société 2M et associés, prise en la personne de Me Pace, en qualité d'administrateur judiciaire. Durant cette période, la direction de la société GAB France Retail, assistée de l'administrateur judiciaire, a déposé, le 3 avril 2024, auprès de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts de France une demande d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la société, prévoyant le licenciement pour motif économique de vingt-cinq salariés. Le directeur régional de la DREETS des Hauts-de-France a homologué ce document le 30 avril 2024. Mmes C... A... et F..., qui font partie des salariés licenciés, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler cette décision. Elles relèvent appel du jugement du 25 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il résulte des septième, huitième et neuvième alinéas du II de l'article L. 1233-58 du code du travail que, pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation judiciaire, le législateur a attaché à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des effets qui diffèrent selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen. Par suite, lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui est en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer sur les moyens autres que celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, en réservant, à ce stade, un tel moyen. Lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit ensuite se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, lorsqu'il est soulevé.

En ce qui concerne les moyens se rapportant à la légalité interne de la décision contestée :

S'agissant de la régularité de la mise en œuvre du plan de licenciement par l'administrateur judicaire :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 631-12 du code de commerce : " Outre les pouvoirs qui leur sont conférés par le présent titre, la mission du ou des administrateurs est fixée par le tribunal. / Ce dernier les charge ensemble ou séparément d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux, ou d'assurer seuls, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise. (...). / A tout moment, le tribunal peut modifier la mission de l'administrateur sur la demande de celui-ci, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office. / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. - En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : (...) / 3° L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés (...) / II. - Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, (...) le document mentionné à

l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7 (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail qu'en l'absence d'accord collectif, l'autorité administrative ne peut homologuer le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L.1233-24-4 qu'après avoir vérifié, notamment, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique. Aux termes de l'article L. 1233-30 du même code : " I. - Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par son jugement du 2 novembre 2023 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société GAB France Retail, le tribunal de commerce de Paris a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-12 du code de commerce, désigné la société 2M et Associés, prise en la personne de Me Pace, comme administrateur judiciaire, et lui a donné pour mission d'assister la société débitrice pour tous les actes relatifs à la gestion sans prévoir de restriction. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il ressort des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire ainsi désigné n'a pas signé les convocations aux réunions tenues par le comité social et économique (CSE) les 2, 9 et 24 avril 2024, qui ont été signées par la directrice des ressources humaines de la société, assurant la présidence du CSE. Il ressort de ces convocations que l'administrateur judiciaire et le secrétaire de ce comité ont uniquement co-signé les ordres du jour annexés à la convocation. En outre, l'administrateur judiciaire, dont aucune pièce n'établit qu'il aurait présidé les réunions du CSE, n'a pas excédé sa mission qui consistait à rechercher puis proposer des solutions pour assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise durant la période d'observation. Enfin, dès lors que la mission confiée par le jugement du tribunal de commerce à l'administrateur judiciaire durant la période d'observation ne comportait aucune restriction, celui-ci n'a pas excédé le périmètre de sa compétence en initiant la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

S'agissant de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

6. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point 4 ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie, en cas de redressement judiciaire, par l'administrateur, d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du CSE a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au CSE, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

7. En premier lieu, il découle de ce qui a été dit au point 5 en ce qui concerne la contribution de l'administrateur judiciaire à la préparation, à l'organisation et au déroulement des réunions extraordinaires du CSE, que les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que ce comité aurait été convoqué et consulté dans des conditions irrégulières.

8. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 2312-8 du code du travail : " Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise (...) ". Aux termes de l'article L. 2312-53 du même code : " Le comité social et économique est informé et consulté : / 1° Avant le dépôt au greffe d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; / 2° Lors d'une procédure de sauvegarde, dans les situations prévues aux articles L. 623-3 et L. 626-8 du code de commerce ; / 3° Lors d'une procédure de redressement judiciaire, dans les situations et conditions prévues aux articles L. 631-17, L. 631-18, L. 631-19 et L. 631-22 du code de commerce ; / 4° Lors d'une procédure de liquidation judiciaire, dans les situations et conditions prévues au I de l'article L. 641-1, à l'article L. 641-4, au troisième alinéa de l'article L. 641-10, aux premier et avant-dernier alinéas de l'article L. 642-5 et au deuxième alinéa de l'article L. 642-9 du code de commerce. / En cas de licenciements économiques prononcés dans les cas prévus aux 3° et 4°, le comité est réuni et consulté dans les conditions prévues à l'article L.1233-58 du présent code ".

9. Il ne résulte d'aucun texte qu'il appartiendrait à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail lorsque l'entreprise a été placée en redressement judiciaire, de s'assurer que le CSE a été régulièrement informé et consulté en application, d'une part, des articles L. 2312-8

et L. 2312-53 du même code, et, d'autre part, des dispositions du code de commerce mentionnées par ce second article, notamment les articles L. 641-4 et L. 642-5 du code de commerce. Les appelantes ne peuvent donc utilement soutenir que la décision d'homologation qu'elles attaquent est illégale au motif que l'administration n'aurait pas exercé un tel contrôle à la suite du jugement du 20 juin 2024 du tribunal de commerce de Paris prononçant la liquidation judiciaire de la société GAB France Retail, ce jugement étant au demeurant postérieur à la décision contestée du 30 avril 2024 homologuant le document unilatéral.

10. En troisième lieu, si les appelantes soutiennent que les représentants du personnel n'ont pu se prononcer précisément sur l'opération projetée et rendre un avis éclairé compte tenu des informations qui leur ont été communiquées par l'administrateur judiciaire, elles n'apportent aucune précision au soutien de leurs affirmations alors qu'il ressort des pièces du dossier que les membres du CSE ont été informés et consultés au cours de quatre réunions, entre le 25 mars et le 24 avril 2024. Les procès-verbaux de ces réunions, qui font état des informations et documents relatifs à la mise en œuvre de la procédure de licenciement collectif portés à la connaissance des membres du CSE, établissent que ce dernier a été mis à même de rendre son avis en toute connaissance de cause dans des conditions insusceptibles d'avoir faussé sa consultation.

11. En dernier lieu, il ressort de l'ordre du jour de la convocation à la réunion du CSE du 12 mars 2024 et du procès-verbal de cette séance que les membres de ce comité ont été régulièrement informés et consultés sur les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail et de prévention des risques psycho-sociaux.

12. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés du caractère irrégulier de la procédure de consultation du CSE et du manquement reproché à l'administration dans l'exercice de son contrôle sur ce point ne peuvent qu'être écartés.

S'agissant des moyens tirés de l'inexactitude du périmètre du groupe :

13. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, (...) le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L 6321-1. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71 ". Aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du même code : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise ".

14. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, d'une part, que l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation. En revanche, à ce stade de la procédure, il n'appartient pas à l'administration de contrôler le respect de l'obligation qui, en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, incombe à l'employeur qui projette de licencier un salarié pour motif économique, consistant à procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement de ce salarié, qu'ils soient ou non prévus au plan de sauvegarde de l'emploi, en vue d'éviter autant que de possible ce licenciement. Il en va ainsi même lorsque le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde d'emploi comporte des garanties relatives à la mise en œuvre de l'obligation, prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail, de recherche sérieuse de reclassement individuel. Au demeurant, de telles garanties, dont les salariés pourront, le cas échéant, se prévaloir pour contester leur licenciement, ne sont pas de nature à dispenser l'employeur de respecter, dans toute son étendue, l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail.

15. En premier lieu, le groupe s'entend, ainsi qu'il est dit au deuxième alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail, de l'ensemble constitué par les entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Aux termes de l'article L. 233-3 du code de commerce : " I- Toute personne physique ou morale est considérée pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : 1° lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant une majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société, 2° lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; 3° lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; 4°lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. II - Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne ".

16. Il ressort de l'organigramme figurant dans le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, que la société GAB France Retail est une filiale à 100 % de la société GAB Contrôle Holding NV, ayant son siège social en Belgique. Cet organigramme fait apparaître que cette holding détient 100 % du capital de cinq autres sociétés, à savoir les sociétés GAB France, GAB Italy, GAB International NV, Groep Alain Broekaert NV

et Albro NV. Il ressort des pièces du dossier que par des courriers distincts datés du 4 avril 2024, l'administrateur judiciaire a sollicité la société GAB Contrôle Holding NV et chacune des cinq sociétés précitées, en vue de rechercher des postes de reclassement pour les salariés de la société GAB France Retail et leur a demandé de lui faire part des moyens que le groupe et les entreprises seraient à même de mettre en place dans le cadre des mesures d'accompagnement afin de limiter les conséquences de la mesure de restructuration envisagée et de faciliter le retour à l'emploi des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. Par d'autres courriers datés du même jour, formulés en des termes identiques, l'administrateur a par ailleurs sollicité six autres sociétés, dénommées GAB Management, Alto NV, GAB 86 BV, GAB Luxury NV, GAB Netherlands BV et Sweet Cotton NV, implantées à l'étranger et n'apparaissant pas dans l'organigramme précité. Si les appelantes soutiennent qu'en limitant ses investigations aux sociétés destinataires des courriers précités, l'administrateur n'a pas procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement au sein du groupe, elles n'apportent pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments permettant d'établir que d'autres sociétés implantées en France ou à l'étranger susceptibles d'abonder financièrement le plan ou de proposer un reclassement auraient pu être sollicitées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait inexactement apprécié le périmètre du groupe tant pour le reclassement des salariés de l'entreprise que pour l'abondement financier du plan de sauvegarde de l'emploi doit être écarté.

17. En deuxième lieu, si les lettres adressées à chacune des sociétés précitées pour solliciter leur participation au reclassement des salariés de la société GAB France Retail ne comportent pas en annexe la liste individualisée de tous les salariés concernés par un éventuel licenciement mentionnant l'intitulé et la classification des emplois supprimés, la nature de leur contrat de travail ainsi que leur statut et leur coefficient de classification, il résulte de ce qui a été dit au point 14 qu'à ce stade de la procédure, il n'appartient pas à l'administration de contrôler le respect de l'obligation qui incombe à l'employeur projetant de licencier un salarié pour motif économique, et qui consiste à procéder, préalablement à ce licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement de ce salarié.

18. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note économique remise aux membres du CSE et du bilan économique, social et environnemental rédigé par l'administrateur judiciaire ainsi que du jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 novembre 2023, que la société GAB France Retail, en redressement judiciaire, présentait un passif exigible d'un peu plus de 2,3 millions d'euros pour un actif disponible de l'ordre de 100 000 euros. Alors que les sociétés du groupe ont refusé d'abonder le financement du plan de sauvegarde de l'entreprise, ce document prévoit un budget global de 37 500 euros. Une enveloppe de 7 500 euros est réservée à des aides à la création ou à la reprise d'entreprise et une enveloppe de 30 000 euros est prévue au titre de la formation professionnelle, incluant une allocation de 1 200 euros par salarié pour les formations d'adaptation et de 2 000 euros pour les formations qualifiantes et/ou de réorientation professionnelle. En outre, une prise en charge des frais annexes à la formation, à la création d'entreprise et à la mobilité géographique est prévue par l'assurance de garantie des salaires (AGS). Enfin, le plan de sauvegarde prévoit la mise en place d'une cellule d'appui à la sécurisation professionnelle ainsi que, conformément à

l'article L. 1233-57-3 du code du travail, le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 de ce code. L'administration, à qui il incombait seulement d'apprécier le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens dont dispose l'entreprise, a ainsi pris en compte l'ensemble des éléments précités.

19. Dans ces conditions, prises dans leur ensemble, les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, sont propres à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés mentionnés aux articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail, compte tenu des seuls moyens dont disposait la société GAB France Retail à la date de la décision litigieuse. Par suite, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi était insuffisant au regard des moyens de l'entreprise, ni que l'administration n'a pas correctement exercé son contrôle sur ce point. Ces moyens doivent donc être écartés.

S'agissant des catégories professionnelles :

20. Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233 63. / Il peut également porter sur : (...) 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées (...) ".

21. En vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec le CSE au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

22. Le document unilatéral de la société GAB France Retail distingue dix catégories professionnelles d'acheteur ou acheteuse Retail Femme et Enfants, d'adjoint ou adjointe responsable boutique, d'area manager Retail, de conseiller ou conseillère de vente, de démonstrateur ou démonstratrice de vente, de Field VM, de responsable boutique, de responsable Corner, de responsable ressources humaines, et de Retail project manager. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que l'ont apprécié les premiers juges, que ces catégories, qui correspondent à des typologies d'emplois occupés par les salariés répartis dans les différents établissements de la société GAB France Retail, auraient été déterminées sur le fondement de considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper les salariés par fonctions de même nature ou sans tenir compte des acquis de l'expérience professionnelle, ni que le choix des catégories professionnelles aurait eu pour but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression était recherchée. En se bornant à faire valoir, comme elles le faisaient déjà devant le tribunal, que cette répartition des emplois ne correspondrait qu'à une liste d'emplois, les appelantes ne font état d'aucun élément permettant d'établir une méconnaissance, par le document unilatéral, des critères de fixation des catégories professionnelles au sens des dispositions précitées du code du travail. Par suite, le moyen tiré de manquements dans la détermination des catégories professionnelles ne peut qu'être écarté, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif de Lille qui, pour répondre sur ce point, ne s'est pas limité à relever l'absence d' observation de la part des représentants du personnel.

S'agissant du respect par l'employeur de ses obligations de sécurité :

23. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".

24. Il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, des débats qui se sont déroulés au sein du CSE, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.

25. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'ordre du jour et des procès-verbaux des séances du CSE des 9 et 24 avril 2024, que cet organisme a bénéficié de l'information et de la consultation requises sur les conséquences du projet de réorganisation sur les conditions de travail, la santé et la sécurité des salariés. A cet égard, les mesures envisagées ont été présentées aux membres du CSE et notamment, la mise en place d'une cellule d'écoute psychologique auprès d'un cabinet spécialisé. Au cours de ces réunions, les membres du CSE ont par ailleurs été informés de la mise à jour du document unique d'évaluation des risques psychosociaux (DUERP), tenant compte en particulier des conséquences, sur la santé mentale des salariés, du contexte de réorganisation et de fermeture de magasins, source d'inquiétudes et d'interrogations sur la sécurité de leur emploi et leur avenir professionnel.

26. En second lieu, la mise en place de mesures précises et concrètes prévoyant l'information et l'accompagnement des salariés a été organisée, consistant en des mesures de prévention telles que la mise en place d'un système d'alerte individuelle permettant à chaque salarié de saisir les représentants du personnel, en charge d'orienter les demandes d'écoute vers les professionnels de santé, ou le médecin du travail, d'une foire aux questions en lien avec le CSE, et d'un accès à une équipe médicale ou sociale à distance, avec en particulier la possibilité de contacter une plateforme d'écoute et de soutien psychologique auprès d'un cabinet spécialisé mettant à disposition un numéro vert dédié et des consultations illimitées. Dans ces conditions, les mesures contenues dans le document unilatéral, qui ont été contrôlées par l'autorité administrative comme cela ressort des motifs de la décision contestée, étaient suffisantes pour assurer le respect des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail.

S'agissant du moyen tiré d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation :

27. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit précédemment, que l'administration aurait omis de procéder au contrôle des différents points visés à l'article L. 1233-24-2 du code du travail. Par suite, les moyens tirés de ce qu'elle aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en homologuant le document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi doivent être écartés.

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée :

28. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée (...) ".

29. Il résulte des dispositions précitées que la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen.

30. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

31. D'une part, si la décision d'homologation du document unilatéral relatif au projet de licenciement économique collectif de la société GAB France Retail ne comporte aucune mention de l'auteur et de la date de la demande, cette omission formelle n'est pas de nature à caractériser un défaut de motivation.

32. D'autre part, la décision d'homologation contestée vise les dispositions applicables du code du travail, notamment celles relatives aux licenciements économiques dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire et à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi. Après avoir rappelé le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire avec une période d'observation de six mois, la décision contestée précise ensuite les différentes phases de la procédure ayant conduit à l'élaboration du document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi. La décision rappelle que trois réunions du CSE se sont tenues du 2 au 24 avril 2024, à l'occasion desquelles ses membres ont reçu les informations et documents nécessaires, leur permettant d'émettre un avis sur le projet de réorganisation de la société, ses conséquences sur les conditions de travail des salariés et le projet de licenciement collectif et les conséquences de l'opération en matière de santé et de sécurité des salariés. Elle mentionne ainsi l'ensemble des éléments de fait relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation du CSE. Elle mentionne également que le document unilatéral soumis à homologation prévoit le calendrier prévisionnel de la procédure et des licenciements, la suppression de vingt-cinq emplois et les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre de ces licenciements et les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement. Elle indique les diligences accomplies par l'administrateur judiciaire auprès des sociétés composant le groupe en ce qui concerne les possibilités de reclassement et leur participation au financement du plan de sauvegarde. Cette décision décrit ensuite avec suffisamment de précision les mesures de reclassement externe prévues par le document unilatéral. Elle mentionne l'existence de mesures visant à préserver la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés, dont elle dresse la liste en précisant qu'elles sont suffisantes au regard des dispositions de

l'article L. 4121-1 du code du travail. Enfin, elle mentionne que le plan de sauvegarde de l'emploi est suffisant au regard de la situation et des moyens de l'entreprise et qu'il est donc conforme aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail. L'administration, qui n'avait pas à prendre explicitement parti dans sa décision sur tous les éléments qu'il lui incombait de contrôler, en ce qui concerne notamment le nombre d'emplois supprimés, les catégories professionnelles concernées et les critères d'ordre des licenciements, a ainsi fait apparaître dans sa décision les éléments essentiels de son examen. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail doit être écarté.

33. Il résulte de tout ce qui précède que Mmes C... A... et F... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mmes C... A... et F... demandent le versement au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de Mmes C... A...

et F... la somme dont les sociétés Axyme et 2M et Associés demandent le versement sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mmes C... A... et F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Axyme, mandataire liquidateur judiciaire de la société GAB France Retail, et de la société 2M et Associés, administrateur judiciaire de la société GAB France Retail, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A..., première dénommée dans la requête, à la société Axyme, prise en la personne de Me Demortier, mandataire liquidateur judiciaire de la société GAB France Retail, première dénommée dans le mémoire en défense, et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressée à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2025.

Le rapporteur,

Signé : F. MalfoyLe président de la formation de jugement,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 24DA012613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02313
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Guerin-Lebacq
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP RILOV

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-18;24da02313 ?
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