Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiante, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2303219 du 24 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 mars 2023 et a enjoint au préfet du Nord de délivrer un titre de séjour à Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2023, le préfet du Nord, représenté par Me Cano, demande à la cour d'annuler ce jugement du 24 juillet 2023 et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- Mme A... ne justifie pas du caractère sérieux de ses études dès lors qu'elle a été ajournée au terme de l'année universitaire 2017-2018, qu'elle s'est réorientée au titre de l'année 2018-2019, qu'elle a été ajournée au terme des années 2019-2020 et 2020-2021, qu'elle a été déclarée défaillante au terme de l'année 2021-2022 et qu'elle s'est à nouveau réorientée en 2022-2023 ;
- les moyens soulevés par Mme A... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Clément, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle justifie du caractère réel et sérieux de ses études ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité entachant le refus de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention précitée.
Par une décision du 26 septembre 2023, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu à Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 2 janvier 1995, est entrée sur le territoire français le 1er septembre 2016, sous couvert d'un visa de long séjour délivré par les autorités consulaires françaises et lui accordant le droit au séjour en qualité d'étudiante pour la période du 22 août 2016 au 22 août 2017. Mme A..., qui a obtenu le renouvellement de son titre de séjour à plusieurs reprises, en a sollicité le renouvellement, en dernier lieu, le 10 février 2022. Par un arrêté du 9 mars 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 24 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, d'apprécier, à partir de l'ensemble du dossier et sous le contrôle du juge, si l'étranger peut raisonnablement être regardé comme poursuivant effectivement et sérieusement des études.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui a obtenu un master 1 en droit des affaires au terme de l'année universitaire 2016-2017, a été ajournée l'année suivante à l'issue de la formation en master 2 en droit fiscal de l'entreprise. Toutefois, il n'est pas contesté que, inscrite en master 2 en droit des affaires au titre de l'année 2018-2019, elle a obtenu ce diplôme avec la mention assez-bien. Contrairement à ce que soutient le préfet du Nord, Mme A... justifie avoir également obtenu son diplôme en fiscalité et comptabilité au terme de l'année universitaire 2019-2020, avec la mention assez-bien. Mme A..., qui a échoué à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats au titre de l'année 2021, explique son absence de présentation aux épreuves prévues pour l'année 2022 par le souhait de se préparer plus longuement à cet examen sélectif, auquel il n'est possible de se présenter que trois fois, tout en se spécialisant en droit fiscal. A cet égard, elle s'est inscrite en master 2 de droit fiscal des affaires et fiscalité appliquée au titre de l'année 2022-2023 et a conclu, le 3 novembre 2022, un contrat de professionnalisation en alternance, comme fiscaliste, au sein de la société Lefebvre Dalloz Services. Les relevés de notes se rapportant à cette formation et les attestations de ses professeurs justifient de son assiduité et de ses bons résultats. Dans ces conditions, en dépit de l'absence de résultats en 2021 et 2022, Mme A... justifie, à la date de l'arrêté contesté, du caractère réel et sérieux de ses études dont les réorientations relevées par le préfet du Nord s'inscrivent toujours dans le domaine juridique et ne sont pas incohérentes.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 9 mars 2023.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Clément, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Clément une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Ségolène Clément.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
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N° 23DA01687