Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et Mme H... D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen :
- d'annuler le permis n° PC 76575 21 00047 de construire un garage et une clôture délivré par le maire de Saint-Etienne du Rouvray à M. E... A... ;
- de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne du Rouvray une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2201441 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2023, M. B... D... et Mme H... D..., représentés par Me Hervé Suxe, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler le permis de construire un garage et une clôture délivré par le maire de Saint-Etienne du Rouvray à M. E... A... ;
3°) de rejeter les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L.600-5-1 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne du Rouvray la somme de 2 500 euros, au titre de la première instance, et la somme de 3 500 euros, au titre de l'instance d'appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne détaille pas les raisons architecturales qui ont conduit à l'application de la dérogation posée par l'article UBA1 4.1.6 " clôtures " du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la métropole de Rouen Normandie ;
- le projet ne respecte pas l'article UBA1 4.1.6 du règlement du PLUi, dès lors qu'il envisage la création d'un mur prolongeant le garage d'une longueur de 2,40 mètres et d'une hauteur de 2,70 mètres ; la dérogation consentie à cette règle n'est pas justifiée par une adaptation au contexte urbain pour des raisons architecturales ; la clôture réalisée en mur plein n'est pas en harmonie avec les clôtures avoisinantes qui sont ouvertes, grillagées ou végétalisées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2024, Mme G... F... épouse A... et M. E... A..., représentés par Me Olivier Coté, demandent à la cour, par la voie de l'appel incident :
- de rejeter la requête ;
- de confirmer le jugement ;
- à titre subsidiaire, d'annuler seulement partiellement le permis de construire en application de l'article L600-5 du code de l'urbanisme ;
- de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 2 500 euros à leur payer en appel, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen de la requête n'est pas fondé ;
- ils n'ont pas donné suite au permis de réaliser une clôture en mur plein ;
- le permis ne peut être annulé que partiellement en ce qui concerne l'édification de la seule clôture.
Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2024 et des mémoires de production de pièces enregistrés les 17 juin 2024 et 9 janvier 2025, la commune de Saint-Etienne du Rouvray, représentée par Me Quentin André, demande à la cour, par la voie de l'appel incident :
- de rejeter la requête ;
- à titre subsidiaire, d'annuler le permis en tant seulement qu'il autorise le prolongement du mur du garage sur une longueur de 2,40 mètres et sur une hauteur de 2,70 mètres ;
- de mettre à la charge de M. et Mme D... le versement à son profit de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, d'une part, faute d'intérêt à agir des requérants qui ne justifient pas de leur droit de propriété sur la maison voisine du projet, en méconnaissance de l'article R.600-4 du code de l'urbanisme, d'autre part, faute de justification de ce que la copie du recours gracieux était jointe à la notification de ce recours le 7 janvier 2022 et de ce que cette notification a été dûment réceptionnée ;
- le moyen de la requête n'est pas fondé ;
- le mur de clôture en litige n'a pas été réalisé ;
- le permis ne peut être annulé que partiellement en ce qui concerne l'édification de la seule clôture.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- et les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Saint-Etienne du Rouvray a délivré à M. E... A... un permis de construire un garage et une clôture en limite de propriété sur un terrain cadastré BV273 situé 49 rue Paul Bert sur le territoire de la commune (76800). Cet arrêté non daté a été notifié le 23 juillet 2021 au pétitionnaire qui l'a affiché sur son terrain le 24 novembre 2021. M. et Mme D..., qui soutiennent être propriétaires de la maison voisine située 2 rue Guy de Maupassant, ont formé en vain un recours gracieux pour obtenir le retrait de ce permis, puis en ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Rouen. Par la présente requête, ils interjettent appel du jugement n°2201441 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité et d'intérêt à agir de M. et Mme D... :
2. Alors que dans son mémoire en défense de première instance, la commune indiquait expressément ne pas contester la qualité et l'intérêt à agir des demandeurs, elle oppose pour la première fois en appel une fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité et d'intérêt à agir des requérants au motif qu'ils ne justifient pas de leur droit de propriété sur la maison voisine du projet.
3. Aux termes de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété (...) ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) ". Aux termes de l'article L.600-1-2 du même code : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...). ".
4. Aux termes de l'article 815-2 du code civil : " Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. (...) Lorsque des biens indivis sont grevés d'un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l'usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations. ". Aux termes de l'article 815-3 du même code : " Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : / 1º Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; / 2º Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ; / 3º Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; / 4º Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. / Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. / Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3º. / Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux. ".
5. L'indivisaire qui poursuit l'annulation d'un permis de construire délivré à un tiers pour l'édification d'une construction à proximité du bien immobilier dont il est nu-propriétaire indivis exerce une action personnelle, étrangère aux actes d'administration et de disposition visés à l'article 815-3 du code civil, pour lesquels le consentement des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis est requis.
6. En l'espèce, il ressort de l'attestation du 9 septembre 2019 établie par un notaire de Rouen qu'à la suite du décès de Mme I... C... demeurant 2 rue Guy de Maupassant à Saint-Etienne-du-Rouvray, ses trois enfants, dont les deux requérants, ont hérité ses biens, chacun pour un tiers en pleine-propriété. Cependant, cette attestation se borne à établir la dévolution successorale de leur mère décédée, sans préciser les biens concernés et sans établir formellement que Mme C... était propriétaire de la maison située au 2 rue Guy de Maupassant à Saint-Etienne du Rouvray et qu'ils en ont hérité. Les requérants ne produisent aucune autre pièce pour justifier détenir ou occuper régulièrement cette maison et n'ont pas répliqué à la fin de non-recevoir opposée par la commune.
7. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Etienne du Rouvray et tirée de l'absence de qualité et d'intérêt à agir de M. et Mme D... doit être accueillie. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de non-recevoir, l'ensemble de leurs conclusions, présentées tant en première instance qu'en appel, doivent être rejetées.
8. Il s'ensuit que M. et Mme D... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire attaqué et à la mise à la charge de la commune de Saint-Etienne du Rouvray d'une somme destinée à couvrir les frais exposés par eux en première instance et non compris dans les dépens.
9. Dès lors que le sort de l'appel incident est lié à celui de l'appel principal, il y a également lieu de rejeter les appels incidents formés par la commune de Saint-Etienne du Rouvray, de Mme F... épouse A... et de M. A... tendant, à titre subsidiaire, à ce que la cour prononce l'annulation partielle du permis attaqué.
Sur les frais liés à l'instance d'appel :
10. Dans les circonstances de l'appel, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, d'une part, par Mme G... F... épouse A... et M. E... A..., d'autre part, par la commune de Saint-Etienne du Rouvray au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée
Article 2 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident et en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative par la commune de Saint-Etienne du Rouvray et par Mme G... F... épouse A... et M. E... A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à Mme H... D..., à Mme G... F... épouse A... et à M. E... A... et à la commune de Saint-Etienne du Rouvray.
Délibéré après l'audience publique du 23 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°23DA02308 2