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06/02/2025 | FRANCE | N°23DA00268

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 06 février 2025, 23DA00268


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen :



1°) d'annuler les décisions de rejet opposées, explicitement par le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine le 23 décembre 2019 et implicitement par le préfet de l'Eure, à leurs demandes indemnitaires préalables, adressées le 29 octobre 2019 ;



2°) de condamner le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS) et l'Etat à leur verser conjointement, en réparation de leur

s préjudices moraux et de jouissance et des troubles dans leurs conditions d'existence, la somme de 500 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler les décisions de rejet opposées, explicitement par le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine le 23 décembre 2019 et implicitement par le préfet de l'Eure, à leurs demandes indemnitaires préalables, adressées le 29 octobre 2019 ;

2°) de condamner le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS) et l'Etat à leur verser conjointement, en réparation de leurs préjudices moraux et de jouissance et des troubles dans leurs conditions d'existence, la somme de 500 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 29 octobre 2019, ainsi que d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS) et l'Etat à leur verser conjointement, en réparation de leurs préjudices matériels, la somme de 1 500 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 29 octobre 2019, ainsi que d'ordonner la capitalisation des intérêts ou, à titre subsidiaire, de condamner le GPFMAS et l'Etat à réaliser les travaux nécessaires à la préservation des berges de B... au droit de leur propriété ;

4°) de mettre à la charge du GPFMAS et de l'Etat une somme de 6 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2000638 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande et les a condamnés à verser la somme de 1 000 euros au GPFMAS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 février 2023, 2 novembre 2023 et 2 janvier 2024, M. et Mme C..., représentés par Me Scanvic, doivent être regardés comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2022 ;

2°) de condamner le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS) et l'Etat à leur verser conjointement, en réparation de leurs préjudices moraux et de jouissance et des troubles dans leurs conditions d'existence, la somme de 500 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 29 octobre 2019, ainsi que d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS) et l'Etat à leur verser conjointement, en réparation de leurs préjudices matériels, la somme de 1 500 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 29 octobre 2019, ainsi que d'ordonner la capitalisation des intérêts ou, à titre subsidiaire, de condamner le GPFMAS et l'Etat à réaliser les travaux nécessaires à la préservation des berges de B... au droit de leur propriété ;

4°) de mettre à la charge du GPFMAS et de l'Etat une somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête d'appel est recevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, contrairement à ce que soutient en défense le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS) ;

- le jugement attaqué est irrégulier du fait de son défaut de motivation ;

- l'érosion des berges au droit de leur propriété est causée par le batillage provoqué par le passage des bateaux les plus importants. Ce phénomène a été amplifié par le surcroît de trafic rendu possible par les travaux autorisés par l'arrêté inter-préfectoral du 30 novembre 2011. Il en résulte que la responsabilité sans faute du GPFMAS et de l'Etat est engagée en raison de l'activité portuaire le long de B... ;

- l'Etat n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions des articles L. 215-14 et 215-15 du code de l'environnement dès lors que l'érosion en cause n'est pas naturelle et que des travaux limités à leur parcelle seraient inefficaces dès lors que l'effet de batillage s'exerce latéralement ;

- l'exception pour risque accepté ne peut leur être opposée dès lors qu'ils n'avaient pas dès 2007 une connaissance précise et complète du risque d'érosion de leur parcelle car existait alors un mur de soutènement construit par les précédents propriétaires et qui semblait de nature à les protéger de la réalisation de ce risque. Par ailleurs, la réalisation d'un mur similaire sur la parcelle voisine aurait suffi à préserver leur parcelle du risque d'érosion qui s'est réalisé. Enfin, ce n'est qu'après l'acquisition de leur terrain qu'ils ont été informés du projet du port de Rouen d'agrandir le chenal de navigation pour permettre la navigation de navires plus importants ;

- de nombreuses promesses leur ont été faites par l'Etat et l'autorité gestionnaire du port de Rouen, consistant en la réalisation prochaine de confortement des berges de B... au droit de leur propriété. La responsabilité de l'administration doit ainsi être engagée sur le fondement d'une faute pour promesses non-tenues. L'existence de telles promesses résultent de l'engagement d'études et par la mention de la réhabilitation de l'intégrité physique des berges dans des documents de planification tels que le contrat de plan Etat-Région 2007-2013, le schéma global d'aménagement durable de B... aval ou le contrat de projets inter-régional conclu entre l'Etat et six régions pour la période 2007-2013 ;

- l'absence de réalisation de tout travaux de confortement des berges au droit de leur propriété traduit une méconnaissance de l'article 5 de l'arrêté inter-préfectoral du 30 novembre 2011 justifiant l'engagement de la responsabilité de l'administration sur le fondement d'une carence fautive ;

- il sera fait une juste appréciation de leur préjudice moral, d'angoisse et d'inquiétude, ainsi que des troubles dans leurs conditions d'existence, en les fixant à 300 000 euros au titre de leur crainte de perdre leur bien et à 200 000 euros au titre des démarches qu'ils ont été conduits à engager ;

- il sera fait une juste appréciation de leur préjudice matériel en le fixant à la somme de 1 500 000 euros, en retenant un coût total des travaux d'enrochement en pied de falaise de 5 200 000 euros sur la base du rapport d'Artelia de 2013, puis en actualisant ce montant à 5 535 000 euros et, enfin, en tenant compte d'une quote-part correspondant à la longueur de leur parcelle relativement à l'ensemble du linéaire concerné ;

- à titre subsidiaire, il est loisible à la cour de condamner le port de Rouen à réaliser les travaux d'enrochement en pied de falaise nécessaires.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 octobre 2023 et 24 janvier 2024, le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS), représenté par Me Sery, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel de M. et Mme C... est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- en toute hypothèse, le jugement attaqué est motivé et par suite régulier ;

- en ce qui concerne son bien-fondé, sa responsabilité sans faute ne peut être engagée en l'absence d'ouvrage public dont elle aurait la charge à proximité de la propriété des appelants, en l'absence de préjudice grave et spécial et compte tenu du fait que les appelants se sont exposés en connaissance de cause au risque d'érosion dont la réalisation a causé les dommages dont ils demandent réparation ;

- il n'a enfin commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'il n'a pas pris à l'égard de M. et Mme C... d'engagement précis de nature à déclencher sa responsabilité pour promesse non tenue. Par ailleurs, l'article 5 de l'arrêté inter-préfectoral du 30 novembre 2011 ne met aucune obligation à sa charge. Seule la responsabilité de l'Etat pourrait le cas échéant être engagée sur le fondement de sa carence fautive à exécuter cet arrêté. Enfin, les appelants ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre une prétendue carence fautive et les préjudices dont il sollicite l'indemnisation ;

- en toute hypothèse, les appelants ne démontrent pas l'existence ni a fortiori l'étendue de leurs préjudices.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les travaux autorisés par l'arrêté du 30 novembre 2011 avaient pour objectif d'améliorer les accès au port de Rouen en maintenant l'accès du chenal de navigation du port et en en arasant les points hauts. Ils visaient à tenir compte de la réalité du trafic fluvial, caractérisé par un accroissement antérieur des tirants d'eau des navires, sans augmenter en tant que tel le gabarit du chenal de navigation ni intensifier le trafic fluvial. Il en résulte que ces travaux ne sont pas de nature à justifier l'indemnisation des appelants en qualité de tiers à l'ouvrage public constitué par ce port ;

- par ailleurs, l'érosion des berges à Vieux-Port est causée par des phénomènes naturels, étant précisé que la lutte contre un tel phénomène ne relève pas des obligations relatives à l'entretien d'un cours d'eau domanial par la personne publique qui en est la propriétaire, conformément aux dispositions des articles L. 215-14 et 215-15 du code de l'environnement qui leur sont applicables en vertu de l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- il y a lieu en l'espèce de retenir une exception de risque accepté par M. et Mme C... ;

- l'Etat n'a pris aucun engagement ferme de réaliser des travaux auprès des appelants,

- l'article 5 de l'arrêté inter-préfectoral du 30 novembre 2011 n'imposait pas la réalisation de travaux au droit de la propriété des appelants et aucune carence fautive ne peut être reprochée à l'Etat, qui a mis en œuvre les mesures que cet acte prévoyait ;

- aucune indemnisation n'est due aux appelants en l'absence de lien direct et certain entre les préjudices invoqués et une faute de l'Etat ou le fonctionnement du port de Rouen ;

- l'existence des préjudices invoqués par les appelants n'est pas établie ;

- il y a lieu à tout le moins de ramener leurs prétentions indemnitaires à de plus justes proportions ;

- la cour ne pourra en toute hypothèse condamner l'Etat à réaliser des travaux dès lors que l'entretien et la restauration des berges des cours d'eaux contre l'action érosive des eaux relèvent des propriétaires riverains.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement,

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Scanvic, représentant M. et Mme C..., et D..., représentant le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont acquis, en mars 2007, une propriété cadastrée section AC n°52 qui est située sur les bords de Seine à Vieux-Port (Eure). Il résulte de l'instruction que cette parcelle est touchée par un phénomène d'érosion des berges de B... ayant conduit à un recul de la falaise de l'ordre de 8 à 10 mètres entre le milieu des années 1970 et l'année 2004, date à laquelle a été réalisée une première étude à ce sujet par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Le 29 octobre 2019, M. et Mme C... ont adressé au préfet de l'Eure et au Grand port maritime de Rouen (GPMR), au droit duquel est venu le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS), une demande d'indemnisation en se prévalant, premièrement, de la responsabilité sans faute à l'égard des tiers tenant à l'existence et au fonctionnement de l'ouvrage public que constitue le port de Rouen, deuxièmement, de leur responsabilité pour faute en raison de leurs promesses non-tenues de réaliser des travaux d'endiguement au droit de leur propriété et, troisièmement, de leur carence fautive à ne pas avoir mis en œuvre de tels travaux en méconnaissance de l'arrêté inter-préfectoral du 30 novembre 2011 portant projet d'amélioration des accès maritimes du port de Rouen. Cette demande indemnitaire a été rejetée explicitement par le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine le 23 décembre 2019 et implicitement par l'Etat. M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler ces décisions de rejet de demande indemnitaire préalable, de condamner le GPFMAS et l'Etat à leur verser conjointement, en réparation de leurs préjudices moraux et de jouissance et des troubles dans leurs conditions d'existence, la somme de 500 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 29 octobre 2019, ainsi que d'ordonner la capitalisation des intérêts, de les condamner à leur verser conjointement, en réparation de leurs préjudices matériels, la somme de 1 500 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 29 octobre 2019, ainsi que d'ordonner la capitalisation des intérêts ou, à titre subsidiaire, de les condamner à réaliser les travaux nécessaires à la préservation des berges de B... au droit de leur propriété et, enfin, de mettre à la charge du GPFMAS et de l'Etat une somme de 6 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2000638 du 15 décembre 2022, le tribunal a rejeté leur demande et les a condamnés à verser au GPFMAS la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. et Mme C... interjettent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Alors que M. et Mme C... font valoir sans autre précision et dans leur seule requête sommaire d'appel que le jugement du 15 décembre 2022 serait insuffisamment motivé, il résulte en tout état de cause de ses motifs mêmes que le tribunal administratif de Rouen, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par les requérants. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les la responsabilité sans faute du fait de l'implantation et du fonctionnement du port de Rouen :

3. En premier lieu, le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement.

4. En l'espèce, il est constant qu'au niveau de la propriété de M. et Mme C..., B..., qui relève du domaine public fluvial naturel de l'Etat en application de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques, n'a pas fait l'objet d'aménagement particulier et qu'aucun ouvrage public ayant pu contribuer au phénomène d'érosion touchant leurs parcelles n'y est ainsi implanté.

5. M. et Mme C... se prévalent toutefois de la responsabilité sans faute du Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS) venu aux droits du Grand port maritime de Rouen (GPMR) en sa qualité de maître d'ouvrage du port de Rouen, en faisant valoir que l'érosion qui touche leur propriété est causée par un phénomène de batillage, lui-même dû au passage des bateaux sur le fleuve. Toutefois, la commune de Vieux-Port, qui est située dans un des derniers grands méandres de B... avant l'estuaire, est éloignée du port de Rouen. Il n'est notamment pas établi ni même allégué que les rives de B... au droit de la propriété de M. et Mme C... seraient situées à proximité d'un chenal permettant d'y accoster. Rien n'établit ainsi que la navigation fluviale à ce niveau de B..., notamment en ce qui concerne les plus gros bateaux à l'origine d'un batillage important, serait en lien direct et certain avec le seul trafic du port de Rouen, alors que ces navires empruntent alors une voie de navigation naturelle préexistante à tout ouvrage public et qui dessert l'ensemble des ports de l'axe Seine. Enfin, ainsi que le relèvent les intimés dans leurs mémoires en défense et comme l'ont retenu les premiers juges, l'augmentation du gabarit des navires empruntant l'axe de B... a été très antérieure aux travaux de modernisation du port de Rouen à compter de 2011 dès lors notamment que l'arrêté inter-préfectoral du 30 novembre 2011 autorisant lesdits travaux a été édicté dans le but de tenir compte de l'accroissement du tirant d'eau des navires empruntant d'ores et déjà l'axe de B.... Cette augmentation du gabarit des navires à l'origine d'une amplification du batillage apparaît dans ces conditions sans lien avec l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage public que constitue le port de Rouen.

6. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les dommages dont se prévalent M. et Mme C... en qualité de tiers à un ouvrage public et qui consistent en l'érosion de leur propriété du fait, au moins partiellement, d'un phénomène de batillage comme l'ont relevé des rapports établis par le BRGM en 2004 et par un bureau d'études spécialisé en 2013, seraient en lien direct et certain avec l'existence ou le fonctionnement d'un tel ouvrage et notamment pas avec ceux du port de Rouen.

7. En second lieu, à supposer même établi un tel lien entre érosion et ouvrage public, il résulte de l'instruction que lors de l'achat de leur propriété en mars 2007, M. et Mme C... se sont vus remettre un acte de vente qui précisait que " L'attention de l'acquéreur a bien été attirée sur le fait que le terrain en bord de Seine subit l'érosion de cette dernière, et qu'il effectue l'acquisition en toute connaissance de cause ". Il est constant qu'y était joint le rapport établi par le BRGM en 2004 mentionné au point 1. Ce dernier indiquait de manière précise que les deux parcelles acquises par les appelants présentaient un recul de la falaise de l'ordre de 8 à 10 m en une trentaine d'année, soit une vitesse moyenne de recul de l'ordre de 20 à 30 cm par an. Ce même rapport précisait à sa p 11 que " pour lutter contre l'érosion de la microfalaise, un mur de soutènement en béton armé, ancré dans les alluvions de B..., a été construit par le propriétaire. Cet ouvrage semble avoir freiné le phénomène, mais, aujourd'hui, sa dégradation est telle qu'il ne pourra bientôt plus protéger le versant mou de la parcelle 52. ". Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué par les requérants que l'ampleur annuelle du phénomène d'érosion constatée par le BRGM au droit de la parcelle AC n°52 se serait significativement accrue postérieurement à 2007.

8. Il en résulte que M. et Mme C... connaissaient, dès l'achat de leur propriété, l'existence et l'ampleur du phénomène d'érosion touchant leur propriété, ainsi que la circonstance que le mur de soutènement existant était insuffisant pour le pallier. Il en résulte qu'ils doivent être regardés comme ayant accepté en connaissance de cause les risques d'érosion auxquels étaient exposées les berges de leur parcelle, ce qui fait obstacle à ce qu'ils soient indemnisés des conséquences du risque qu'ils ont, ainsi, accepté de prendre.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du fait de promesses non-tenues :

9. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte d'aucune pièce au dossier que l'Etat ou les différentes autorités gestionnaires du port de Rouen compétentes leur auraient fait la promesse de réaliser des travaux de nature à empêcher ou freiner l'érosion affectant leur propriété. Ne saurait notamment constituer un tel engagement la circonstance que ces personnes publiques aient financé la réalisation d'études de diagnostic et de préconisations en 2004 et 2013. De même, la circonstance que différentes autorités publiques aient mentionné, de manière générale dans des documents de planification tels que le contrat de plan Etat-région, le schéma global d'aménagement durable de la Seine-aval ou le contrat de projet inter-régional, leur intention de mener des actions en faveur de la réhabilitation de l'intégrité physique des berges de B... ne saurait les avoir engagées à mener des travaux intéressant directement la parcelle cadastrée A n°52.

10. Dans ces conditions, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'administration du fait d'une promesse non tenue envers M. et Mme C... ne résulte de l'instruction.

En ce qui concerne la responsabilité pour carence fautive de l'administration :

11. M. et Mme C... font enfin valoir que la responsabilité de l'Etat et du GPFMAS serait engagée du fait de leur carence fautive à ne pas avoir exécuté l'arrêté inter-préfectoral du 30 novembre 2011 en ce qu'il imposerait la réalisation de travaux de lutte contre le phénomène d'érosion touchant leur propriété.

12. Les dispositions de cet arrêté relatives au renforcement ou la reconstruction des berges prévoient cependant uniquement : " Mesures d'accompagnement du projet / Ces mesures sont regroupées en actions selon les thématiques suivantes : / (...) / actions liées à la lutte contre l'érosion des berges et à la protection des biens et des personnes : Berge érodée à Vieux Port (...). / Ces actions devront avoir débuté avant la fin des travaux et aménagements objets de la présente autorisation. / Chaque action fera l'objet d'un groupe de pilotage, adapté à chaque site étudié, afin de valider l'état d'avancement des études et des opérations projetées, de suivre la phase travaux et l'évolution du site une fois les aménagements réalisés. / Il sera présidé par le directeur de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer de la Seine-Maritime ou son représentant. / Ce groupe de pilotage, variable selon les sites, sera composé de : le Grand Port Maritime de Rouen, la commune concernée par l'action, les riverains ou des représentants des usagers, le Conseil Général du département concerné, le Groupement d'Intérêt Public Seine-Aval, les services de l'Etat et notamment le bureau de la Police de l'Eau de la Seine-Maritime, le Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine-Normande, l'Agence de l'Eau Seine Normandie, le Conseil Régional de Haute-Normandie, une association de protection de l'environnement de la Seine-Maritime, une association de protection de l'environnement du Calvados, une association de protection de l'environnement de l'Eure, un représentant de la fédération de la pêche et des milieux aquatiques de la Seine-Maritime, un représentant de la fédération de la pêche et des milieux aquatiques du Calvados, un représentant de la fédération de la pêche et des milieux aquatiques de l'Eure, des représentants de la pêche professionnelle et de loisirs, un représentant d'une association de consommateur de la Seine-Maritime, un représentant d'une association de consommateur du Calvados, un représentant d'une association de consommateur de l'Eure. / Le Grand Port Maritime de Rouen en assurera le secrétariat. / Sur proposition de ses membres, le comité pourra faire appel à des experts qui s'avèreraient utiles. / En tant que de besoin, de nouvelles autorisations et/ou déclarations, au titre de la loi sur l'Eau, pourront être nécessaires. / Un compte-rendu de l'avancement de ces actions sera présenté annuellement au Comité de Suivi décrit à l'article 7 ainsi que le calendrier prévisionnel des actions restant à entreprendre. / Ces états d'avancement pourront être présentés au Conseil Scientifique de l'Estuaire de B... qui pourra, le cas échéant, donner des préconisations. ".

13. Aucune de ces dispositions ne prévoit l'obligation de réaliser des travaux de lutte contre l'érosion touchant la parcelle AC 52. Les requérants ne se prévalent au demeurant pas d'une décision du groupe de pilotage compétent qui aurait acté la réalisation de tels travaux ni, a fortiori, de l'existences d'autorisations ou de déclarations au titre de la loi sur l'eau qui y seraient relatives. Dans ces conditions, en l'absence d'une obligation de faire pesant sur l'administration établie par l'instruction, M. et Mme C... ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat ou du GPFMAS sur le fondement de leur prétendue carence fautive.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le GPFMAS et tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes et les a condamnés à verser la somme de 1 000 euros au GPFMAS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais de l'instance :

15. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. et Mme C... soit mise à la charge de l'Etat et du GPFMAS, qui ne sont pas les parties perdantes.

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a enfin pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le GPFMAS.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : : Les conclusions du Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C..., au Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la 1ère chambre

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

2

N°23DA00268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00268
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : FOLEY HOAG AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;23da00268 ?
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