Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 février 2024 par lequel le préfet du Nord l'a obligé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400723 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Leprince, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2024 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai et qu'il fixe le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il peut bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en vertu du 4° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de destination ;
- les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont méconnues ;
- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 15 novembre 1986, est entré en France en 2018. Il a présenté une demande d'asile le 3 septembre 2019 et a fait l'objet d'une procédure de transfert auprès des autorités espagnoles par un arrêté du préfet du Loiret en date du 28 novembre 2019. Il a contesté la légalité de cet arrêté auprès du tribunal administratif d'Orléans qui a rejeté sa demande par un jugement n° 2000340 du 28 janvier 2020. Le 10 mars 2021, M. B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 septembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. La requête tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 28 juin 2022. Le 18 février 2024, l'intéressé a été interpellé lors d'un contrôle d'identité et a fait l'objet le même jour d'un arrêté du préfet du Nord portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen n°2400723 du 18 juillet 2024 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande après avoir annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
2. En premier lieu, l'arrêté du 18 février 2024 vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne avec suffisamment de précisions les motifs justifiant l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination de cette mesure. Ainsi, cet arrêté énonce avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de ces différentes décisions. Par suite, le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il résulte des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet du Nord a procédé à un examen complet de la situation privée et familiale de M. B... compte tenu notamment des éléments recueillis à la suite de son audition par les services de police, préalablement à l'édiction des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire. Par suite, ce moyen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français (...) est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit (...) ". L'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
5. En l'espèce, M. B... ne peut utilement faire valoir qu'en application des dispositions du 4° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit se voir délivrer un titre de séjour de plein droit, dès lors que ces dispositions ont trait à la délivrance d'un titre de séjour aux seuls citoyens de l'Union européenne et non pas aux ressortissants de pays tiers, membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 9°de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant que l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne pourrait pas effectivement bénéficier dans le pays de renvoi d'un traitement approprié en raison de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé dudit pays ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, dès lors ces dispositions ont été abrogées par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration et n'étaient par suite plus en vigueur à la date de l'arrêté attaqué. Au demeurant, si l'appelant fait valoir qu'il porte une prothèse oculaire et qu'il est suivi pour une hépatite B active, il ne ressort pas des seules pièces du dossier qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un suivi ou d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'il devrait par suite bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). ".
8. En l'espèce, si M. B... vit en couple avec une ressortissante italienne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et s'occupe des enfants de celle-ci, il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments mentionnés par l'administration dans le cadre des précédentes mesures d'éloignement dont M. B... a fait l'objet, qu'il est le père de deux enfants résidant en Côte d'Ivoire. L'appelant, qui ne fait état d'aucune intégration professionnelle, a par ailleurs fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement en 2019 et en 2021 qu'il n'a toutefois pas exécutées. Dans ces circonstances, l'obligation de quitter le territoire français contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B.... Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur sa situation personnelle doit être écarté.
9. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Néanmoins, compte-tenu des motifs figurant au point 8 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord, en prenant l'obligation attaquées, aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par suite, le moyen doit être écarté.
10. En sixième lieu, le moyen tiré de ce que la décision refusant un délai de départ volontaire à M. B... serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation n'est assorti d'aucune précision. La cour n'étant ainsi pas mise à même d'en apprécier le bien-fondé, il ne peut qu'être écarté.
11. En septième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. En huitième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". En l'espèce, M. B... n'établit pas qu'il aurait subi des persécutions l'obligeant à fuir son pays d'origine ni qu'il risquerait d'être exposé à des traitements inhumain ou dégradants en cas de retour dans celui-ci. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En dernier lieu, compte-tenu des motifs figurant aux points 6, 8 et 12 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelant.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2024 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai et qu'il fixe le pays de destination. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions et celles de son conseil tendant à l'applications des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Leprince.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01987