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29/01/2025 | FRANCE | N°24DA01617

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 29 janvier 2025, 24DA01617


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 février 2024 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2401015 du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire et a rejeté le surplus des co

nclusions de sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 février 2024 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2401015 du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2024, M. B..., représenté par Me Nkounkou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 27 février 2024 en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- l'arrêté est contraire à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 30 août 2024, le préfet de l'Eure demande à la cour de rejeter la requête d'appel de M. B....

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

La caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été constatée par décision du 1er octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,

- et les observations de Me Nkounkou, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République du Congo né le 26 août 1986, est entré en France en 2012. La demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par une décision du 20 décembre 2012 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d'asile ayant rejeté le recours dirigé contre celle-ci par une décision du 26 juillet 2013. Puis, l'intéressé s'est vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 27 mars 2015 au 26 décembre 2015, dont il a sollicité le renouvellement le 1er décembre 2015. Par arrêté du 6 juillet 2016, le préfet du Val-d'Oise a rejeté cette demande et fait obligation à M. B... de quitter le territoire français. Par un jugement n° 1607780 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le recours de l'intéressé contre cet arrêté. Le 6 mai 2020, M. B... a sollicité un nouveau titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code précité, dans sa version alors en vigueur. Par un arrêté du 16 décembre 2020, le préfet de l'Eure a rejeté cette demande, a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement n° 2005185 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions du 16 décembre 2020 portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français, et rejeté le surplus des conclusions du recours de M. B.... Le 7 juin 2023, ce dernier a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 février 2024 le préfet de l'Eure a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement n° 2401015 du 12 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du préfet de l'Eure refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. En premier lieu, l'arrêté du 27 février 2024 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de fait fondant le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, et celles justifiant l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination. Ainsi, cet arrêté est suffisamment motivé. Le moyen afférent doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Eure a procédé à un examen complet de la situation privée et familiale de M. B... depuis son entrée sur le territoire français depuis l'année 2012. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, où le demandeur justifie d'une promesse d'embauche, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de la situation personnelle de l'intéressé, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. En l'espèce si M. B... réside en France depuis plus de dix années à la date de l'arrêté attaqué, cette durée de résidence ne saurait constituer, à elle seule, un motif humanitaire ou une circonstance exceptionnelle, l'intéressé n'ayant au demeurant séjourné régulièrement sur le territoire national que durant quelques mois. Son insertion professionnelle se limite quant à elle à des missions ponctuelles de travail temporaire réalisées au cours des années 2015 et 2016. S'il est père d'une fille née le 23 septembre 2020, il est séparé de la mère de l'enfant depuis le mois de janvier 2021, qui détient par ailleurs la même nationalité que lui et qui séjourne également en situation irrégulière. Dans ces conditions, et alors même qu'une partie de la famille de l'appelant réside en France, M. B... n'est pas fondé à soutenir que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 4 doit être écarté.

6. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). ". D'autre part, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, à la date de l'arrêté attaqué, M. B... est le père d'une fille âgée de trois ans. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne vit pas avec elle en vertu d'un jugement du 16 novembre 2023 du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Evreux, l'intéressé bénéficiant uniquement d'un droit de visite et d'hébergement tout en devant contribuer à l'entretien de l'enfant à hauteur de cent euros par mois. Si dans ce cadre, l'appelant a pu prendre à sa charge les frais relatifs à l'accueil en crèche de son enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il contribuerait à son éducation, quand bien même il a pu l'accompagner lors de visites au sein du service dermatologie du groupe hospitalier Necker- Enfants malades, M. B... ne précisant au demeurant pas la pathologie dont sa fille serait atteinte. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la cellule familiale est en mesure de se reconstituer en République du Congo dès lors que la mère de l'enfant de l'appelant dispose de la même nationalité que lui et qu'elle est en situation irrégulière sur le territoire français depuis le mois de janvier 2021, sans que la circonstance que le couple vive désormais de manière séparée y fasse obstacle. Si les sœurs de M. B..., dont l'une l'héberge à son domicile depuis l'année 2018, sont quant à elles présentes en France, il n'est toutefois pas établi qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. En outre, l'appelant a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement en 2016 et en 2020 qu'il n'a pas exécutées. Dans ces conditions, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français attaquées n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., ni n'ont été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de son enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, les décisions attaquées ne sont pas d'avantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'appelant.

8. En cinquième lieu, compte-tenu des motifs figurant au point 7 du présent arrêt et en l'absence de tout autre élément, l'appelant n'établit pas que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. En dernier lieu, la décision refusant d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire ayant été annulée par le jugement attaqué, l'appelant ne peut utilement soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée, entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 27 février 2024. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA01617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01617
Date de la décision : 29/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : NKOUNKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-29;24da01617 ?
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