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29/01/2025 | FRANCE | N°24DA01328

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 29 janvier 2025, 24DA01328


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 28 mai 2024 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur ce territoire pendant deux années.



Par un jugement n° 2402154, 2402198 du 12 juin 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint à l'administra

tion de réexaminer sa situation.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 28 mai 2024 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur ce territoire pendant deux années.

Par un jugement n° 2402154, 2402198 du 12 juin 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint à l'administration de réexaminer sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2024, la préfète de l'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. D....

Elle soutient que :

- l'arrêté annulé par le tribunal ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. D... est célibataire sans enfant et qu'il n'est pas isolé au Maroc où résident ses parents biologiques ;

- sa présence représente une menace à l'ordre public ;

- les autres moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2024, M. D..., représenté par Me Taoufik, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la préfète de l'Oise ;

2°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ainsi qu'une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que l'appel est constitutif d'une manœuvre dilatoire ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- son comportement n'est pas constitutif d'une menace à l'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,

- et les observations de Me Taoufik, représentant Me D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain, né le 20 juillet 2003, est entré en France le 27 avril 2007. Par un arrêté du 11 octobre 2022, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Par un jugement n° 2300627 du 11 mai 2023 le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions, contenues dans cet arrêté, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et faisant interdiction de retour pendant une durée de trois ans en raison de la méconnaissance des dispositions, alors en vigueur, des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur injonction du tribunal, la Erreur ! Source du renvoi introuvable. a réexaminé la situation de M. D... et par un nouvel arrêté du 28 mai 2024, elle a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le Maroc comme pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. La préfète de l'Oise relève appel du jugement du 12 juin 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 31 juillet 2006 du tribunal de première instance de Tétouan (Maroc), M. D... a été déclaré abandonné et que par un jugement du 13 août 2006, il a été confié à Mme C... B... dans le cadre d'un acte de kafala. Puis l'intéressé est entré en France le 27 avril 2007 par la voie du regroupement familial. M. D... réside ainsi en France depuis plus de 21 ans à la date de l'arrêté attaqué, a été élevé par sa tutrice et n'a aucun lien avec ses parents biologiques. S'il est célibataire et sans enfant, il ressort des différentes attestations produites, rédigées en des termes personnels et circonstanciés, que M. D... a tissé des liens intenses et stables avec sa tutrice et la famille de celle-ci. La préfète de l'Oise fait valoir que M. D... a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour des faits de violence en réunion commis le 17 mars 2019 et qu'il est défavorablement connu des services de police pour usage de stupéfiants. Toutefois, cette unique condamnation, qui sanctionne une infraction commise à l'âge de 15 ans, ne permet pas de considérer que la présence en France de M. D... représente actuellement une menace à l'ordre public et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait été de nouveau condamné depuis sa majorité. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu de la durée de présence de M. D... sur le territoire national et de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France, l'arrêté du 28 mai 2024 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur ce territoire pendant deux années porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'intimé, que la préfète de l'Oise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 28 mai 2024.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, qui rejette l'appel formé par la préfète de l'Oise, n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles qui ont été ordonnées par le jugement du 12 juin 2024. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte présentées par M. D... dans la présente instance.

Sur les frais d'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de l'Oise est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la préfète de l'Oise et à M. A... D....

Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

N°24DA01328 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01328
Date de la décision : 29/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : TAOUFIK

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-29;24da01328 ?
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