Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'ordonner au préfet de la Seine-Maritime de communiquer l'entier dossier se rapportant à sa demande de titre de séjour, de constater l'illégalité de la décision implicite refusant de lui délivrer un titre de séjour, et, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 14 décembre 2022 dans l'attente de l'audience correctionnelle prévue au mois de novembre 2023.
M. A... a également demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2205056, 2205066 du 28 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a réservé l'examen des conclusions d'annulation de la décision implicite de refus de séjour jusqu'à ce qu'il y soit statué par une formation collégiale du tribunal, a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français en tant que la durée de cette interdiction est fixée à deux ans, a enjoint au préfet compétent de supprimer le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des demandes de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2023, M. A..., représenté par Me Souty, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, d'une part, de produire le récépissé de demande de titre de séjour qui aurait été édicté le 1er juillet 2022 et, d'autre part, de justifier, au regard des dispositions de l'annexe X du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des pièces complémentaires sollicitées dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour ;
3°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai et fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
4°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de cet arrêté dans l'attente de l'audience correctionnelle prévue en novembre 2023 ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à titre principal sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, à titre subsidiaire, sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- sa demande de titre de séjour n'a fait l'objet d'aucune décision expresse ou implicite de rejet, de sorte qu'elle était toujours à l'instruction à la date de l'arrêté contesté ;
- le préfet de la Seine-Maritime a donc méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français ;
- l'absence de remise ou de renouvellement du récépissé de demande de titre de séjour ne saurait être interprétée comme révélant une décision implicite de refus de séjour ;
- à supposer l'existence d'une décision rejetant sa demande de titre de séjour, celle-ci est entachée d'un défaut de motivation, d'un défaut d'examen de sa situation, d'une erreur de droit, d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou à tout le moins d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2024 à 12 heures.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la république de Guinée né le 15 avril 2003, déclare être entré en France à la fin de l'année 2017. Pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 11 février 2019, il a présenté le 25 mai 2021, à sa majorité, une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A l'issue d'un placement en garde à vue survenu le 13 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a pris à son encontre, le 14 décembre 2022, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement et en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un second arrêté du 18 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a assigné M. A... à résidence. Ce dernier relève appel du jugement du 28 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, après avoir annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français en tant que la durée de cette interdiction est fixée à deux ans, a rejeté le surplus de ses demandes d'annulation.
2. En premier lieu, l'arrêté obligeant M. A... à quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire référence à l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, vise le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les dispositions du 3° du même article, et mentionne ainsi les dispositions dont il est fait application. Après avoir relevé que M. A... n'a donné aucune suite aux demandes de pièces complémentaires adressées par le préfet de la Seine-Maritime dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, l'arrêté précise notamment que l'intéressé se maintient volontairement en situation irrégulière sur le territoire français et comporte ainsi les considérations de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". L'article R. 431-12 du même code dispose que : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. / (...) ". Ainsi que le précise l'article L. 431-3 de ce code, la délivrance d'un tel récépissé ne préjuge pas de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. En outre, selon l'article R. 431-11 de ce code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ", cet arrêté dressant une liste de pièces pour chaque catégorie de titre de séjour. Aux termes de l'article R.* 432-1 du même code : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Enfin, selon
l'article R. 432-2 : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. / (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est présenté à la préfecture le 25 mai 2021 pour y déposer une demande de titre de séjour, au vu de laquelle le préfet de la Seine-Maritime lui a délivré un récépissé valable à compter du 11 octobre 2021. Dans ces conditions, le silence gardé par le préfet sur sa demande a fait naître, au terme du délai de quatre mois mentionné au point précédent, une décision implicite de rejet de cette demande. A cet égard, la circonstance qu'un second récépissé valant autorisation provisoire de séjour du 1er juillet au 30 septembre 2022 a été édicté par le préfet, pour une durée supérieure à quatre mois, ne fait pas obstacle à ce que cette décision implicite de refus naisse du silence gardé par l'administration pendant quatre mois à compter de la demande de titre de séjour de l'intéressé, peu importe que ce second récépissé lui ait été remis ou non. Si le préfet a vainement sollicité à plusieurs reprises, en septembre et novembre 2021, une copie intégrale de l'acte de naissance du requérant, ainsi qu'il pouvait le faire dans le cadre de l'instruction de sa demande, il ne résulte pas de ces démarches que la demande de titre de séjour de l'intéressé était toujours à l'instruction à la date de l'arrêté contesté. Par suite, M. A... n'est fondé à soutenir ni qu'aucune décision rejetant sa demande de titre de séjour n'avait été prise à cette date, ni que, pour cette raison, le préfet ne pouvait décider son éloignement sur le fondement des dispositions du 3° de
l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, excipant de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, M. A... invoque un défaut de motivation, un défaut d'examen de sa situation, une erreur de droit, une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une erreur manifeste d'appréciation.
6. D'une part, M. A... ne saurait utilement se prévaloir d'un défaut de motivation dès lors qu'en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, " une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation ". Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait omis d'examiner sa situation avant de lui refuser un titre de séjour. Enfin, si M. A... invoque une erreur de droit à l'encontre de cette décision de refus, il n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision permettant de se prononcer sur son bien-fondé.
7. D'autre part, le requérant soutient en appel que la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, sans apporter aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée sur ces deux points par le premier juge. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus aux points 20 et 30 du jugement attaqué.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté. Au demeurant, le recours présenté par M. A... contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Rouen n° 2205056 du 28 juin 2024.
9. En dernier lieu, il résulte des points précédents que les moyens soulevés par M. A... devant la cour sont écartés, de sorte que son appel contre le jugement rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2022 doit être rejeté. Dans ces conditions, ses conclusions subsidiaires tendant à la suspension de cet arrêté ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de demander au préfet de la Seine-Maritime de produire son dossier de demande de titre de séjour, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai et fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par suite ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi
du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Souty.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 janvier 2025.
La rapporteure la plus ancienne,
Signé : D. BureauLe président de la formation de jugement,
Signé : J-M. Guérin-Lebacq
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 23DA00719