Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de déclarer le centre hospitalier du Cateau-Cambrésis et le centre hospitalier de Cambrai responsables des préjudices qu'il a subis à raison des fautes commises lors de sa prise en charge dans ces deux établissements du 8 mars au 15 mai 2018, d'ordonner avant dire droit une expertise afin d'évaluer les postes de préjudices subis et de condamner ces établissements à l'indemniser de ses préjudices en lui versant solidairement une somme qui ne saurait être inférieure à 350 000 euros.
Par un jugement nos 1903025-1903026 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 juillet 2022 et 7 avril 2023, M. B..., représenté par Me Dubois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de déclarer les centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai responsables des préjudices qu'il a subis à raison des fautes commises lors de sa prise en charge dans ces deux établissements du 8 mars au 15 mai 2018, des infections nosocomiales qu'il y a contractées et des pathologies qui se sont révélées postérieurement ;
3°) d'ordonner, avant dire droit sur ses demandes indemnitaires, une expertise afin d'évaluer les responsabilités et les postes de préjudices subis ;
4°) de condamner, sans attendre et solidairement, les centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai à lui verser une somme de 8 574 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent d'ores et déjà subi ainsi qu'une somme provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses autres postes de préjudices qui ne sera pas inférieure à 350 000 euros ;
5°) de mettre en tout état de cause à la charge solidaire des centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité du centre hospitalier du Cateau-Cambrésis est engagée pour n'avoir pas cherché à écarter le diagnostic d'accident vasculaire cérébral, pour avoir posé un mauvais diagnostic et pour avoir décidé d'une prise en charge médicamenteuse inadaptée à son état de santé ;
- la responsabilité du centre hospitalier de Cambrai est engagée pour n'avoir pas réévalué le diagnostic initialement posé par le centre hospitalier du Cateau-Cambrésis et à raison des infections et pathologies contractées à l'occasion de la prise en charge inadaptée dont il a fait l'objet ;
- il y a lieu, avant dire droit sur ses demandes indemnitaires, d'ordonner une expertise complémentaire et de condamner solidairement les centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai à lui verser une somme de 8 574 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent d'ores et déjà subis ainsi qu'une provision sur l'indemnisation définitive de ses autres postes de préjudices, laquelle ne sera pas inférieure à 350 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 janvier 2023 et 20 avril 2023, le centre hospitalier de Cambrai, représenté par Me Fabre, conclut au rejet de la requête d'appel de M. B... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- sa responsabilité n'est pas engagée à l'égard de M. B... ; en effet, le traitement antiviral dispensé était adapté à la pneumopathie grippale dont il était atteint ; il n'est pas établi qu'il ait contracté des infections nosocomiales et que celles-ci aient eu une incidence quelconque sur sa prise en charge ; le changement de la sonde vésicale n'est pas contraire aux règles de l'art et n'a pas été à l'origine d'un dommage ; il n'est pas démontré que M. B... devait être pris en charge pour un accident vasculaire cérébral ;
- en incluant la question de la responsabilité dans le champ de l'expertise que M. B... demande à la cour d'ordonner avant dire droit, celui-ci doit être regardé comme saisissant la cour d'une demande nouvelle en appel et, de ce fait, irrecevable ; en tout état de cause, la mesure d'expertise sollicitée est frustratoire et non utile à la résolution du litige dès lors, d'une part, qu'une expertise a déjà été organisée à l'occasion de la procédure amiable et, d'autre part, qu'au vu de cette dernière, sa responsabilité peut d'ores et déjà être écartée ;
- la demande provisionnelle présentée par M. B... est également nouvelle en appel et, de ce fait, irrecevable ; en tout état de cause, la question de sa responsabilité soulève une contestation sérieuse qui fait obstacle à l'octroi de toute provision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2023, le centre hospitalier du Cateau-Cambrésis, représenté par le cabinet Le Prado - Gilbert, conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....
Il soutient que :
- la prise en charge à l'arrivée de M. B... aux urgences le 8 mars 2018 a été conforme aux règles de l'art et adaptée à la pneumopathie grippale dont il était atteint ;
- les conclusions aux fins de provisions sont irrecevables pour être nouvelles en appel et non précédées d'une demande préalable ; il ne peut y être fait droit en l'absence de faute de sa part et de lien de causalité avec les dommages invoqués ;
- il n'y a pas lieu d'ordonner avant dire droit une expertise complémentaire dès lors qu'une expertise a déjà été réalisée dans le cadre de la procédure devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation et qu'elle permet de statuer sur le litige.
Par un courrier, enregistré le 26 septembre 2023, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Oise, à laquelle la requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués en qualité d'organisme de sécurité sociale auquel M. B... est affilié, informe la cour qu'elle n'a pas d'observations à formuler.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,
- les observations de Me Demailly, représentant le centre hospitalier du Cateau-Cambrésis,
- et les observations de Me Geoffroy, représentant le centre hospitalier de Cambrai.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 20 août 1955, s'est présenté au service des urgences du centre hospitalier du Cateau-Cambrésis le 8 mars 2018 à la suite d'une chute survenue à son domicile, ayant occasionné une plaie du cuir chevelu. Les examens réalisés ayant fait suspecter une infection des voies respiratoires, une antibiothérapie a été mise en place. Le 11 mars 2018, l'intéressé a été transféré dans le service de réanimation du centre hospitalier de Cambrai pour la prise en charge d'un syndrome de détresse respiratoire aigu, associé à une agitation et des troubles confusionnels mis sur le compte d'un delirium tremens. Son antibiothérapie a été élargie. Il a été intubé et mis sous sédation profonde. La prise en charge a été marquée par diverses complications cardio-respiratoires, infectieuses, rénales et neurologiques. Après stabilisation et amélioration de son état de santé, M. B... a été extubé le 30 mars 2018, retransféré au centre hospitalier du Cateau-Cambrésis le 18 avril 2018 puis autorisé à rejoindre son domicile le 15 mai 2018. Il estime avoir conservé, notamment, une fatigabilité à la marche, des troubles de l'équilibre, des hématuries intermittentes et des difficultés respiratoires.
2. Souhaitant faire la lumière sur les conditions de sa prise en charge par les centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai, M. B... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) le 11 juillet 2018, qui a sollicité une expertise médicale, dont le rapport a été rendu le 21 juillet 2019. Le 14 novembre 2019, la CRCI a émis un avis défavorable à son indemnisation. Par un jugement du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté les deux requêtes dont M. B... l'avait saisi, tendant à ce que les centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai soient déclarés responsables des préjudices qu'il a subis à raison de sa prise en charge dans ces deux établissements du 8 mars au 15 mai 2018, à ce qu'une expertise soit ordonnée avant dire droit afin d'évaluer les postes de préjudices subis et à ce que les deux établissements soient condamnés à l'indemniser de ses préjudices en lui versant solidairement une somme qui ne saurait être inférieure à 350 000 euros. M. B... relève appel de ce jugement et demande à la cour de faire droit à ses demandes de première instance, en précisant que l'expertise complémentaire sollicitée devrait être étendue aux responsabilités des deux établissements et qu'il y a, sans attendre, lieu de les condamner à lui verser solidairement une somme de 8 574 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent d'ores et déjà subis ainsi qu'une somme provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses autres postes de préjudices.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 21 juillet 2019, que M. B... s'est présenté au service des urgences du centre hospitalier du Cateau-Cambrésis le 8 mars 2018 à la suite d'une chute survenue à son domicile, ayant occasionné une plaie au cuir chevelu. L'examen clinique réalisé au moment de son admission a comporté, notamment, un volet neurologique. La présence de troubles de l'équilibre, de l'élocution et de la marche a alors été relevée, ce qui a immédiatement conduit à la réalisation d'un scanner cérébral. Celui-ci n'a pas mis en évidence de signes évocateurs d'un accident vasculaire cérébral. Ni le rapport d'expertise médicale ni aucun élément apporté par M. B... n'établissent que les résultats de cet examen n'auraient pas été correctement interprétés par le centre hospitalier du Cateau-Cambrésis. Si un second scanner cérébral réalisé par le centre hospitalier de Cambrai le 21 mars 2018 a mis en évidence que M. B... a probablement été victime d'un accident vasculaire cérébral après le début de sa prise en charge, il ne résulte pas de l'instruction que l'agitation et les troubles confusionnels qu'il a présentés en étaient évocateurs, que ceux-ci auraient dû conduire à réévaluer le diagnostic ou qu'il ait présenté d'autres symptômes. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'absence de diagnostic et de prise en charge de cet accident vasculaire cérébral aurait, compte tenu de sa nature et de ses caractéristiques, fait perdre à M. B... une chance d'obtenir une meilleure récupération. Notamment, il n'est pas établi que les séquelles qu'il a finalement conservées ont, de manière directe et certaine, une origine neurologique. Dans ces conditions, l'accident vasculaire cérébral dont M. B... aurait été victime doit être regardé comme une complication inhérente à la lourde prise en charge dont il a bénéficié au sein des centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai et aucune faute de diagnostic ou dans le choix du traitement ne peut leur être reprochée.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, lors de sa présentation au service des urgences du centre hospitalier du Cateau-Cambrésis le 8 mars 2018, M. B... présentait une infection respiratoire qui a rapidement évolué vers un syndrome de détresse respiratoire aigu. M. B... n'apporte aucun élément de nature à infirmer les appréciations de l'expert qui, dans son rapport du 21 juillet 2019, a considéré que la prise en charge de cette affection par les centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai a été conforme aux règles de l'art. Si M. B... met plus particulièrement en cause la lésion du canal vésical qui est survenue au centre hospitalier de Cambrai lors du remplacement d'un cathéter le 21 mars 2018 et qui a été à l'origine d'une hématurie, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 21 juillet 2019, que la manœuvre au cours de laquelle la lésion est survenue n'aurait pas été correctement réalisée ou que le remplacement de ce cathéter aurait par lui-même été constitutif d'une faute, dès lors qu'il n'existe aucune recommandation particulière en la matière et que cette manœuvre était justifiée pour lever les doutes sur un possible foyer infectieux. Il s'ensuit que l'ensemble des complications cardio-respiratoires, infectieuses, rénales et neurologiques présentées par M. B... au cours de sa prise en charge par les centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai doivent être regardées comme des aléas inhérents à celle-ci et qu'aucune faute ne peut à cet égard être reprochée à ces établissements.
6. En troisième lieu, si des germes staphylococcus aureus et staphylococcus epidermidis ont été trouvés lors d'hémocultures réalisées le 21 mars 2018 à partir de prélèvements sur les cathéters, les autres prélèvements effectués le même jour et le lendemain se sont avérés stériles. Dans ces conditions particulières, M. B... ne saurait être regardé comme ayant contracté, au cours de sa prise en charge par le centre hospitalier de Cambrai, des infections présentant le caractère d'infections nosocomiales. En outre, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Cambrai a correctement pris en compte ce risque en mettant immédiatement en place une antibiothérapie adaptée et en faisant procéder au remplacement des cathéters susceptibles d'être à l'origine des infections alors suspectées. Enfin, M. B... n'apporte aucun élément de nature à infirmer l'analyse de l'expert qui, dans son rapport du 21 juillet 2019, a considéré qu'à les supposer même établies, ces infections nosocomiales, compte tenu de la réponse appropriée du centre hospitalier de Cambrai, n'auraient de toute façon emporté aucune incidence sur la prise en charge de l'intéressé, ni ne pourraient être regardées comme étant à l'origine des séquelles qu'il a conservées.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise complémentaire sollicitée par M. B..., qu'en l'absence de faute ou d'infection nosocomiale, la responsabilité des centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai ne peut pas être engagée. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin de condamnation des centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai à l'indemniser de ses préjudices. Les conclusions qu'il réitère en ce sens en appel, incluant celles à caractère provisionnel, doivent à leur tour être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la présente instance ait été à l'origine de dépens, de sorte que les conclusions du centre hospitalier de Cambrai tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de M. B... doivent être rejetées.
9. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des centres hospitaliers du Cateau-Cambrésis et de Cambrai, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu en revanche de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme demandée au même titre par le centre hospitalier de Cambrai.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Cambrai relatives aux dépens et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier du Cateau-Cambrésis, au centre hospitalier de Cambrai et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°22DA01539