Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 6 mai 2021 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a refusé de leur délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n°2103606, 2103607 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2024, et un mémoire, enregistré le 18 septembre 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Julie Gommeaux, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de leur délivrer une carte de séjour ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de les munir d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros toutes taxes comprises à verser à leur conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés attaqués sont entachés d'un défaut d'examen sérieux de leur situation ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors d'une part que l'état de santé de leur fille nécessite un traitement qui n'est pas disponible en Albanie et qui présente un coût très élevé en l'absence de couverture sociale suffisante et, d'autre part, que les centres médicaux spécialisés sont éloignés de leur domicile ;
- l'état de santé de leur fille ne lui permet pas de voyager en avion ;
- les arrêtés attaqués méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'ils vivent en France depuis 2019 avec leurs quatre enfants scolarisés et qu'ils sont intégrés à la société française ;
- ils méconnaissent les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que leurs enfants poursuivent leur scolarité en France depuis 2019 et que l'état de santé de leur dernière fille, qui est née en France et n'a jamais vécu en Albanie, nécessite un traitement qui n'est pas disponible dans leur pays d'origine.
La requête a été communiquée au préfet du Pas-de-Calais qui n'a pas produit de mémoire.
Des observations, présentées par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ont été enregistrées le 9 juillet 2024.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 18 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Minet, première conseillère,
- et les observations C... et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants albanais, nés les 2 mars 1979 et 31 mai 1986, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 16 août 2018. Le 2 octobre 2020, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 6 mai 2021, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de leur accorder le titre de séjour sollicité. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 26 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, il ne ressort pas des décisions attaquées que le préfet du Pas-de-Calais aurait entaché ses décisions d'un défaut d'examen sérieux de la situation C... et Mme A....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 de ce code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui s'est prononcé sur la situation de l'enfant C... et Mme A... par son avis du 15 mars 2021, a estimé que l'état de santé de leur fille née le 12 août 2019, qui est atteinte de drépanocytose, nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont ses parents sont originaires, l'intéressée peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.
5. M. et Mme A... font valoir que l'état de santé de leur fille, qui nécessite de fréquentes hospitalisations et une prise en charge spécialisée et ininterrompue, exige leur maintien sur le territoire français dès lors que les médicaments Oracilinne et Siklos, indispensables au traitement de leur fille, ne sont pas disponibles en Albanie, que la transplantation de moelle osseuse n'y est pas pratiquée, que les structures de soins y sont éloignés de leur domicile et que l'assurance maladie existante dans ce pays ne permet pas une prise en charge intégrale du coût du traitement.
6. S'il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions attaquées, le traitement prescrit à la fille C... et Mme A... était composé d'acide folique, de vitamine D et d'Oracilline, qui relève des antiinfectieux généraux à usage systémique, et dont la substance active est le phenoxymethylpenicilline, les requérants n'apportent aucun élément permettant d'établir l'indisponibilité, en Albanie, de l'un de ses médicaments. Par ailleurs, ils ne peuvent utilement se prévaloir de l'indisponibilité du médicament Siklos, dont la prescription est intervenue à compter du 11 décembre 2023, soit postérieurement aux arrêtés attaqués du 6 mai 2021. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la date des décisions attaquées, l'état de santé de la fille C... et Mme A... nécessitait une transplantation de moelle osseuse alors qu'il résulte d'un compte rendu médical du 20 novembre 2020, confirmé le 15 juillet 2021, que la situation clinique de la jeune patiente était, à cette date, satisfaisante et justifiait la poursuite du traitement à l'identique. Enfin, en se bornant à se prévaloir d'une étude générale de l'organisation mondiale de la santé et un rapport de la commission européenne du 8 novembre 2023, faisant état des insuffisances de la protection sociale en Albanie et de la distance entre leur village natal et les centres médicaux adaptés à l'état de santé de leur fille, alors qu'ils n'établissent, ni même n'allèguent, qu'ils ne pourraient pas s'installer à proximité de ces derniers, ils ne démontrent pas que leur fille serait dans l'impossibilité de bénéficier personnellement des soins dont elle a besoin en Albanie.
7. Il s'ensuit, et alors qu'il est loisible aux requérants, s'ils s'y croient fondés, de déposer une nouvelle demande de titre de séjour au regard de l'évolution du traitement de leur fille, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions citées précédemment de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, M. et Mme A..., qui n'apportent en tout état de cause aucun élément d'ordre médical circonstancié permettant d'établir qu'un voyage en avion serait contre-indiqué pour leur fille, ne peuvent utilement soutenir, à l'encontre des arrêtés attaqués leur refusant un titre de séjour, que l'état de santé de leur fille ne lui permet pas de voyager en avion.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
10. Si M. et Mme A... font valoir qu'ils vivent en France depuis 2019 avec leurs quatre enfants qui y sont scolarisés et qu'ils sont intégrés à la société française, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants, dont la cellule familiale a vocation à se reconstituer en Albanie, disposent d'attaches privées ou familiales en France alors qu'il n'est ni démontré, ni allégué qu'ils seraient dépourvus de telles attaches en Albanie. Par ailleurs, M. et Mme A... ne justifient d'aucune intégration professionnelle en France. Enfin, il n'est ni établi, ni même allégué que les enfants, alors âgés respectivement de treize, neuf, sept et moins de deux ans, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Albanie. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. Si M. et Mme A... font valoir que leurs enfants sont scolarisés en France depuis leur arrivée en 2019, ils ne démontrent, ni même n'allèguent qu'ils ne pourraient pas poursuivre une scolarité normale en Albanie. Par ailleurs, comme il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur fille née en 2019 ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Albanie. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués méconnaîtraient les stipulations citées au point précédent.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête C... et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Julie Gommeaux.
Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience publique du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. François-Xavier Pin, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : A. Minet Le président de la
formation de jugement,
Signé : F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA00950