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15/01/2025 | FRANCE | N°23DA02193

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 15 janvier 2025, 23DA02193


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 27 janvier 2021 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Dunkerque de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a autorisé son licenciement.



Par un jugement n° 2102371 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Proc

édure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, M. B..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 27 janvier 2021 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Dunkerque de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2102371 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Andrieux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2021 ;

3°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à Me Miquel et à Me Delezenne, respectivement administrateur et mandataire judiciaire de la société THDF ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'employeur l'a convoqué à l'entretien préalable au licenciement sans respecter le délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail ;

- l'inspecteur du travail a omis de vérifier la régularité de la convocation du comité économique et social ;

- s'il a été convoqué à ce comité en sa qualité de membre suppléant, l'employeur a omis de le convoquer pour y être auditionné en sa qualité de salarié dont le licenciement est envisagé ;

- le comité social et économique a rendu son avis dans des conditions irrégulières dès lors que ses membres n'ont pas été convoqués dans les formes requises, qu'ils n'ont pas été destinataires d'un ordre du jour et n'ont reçu aucune information précise avant de rendre leur avis sur le projet de licenciement.

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2023, Me Lecaille indique se constituer pour la société IDINAA, venant aux droits de la société THDF, anciennement dénommée société Transports Couturier, et pour la société SELAS Perspectives, administrateur provisoire de la société Delezenne et associés, commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société THDF.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2024, la société IDINAA, venant aux droits de la société THDF, anciennement dénommée société Transports Couturier, représentée par Me Lecaille, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail et de l'emploi qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Roels, représentant la société IDINAA et la SELAS Perspectives.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., employé par la société Transports Couturier à compter du 10 janvier 2012 en qualité de chauffeur routier courte distance, a été élu membre suppléant de la délégation du personnel au comité social et économique de l'entreprise. Victime d'un accident cérébral, il a été placé en congé de maladie du 4 octobre 2017 au 31 août 2020. Consulté le 22 octobre 2020 puis le 2 novembre 2020, le médecin du travail a conclu à une inaptitude totale dispensant l'employeur de son obligation de reclassement au motif que tout maintien de M. B... dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Tirant les conséquences de cet avis, la société Transports Couturier a, par un courrier du 17 décembre 2020, sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. B.... Par une décision du 27 janvier 2021, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Dunkerque de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a autorisé le licenciement de M. B..., qui a quitté l'entreprise le 9 février 2021. Ce dernier a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation de la décision autorisant son licenciement. Par un jugement du 27 septembre 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ". Le délai minimal de cinq jours entre la convocation à l'entretien préalable de licenciement et la tenue de cet entretien constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance vicie la procédure de licenciement.

3. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier de l'employeur du 23 novembre 2020, M. B... a été convoqué à un entretien préalable fixé le mercredi 2 décembre 2020 à 14 heures 30. L'employeur produit à l'instance l'accusé de réception du courrier de convocation, indiquant que celui-ci a été présenté et distribué à son destinataire le mercredi 25 novembre 2020. M. B... ne conteste pas sérieusement avoir reçu la convocation à cette date alors que, contrairement à ce qu'il soutient, l'accusé de réception comporte la signature du destinataire et non une prétendue mention " convid-19 ". Si le requérant soutient avoir pris connaissance de la convocation à l'entretien le lendemain de sa remise, dans des conditions qu'il ne précise d'ailleurs pas, le délai a commencé à courir le jeudi 26 novembre 2020, soit le jour ouvrable suivant la présentation de la lettre recommandée ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 1232-2 du code du travail. M. B... a ainsi bénéficié de cinq jours ouvrables pour préparer sa défense avant l'entretien fixé au mercredi 2 décembre 2020. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il a été convoqué à l'entretien préalable dans des conditions irrégulières, ni que l'inspecteur du travail aurait manqué à son obligation de contrôler la procédure de licenciement sur ce point.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III (...) ". Aux termes de l'article L. 2315-29 du même code : " L'ordre du jour de chaque réunion du comité social et économique est établi par le président et le secrétaire ". Aux termes de l'article L. 2315-30 de ce code : " L'ordre du jour des réunions du comité social et économique est communiqué par le président aux membres du comité, à l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 ainsi qu'à l'agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale trois jours au moins avant la réunion ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-9 du code du travail : " L'avis du comité social et économique est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité social et économique a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

5. L'employeur justifie à l'instance que M. B... a été convoqué à la réunion du comité social et économique par deux courriers du 4 décembre 2020, reçus les 7 et 8 décembre suivants, tant en qualité de salarié protégé concerné par le projet de licenciement qu'en qualité de membre suppléant de ce comité. L'employeur produit également à l'instance les convocations adressées le 4 décembre 2020 aux membres titulaires du comité social et économique, les informant du motif de la réunion prévue le 10 décembre suivant, du nom du salarié dont le licenciement est envisagé, soit M. B..., et du mandat exercé par l'intéressé. A ces convocations étaient joints l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 2 novembre 2020, le procès-verbal de la réunion du comité social et économique du 17 novembre 2020 se rapportant à l'impossibilité de reclasser M. B..., les courriers adressés au requérant et au médecin du travail le 18 novembre 2020, ainsi que le procès-verbal des élections au comité social et économique. Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'ordre du jour figurant sur les convocations précitées a été communiqué le 4 décembre 2020, trois jours francs au moins avant la réunion du comité qui s'est tenue le 10 décembre suivant. S'il ressort du procès-verbal de la réunion du comité social et économique que l'un des membres titulaires, absent, a été remplacé par son suppléant, il n'est pas contesté que celui-ci a assisté à cette réunion, de sorte que la circonstance qu'il ne soit pas justifié de la convocation du suppléant est sans conséquence sur la régularité de la procédure de licenciement. Il n'est aucunement démontré que les membres du comité social et économique, qui ont pu entendre M. B... en complément des informations qui leur ont été transmises, n'auraient pu émettre leur avis en toute connaissance de cause, dans des conditions insusceptibles d'avoir faussé leur consultation. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le comité social et économique doit être écarté dans toutes ses branches.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la déclaration de jugement commun :

7. Il ressort des pièces du dossier que la mission d'administrateur de la société défenderesse, confiée à la société BMA Administrateurs Judiciaires, a pris fin avec l'adoption du plan de redressement. Par ailleurs, la société SELAS Perspectives, administrateur provisoire de la société Delezenne et associés, commissaire à l'exécution du plan de redressement, est intervenue à l'instance. Par suite, il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à Me Miquel, intervenant au nom de la société BMA Administrateurs Judiciaires, et à Me Delezenne, intervenant au nom de la société SELAS Perspectives.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme dont la société IDINAA demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société IDINAA présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société IDINAA, à la SELAS Perspectives et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 janvier 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA02193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02193
Date de la décision : 15/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP INTER BARREAUX DUCHATEAU-SCHOEMAECKER-ANDRIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-15;23da02193 ?
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