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15/01/2025 | FRANCE | N°23DA01477

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 15 janvier 2025, 23DA01477


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Valenciennes lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation.



Par un jugement n° 2104573 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés l

e 24 juillet et 13 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Blin, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Valenciennes lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation.

Par un jugement n° 2104573 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet et 13 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Blin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 30 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Valenciennes lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Valenciennes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la sanction de révocation est entachée d'une erreur de droit dès lors que les faits reprochés sont prescrits ; l'administration ne pouvait, six ans après les faits, prendre une nouvelle sanction de révocation à son encontre ;

- les différents griefs qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne peuvent, en tout état de cause, être qualifiés de fautifs ;

- la décision est disproportionnée par rapport aux faits fautifs qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2023, le centre communal d'action sociale de Valenciennes, représenté par Me de Faÿ, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 janvier 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2009-1586 du 17 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Pham-Minh, représentant le centre communal d'action sociale de Valenciennes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., épouse A..., a exercé les fonctions d'infirmière coordinatrice du service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) du centre communal d'action sociale (CCAS) de Valenciennes depuis 2011. A la suite de signalements de comportements inadaptés dans la gestion des patients et de son équipe, elle a été suspendue de ses fonctions par un arrêté du 19 mai 2016. Le conseil de discipline ayant donné un avis favorable à la révocation de Mme A... le 19 septembre 2016, un arrêté de révocation du même jour lui a été notifié le 22 septembre 2016. Le 17 octobre 2016, Mme A... a formé un recours devant le conseil de discipline de recours, lequel, par un avis du 13 mars 2017, a proposé de substituer à la sanction de révocation, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, assortie d'un sursis de six mois. Le président du CCAS de Valenciennes a alors décidé, par un arrêté du 3 avril 2017, de prononcer la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, assortie d'un sursis de six mois à l'encontre de Mme A....

2. D'une part, par un jugement n° 1704627 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé l'avis du conseil de discipline de recours du 13 mars 2017 se prononçant en faveur d'une sanction d'exclusion temporaire des fonctions de deux ans dont six mois avec sursis pour erreur d'appréciation sur le quantum de la sanction proposée. D'autre part, par un jugement n° 1704715 du même jour, le tribunal administratif a annulé, pour défaut de motivation, l'arrêté du 3 avril 2017. Par un arrêt n° 20DA00049 du 8 avril 2021, la cour a annulé le jugement du tribunal n° 1704715 en tant qu'il n'a pas limité la portée de l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2017 du président du CCAS de Valenciennes à ses articles 3 et 4 qui respectivement infligent à l'intéressée la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour deux ans dont six mois avec sursis et prévoient que celle-ci se substitue à la sanction de révocation et qu'elle prendra effet dès la fin de son congé de maladie. Par un arrêté du 21 avril 2021, dont Mme A... demande l'annulation, le CCAS de Valenciennes a prononcé à nouveau la sanction de révocation à son encontre. Elle relève appel du jugement n° 2104573 du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Lille :

3. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction, alors en vigueur, issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur, mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de cette date. Il suit de là que le délai institué par les dispositions précitées a couru, en ce qui concerne les faits antérieurs au 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, à compter de cette date.

4. Il résulte de ce qui précède que l'action disciplinaire engagée contre Mme A..., en raison de faits intervenus avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, est soumise au délai de prescription institué par cette loi à compter de son entrée en vigueur, le 22 avril 2016. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, le CCAS de Valenciennes n'a eu connaissance effective de la réalité, de la nature exacte et de l'ampleur des griefs reprochés à Mme A... qu'à l'issue de l'enquête administrative menée en mai et juin 2016 et qu'il a engagé la procédure disciplinaire à son encontre dès le 11 juillet suivant, soit dans le délai de trois ans mentionné à l'article 19 précité de la loi du 13 juillet 1983. A cet égard, et alors que postérieurement à l'annulation de l'avis du conseil de discipline de recours de substituer à la sanction infligée à un agent une mesure moins sévère, l'autorité territoriale, qui était tenue de rapporter, à la suite de cet avis, la sanction qu'elle avait prononcée, peut légalement sanctionner les faits ayant justifié l'engagement de la procédure disciplinaire par une sanction identique à celle qui a été contestée devant le conseil de discipline de recours sans être tenue de solliciter un nouvel avis du conseil de discipline, la circonstance que l'arrêté de révocation du 19 septembre 2016 a été retiré par l'arrêté du 3 avril 2017 portant sanction d'exclusion temporaire de fonctions, lequel a ensuite été annulé par un jugement n° 1704715 du tribunal administratif du 12 novembre 2019, est sans incidence sur l'appréciation du délai de prescription qui s'apprécie à la date de l'engagement de la procédure disciplinaire. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction litigieuse est fondée sur des faits prescrits doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. (...) Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline ".

6. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. Il est reproché à Mme A... d'avoir adopté un management déviant et excessif à l'origine d'un mal-être au sein du service et du départ de plusieurs agents, d'avoir instauré une pratique de prise de clichés photographiques des plaies des patients par les aides-soignants à l'aide de téléphones portables du service afin qu'elle puisse juger de leur gravité sans se déplacer, d'avoir ordonné aux aides-soignants du service de prodiguer des soins de pédicure à l'ensemble des patients, y compris ceux souffrant de diabète, et, enfin, d'avoir exercé la profession d'infirmière sans être inscrite à l'ordre des infirmiers.

En ce qui concerne le grief tiré de l'existence d'un management excessif et déviant :

8. D'une part, il ressort des témoignages concordants de plusieurs agents recueillis dans le cadre de l'enquête administrative, qui sont corroborés par divers courriers adressés antérieurement à l'administration, que le management autoritaire et inapproprié de Mme A... est à l'origine de conditions de travail particulièrement délétères depuis plusieurs années au sein du SSIAD. Ces agents ont ainsi évoqué, dans des termes précis et circonstanciés, des critiques permanentes sur la qualité de leur travail ainsi que des remarques hostiles, dévalorisantes, ou parfois insultantes. Les témoignages recueillis lors de l'enquête administrative font à cet égard état d'un nombre significatif d'incidents aux cours desquels l'intéressée a tenu des propos injurieux ou humiliants, adopté des comportements agressifs, vexatoires ou infantilisants

vis-à-vis de ses subordonnés et usé de son statut de cadre afin d'exercer un chantage sur le renouvellement de contrats. Il en ressort également une surveillance à outrance des agents, une volonté de limiter leurs interactions sociales et professionnelles, une mise à l'écart systématique des agents n'acceptant pas son mode de fonctionnement et un comportement discriminatoire se traduisant notamment par l'existence de clans et une iniquité de traitement dans l'organisation des plannings et l'octroi des astreintes, favorisant ainsi certains agents du service au détriment d'autres. Il ressort également des pièces du dossier que ce comportement autoritaire et excessif a eu pour conséquence d'entraîner pour ces agents une situation de souffrance au travail, se traduisant notamment par des mutations professionnelles.

9. Si la requérante remet en cause la véracité des témoignages qui lui sont défavorables et l'impartialité de l'enquête administrative, elle n'apporte aucun élément permettant de contredire les témoignages concordants faisant état de son comportement managérial largement inapproprié envers une partie de son équipe. A cet égard, la circonstance que la requérante justifie de témoignages, d'attestations et de messages de soutien d'autres collègues, avec lesquels elle entretenait d'ailleurs des relations privilégiées, faisant état de l'existence d'un groupe d'agents provocateurs, d'une surcharge de travail au sein du SSIAD et de ses qualités professionnelles, n'est pas de nature à démontrer que ces accusations résulteraient d'une collusion entre les plaignants quand bien même elle a eu, avec certains d'entre eux, des difficultés ayant fait l'objet de signalements à sa hiérarchie ou que ces faits auraient été portés tardivement à la connaissance de l'employeur. Par ailleurs, si l'intéressée se prévaut, là encore, des résultats positifs d'un audit réalisé peu de temps auparavant par un cabinet privé soulignant une bonne organisation du travail au sein du service, les plannings étant mis à disposition des agents, elle ne conteste pas sérieusement les déclarations convergentes de nombreux agents selon lesquelles cet affichage a ensuite été retiré pour éviter toute discussion et les astreintes réservées à un petit nombre d'agents proches de Mme A.... Enfin, les dernières évaluations de l'intéressée, si elles font état de son professionnalisme, relèvent systématiquement ses difficultés dans le dialogue et les relations humaines.

10. D'autre part, si Mme A... conteste avoir terni l'image du CCAS auprès des bénéficiaires et de leurs familles, des partenaires extérieurs du SSIAD et des familles des agents placés sous sa responsabilité, il ressort de plusieurs témoignages d'agents et de personnes extérieures au service qu'elle entretenait de mauvaises relations avec certains professionnels de santé, en particulier les infirmiers libéraux, et que son comportement a même provoqué la rupture de relations institutionnelles avec certains partenaires habituels. Ces éléments ne sont pas utilement remis en cause par l'intéressée qui se prévaut notamment de ses échanges avec une autre infirmière coordinatrice et de deux attestations de partenaires extérieurs, dont une rédigée à sa demande, qui sont peu circonstanciées, et de l'évaluation positive de l'activité du service par les bénéficiaires. Par suite, et alors même que ses compétences professionnelles sont reconnues par certains de ses collègues et sa hiérarchie, l'autorité disciplinaire ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et a pu à bon droit estimer que les faits reprochés à la requérante constituaient une faute de nature à justifier une sanction.

En ce qui concerne le grief relatif aux soins de pédicure :

11. D'une part, aux termes de l'article L. 4322-1 du code de la santé publique dans sa version applicable au litige : " Les pédicures-podologues, à partir d'un diagnostic de pédicurie-podologie qu'ils ont préalablement établi, ont seuls qualité pour traiter directement les affections épidermiques, limitées aux couches cornées et les affections unguéales du pied, à l'exclusion de toute intervention chirurgicale. Ils ont également seuls qualité pour pratiquer les soins d'hygiène, confectionner et appliquer les semelles destinées à prévenir ou à soulager les affections épidermiques. Sur ordonnance et sous contrôle médical, les pédicures-podologues peuvent traiter les cas pathologiques de leur domaine de compétence (...) ". Aux termes de l'article R. 4322-1 du même code : " Les pédicures-podologues accomplissent, sans prescription médicale préalable et dans les conditions fixées par l'article L. 4322-1, les actes professionnels suivants : (...) 4° Soins d'hygiène du pied permettant d'en maintenir l'intégrité à l'occasion de ces soins, lorsque des signes de perte de sensibilité du pied sont constatés, signalement au médecin traitant ; surveillance et soins des personnes, valides ou non, pouvant présenter des complications spécifiques entrant dans le champ de compétence des pédicures-podologues ; (...) ".

12. D'autre part, aux termes de l'article R. 4311-5 du code de la santé publique : " Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage : 1° Soins et procédés visant à assurer l'hygiène de la personne et de son environnement ; (...) ". Aux termes de l'article R. 4311-4 du même code : " Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier ou l'infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-psychologiques qu'il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Cette collaboration peut s'inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l'article R. 4311-3 ".

13. Mme A... soutient qu'elle a seulement demandé aux aides-soignants du SSIAD de proposer aux patients ne bénéficiant pas d'une pédicure, et en l'absence de lésions ou de pathologies relevant de la compétence d'un pédicure, de leur couper les ongles de pieds.

14. Il résulte des dispositions précitées du code de la santé publique, et il n'est pas contesté en défense, que les soins d'hygiène, et en particulier la coupe des ongles, peuvent être réalisés par les aides-soignants ou les aides médico-psychologiques en collaboration et sous la responsabilité d'un infirmier lorsqu'il n'existe aucune pathologie ou affection. Toutefois, ainsi que le relève le CCAS, les personnes atteintes de diabète présentent un risque podologique élevé, notamment un risque accru de plaies pouvant conduire à des amputations, et bénéficient à ce titre d'un parcours de prévention adapté destiné à évaluer le risque de lésions sur une échelle de 0 à 3. Or, dans cette hypothèse, et ainsi qu'il a été dit au point 11, la coupe des ongles de pied ne relève pas, eu égard aux risques de lésions que cette pratique est susceptible de faire peser sur ces derniers, de la compétence des aides-soignants, dont la formation pour la réalisation de ce type d'acte n'est au demeurant pas démontrée par l'appelante, mais des pédicures-podologues qui ont seuls qualité pour pratiquer les soins d'hygiène du pied destinés à prévenir les affections épidermiques et d'en maintenir l'intégrité. A cet égard, la circonstance que tous les diabétiques ne présentent pas un pied à risque et ne bénéficient pas d'un accompagnement par un pédicure-podologue dès lors que ces séances sont prises en charge par l'Assurance Maladie uniquement pour les patients dont la gradation des pieds a été évaluée au grade 2 ou 3 est sans incidence. Par ailleurs, si Mme A... fait valoir qu'elle n'a jamais demandé à une aide-soignante de couper des ongles sur un pied diabétique de grade 2 ou 3, il ne ressort pas des témoignages recueillis lors de l'enquête administrative que cette consigne aurait été adaptée à cette gradation. Dans ces conditions, quand bien même la plupart des aides-soignants ont en tout état de cause refusé de pratiquer ce type de soins et n'ont pas l'objet de sanction de sa part pour ce motif, les faits reprochés sont établis et constitutifs d'une faute professionnelle de nature à justifier le prononcé d'une sanction.

En ce qui concerne le grief tiré de la prise de clichés photographiques :

15. D'une part, aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée ". Aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique dans sa version alors en vigueur : " I.- Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. (...). Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. IV. - La personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. (...) ". Il résulte des dispositions précitées que tout patient a droit au respect de sa vie privée et de son image. Ce droit couvre toutes les informations venues à la connaissance du professionnel de santé, qui sont couvertes par le secret médical quel qu'en soient le contenu et le support, y compris les photographies prises à des fins thérapeutiques et destinées à être versées au dossier médical.

16. D'autre part, aux termes de l'article R. 4312-3 du code de la santé publique : " L'infirmier, au service de la personne et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine. Il respecte la dignité et l'intimité du patient, de sa famille et de ses proches ".

17. Mme A... fait valoir que si elle a demandé aux aides-soignants du service de prendre, avec leur téléphone professionnel, des clichés photographiques de plaies de patients afin de pouvoir juger de leur gravité à l'occasion de l'organisation des transmissions, cette pratique demeurait exceptionnelle, était sécurisée et permise uniquement en cas de doute sur son évolution et, enfin, qu'elle se déplaçait si nécessaire afin d'alerter le médecin traitant. Toutefois, il est constant que le conseil départemental de l'ordre des infirmiers du Nord, saisi par l'intéressée sur la légalité de cette pratique, a répondu, dans un courrier du 8 septembre 2016, ne pas cautionner cette pratique en raison du risque lié au respect du secret professionnel. Il ressort en outre des pièces du dossier, et plus particulièrement des témoignages recueillis lors de l'enquête administrative, que, contrairement aux allégations de l'appelante, la prise de photographies était généralisée au sein de l'équipe. Si plusieurs aides-soignants ainsi que la famille d'une bénéficiaire attestent néanmoins de ce que les vues étaient prises avec le consentement des patients qui n'étaient pas indentifiables, il apparaît que cette pratique ne présentait pas les garanties requises en matière de protection des données dès lors qu'il ressort des déclarations et attestations d'autres agents que la suppression des photographies, lesquelles portaient parfois sur des parties intimes, ne faisait pas l'objet de vérifications par Mme A.... A cet égard, l'intéressée ne conteste pas la circonstance opposée en défense selon laquelle le stockage des photographies s'effectuait uniquement sur le téléphone professionnel, sécurisé par un " code pin ", et non sur l'application médicale sécurisée permettant l'accès aux dossiers des patients, et ne démontre pas l'existence de la charte d'utilisation dont elle se prévaut. Par suite, même si cette pratique témoignerait de sa volonté d'améliorer la qualité de la prise en charge, résulterait d'une insuffisance de moyens de transmission sécurisée ainsi que l'a relevé le conseil départemental de l'ordre des infirmiers du Nord et n'aurait donné lieu à aucune plainte des bénéficiaires ou de leurs proches, Mme A... s'est placée dans un cadre non maîtrisé susceptible de porter atteinte à la dignité et l'intimité du patient et de la famille. Par ailleurs, l'usage de photographies, qui ne peut s'apparenter à de la télémédecine, ne peut, en tout état de cause, se substituer à un diagnostic sur place afin d'assurer les soins et prescriptions nécessaires pour remédier à l'état de santé des patients. Or il ressort des pièces du dossier que

des aides-soignants ont fait état, dans des termes particulièrement précis et circonstanciés, de ce que cette pratique avait provoqué, en dépit des alertes adressées à Mme A..., la prise en charge tardive de deux patients dont les plaies s'étaient aggravées. Ces faits revêtent, par conséquent, un caractère fautif.

18. L'ensemble des faits ci-dessus décrits reprochés à Mme A..., qui sont établis, caractérisent des manquements à ses obligations professionnelles et sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. Ceci, en dépit de la circonstance que, comme l'a estimé à bon droit le tribunal, le dernier grief, énoncé dans l'arrêté contesté, tiré de l'exercice illégal de la profession d'infirmière en l'absence d'inscription à l'ordre des infirmiers ne paraît pas devoir être retenu à l'encontre de l'intéressée dans la mesure où il est constant qu'elle détient le diplôme d'infirmière et que le décret précisant la procédure d'inscription à l'ordre des infirmiers n'a été publié au journal officiel de la République française que le 12 juillet 2018.

19. Compte tenu des responsabilités de cadre de santé occupées par la requérante, du nombre et de la réitération des manquements relevés, de la gravité de certains d'entre eux ainsi que des répercussions de ces manquements sur le fonctionnement du service, la sanction de révocation qui lui a été infligée ne revêt pas un caractère disproportionné, en dépit de l'absence d'antécédent disciplinaire et du soutien dont elle a bénéficié de la part de quelques-unes de ses collègues. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure de révocation doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le président du CCAS de Valenciennes lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Valenciennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros à verser au CCAS de Valenciennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera une somme de 2 000 euros au centre communal d'action sociale de Valenciennes au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., épouse A... et au centre communal d'action sociale de Valenciennes.

Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2025.

Le président-assesseur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Présidente-rapporteure,

Signé : M.-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

1

2

N° 23DA01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01477
Date de la décision : 15/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Viard
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL BLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-15;23da01477 ?
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