Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'université de Lille à lui verser, à titre principal, la somme de 331 930,27 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 328 890,15 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, sous déduction de la somme provisionnelle de 31 942,40 euros versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 20 décembre 2018. Elle sollicitait également la condamnation de l'université aux dépens.
Par un jugement n° 1800929 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné l'université de Lille à verser à Mme B... la somme de 68 000 euros, sous déduction de la provision de 31 942,40 euros déjà accordée par l'ordonnance n° 1800932 du 20 décembre 2018, cette somme portant intérêts à compter du 21 décembre 2017, les intérêts échus le 21 décembre 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, devant être capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Le tribunal a par ailleurs mis à la charge de l'université de Lille une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Mme B.... Il a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 septembre 2021, le 22 avril 2022, le 20 mai 2022 et le 28 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Sissoko, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a limité à la somme de 68 000 euros le montant de l'indemnisation mise à la charge de l'université de Lille ;
2°) de condamner l'université de Lille à lui verser, à titre principal, la somme de 321 079,39 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 317 871,76 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, sous déduction de la somme provisionnelle de 31 942,40 euros versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 20 décembre 2018 ;
3°) de condamner l'université de Lille aux dépens ;
4°) de déclarer le jugement commun et opposable à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) ;
5°) de mettre à la charge de l'université de Lille, le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son appel est recevable ;
- sa requête de première instance est recevable dès lors qu'elle y a précisé les fondements de la responsabilité de l'université de Lille ;
- la responsabilité de l'université est engagée en raison d'un défaut d'entretien normal des bâtiments universitaires ;
- cette faute engage la responsabilité de l'université de Lille et lui ouvre droit à l'indemnisation des préjudices subis ;
- celle-ci est tenue à la réparation de l'intégralité des préjudices en lien avec les accidents du 30 novembre 2002 et du 30 mai 2006 imputables au service ;
- sa créance n'est pas prescrite ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont accepté d'indemniser qu'une partie seulement des préjudices dont elle demande réparation ;
- les premiers juges n'ont en outre pas fait une juste appréciation des préjudices indemnisés ;
- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire doit être fixée, à titre principal, à la somme de 41 158 euros et à titre subsidiaire, à celle de 38 117, 88 euros ; cette réévaluation doit être faite sur la base d'un taux journalier de 25 euros et d'une révision des périodes d'incapacité totale et partielle ;
- le déficit fonctionnel permanent, évalué à 15 % par l'expert désigné par le président du tribunal, doit être fixé à 20 % ; l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être portée à la somme de 40 000 euros ;
- les souffrances endurées durant une période de dix ans et six mois justifient l'octroi d'une indemnité de 60 000 euros ;
- l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire doit être fixée à la somme de 30 000 euros ;
- l'indemnisation du préjudice esthétique permanent doit être fixée à la somme de 10 000 euros ;
- son préjudice sexuel doit être indemnisé à hauteur de 8 000 euros ;
- elle a subi un préjudice d'agrément devant être évalué à la somme de 8 000 euros ;
- le préjudice évolutif doit être réparé à hauteur de 5 000 euros ;
- ses dépenses de santé doivent être indemnisées à hauteur de 11 683,05 euros ;
- les frais engagés pour ses cures thermales, ou devant l'être dans le futur, médicalement justifiés, doivent être indemnisés à hauteur de 16 785,49 euros ;
- elle justifie de séances de psychothérapie pour un montant de 1 000 euros ;
- ses dépenses de parapharmacie et prescriptions à but thérapeutique s'élèvent à la somme de 8 746,72 euros ;
- elle est en droit de demander l'indemnisation de divers frais en lien avec sa pathologie, tels les frais de location de téléviseur et de téléphone engagés durant ses hospitalisations pour un montant de 717,50 euros, les frais de parking du CHRU de Lille pour un montant de 61 euros ; de même, doivent être indemnisés l'ensemble de ses frais de déplacement, à hauteur d'une somme totale de 7 408,85 euros, l'intégralité des frais de gestion (achats de papiers, cartouches d'encre, photocopies) à hauteur d'une somme de 3 678,53 euros ; doivent être également indemnisées à ce titre, à hauteur respectivement de 706 euros et de 786,37 euros, les cotisations versées à la Fédération Nationale des Accidentés du Travail (FNATH) et au SNPTES-UNSA ;
- elle a subi des préjudices professionnels et de carrière ; la suppression de sa prime d'encadrement (NBI) de 25 points lui ouvre droit à une indemnisation totale de 11 849,76 euros ; elle peut prétendre à une indemnité de 22 155, 87 euros au titre du manque à gagner sur son traitement ; une indemnité de 32 000 euros doit en outre lui être versée au titre de l'incidence professionnelle ;
- les frais d'expertise mis à sa charge se sont élevés à la somme de 650 euros ;
- elle a eu recours à l'assistance d'un médecin-conseil dont les honoraires se sont élevés à la somme de 1 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 février 2022, 28 février 2022 et 30 mai 2022, l'université de Lille, représentée par Me Malolepsy, conclut au rejet de la requête, à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Lille.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que Mme B... se borne à présenter à nouveau sa demande de première instance sans présenter de moyens pour contester le jugement ;
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont estimé que les fondements de responsabilité étaient précisés par Mme B... alors qu'en l'absence de toute précision de la requête sur ce point, ils devaient rejeter sa requête comme irrecevable ;
- l'irrégularité du jugement résulte également de ce que le tribunal a appliqué le régime de responsabilité pour défaut d'entretien de l'ouvrage à l'utilisation d'un produit toxique et qu'il a retenu qu'un participant au service public pouvait bénéficier de ce régime de responsabilité sans faute ;
- les premiers juges ont de même entaché leur jugement d'irrégularité et dénaturé les pièces du dossier en estimant que les créances dont Mme B... demande réparation n'étaient pas prescrites au sens de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; le cours de la prescription quadriennale n'a pas été interrompu par les procédures et recours précédemment engagés par la requérante, exclusivement dirigés contre l'Etat ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;
- notamment, aucun manquement dans l'entretien des locaux de l'université ne peut lui être imputé ; elle a procédé à leur entretien, en particulier à la désinsectisation en temps utile ;
- elle n'est pas tenue à la réparation des préjudices incombant à l'employeur de Mme B..., en l'occurrence l'Etat ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre l'entretien défaillant des bâtiments universitaires allégué et les préjudices professionnels et de carrière dont se plaint Mme B... et dont elle demande réparation ;
- les prétentions indemnitaires de Mme B... sont disproportionnées par rapport aux conclusions de l'expertise médicale et / ou sans lien avec la pathologie dont elle est atteinte.
La procédure a été communiquée à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) le 7 juillet 2022.
La procédure a été communiquée au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche le 18 juillet 2024.
Par une ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 novembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Sissoko, représentant Mme B..., et de Me Malolepsy, représentant l'université de Lille.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., qui au moment de son admission à la retraite le 1er janvier 2012 était fonctionnaire titulaire dans le corps des ingénieurs d'études hors classe, exerçait ses fonctions à l'université de Lille III, devenue université de Lille, lorsqu'elle fut atteinte d'une parasitose, à la suite d'une infestation de puces dans son bureau, diagnostiquée le 30 novembre 2002. A la suite d'un prurigo nodulaire sévère de type Besnier, diagnostiqué le 18 février 2004, Mme B... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie le 8 mars 2007. Le recteur de l'académie de Lille a rejeté cette demande par une décision du 25 novembre 2008 qui a été annulée par un jugement n° 0901047 du 13 juillet 2012 du tribunal administratif de Lille. En exécution de ce jugement, par une décision du 23 novembre 2012, le recteur a reconnu l'origine professionnelle de la maladie de Mme B.... A la suite d'une expertise médicale ordonnée le 29 mars 2013 par le président du tribunal administratif de Lille en réponse à une demande de Mme B... sollicitant la détermination de l'étendue des conséquences physiques, psychiques et pécuniaires de sa pathologie, la même autorité a, par décision du 24 septembre 2014, fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... au 27 juin 2013 et le taux d'incapacité permanente partielle à 15 %. Mme B... a ensuite saisi ce tribunal aux fins de condamner l'Etat à indemniser, notamment, les préjudices patrimoniaux et
extra-patrimoniaux qu'elle a supportés du fait de sa maladie. Par un jugement n° 1404373 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation de la faute commise par l'Etat consistant à n'avoir pas reconnu l'imputabilité de sa maladie au service et a rejeté comme étant mal dirigées ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à indemniser les préjudices consécutifs à l'insalubrité des locaux de l'université de Lille III où elle travaillait.
2. C'est dans ces conditions que Mme B... a adressé le 21 décembre 2017 à la présidente de l'université de Lille III une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa maladie reconnue imputable au service, trouvant son origine dans un défaut d'entretien des locaux du campus universitaire où elle exerçait ses fonctions. Sa demande ayant été implicitement rejetée, elle a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'université de Lille III à réparer l'intégralité des préjudices qu'elle estime en lien avec la dégradation de son état de santé.
3. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 68 000 euros, sous déduction de la provision de 31 942,40 euros déjà accordée, le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de l'université de Lille et demande à la cour de condamner cette université à lui verser, à titre principal, la somme de 321 079,39 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 317 871,76 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, sous déduction de la somme provisionnelle de 31 942,40 euros versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 20 décembre 2018. Par la voie de l'appel incident, l'université de Lille demande l'annulation du jugement critiqué.
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'université de Lille :
4. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
5. Il ressort des écritures de la requête d'appel présentée par Mme B... qu'elle demande l'infirmation du jugement, en tant qu'il a limité le montant de la condamnation mise à la charge de l'université de Lille. Si elle reprend en grande partie ses écritures de première instance, elle critique le jugement, notamment en faisant valoir les motifs pour lesquels elle estime que les premiers juges ont mal apprécié les préjudices dont elle demande réparation. Par suite, l'université de Lille n'est pas fondée à soutenir que la requête d'appel est irrecevable en tant qu'elle réitère les moyens et prétentions de la requête de première instance.
Sur la régularité du jugement :
6. Il ressort de la demande préalable et de la requête introductive d'instance que, pour rechercher la responsabilité de l'université de Lille, Mme B... invoquait un défaut d'entretien normal des locaux et la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail en faisant valoir qu'ayant été victime d'un accident reconnu imputable au service dans les locaux de l'université, elle avait droit, au-delà de l'indemnisation des préjudices personnels en cas de faute, de solliciter l'indemnisation de ses préjudices nés de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle. Elle soutenait également que " s'appuyant sur une faute de l'Université, elle sollicitera, sur le fondement du régime de responsabilité de droit commun l'indemnisation intégrale de ses préjudices ". Au vu de ces éléments, comme l'ont retenu les premiers juges, la requête de Mme B... était suffisamment précise pour qu'elle soit regardée comme exposant les causes juridiques sur lesquelles elle fondait sa demande visant à la condamnation de l'université à l'indemniser de tous les préjudices qu'elle estimait en lien avec sa pathologie.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur la responsabilité :
7. Aux termes de l'article L. 762-2 du code de l'éducation, dans sa version applicable à la date du 30 novembre 2002 : " Les établissements publics d'enseignement supérieur peuvent se voir confier, par l'Etat, la maîtrise d'ouvrage de constructions universitaires. A l'égard de ces locaux comme de ceux qui leur sont affectés ou qui sont mis à leur disposition par l'Etat, les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ou du ministre de l'agriculture exercent les droits et obligations du propriétaire, à l'exception du droit de disposition et d'affectation des biens ". Et aux termes de l'article 2 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, dans sa version en vigueur au 30 novembre 2002 : " Dans les administrations et établissements visés à l'article 1er, les locaux doivent être aménagés, les équipements doivent être installés et tenus de manière à garantir la sécurité des agents et, le cas échéant, des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé des personnes ".
8. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage qu'il a subi. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
9. Il résulte de l'instruction que le 30 novembre 2002, alors qu'elle exerçait les fonctions d'ingénieure d'études au sein du service des relations internationales de l'université de Lille III, Mme B..., qui disposait d'un bureau situé dans l'un des bâtiments du campus universitaire dénommé " Tour extension B " et doit à ce titre être regardée comme ayant la qualité d'usager des locaux, a été victime de piqûres de puces, dont la présence massive avait alors été constatée dans les bureaux. L'affection allergique subie par l'intéressée a été reconnue comme un accident imputable au service par une décision en date du 11 décembre 2003 du recteur de l'académie de Lille. Quelques mois après, Mme B..., atteinte d'une dermatite atopique, a développé un prurigo nodulaire sévère de type Besnier diagnostiqué pour la première fois le 18 février 2004. Une expertise médicale ordonnée le 9 juin 2011 par le tribunal administratif de Lille, confiée au Dr A..., a conclu que cette affection avait pour origine l'accident de service du 30 novembre 2002, l'assaut allergénique extrêmement important provoqué par les piqûres de puces ayant très probablement transformé en prurigo la dermatite atopique banale dont souffrait antérieurement Mme B.... Par un jugement du 13 juillet 2012, le refus du rectorat de reconnaître l'imputabilité au service de cette deuxième affection a été annulé par le tribunal administratif de Lille et, en exécution de cette décision juridictionnelle, le recteur d'académie a reconnu le lien du prurigo nodulaire avec l'accident survenu le 30 novembre 2002 dans les locaux de l'université de Lille III.
10. Pour réfuter tout lien de causalité entre l'état des locaux universitaires et la présence de puces à l'origine de la pathologie de Mme B..., l'université de Lille fait notamment valoir, d'une part, qu'elle avait pris des mesures avant l'accident pour éliminer ces insectes et éviter leur prolifération, notamment en menant sept campagnes de désinsectisation et, d'autre part, qu'elle avait entrepris la réhabilitation des bâtiments concernés dès l'année 2000 puis fermé le service et déplacé Mme B... dans un autre bureau. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier d'un courriel daté du 5 décembre 2002 adressé au président et au secrétaire général de l'Université de Lille III par la responsable administrative des relations internationales, que l'intervention contre les " puces de moquette " n'a été faite que dans les jours qui ont suivi l'épisode du 30 novembre précédent et qu'en raison de son inefficacité, les personnels continuaient de souffrir de piqûres. Par ce même courriel, elle indiquait à l'autorité hiérarchique ne plus pouvoir accueillir le public étudiant, ni le personnel et demandait la fermeture des locaux jusqu'à la réalisation d'un traitement efficace. A cet égard, il ressort d'une note datée du 2 avril 2003 de la cellule hygiène et sécurité de l'université qu'un calendrier des interventions pour le service des relations internationales avait été programmé qui a conduit à la fermeture du service du 12 décembre 2002 jusqu'à la rentrée universitaire de janvier 2003 puis à la réfection du bureau de Mme B..., à la conduite de cinq campagnes de désinsectisation et de deux autres en février 2003 ainsi qu'à l'analyse des particules retrouvées sur le bureau de Mme B... en mars 2003 et à des prélèvements atmosphériques en avril 2003. Si ce planning établit que l'université a mené des actions pour remédier au problème d'insalubrité touchant les locaux hébergeant le service où travaillait Mme B..., l'intimée n'apporte aucune pièce documentant l'entretien du bâtiment avant les opérations de désinsectisation faites en décembre 2002 puis en 2003 ainsi que la remise en état, de 2003 à 2004 des bâtiments de la Tour Extension où se situait le bureau de Mme B.... Si l'université de Lille fait en outre valoir que Mme B... ne produit aucun document antérieur à novembre 2002 sur ce problème précis, il ressort cependant d'un courrier daté du 2 mars 2005 que le médecin de prévention a adressé au président de l'université de Lille III, que Mme B... a été reçue pour la première fois le 30 octobre 2002 pour une visite médicale, au cours de laquelle elle lui avait alors déclaré présenter des allergies multiples, en conséquence de quoi il avait souhaité qu'elle occupe un bureau sans moquettes. Par ailleurs, pour s'exonérer de tout manquement dans son obligation d'assurer aux occupants des conditions de salubrité satisfaisant aux règles d'hygiène et de sécurité, l'université ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que les foyers de puces étaient disséminés dans des cartons de linge abandonnés par des étudiants Erasmus, pratique qui aurait été acceptée et tolérée par le personnel du service, ni que la chaleur estivale a participé au développement de cette infestation. Dans ces conditions, l'université de Lille ne peut dès lors être regardée comme apportant la preuve du bon entretien des locaux universitaires qu'occupait Mme B... lorsqu'elle a subi une première réaction allergique aux piqûres de puces, directement à l'origine de sa dermatite sévère diagnostiquée en février 2004.
11. En revanche, si Mme B... impute également sa maladie à une réaction dermatologique inflammatoire et œdémateuse dont elle fut victime le 30 mai 2006, provoquée par le contact avec un produit toxique utilisé par une entreprise spécialisée chargée d'éliminer un nid de fourmis à proximité du bureau qu'elle occupait, une telle intervention, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait consisté à répandre un produit interdit ou de l'avoir manipulé en contradiction avec les normes et recommandations d'usage ne saurait révéler un défaut d'entretien normal de l'ouvrage.
12. Toutefois, cette circonstance est sans incidence dès lors que, comme il a été dit au point 10, la dégradation de l'état de santé de l'intéressée jusqu'à sa consolidation en 2013 est bien imputable à l'état d'insalubrité des locaux universitaires dans lesquels elle était alors affectée à la fin de l'année 2002. Par suite, Mme B... est fondée à rechercher la responsabilité de l'université de Lille à raison d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par l'université de Lille :
13. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Pour l'application de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime.
14. Il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise médicale établi le 30 septembre 2013 par l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Lille dans son ordonnance du 29 mars 2013, a fixé la date de consolidation au 27 juin 2013 pour le prurigo diagnostiqué en 2004 résultant des suites de l'accident de service de 2002. Si l'université de Lille, qui n'était pas partie à l'expertise précitée, conteste cette date, elle se borne à indiquer, en se fondant sur les pièces médicales du dossier, que la mise en œuvre à compter de novembre 2012 d'un traitement immunosuppresseur a permis une amélioration de l'état de santé de Mme B.... Toutefois, aucune de ces pièces médicales n'établit une consolidation dès le mois de novembre 2012 alors qu'à cet égard, selon les conclusions d'une précédente expertise en date du 10 octobre 2011 également ordonnée par le président du tribunal, le médecin expert estimait que l'état de santé de Mme B... ne pouvait être regardé comme consolidé. Au demeurant, il est constant que par un arrêté pris le 24 septembre 2014, le recteur de l'académie de Lille a définitivement fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... au 27 juin 2013. Par suite, le délai de prescription de quatre ans, qui a commencé à courir le 1er janvier 2014, n'était pas expiré à la date à laquelle l'université de Lille a reçu la demande de Mme B... du 21 décembre 2017 tendant à l'indemnisation des préjudices consécutifs à sa maladie professionnelle.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
S'agissant des déficits fonctionnels :
15. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Lille, qu'en raison du prurigo nodulaire sévère dont Mme B... est atteinte depuis le 30 novembre 2002 et dont la consolidation a été fixée à la date du 27 juin 2013, l'intéressée a subi un déficit fonctionnel temporaire total durant les cent quatre-vingt-onze jours au cours desquels elle a été hospitalisée, un déficit fonctionnel temporaire partiel, à hauteur de 75 % durant les cent soixante-huit jours correspondant à des séjours en cure thermale et à hauteur de 33 % entre la période du 30 novembre 2002 et la date de consolidation.
16. Mme B... conteste la somme de 25 000 euros allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire et sollicite qu'elle soit portée à la somme de 41 158 euros et à titre subsidiaire, à 38 117, 88 euros, notamment par l'application d'un taux de 25 euros par jour. L'université de Lille conteste le montant accordé par le tribunal, sur la base d'un taux journalier de 16 euros par jour, en faisant valoir qu'un taux de 13 euros devait être appliqué. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, que les premiers juges auraient mal apprécié les différentes périodes durant lesquelles Mme B... était en incapacité totale ou partielle, ni qu'en faisant application d'un taux journalier de 16 euros, ils auraient fondé l'évaluation de ce préjudice sur un barème inadapté. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant une somme de 25 000 euros.
17. D'autre part, pour indemniser le déficit fonctionnel permanent à hauteur de la somme de 18 000 euros, les premiers juges se sont fondés sur les conclusions du rapport d'expertise précité retenant un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 15 %. Mme B... conteste ce montant, en soutenant, comme elle le faisait déjà devant le tribunal, qu'il doit être réévalué sur la base d'un taux de 20 %. Selon elle, le taux retenu par l'expert est en décalage avec tous les documents médicaux dont il disposait et elle se prévaut de la contre-expertise de son médecin conseil selon lequel le taux doit tenir compte plus précisément des conséquences, reconnues imputables, des complications présentées par l'intéressée en particulier, le retentissement cutané et ORL, l'état carentiel de la minéralisation osseuse squelettique à l'origine de tassements vertébraux, la lymphopénie, ainsi que la perte des joies usuelles quotidiennes de la vie, du plaisir des rencontres, des activités sociales, éléments gravement perturbés par la longue évolutivité de la pathologie et ne faisant pas l'objet d'une indemnisation au titre d'un préjudice d'agrément. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'expert désigné par le président du tribunal se soit mépris sur l'ampleur et l'étendue des atteintes permanentes à l'intégrité physique ou psychique après consolidation, dès lors que, pour l'établissement de ses conclusions, il a pris connaissance de la contre-expertise invoquée par la requérante et l'a discutée en argumentant sa position. Dans ces conditions, compte tenu de ce que Mme B... était âgée de soixante-quatre ans à la date de la consolidation fixée au 27 juin 2013, le tribunal a fait une juste appréciation de son préjudice en lui allouant une somme de 18 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
S'agissant des souffrances endurées :
18. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les souffrances endurées par Mme B... ont été évaluées à 4,5 sur une échelle de 7. Cette évaluation tient compte de la sévérité de sa " dermatite atopique " et de l'intensité et de l'étendue tant des lésions physiques, que du retentissement psychique qui en a résulté, sur une période de plus de dix années, marquée par un parcours de soins ponctué de phases d'accalmie. L'expert a notamment estimé que les aléas d'une procédure de reconnaissance longue et difficile de l'imputabilité au service de sa maladie ont eu des conséquences sur l'état de santé physique et mental de Mme B.... Si, dans son jugement du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille s'était fondé sur ces dernières considérations pour condamner l'Etat à verser à la requérante une indemnité de 10 000 euros, il résulte des motifs mêmes de sa décision, qu'il n'a entendu réparer que le préjudice provoqué par " des souffrances endurées par la requérante résultant de la difficulté à laquelle elle a été confrontée pour faire reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ". Dans ces conditions, par le jugement attaqué du 9 juillet 2021, en accordant à Mme B... une indemnité de 10 000 euros, ce même tribunal n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice dès lors qu'il a réparé toutes les souffrances physiques et psychiques résultant de la maladie. Les premiers juges ayant justement apprécié ce chef de préjudice, Mme B... n'est donc pas fondée à en demander la réévaluation et la demande de réformation du jugement sur ce point demandé par l'Université de Lille ne peut qu'être rejetée.
S'agissant des préjudices esthétiques :
19. D'une part, le préjudice esthétique temporaire ouvre droit à réparation lorsque l'apparence physique est particulièrement altérée et entraîne des conséquences personnelles très préjudiciables. En l'occurrence, pour évaluer le préjudice esthétique temporaire de Mme B... à 4 sur une échelle de 7, l'expert médical a retenu qu'il est " caractérisé par une dermatose qui a été constamment cliniquement évolutive de 2002 à 2013 avec des phases d'exacerbation qui ont été décrites dans la succession des courriers transmis à la documentation en restant attentif aux phases érythrodermiques qui ont altéré lourdement la présentation sociale de l'intéressée au contexte du regard d'autrui ". Il ne résulte pas de l'instruction qu'en se fondant sur ces conclusions pour lui accorder une indemnité de 12 000 euros, le tribunal ait mal apprécié l'intensité des atteintes esthétiques temporaires de l'appelante. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à demander sa réévaluation à hauteur de la somme de 30 000 euros.
20. D'autre part, selon ce même rapport d'expertise, l'expert a estimé à 2,5 / 7, le préjudice esthétique permanent, en tenant compte, au titre des " complications et fluctuations ultérieures de la maladie ", de la " rosacée " se manifestant par " une rougeur persistante (érythème) au centre du visage (joues, nez, milieu du front, menton), sauf sur le pourtour des yeux et de la bouche. ". Compte tenu de ce que la dermatite atopique dont souffre Mme B... se caractérise par l'alternance de périodes d'accalmies et de poussées inflammatoires, en retenant que le préjudice esthétique permanent d'intensité légère à modérée, justifiait l'octroi d'une indemnité de 2 000 euros, les premiers juges ont procédé à une juste appréciation.
S'agissant du préjudice d'agrément :
21. Mme B... soutient qu'elle a subi un préjudice d'agrément tenant à l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée, depuis son accident, de continuer la pratique de la natation et du ski. Si la production d'une licence sportive n'est pas nécessaire pour l'établissement de l'existence d'une pratique régulière d'un sport ou d'un loisir, en se bornant à produire un " ski pass " et des attestations de l'Ecole française de ski pour les seules années 1994 et 1998, soit quatre années avant l'accident reconnu imputable au service, ainsi que quelques photographies et l'attestation d'une amie, l'appelante ne produit, à hauteur d'appel, pas davantage d'éléments susceptibles de témoigner dans la durée, d'une pratique régulière de cette activité. Elle n'apporte en outre aucun élément relatif à sa pratique habituelle de la natation. Dans ces conditions, comme l'ont retenu les premiers juges, Mme B... n'est pas fondée à demander la réparation du préjudice d'agrément qu'elle invoque.
S'agissant du préjudice sexuel :
22. Il résulte de l'instruction que Mme B... était âgée de cinquante-trois ans en 2002 et mariée. Compte tenu des atteintes physiques dues aux effets des traitements et des atteintes cutanées de sa maladie dermatologique, et des souffrances exacerbées qui ont été susceptibles de contribuer à un rejet régulier des relations intimes, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice sexuel de l'intéressée en retenant qu'il ouvrait droit à une indemnisation de 1 000 euros.
S'agissant du préjudice lié au caractère évolutif de la maladie :
23. Mme B... sollicite le versement d'une indemnité de 5 000 euros destinée à réparer le préjudice d'angoisse de voir se développer, à plus ou moins brève échéance, une pathologie mettant en jeu le pronostic vital résultant du caractère évolutif de sa maladie. Mme B... se prévaut de rapports médicaux qui ont fait état d'évolutions malignes possibles, notamment une éventuelle pathologie lymphomateuse évoquée en 2006 et 2018. Toutefois, ces rapports médicaux ne permettent pas d'établir l'existence d'un préjudice direct et certain lié à la crainte de développer une pathologie grave du fait de la dermatite sévère affectant l'intéressée.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
24. Il résulte de ce qui a été dit au point 12, que la responsabilité de l'université de Lille étant engagée à l'égard de Mme B... sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage, cette dernière est fondée à demander l'indemnisation de l'ensemble des préjudices qui sont en lien direct et certain avec cette faute, sans que l'université puisse utilement invoquer la circonstance que l'Etat serait l'employeur de l'intéressée. Il s'ensuit que les dépenses de santé non-prises en charge par l'Etat et la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) qui sont en lien direct et certain avec la dermatite atopique sévère causée à Mme B... par le défaut d'entretien des locaux universitaires où elle était affectée, doivent être mises à la charge de l'université de Lille.
25. En l'espèce, d'une part, l'appelante justifie, par la production des retracés de consultations, d'actes médicaux, d'analyses et d'examens, d'ordonnances et de leurs factures et des relevés de la MGEN, des dépenses de santé restées à sa charge entre 2004 et le 27 juin 2013, date de consolidation, à hauteur d'une somme totale de 4 375,75 euros. D'autre part, les dépenses de santé en lien avec son affection restées à sa charge postérieurement à la date de consolidation sont justifiées à hauteur de 607,30 euros. En revanche, si Mme B... sollicite une somme de 6 700 euros au titre de dépenses de santé futures, elle n'établit ni le caractère certain de ces dépenses ni le lien de causalité entre celles-ci et son affection.
26. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, Mme B... est fondée à demander, au titre de ses dépenses de santé, le versement d'une somme totale de 4 983,05 euros.
S'agissant des frais de cure thermale :
27. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 30 septembre 2013 que le traitement clinique du prurigo nodulaire sévère dont souffre Mme B..., outre un suivi médical ininterrompu entre 2002 et 2013 et des soins dermatologiques hospitaliers, a consisté en des soins dermatologiques délivrés à l'occasion de cures thermales réalisées plusieurs années de suite dans la station thermale de Saint-Gervais. Sur ce point, il ressort des divers comptes-rendus d'examens médicaux annexés au rapport d'expertise, que ces cures thermales étaient nécessaires pour traiter et soulager les effets de la dermatite atopique affectant l'intéressée et avaient des effets favorables. A cet égard, il ressort des conclusions du rapport d'expertise, la prise en compte de huit cures thermales de vingt-et-un jours chacune dans le décompte des soins dermatologiques en lien avec la maladie. Dès lors, Mme B... peut prétendre à l'indemnisation de l'intégralité des frais engagés pour les cures du 10 au 30 avril 2004, du 5 au 26 mars 2005, du 4 au 24 mars 2006, du 5 au 25 janvier 2008, du 13 avril au 2 mai 2009, du 8 au 26 mars 2010, du 20 mars au 9 avril 2011 et du 26 mars au 14 avril 2012, qui sont restés à sa charge et dont elle justifie, à hauteur d'une somme de 11 400,45 euros, par la production des pièces précisant le détail des frais de location, de soins et de transport en lien avec ces différents séjours sur les lieux de cure thermale et qui ne présentent pas un caractère déraisonnable. De même, elle justifie des dépenses de cures après consolidation pour un montant de 1 585,04 euros. Il y a lieu, dès lors, de lui allouer la somme totale de 12 985,49 euros. En revanche, elle ne peut prétendre à être indemnisée de frais futurs de cure thermale, lesquels ne présentent qu'un caractère éventuel.
S'agissant des frais de psychothérapie :
28. Mme B... demande l'indemnisation de deux psychothérapies restées à sa charge, respectivement pour un montant de 600 euros au titre d'une psychothérapie comportementale et pour 400 euros au titre d'un suivi de groupe en 2011. Toutefois, s'agissant du premier poste, elle fournit uniquement un tableau récapitulatif et un certificat établi par un professeur de médecine de l'hôpital Pitié-Salpétrière prescrivant des séances de psychothérapie comportementale, sans justifier de leur paiement. S'agissant du second poste de préjudice, elle n'apporte aucune pièce en justifiant. Par suite, Mme B... ne peut prétendre au versement de la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre des frais de psychothérapie.
S'agissant des frais divers :
29. Si Mme B... sollicite la prise en charge de dépenses de parapharmacie, notamment de crèmes ou de produits et compléments alimentaires phytothérapeutiques, le caractère indispensable de ces frais et leur lien direct avec la pathologie de l'intéressée ne sont pas établis. Dès lors, sa demande de versement d'une indemnité réparant ce préjudice ne peut qu'être rejetée.
30. Mme B... soutient qu'elle a droit au remboursement de divers autres frais qu'elle a engagés pour la recherche des causes de sa maladie et son traitement, en particulier lors de ses séjours en hôpital ou pour se rendre en consultation ou pour faire valoir ses droits.
31. A cet égard, si elle sollicite l'indemnisation des frais de location de téléviseur et de téléphone engagés durant ses hospitalisations pour un montant total de 717,50 euros, ils ne sauraient toutefois être mis à la charge de l'université de Lille dès lors qu'ils représentent une dépense de confort qui doit demeurer à sa charge.
32. En revanche, elle justifie, par les pièces qu'elle produit, s'être acquittée d'une somme de 61 euros correspondant aux frais de stationnement dans le parking du CHRU de Lille, nécessités, soit par son hospitalisation soit par les consultations, sans que puisse lui être opposée la circonstance qu'il existait des places de stationnement gratuite aux abords de la faculté de pharmacie.
33. Mme B... demande l'indemnisation de l'ensemble de ses frais de déplacement passés et futurs, à hauteur d'une somme totale de 7 408,85 euros et produit à ce titre des tableaux indiquant, pour chaque année, le nom d'un praticien ou d'un établissement de santé et le lieu de consultation avec la mention du nombre de kilomètres parcourus. Compte tenu de l'ancienneté de ces consultations et à la durée de la prise en charge de Mme B..., ces éléments suffisent à justifier des frais de déplacement qu'elle a exposés, sans que puisse lui être opposée la circonstance alléguée en défense que la localisation des consultations médicales serait excessivement éloignée de son domicile. Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de l'appelante en lui allouant la somme de 5 908,85 euros au titre des frais de déplacement avant et après consolidation. En revanche, le caractère certain des frais futurs évalué à 150 euros par an et pour une durée de dix ans n'étant pas démontré, ce poste de préjudice doit être rejeté.
34. En outre, Mme B... ne saurait prétendre à être indemnisée, ni de la somme de 706 euros correspondant aux cotisations versées à la Fédération Nationale des Accidentés du Travail (FNATH), ni de celle de 786,37 euros correspondant à son adhésion au Syndicat national des personnels titulaires et contractuels de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la culture (SNPTES-UNSA) dès lors que ces dépenses ne présentent pas de lien direct avec sa maladie.
35. Enfin, et pour les mêmes motifs, les frais de gestion consistant notamment en des achats de papiers, de cartouches d'encre et de photocopies, dont Mme B... réclame l'indemnisation à hauteur d'une somme de 3 678,53 euros, ne saurait être davantage indemnisés.
S'agissant de la prise en charge des frais d'expertise :
36. Mme B... demande le remboursement des frais restés à sa charge, correspondant, d'une part à l'expertise médicale ordonnée par le président du tribunal administratif de Lille, d'autre part à l'assistance de son médecin conseil durant cette expertise médicale.
37. Il résulte de l'instruction que ces frais ont été utiles pour déterminer l'origine et l'étendue des préjudices en lien direct avec la faute de l'université de Lille et doivent en conséquence être mis à la charge de cette dernière.
38. D'une part, il ressort des énonciations du point 8 du jugement du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Lille, qu'il a mis à la charge définitive de l'Etat, au titre des frais d'expertise taxés à hauteur de 650 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Lille en date du 3 octobre 2013, la somme de 150 euros. Dès lors que la somme de 500 euros est restée à la charge de Mme B..., elle est fondée à demander que cette somme soit mise à la charge de l'université de Lille, sans que cette dernière puisse utilement se prévaloir du caractère définitif du jugement précité auquel elle n'était pas partie et qui est dès lors dépourvu de l'autorité de chose jugée à son égard.
39. D'autre part, il ressort des énonciations du point 9 du jugement du 5 décembre 2017 précédemment cité, que le tribunal a mis à la charge de l'Etat, la somme de 350 euros au titre des frais exposés par Mme B... auprès d'un médecin conseil. Dès lors, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, la somme de 650 euros demeurée à la charge de Mme B... doit être indemnisée par l'université de Lille.
En ce qui concerne les incidences professionnelles et le manque à gagner :
40. Mme B... soutient que la pathologie contractée consécutivement à son exposition à des piqures de puces dans les locaux de l'université a été à l'origine de la dégradation de sa situation professionnelle et qu'il en est résulté une déconsidération professionnelle, la réduction de sa notation au titre de l'année 2003 s'accompagnant d'un refus de proposition de réduction d'avancement d'échelon, la rétrogradation sur des fonctions de moindre responsabilité que celles qu'elle occupait auparavant au service des relations internationales s'accompagnant d'une mise à l'écart et de la suppression de la NBI qu'elle percevait depuis 1993, agissements qui seraient par ailleurs constitutifs d'un harcèlement moral. Toutefois, ces incidences professionnelles invoquées par Mme B... sont dénuées de tout lien de causalité directe avec la pathologie contractée le 30 novembre 2002, de sorte qu'elle ne saurait prétendre à aucune indemnisation à ce titre.
41. Mme B... demande également à être indemnisée, à hauteur de la somme de 22 155, 87 euros, du manque à gagner sur son traitement, qui résulterait de ce qu'elle aurait cessé son activité de manière anticipée alors qu'elle venait seulement d'être promue au 4ème et dernier échelon de la hors-classe du corps des ingénieurs de recherche. S'il résulte de l'instruction que Mme B... a été admise, à sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2012, toutefois il ne ressort aucunement des pièces du dossier que sa maladie professionnelle l'aurait effectivement contrainte à demander une mise à la retraite anticipée. A cet égard, dans son rapport du 30 septembre 2013, l'expert désigné par le tribunal a pu relever que ni la fonction de la mobilité, ni les capacités cognitives et intellectuelles n'étaient atteintes. Dès lors, la demande de l'appelante tendant à ce que l'université de Lille lui verse la somme correspondant au manque à gagner consécutif à un départ en retraite prématuré doit être rejetée.
42. Enfin, si Mme B... demande le versement d'une somme de 1 043,13 euros qui correspondrait à des " pertes sur avoirs financiers ", elle ne démontre pas l'existence de ce préjudice ni son lien avec sa pathologie.
43. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que Mme B... est seulement fondée à demander que la somme de 68 000 euros, sous déduction de la provision de 31 942,40 euros déjà accordée, que les premiers juges ont condamné l'université de Lille à lui verser soit portée à la somme de 93 088,39 euros et, d'autre part, que l'appel incident de l'université de Lille doit être rejeté.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
44. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 93 088,39 euros à compter du 21 décembre 2017, date de la réception de sa demande indemnitaire préalable.
45. La capitalisation des intérêts ayant été demandée pour la première fois dans sa requête de première instance, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 21 décembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année entière d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
46. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'université de Lille. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Lille, la somme de 2 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 68 000 euros, sous déduction de la provision de 31 942,40 euros déjà accordée, que l'université de Lille a été condamnée à verser à Mme B... par le jugement du tribunal administratif de Lille du 9 juillet 2021 est portée à 93 088,39 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2017 et seront capitalisés à chaque échéance annuelle à compter du 21 décembre 2018.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 9 juillet 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'université de Lille versera une somme de 2 000 euros à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à l'université de Lille, à la Mutuelle générale de l'éducation nationale et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé : F. MalfoyLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 21DA02143 2