Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :
- à titre principal, de condamner, sous astreinte, la commune de Ricquebourg, le cas échéant in solidum avec le département de l'Oise, à lui payer une somme de 190 152,69 euros toutes taxes comprises (TTC) incluant les frais d'expertise, au titre des préjudices qu'elle a subis, majorée des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation formée le 8 juillet 2020 avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette formalité ;
- à titre subsidiaire, si le tribunal considère le département propriétaire du mur d'enceinte effondré, d'une part, d'ordonner, sous astreinte, au département de l'Oise d'assurer la remise en état à l'identique du mur de clôture situé au droit du chemin du Cavin au Bois, d'autre part de condamner in solidum la commune de Ricquebourg et le département de l'Oise à lui verser la somme de 20 074,27 euros TTC correspondant au coût des travaux de réfection d'un mur provisoire, enfin de les condamner in solidum au versement de la somme de 26 078,42 euros TTC correspondant au coût de l'expertise judiciaire ;
- de mettre à la charge de la commune de Ricquebourg, le cas échéant in solidum avec le département de l'Oise la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2002969 du 31 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a estimé qu'il n'y avait pas lieu de mettre les frais de l'expertise judiciaire à la charge définitive de la commune dans l'instance car ils avaient été mis à sa charge définitive dans une autre instance, a condamné la commune de Ricquebourg à verser à la SCI B... la somme de 9 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2020 et capitalisation des intérêts à compter du 10 juillet 2021 (article 1), a condamné la commune de Ricquebourg à verser la somme de 1 500 euros à la SCI B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de la requête (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2022, et des mémoires enregistrés les 8 décembre 2023 et 12 janvier 2024, la société civile immobilière (SCI) B..., représentée par la SCP Frison et associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne fait pas droit à la totalité de ses demandes ;
2°) à titre principal :
- de condamner, sous astreinte, la commune de Ricquebourg, le cas échéant in solidum avec le département de l'Oise, à lui payer une somme de 164 074,27 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la réparation des préjudices qu'elle a subis, majorée des intérêts de droit à compter du 8 juillet 2020 avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette date ;
- de débouter le département de l'Oise de ses demandes ;
- de mettre à la charge de la commune de Ricquebourg, le cas échéant in solidum avec le département de l'Oise, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, si la cour considère que la charge de reconstruction du mur effondré pèse sur le département :
- d'une part, d'ordonner, sous astreinte, au département de l'Oise d'assurer la remise en état à l'identique du mur de clôture dont il a la charge (soutènement et parapet) situé au droit du chemin du Cavin au Bois ;
- d'autre part, de condamner in solidum la commune de Ricquebourg et le département de l'Oise à lui verser la somme de 20 074,27 euros TTC correspondant au coût des travaux de réfection d'un mur provisoire et aux frais de déblaiement occasionnés par la chute du mur ;
- de mettre à la charge de la commune de Ricquebourg et du département de l'Oise, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier pour méconnaissance du principe du contradictoire garanti par l'article L. 5 du code de justice administrative ;
- le jugement est irrégulier pour ne pas avoir statué sur la responsabilité du département de l'Oise et sur l'intégralité des conclusions subsidiaires, en l'occurrence injonctives, de la demande ;
- à la suite des fortes intempéries du 23 juin 2016, les ouvrages d'évacuation des eaux pluviales situés sur la voie publique ont été saturés provoquant une importante inondation du quartier et l'écroulement de plusieurs murs dont celui de la SCI B... au droit du chemin du Cavin au Bois ;
- les désordres constatés sur son mur engagent la responsabilité sans faute de la commune de Ricquebourg dès lors que la société a la qualité de tiers par rapport au système de gestion des eaux de ruissellement qui, en raison de son sous-dimensionnement, a entraîné le ruissellement de eaux provenant du chemin de Cavin au bois à la base de son mur ; la commune ne peut s'exonérer de sa responsabilité en lui reprochant le défaut d'entretien de son mur et en invoquant l'existence d'un cas de force majeure ;
- ils engagent également la responsabilité sans faute du département dès lors que la partie basse du mur, participant au soutènement de la route départementale et donc accessoire de celle-ci, n'a pas été conçue et entretenue correctement et que la partie supérieure, attenante au trottoir et qui a pour fonction d'éviter la chute de personnes en contrebas sur la propriété de la SCI B... constitue également l'accessoire indispensable de la route départementale ; la circonstance que le mur ne soit pas la propriété du département et qu'il n'ait initialement pas été édifié pour l'usage direct du public ne lui enlève pas sa nature d'accessoire à un ouvrage public ; le département ne saurait utilement invoquer l'article L.131-7 du code de la voirie routière qui ne s'applique qu'en dehors des agglomérations ; contrairement à ce qu'il prétend, le département avait l'obligation de construire un mur de soutènement de la route départementale ; il lui appartenait d'identifier et d'entretenir les biens relevant de son domaine sans qu'il puisse utilement faire peser sur la société un défaut d'information ; la société est tierce par rapport à l'ouvrage de collecte des eaux et par rapport à l'ouvrage public de soutènement de voirie ; elle a régulièrement entretenu la partie de mur qui lui incombe ; la circonstance que la commune soit en partie responsable des préjudices subis par la société B... n'exonère pas le département de sa responsabilité ;
- l'effondrement de son mur constitue un préjudice grave et spécial ;
- son préjudice matériel se monte à la somme de 164 074,27 euros TTC, correspondant aux frais de réparation du mur et de reconstruction provisoire ; c'est à tort que le tribunal a limité le montant de son indemnité à la somme de 9 200 euros correspondant aux frais d'évacuation des gravats de sa parcelle, alors qu'en admettant que l'entretien de la partie basse du mur soit à la charge du département, l'entretien et la reconstruction du surplus du mur au-dessus de cette partie basse incombe à la société ; elle aurait donc dû être indemnisée à hauteur des deux tiers du coût de la reconstruction du mur ; le tribunal a méconnu le droit de propriété de la société sur le mur, en violation de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le département n'est pas fondé à contester le chiffrage retenu par l'expert judiciaire pour les travaux de réparation complète du mur, alors qu'il s'appuie sur un devis fourni par la société tout en le corrigeant ; la réalité des travaux de réparation provisoire n'a jamais été contestée ; l'expert a estimé modeste le montant réclamé dont les postes sont tous justifiés ;
- les conclusions à fin d'injonction de remise en état du mur sont fondées sur la même cause juridique que la demande indemnitaire, à savoir la responsabilité sans faute du fait des dommages de travaux publics causés à un tiers ; les travaux de remise en état du mur de soutènement sont indispensables pour prévenir un nouvel effondrement du mur et l'affaissement de la chaussée qui font peser un risque sur les usagers de la route ; la présence de la paroi berlinoise mise en place par la commune ne saurait pallier l'absence d'un mur de soutènement ; il doit donc être enjoint au département de reconstruire la partie basse du mur d'enceinte.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2023 et des mémoires enregistrés les 21 janvier, 8 décembre 2023 et 20 février 2024, la commune de Ricquebourg, représentée par la SCP Berthaud et associés, conclut au rejet de la requête de la SCI B... et à ce que soit mise à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la SCI B... en ce qui concerne la régularité et le bien-fondé du jugement ne sont pas fondés ;
- la faute de la SCI B... à entretenir le mur et la force majeure résultant de l'épisode pluvieux reconnu comme catastrophe naturelle et qualifié de "pluie extrême/événement mémorable" par le site de Météo France constituent des causes exonératoires de sa responsabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, le département de l'Oise, représenté par Me Bernard de Froment, conclut :
- au rejet de la requête de la SCI B... ;
- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a considéré que la partie basse du mur constitue un accessoire de la route départementale ;
- et à ce que soit mise à la charge de la SCI B... la somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la SCI B... en ce qui concerne la régularité du jugement ne sont pas fondés ;
- c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge l'entretien de la partie basse du mur appartenant à la SCI B... qui n'est pas un accessoire à un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait ; à supposer que la partie basse du mur soit un ouvrage public, son entretien n'incombe pas au département dans la mesure où ni l'article L.3321-1 du code général des collectivités territoriales ni l'article L. 131-2 du code de la voirie routière n'imposent aux départements d'entretenir les ouvrages accessoires à la voirie départementale appartenant à des personnes privées ; au contraire, l'article L. 131-7 du code de la voirie routière donne pouvoir au président du département pour faire exécuter en urgence, aux frais de l'occupant, les travaux nécessaires au maintien de la sécurité des routes départementales ; la société n'a pas la qualité de tiers par rapport au mur dans la mesure où elle l'utilise, même dans sa partie basse ;
- la SCI B... ne peut demander à être indemnisée par le département en imputant à l'absence de construction d'un mur de soutènement de la voirie départementale l'effondrement de son mur : aucune disposition du code général de la propriété des personnes publiques ou du code de la voirie routière n'impose aux départements de construire un mur de soutènement le long des voies départementales ; la société a commis une faute exonératoire de responsabilité en s'abstenant d'entretenir son mur d'enceinte et en n'informant pas le département de sa fragilisation en raison de son éventuel rôle de soutènement ;
- la commune de Ricquebourg est responsable du caractère insuffisant du système d'assainissement des eaux pluviales de la voirie qui est la cause déterminante des désordres ;
- la société ne produit pas de devis permettant de justifier le montant qu'elle réclame au titre des travaux de réparation ; la seule estimation de l'expert ne suffit pas ;
- la réparation provisoire a été réalisée en accord avec le maire, sans consultation du département, et n'est pas satisfaisante ; son montant n'est que partiellement justifié, qu'il s'agisse du coût de main d'œuvre évaluée à 5 000 euros, de l'achat d'une bétonnière pour 720 euros ou du remplacement de la remorque pour 9 600 euros TTC ;
- la demande aux fins d'injonction au département de remettre en état son mur d'enceinte effondré est irrecevable pour être fondée sur une cause juridique nouvelle et n'est pas fondée en droit, dès lors que le département n'est pas propriétaire du mur et que sa dangerosité pour les usagers n'est pas démontrée, alors que, de manière préventive, la commune de Ricquebourg a d'ores et déjà assuré le soutènement de la voirie départementale en établissant une paroi berlinoise et que la SCI B... a reconstruit un mur en parpaings à l'emplacement de l'ancien mur.
Par une ordonnance du 12 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 avril 2024.
Par une lettre du 31 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés :
- d'une part, de ce que la SCI B... n'est pas recevable en appel à rechercher la responsabilité fautive du département de l'Oise dès lors qu'elle se fonde sur une cause juridique distincte de celle de la demande qu'elle avait présentée contre cette collectivité devant le tribunal administratif, et qui était uniquement fondée sur la responsabilité sans faute ;
- d'autre part, de ce que le département de l'Oise n'est pas recevable à demander la réformation des motifs du jugement sans demander la réformation du dispositif de ce jugement, dont les motifs seraient le soutien nécessaire.
Le département de l'Oise, représenté par Me Bernard de Froment, a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public le 6 novembre 2024.
Par une lettre du 12 novembre 2024, la présidente de la formation de jugement a demandé aux parties, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire des pièces, ce que le département de l'Oise a fait le 13 novembre 2024 et la commune de Ricquebourg le 15 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil, en son article 1154 ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Wacquier, représentant la SCI B..., Me Flye, représentant la commune de Ricquebourg et Me Chevreuil, représentant le département de l'Oise.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 juin 2016, d'importantes précipitations se sont abattues sur le territoire de la commune de Ricquebourg entraînant l'accumulation des eaux pluviales, d'une part, au niveau du passage du bief Bertin et nécessitant la démolition du mur de la propriété des consorts C... pour libérer les eaux et éviter une inondation des propriétés voisines, d'autre part, au niveau du passage du chemin de Cavin au Bois. Le flux d'eau libéré au niveau du fief Bertin a entraîné l'effondrement d'un premier tronçon du mur de clôture de la propriété de la SCI B... sur environ 90 mètres. Les eaux de ruissellement en provenance du chemin de Cavin au Bois venues en appui sur une partie du même mur situé le long de la route départementale (RD) n° 938 ont entraîné l'effondrement d'un second tronçon du mur sur une vingtaine de mètres.
2. Par une ordonnance n° 1702866 du 22 février 2018, le juge des référés, saisi par la SCI B... et Mme B..., a désigné un expert afin de constater et décrire les désordres résultant de la chute des deux tronçons du mur, déterminer les causes du sinistre et préciser les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres et évaluer le coût et la durée des travaux. Cette mission a été étendue par deux ordonnances n°1801796 du 15 novembre 2018 et n° 1901477 du 13 juin 2019 et l'expert a déposé son rapport le 4 novembre 2019.
3. Le 7 janvier 2020, la SCI B... a présenté en vain une demande préalable indemnitaire à la commune de Ricquebourg pour la réparation de l'effondrement du tronçon du mur situé au niveau du bief Bertin. Par une ordonnance n° 2001295 du 24 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté le référé-provision présenté par Mme A... B... et la SCI B... tendant principalement à condamner la commune de Ricquebourg à lui payer une somme de 185 000 euros hors taxes correspondant au coût de reconstruction du tronçon du mur situé au niveau du bief Bertin et une somme de 4 000 euros au titre de son préjudice de jouissance. Cette ordonnance a été confirmée par une ordonnance n° 21DA00587 du 13 juillet 2022 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai. Puis, par un jugement définitif n°2001239 du 31 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Ricquebourg à verser à la SCI B... la somme de 180 336,50 euros en réparation des préjudices causés par l'effondrement du tronçon du mur situé au niveau du bief Bertin.
4. Par des courriers du 8 juillet 2020, reçus le 10 juillet 2020, la SCI B... a adressé à la commune de Ricquebourg et au département de l'Oise des demandes indemnitaires tendant à la réparation du tronçon du mur situé au niveau du chemin du Cavin au bois. La commune a rejeté sa demande par une décision du 6 août 2020 reçue le 7 août 2020 et le département a implicitement rejeté sa demande. Le 15 septembre 2020, la SCI B... a saisi le tribunal administratif d'Amiens pour lui demander, à titre principal, de condamner la commune de Ricquebourg, le cas échéant in solidum avec le département de l'Oise, au paiement de la somme totale de 190 152,69 euros TTC en réparation des préjudices causés par l'effondrement du tronçon du mur situé au niveau du chemin du Cavin au bois.
5. Par la présente requête, la SCI B... interjette appel du jugement n° 2002969 du 31 mai 2022 en tant que le tribunal administratif d'Amiens n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes. Elle demande à la cour, à titre principal, de condamner, sous astreinte, la commune de Ricquebourg, le cas échéant, in solidum avec le département de l'Oise, à lui payer une somme de 164 074,27 euros TTC au titre de la réparation des préjudices qu'elle a subis. Elle demande, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la charge de reconstruction du mur effondré pèserait sur le département, d'ordonner, sous astreinte, au département de l'Oise d'assurer la remise en état à l'identique du mur situé au droit du chemin du Cavin au Bois et de condamner in solidum la commune de Ricquebourg et le département de l'Oise à lui verser la somme de 20 074,27 euros TTC correspondant au coût des travaux de réfection d'un mur provisoire à cet endroit et aux frais de déblaiement occasionnés par la chute du mur. Par la voie de l'appel incident, le département de l'Oise demande la réformation du jugement en ce qu'il a considéré que la partie basse du mur situé au niveau du chemin du Cavin au bois constitue un accessoire de la RD938.
Sur la recevabilité des conclusions de l'appel principal et de l'appel incident :
6. En premier lieu, en soutenant en appel que les dommages subis par son mur d'enceinte trouvent leur origine pour partie dans la carence de réalisation, par le département de l'Oise, d'un mur de soutènement de la RD938 et de dispositifs de drainage des eaux pluviales, la SCI B... doit être regardée comme se plaçant sur le terrain de la responsabilité pour faute.
7. Cependant, la société se fonde sur une cause juridique distincte de celle de la demande qu'elle avait présentée contre le département devant le tribunal administratif et qui était uniquement fondée sur la responsabilité sans faute. Par suite, ses conclusions fondées sur la responsabilité pour faute du département de l'Oise ont le caractère d'une demande nouvelle qui n'est pas recevable devant la cour.
8. En second lieu, une partie n'est pas recevable à demander la réformation des motifs d'un jugement dès lors qu'elle ne demande pas la réformation du dispositif de ce jugement, dont les motifs seraient le soutien nécessaire.
9. En l'espèce, dès lors que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté l'ensemble des conclusions de la SCI B... dirigées contre le département de l'Oise, les conclusions d'appel de ce dernier tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a considéré que la partie basse du mur de la SCI B... constituait un accessoire de la RD938 ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur la régularité du jugement :
En ce qui concerne la méconnaissance du principe du contradictoire :
10. La SCI B... soutient que le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dans la mesure où elle a disposé de seulement six jours ouvrés pour répondre au mémoire en défense enregistré par le département de l'Oise plus de dix-huit mois après l'enregistrement de sa requête.
11. Aux termes de l'article L.5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. ". Aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. (...) ".
12. Il résulte de l'instruction qu'alors que la SCI B... a enregistré sa demande au tribunal administratif d'Amiens le 15 septembre 2020, le département de l'Oise, dont elle poursuivait la condamnation avec celle de la commune de Ricquebourg, a déposé son mémoire en défense le 4 mai 2022, soit près de vingt mois après l'enregistrement de la requête, alors que les parties avaient reçu le 28 avril 2022 la communication de l'avis d'audience prévue le 17 mai 2022.
13. Toutefois, d'une part, à l'exception des mises en demeure ou demandes de production d'un mémoire récapitulatif, qui contraignent les défendeurs à produire leurs écritures dans le délai qu'elles mentionnent, aucune disposition du code de justice administrative n'oblige ceux-ci à présenter leurs mémoires en défense dans un certain délai. D'autre part, alors que l'instruction de la requête avait été rouverte par une ordonnance du 9 juin 2021, la clôture de l'instruction n'intervenait que trois jours francs avant l'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, ainsi que l'a d'ailleurs rappelé l'avis d'audience. Dans la mesure où il ressort des pièces d'instruction que le greffe a mis à disposition le mémoire du département sur Télérecours le 5 mai 2022 et que la société en a accusé réception le lendemain, elle a disposé de huit jours pour en prendre connaissance avant la clôture automatique de l'instruction.
14. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la SCI B... aurait, à la suite de la réception de ce mémoire, formulé une demande de report de l'audience, à laquelle le juge n'a d'ailleurs aucune obligation de faire droit, hors motifs exceptionnels. Enfin, il résulte de l'instruction que la SCI B..., si elle n'a pas produit de mémoire en réplique après l'enregistrement du mémoire en défense du département, a produit le 25 mai 2022 une note en délibéré, en application de l'article R. 731-3 du code de justice administrative, dans laquelle elle a pu faire valoir ses arguments en faveur du rejet de la fin de non-recevoir opposée par le département et tirée de l'absence de qualité de la société pour obtenir de sa part le remboursement du coût de la reconstruction du mur présenté à tort comme un accessoire de la voirie départementale. Par ailleurs, il y a lieu de constater qu'une fin de non-recevoir voisine, tirée du défaut de qualité à agir de la société pour demander réparation du dommage, avait été opposée par la commune de Ricquebourg dans son mémoire en défense du 17 février 2021 et que la SCI B... a eu le loisir d'y répondre dans ses deux mémoires complémentaires enregistrés les 10 juin et 8 décembre 2021.
15. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société appelante, le tribunal administratif d'Amiens en communiquant moins de quinze jours avant l'audience et moins de dix jours avant la clôture le premier et unique mémoire en défense du département du Nord, sans reporter ni la date de clôture d'instruction ni la date d'audience, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure.
En ce qui concerne les omissions à statuer :
16. La SCI B... soutient que le jugement est affecté d'une double omission, dans la mesure où il ne se prononce pas sur la responsabilité du département et sur ses conclusions subsidiaires à fin d'injonction.
17. D'une part, il ressort du point 5 du jugement que le tribunal a considéré, à la suite du rapport d'expertise, que la cause déterminante des désordres était l'insuffisance du système d'assainissement des eaux pluviales de la voirie dont la commune de Ricquebourg avait la charge, ce qui la rendait responsable des désordres subis par la SCI B... à raison de la dégradation du mur de soutènement. Le tribunal a ainsi implicitement considéré que le préjudice était exclusivement imputable à la commune de Ricquebourg et que le département du Nord ne partageait pas avec elle la responsabilité de celui-ci. Par suite, en prononçant la condamnation de la seule commune à indemniser la SCI B... et en ne déférant pas à la demande de la société de prononcer cette condamnation " in solidum " avec le département, le tribunal n'a pas omis de statuer sur les conclusions principales de condamnation de la commune de Ricquebourg " le cas échéant in solidum avec le département de l'Oise ", puisqu'il n'a pas jugé ce dernier co-responsable du dommage. En rejetant le surplus des conclusions de la requête, il a implicitement mais nécessairement rejeté les conclusions dirigées par la société à l'encontre du département.
18. D'autre part, il ressort des écritures de la SCI B... que ses conclusions subsidiaires étaient subordonnées à la condition que le tribunal considère le département du Nord " propriétaire " du mur d'enceinte effondré. Or, aux points 5 et 8 de son jugement, le tribunal a jugé que la société était propriétaire du mur qui s'est effondré. Par suite, il n'avait pas à répondre aux conclusions subsidiaires de la société puisque la condition posée à leur examen faisait défaut.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions principales tendant à l'engagement solidaire de la responsabilité sans faute de la commune de Ricquebourg et du département de l'Oise :
20. La SCI B... demande que soit engagée solidairement la responsabilité sans faute, d'une part, de la commune de Ricquebourg à raison du dysfonctionnement de l'ouvrage de collecte des eaux pluviales au droit du chemin du Cavin au bois, d'autre part, du département de l'Oise à raison de la défaillance de la voirie départementale et en particulier de son mur de soutènement.
21. Lorsque plusieurs personnes publiques sont, indépendamment les unes des autres, à l'origine directe de la survenance d'un dommage, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci solidairement, sans préjudice des actions récursoires que les co-auteurs du dommage pourraient former entre eux.
22. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
23. La circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage. Si tel est le cas, la collectivité propriétaire de l'ouvrage public est responsable des conséquences dommageables causées par cet élément de l'ouvrage public.
24. Il ressort des actes notariés versés au dossier et des statuts de la SCI B... que le mur d'enceinte, dont environ vingt mètres linéaires se sont effondrés le 23 juin 2016 au droit du chemin du Cavin au bois, est devenu la propriété de la SCI B... en 1990. Il ressort du rapport d'expertise déposé le 4 novembre 2019 que plusieurs facteurs sont à l'origine de l'effondrement de ce tronçon de mur, à savoir l'insuffisance du système d'assainissement des eaux pluviales installé en contrebas du chemin rural du Cavin au bois, la mauvaise conception et le mauvais entretien du mur qui fait fonction de mur de soutènement à la RD938 et l'événement pluvieux extrême qui s'est produit ce jour-là. L'expert souligne plus particulièrement que le mur, de faible épaisseur et sans dispositif de drainage, a été conçu pour clôturer la propriété de la société mais qu'il participe aussi au soutènement de la route et subit une forte sollicitation hydrostatique lorsque l'eau de ruissellement mal collectée provenant du chemin Cavin au bois se met en charge sur sa face amont.
S'agissant de la responsabilité du département de l'Oise :
25. Il ressort du rapport d'expertise que " la poussée de l'eau n'a été que la circonstance ayant déclenché l'effondrement du mur " et que la " cause des désordres " est imputable à la " mauvaise qualité du mur, tant sa conception que son entretien ". Il résulte de l'instruction que l'effondrement du mur, qui sert aussi de soutènement à la RD938, est lié à la fragilité de la structure du mur édifié par les propriétaires privés et réalisé en maçonnerie de faible épaisseur avec des pierres et des briques pour clôturer leur terrain en dépit des contreforts installés contre sa paroi interne. La circonstance que le mur soit la propriété de la SCI B... et soit édifié sur des parcelles lui appartenant ne fait pas obstacle à sa qualité d'ouvrage public, dès lors qu'il est un bien immobilier façonné qui exerce la fonction d'intérêt général de soutien indispensable de la voirie départementale.
26. Aux termes de l'article L. 131-2 du code de la voirie routière : " (...) Les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes départementales sont à la charge du département. ". En outre, le règlement de la voirie départementale de l'Oise du 4 mars 2016 dispose en son chapitre II qu'en agglomération, " la commune entretient (...) les accessoires de voirie et les dépendances ".
27. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la portion de la RD938 en cause dans l'effondrement du mur de la SCI B... est située en agglomération, d'autre part, que la SCI B..., dont le mur longe la RD938, a la qualité de tiers par rapport à la RD938 et au mur de soutènement, sans que la commune ne puisse utilement prétendre qu'en tant que propriétaire du mur, qui a également une fonction de clôture de ses parcelles, elle en serait usagère. Dès lors que le dysfonctionnement de l'ouvrage tient essentiellement à un défaut de conception et d'aménagement, tant du mur que de ses contreforts, les désordres qu'il a occasionnés entraînent la responsabilité du département et non celle de la commune qui est seulement chargée de l'entretien courant des accessoires et dépendances de voirie. La circonstance que le département n'a édifié ni ce mur, ni ces contreforts est sans incidence sur sa responsabilité.
28. Par suite, le département de l'Oise doit être regardé comme responsable des désordres subis par la société à raison de la dégradation du mur d'enceinte de sa propriété du fait de la mauvaise conception du mur de soutènement qui n'a pu résister à la poussée des fortes pluies qui se sont abattues le 23 juin 2016. La SCI B... est ainsi fondée à rechercher la responsabilité sans faute du département de l'Oise.
S'agissant de la responsabilité de la commune :
Quant au principe de responsabilité :
29. Il ressort du rapport d'expertise que l'effondrement du mur est lié à une poussée hydrostatique excessive liée à un afflux d'eaux pluviales. Il résulte de l'instruction qu'au droit du mur qui s'est effondré débouche le chemin rural du Cavin au bois qui descend vers la RD938. Ce chemin dispose, à sa jonction avec la route départementale, d'ouvrages de collecte des eaux pluviales sommaires, composés d'un avaloir à grille de forme allongée en travers du chemin, d'un avaloir à grille de forme carrée sur le côté, d'un drain annelé de diamètre 300 et d'un caniveau à grille en bord de chaussée " offrant une faible protection pour le mur ". L'expert relève que, dès qu'un événement pluvial important survient, les ouvrages sont saturés, ce qui entraîne le ruissellement de l'eau sur la chaussée de la RD938 et son déversement, du fait de la pente, sur le mur d'enceinte de la SCI B..., ce qui s'est produit le 23 juin 2016 et a eu pour conséquence l'effondrement de ce mur sur environ 20 mètres.
30. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les ouvrages de collecte et d'évacuation des eaux pluviales situés en contrebas du chemin du Cavin au bois ont, de par leur usage et leur fonction, le caractère d'ouvrages publics et qu'ils appartiennent à la commune de Ricquebourg, propriétaire du chemin rural dont ils constituent des dépendances. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des statuts de la communauté de communes du Pays des sources, dont la commune de Ricquebourg est membre, que la compétence de collecte des eaux pluviales aurait été transférée à l'établissement public de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, il incombe à la commune de Ricquebourg, responsable du service public de la gestion des eaux pluviales, d'assurer l'entretien des ouvrages publics dévolus à la collecte de ces eaux. Il résulte également de l'instruction que la SCI B... a la qualité de tiers par rapport au chemin rural et à ses dispositifs de collecte des eaux pluviales, qui sont situés sur l'alignement opposé de la RD938 et ne desservent pas directement sa propriété. La commune ne peut ainsi utilement prétendre que la SCI serait usagère de ces dispositifs dont elle bénéficierait.
31. Par suite, la commune de Ricquebourg doit être regardée comme responsable des désordres subis par la société à raison de la dégradation du mur d'enceinte de sa propriété du fait de l'incapacité des ouvrages de collecte situés en contrebas du chemin du Cavin au bois à absorber les fortes pluies qui se sont abattues le 23 juin 2016. La SCI B... est ainsi fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Ricquebourg.
Quant aux causes d'exonération :
32. Pour s'exonérer de sa responsabilité, la commune de Ricquebourg invoque la force majeure, la faute de la SCI B... et le fait du département de l'Oise.
33. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise que les épisodes de pluies intenses et les inondations qui en découlent sont de plus en plus fréquents dans la commune de Ricquebourg. Par conséquent, et même si un arrêté ministériel du 26 juillet 2016 a constaté l'état de catastrophe naturelle sur le territoire de la commune, les fortes pluies survenues le 23 juin 2016 qui ont occasionné l'effondrement d'une partie du mur d'enceinte de la SCI B... du fait de la poussée des eaux pluviales provenant du chemin du Cavin au bois sur celui-ci, ne constituaient pas un événement imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure. Dès lors, la commune de Ricquebourg n'est pas fondée à invoquer la force majeure pour s'exonérer de sa responsabilité.
34. En deuxième lieu, si l'expert a relevé que plusieurs pierres du côté interne du mur avaient été retirées du fait du passage de " bovins " en pâture sur les parcelles de la SCI B..., cette détérioration n'a été que superficielle et n'a pas été d'une ampleur telle qu'elle aurait pu contribuer de manière déterminante à la chute du mur. S'il ressort du constat d'huissier réalisé le 20 octobre 2022 à la demande de la commune, notamment des photographies qui y sont jointes, que plusieurs parties du mur d'enceinte du château, notamment celles situées au n°64 de la rue Leclerc, autour du monument aux morts ou en face des n°55 et 75 de la même rue, sont endommagées et présentent en certains endroits de fortes fissures, aucun document n'établit que la partie du mur qui s'est effondrée aurait présenté, avant les faits litigieux, de graves désordres qui auraient fragilisé sa structure et rendu inévitable son effondrement. Dans ces conditions, la commune de Ricquebourg n'est pas fondée à invoquer la faute de la victime pour s'exonérer de sa responsabilité.
35. En troisième lieu, la commune de Ricquebourg ne saurait utilement invoquer la faute du département dans l'entretien de la voirie départementale, car le fait d'un tiers ne peut exonérer une personne publique de sa responsabilité sans faute à raison des dommages causés par l'existence et le fonctionnement d'un ouvrage public.
36. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI B... est fondée à demander la condamnation solidaire de la commune de Ricquebourg et du département de l'Oise à l'indemniser des dommages accidentels causés par l'effondrement d'une partie de son mur au droit du chemin du Cavin au bois.
S'agissant de l'évaluation des préjudices :
37. La SCI B... demande le versement de deux indemnités couvrant, d'une part, les travaux de reconstruction " provisoire " du mur qu'elle a déjà effectués, d'autre part, les travaux de reconstruction d'un mur définitif qu'elle estime nécessaires.
Quant aux travaux de reconstruction " provisoire " du mur :
38. La SCI B... a droit à la réparation intégrale des désordres causés par le département et la commune. L'effondrement de la partie haute du mur étant la conséquence directe de l'effondrement de la partie basse, la SCI a droit à la reconstruction de la totalité du tronçon effondré. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, qu'après l'effondrement du mur, la commune a installé des " berlinoises " en béton qui se sont avérées insuffisantes pour éviter un glissement de terrain, obligeant la SCI B... à édifier durant l'été 2017 un mur en parpaings qui est toujours en place. Le caractère nécessaire des travaux réalisés par la SCI B... n'est pas contesté par les parties.
39. Si dans son rapport l'expert a évalué à 120 000 euros hors taxes (HT) le montant de " la reconstruction d'un mur faisant office de soutènement de la voie départementale et de clôture ", la réparation due par la commune de Ricquebourg à la SCI B... doit être limitée à la reconstruction du mur dans sa seule fonction de clôture. La construction du mur en parpaings, que la SCI B... présente comme provisoire, permet de clôturer sa propriété et d'assurer la réparation du désordre survenue le 23 juin 2016. Il résulte de l'instruction que la SCI B... justifie par la production de factures avoir dépensé 15 074,27 euros TTC pour l'achat de matériaux et d'outils nécessaires à la réfection du mur et estime à 5 000 euros hors taxes le coût de la main d'œuvre. L'estimation du coût total de cette réfection à 20 074,27 euros TTC a été qualifiée par l'expert de " modeste au regard de la prestation exécutée " et n'est pas sérieusement contestée par les intimés. Il y a donc lieu de condamner solidairement la commune de Ricquebourg et le département de l'Oise à verser cette somme à la SCI B....
Quant aux travaux de réfection d'un mur définitif :
40. La SCI B... demande également la réparation des frais de réfection d'un mur définitif assurant de manière efficace le soutènement de la RD938. Elle chiffre en appel son préjudice à la somme de 164 074,27 euros, correspondant aux deux-tiers de la somme qu'elle avait demandée en première instance pour reconstruire la totalité du tronçon du mur effondré. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le mur " provisoire " qu'elle a reconstruit présenterait des désordres et ne serait pas susceptible d'assurer sa fonction de clôture. Il est vrai que l'expert recommande des travaux de renforcement du mur pour assurer la pérennité de sa fonction de soutènement. Cependant, de tels travaux ne visent pas à seulement à réparer le dommage subi par la SCI B..., c'est-à-dire à remettre le mur dans l'état antérieur à son effondrement, mais à transformer le mur préexistant aux fins de prévenir d'éventuels nouveaux dommages de travaux publics. Pour souhaitables que soient des travaux de renforcement de la fonction de soutènement du mur, ils n'entrent pas dans l'assiette de la réparation due à la SCI B....
41. En outre, si le mur reconstruit en parpaings ne présente pas le même aspect et la même consistance que le mur antérieur de style traditionnel en pierres et briques, le droit à réparation intégrale de la SCI B... ne couvre que les coûts nécessaires de réfection du mur préexistant selon les procédés " les moins onéreux possibles ", sans pouvoir apporter une plus-value à l'ouvrage, compte tenu de sa nature, de ses caractéristiques et de l'usage qui en était fait. Or, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies représentant les parties non détruites du mur, que celui-ci présentait avant son effondrement un aspect hétérogène et qu'il avait déjà subi, sur d'autres portions, des reconstructions en parpaings, altérant son unité d'aspect et de consistance, et la société ne se prévaut d'ailleurs d'aucun préjudice esthétique. Dès lors, il y a lieu de considérer que les travaux de reconstruction du mur entrepris durant l'été 2017 ont assuré à la SCI B... une réparation intégrale de ses dommages. Par suite, elle n'est pas fondée à demander que la commune de Ricquebourg et le département de l'Oise soient solidairement condamnés à lui verser la somme de 164 074,27 euros pour des travaux complémentaires de reconstruction du tronçon de mur effondré.
Quant aux intérêts et à la capitalisation des intérêts :
42. La SCI B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 20 074,27 euros TTC à compter du 10 juillet 2020, date de réception de sa demande préalable par la commune.
43. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit toutefois besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.
44. La capitalisation des intérêts ayant été demandée le 15 septembre 2020, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 10 juillet 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires à fin d'injonction présentées en première instance :
45. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures.
46. Dès lors que les travaux déjà entrepris par la SCI B... ont fait cesser l'intégralité des dommages subis, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires de la SCI B... tendant à enjoindre au département de l'Oise de parachever la remise en état du mur.
En ce qui concerne les frais de la première instance :
47. Parties perdantes en première instance, la commune de Ricquebourg et le département de l'Oise ne peuvent voir accueillies leurs conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
48. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge solidaire de la commune de Ricquebourg et du département de l'Oise la somme de 1 500 euros à verser à la SCI B... sur ce même fondement.
49. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a limité la condamnation qu'il a prononcée à son profit à la somme de 9 200 euros, à la charge de la seule commune de Ricquebourg et n'a pas mis à la charge du département de l'Oise, solidairement avec la commune, le paiement de la condamnation en réparation de l'effondrement du mur et des sommes exposées par la société et non comprises dans les dépens.
Sur les conclusions subsidiaires à fin d'injonction présentées en appel :
50. Pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 43, les conclusions subsidiaires de la SCI B... tendant à enjoindre au département de l'Oise de parachever la remise en état du mur doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance d'appel :
51. Parties perdantes à la présente instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Ricquebourg et par le département de l'Oise en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
52. Il y a, en revanche, lieu de mettre à la charge solidaire de la commune de Ricquebourg et du département de l'Oise la somme de 2 000 euros à verser à la SCI B... sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La condamnation prononcée par l'article 1er du jugement du 31 mai 2024 au profit de la SCI B... est portée à la somme de 20 074,27 euros TTC et mise à la charge solidaire de la commune de Ricquebourg et du département de l'Oise. Ladite somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 juillet 2021.
Article 2 : Le versement, prévu par l'article 2 du jugement, de la somme de 1 500 euros au profit de la SCI B..., est mis à la charge solidaire de la commune de Ricquebourg et du département de l'Oise.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La commune de Ricquebourg et le département de l'Oise verseront solidairement à la SCI B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés dans l'instance d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI B... est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Ricquebourg en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Les conclusions présentées par le département de l'Oise à titre d'appel incident et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI B..., à la commune de Ricquebourg et au département de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 28 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°22DA01595 2