Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen :
1°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quinze jours ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2024 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et, dans l'attente de ce réexamen et dans un délai de huit jours à compter de ce jugement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2401744 du 10 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions à fin d'annulation de la décision du 22 février 2024 du préfet de la Seine-Maritime refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour puis a annulé, d'une part, les décisions contenues dans l'arrêté du 22 février 2024 par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a obligé M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'arrêté du 3 mai 2024 interdisant à M. A... le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il a en outre enjoint au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de trois mois. Enfin, le magistrat désigné a rejeté le surplus des conclusions des demandes du requérant.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2024, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- c'est à tort que, pour annuler sa décision du 22 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la circonstance que M. A... soit marié à une ressortissante française depuis le 12 décembre 2020 ne fait pas obstacle à son éloignement dès lors qu'il avait connaissance de l'irrégularité de sa situation antérieurement et qu'il ne démontre pas qu'il lui aurait été impossible d'obtenir un visa de long séjour auprès des autorités consulaires françaises de son pays d'origine ; les trois années de vie commune et familiale dont il se prévaut ne sont dues qu'à son maintien irrégulier sur le territoire français en dépit d'une précédente mesure d'éloignement prononcée le 17 novembre 2020 ; ni les liens affectifs qu'il dit avoir noué avec deux des enfants de son épouse, ni l'état de santé de cette dernière ne sont des motifs justifiant qu'il ne puisse provisoirement retourner dans son pays d'origine pour solliciter un visa de long séjour ; par ailleurs, M. A... ne justifie pas de l'exercice d'une profession dans la mesure où il ne dispose que d'une promesse d'embauche ; enfin, défavorablement connu des services de police, il représente une menace à l'ordre public ;
- la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée, tant en droit qu'en fait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Mukendi Ndonki, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation des arrêtés des 22 février et 3 mai 2024 par lesquels le préfet de
la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) à ce que soit enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, dans l'hypothèse où seul un moyen de légalité externe serait retenu et, dans l'attente du réexamen de sa situation, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre principal, à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat, à titre subsidiaire, à ce que la même somme soit mise à la charge de l'Etat et versée directement à M. A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 23 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 octobre 2024 à 12 heures.
M. A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 27 juillet 1989, déclare être entré en France à la fin de l'année 2019, muni d'un visa délivré par les autorités turques. Par un arrêté du 17 novembre 2020 devenu définitif, le préfet de la Seine-Maritime a obligé M. A... à quitter le territoire français. Le 19 décembre 2023, M. A... a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 22 février 2024, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quinze jours. Le 2 mai 2024, M. A... a été placé en garde à vue pour des faits de tentative de vol en réunion et il a fait l'objet, à cette occasion, d'une vérification de son droit de circulation et de séjour. Par un premier arrêté en date du 3 mai 2024, le préfet de la Seine-Maritime a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un second arrêté du même jour le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
2. Par un jugement du 10 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions à fin d'annulation de la décision du 22 février 2024 du préfet de la Seine-Maritime refusant de délivrer à M. A... un certificat de résidence algérien, a annulé l'arrêté du 3 mai 2024 interdisant le retour de l'intéressé sur le territoire français pour une durée de deux ans, a enjoint au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de trois mois. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement sur le territoire français en 2019, alors qu'il était âgé de trente ans et avait auparavant toujours vécu dans son pays d'origine, l'Algérie. Il s'est en outre maintenu en France malgré une première mesure d'éloignement en date du 17 novembre 2020 devenue définitive. S'il a épousé, le 12 décembre 2020, une ressortissante française rencontrée six mois auparavant, soit environ trois ans et demi avant la décision contestée du 22 février 2024, il ne pouvait ignorer l'incertitude de sa situation compte-tenu de l'irrégularité de son entrée puis de son maintien sur le territoire français, en l'absence de visa de long séjour. S'il indique s'occuper et être très proche des deux enfants encore mineurs de son épouse, les éléments du dossier ne permettent pour autant de retenir une vie commune qu'à partir du mois de décembre 2020 et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de son épouse, titulaire du statut de travailleur handicapé, nécessite son assistance au quotidien et ferait ainsi obstacle, comme il le soutient, à son éloignement. En outre, il ne justifie pas d'une intégration particulière, notamment professionnelle en l'absence de toute autre pièce qu'une vague promesse d'embauche et ne démontre pas avoir tissé de liens en France en dehors de la relation avec son épouse et les enfants de celle-ci, ni qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Dans ces conditions, eu égard au caractère encore récent de sa vie familiale et à ses conditions de séjour en France, en prononçant l'éloignement de M. A..., le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision du 22 février 2024 portant obligation de quitter le territoire français au motif de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il appartient toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des moyens et conclusions présentés par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision refusant un titre de séjour :
8. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour mentionne les stipulations des 2) et 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 au visa desquelles la situation de M. A..., marié à une ressortissante française, a été examinée. L'arrêté mentionne également les considérations de fait, propres à l'intéressé, qui constituent le fondement du refus de certificat de résidence demandé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision et du manquement de l'autorité administrative à son obligation d'examiner la situation particulière de l'intéressé doivent être écartés.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Il résulte de ces stipulations que la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de français est subordonnée à une condition d'entrée régulière en France.
10. Il est constant que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français. Par suite, il ne satisfait pas aux conditions posées par le 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et le préfet de la Seine-Maritime était ainsi fondé à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ".
12. Il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux adoptés au point 5, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.
13. En quatrième lieu, il ne ressort aucunement des énonciations de la décision, que pour refuser de délivrer à M. A... un certificat de résidence d'un an, le préfet se soit fondé sur le motif de la menace à l'ordre public. Dès lors, l'appelant ne peut utilement soutenir que le préfet se serait à tort fondé sur le grief tiré de son comportement consistant à avoir été placé en garde à vue le 2 mai 2024 pour des faits de tentative de vol en réunion, circonstance au demeurant postérieure au refus de délivrance du titre litigieux.
14. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de séjour sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5.
15. Il résulte de ce qui vient d'être énoncé, que le moyen tiré de ce que l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français serait fondée sur un refus de séjour illégal, doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
16. En premier lieu, lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. Il ressort de ce qui a été dit au point 8 que la décision portant refus de titre de séjour comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse doit, par suite, être écarté.
17. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui faisaient obstacle à l'éloignement de " L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française " lesquelles ont été abrogées par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, entrée en vigueur le 28 janvier suivant.
18. En dernier lieu et dès lors que M. A... les réitère à l'identique, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen sérieux de sa situation doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
19. En premier lieu, l'ensemble des moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ayant été écartés, il n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'illégalité. Il n'est donc pas plus fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de cette mesure d'éloignement.
20. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Selon les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
21. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que le préfet a estimé que la situation de l'intéressé ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il n'allègue ni n'établit qu'il puisse être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Bien que la décision contestée ne vise ni ne cite expressément les articles L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, cette circonstance n'entache pas la décision d'insuffisance de motivation en droit dès lors qu'en faisant référence aux stipulations de l'article 3 de la convention précitée, le préfet a exposé les motifs légaux susceptibles de faire obstacle à la désignation du pays de renvoi.
Sur la décision du 3 mai 2024 portant interdiction de retour de deux ans :
22. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale et doit être annulée. Par suite, il n'est pas plus fondé à soutenir que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.
23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
24. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
25. L'arrêté contesté vise les dispositions applicables de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que, compte tenu des conditions de son entrée et de son séjour en France, de la prise en compte de sa situation familiale, de la circonstance qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et de l'existence d'une menace à l'ordre public, il y a lieu de fixer la durée de l'interdiction de retour en France à deux ans. Cette motivation, qui atteste de la prise en compte par le préfet de l'ensemble des critères prévus par la loi, est suffisante quand bien même elle ne rappelle pas l'ensemble des circonstances de fait se rapportant à la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
26. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui sont indiqués au point 5, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a interdit à M. A... le retour en France pendant la durée de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale, eu égard aux buts poursuivis par une telle mesure d'interdiction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
27. En dernier lieu, il n'est pas établi que le préfet de la Seine-Maritime ait omis de procéder à un examen de la situation de M. A... avant de lui interdire le retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit sur ce point doit être écarté.
Sur la décision du 3 mai 2024 portant assignation à résidence pour une durée
de quarante-cinq jours :
28. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui fonde la décision prononçant l'assignation à résidence, ne peut qu'être écarté.
29. En deuxième lieu, par un arrêté n° 24-015 du 21 mars 2024, publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à Mme D... B..., adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement, à l'effet de signer les décisions telles que les mesures d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision doit être écarté.
30. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 de ce code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ".
31. M. A... faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire de trente jours, prononcée le 22 février 2024 pour n'être détenteur d'aucun titre l'autorisant à séjourner régulièrement en France, il peut être assigné à résidence. L'appelant n'apporte aucun élément de nature à établir que son éloignement ne demeurerait pas une perspective raisonnable. Par ailleurs, il ne fait état d'aucune circonstance de nature à démontrer que les modalités d'exécution de cette mesure seraient disproportionnées. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation et du défaut d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.
32. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 mai 2024 attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions contenues dans l'arrêté du 22 février 2024 par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a obligé M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 3 mai 2024 interdisant à M. A... le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
33. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen de même que ses conclusions présentées en appel à fin d'injonction et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2401744 du 10 mai 2024 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi que ses conclusions présentées en appel aux fins d'injonction et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Mukendi Ndonki.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 24DA00997 2