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05/12/2024 | FRANCE | N°24DA01116

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 05 décembre 2024, 24DA01116


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, d'autre part, d'enjoindre

au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle, sous astreinte de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification du jugement, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2308130 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 mai 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour sur le territoire français de M. A... avant l'expiration du délai d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 6 juin 2024 sous le n°24DA01116, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation de l'interdiction de retour prononcée à l'égard de M. A... ;

2°) de rejeter les conclusions correspondantes de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler la décision faisant interdiction à M. A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, les premiers juges ont retenu que cette décision procédait d'une inexacte application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens présentés, en première instance, par M. A... à l'encontre de cette décision ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2024, M. A..., représenté par Me Dewaele, conclut au rejet de la requête et au versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le préfet du Nord n'avait pu lui faire interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an sans faire une inexacte application des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une décision du 22 août 2024, M. A... a été maintenu de plein droit à l'aide juridictionnelle totale.

II - Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2024 sous le n°24DA02029, M. A..., représenté par Me Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler le même jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 mai 2023 du préfet du Nord en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour, qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et qu'il fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé de demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté, pris dans son ensemble, est insuffisamment motivé ;

- contrairement à ce qu'ont retenu, à tort, les premiers juges, la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisamment sérieux et attentif de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que, pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat devant le tribunal administratif de Lille, les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 17 septembre 2024, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement

de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar

le 1er août 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... D... A..., ressortissant sénégalais né le 6 avril 1998 à Nguidilé (Sénégal), est entré régulièrement sur le territoire français le 11 octobre 2019, muni d'un visa de long séjour de type D, portant la mention " étudiant ", qui lui avait été délivré le 20 septembre 2019 par les autorités consulaires françaises en poste à Dakar et qui était valable du 29 septembre 2019 au 29 septembre 2020. Ayant fait état de son souhait de poursuivre des études en France après l'expiration de ce visa, M. A... s'est vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " étudiant " et valable du 26 novembre 2020 au 25 novembre 2022. Par un arrêté du 17 mai 2023, le préfet du Nord a refusé de faire droit à la demande de renouvellement de ce titre, que M. A... avait présentée le 11 novembre 2022, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, enfin, a fixé le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office.

2. Par un jugement du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 mai 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour sur le territoire français de M. A... avant l'expiration du délai d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation de l'interdiction de retour prononcée à l'égard de M. A... et ce dernier relève appel du même jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la jonction :

3. La requête enregistrée au greffe de la cour le 6 juin 2024 sous le n°24DA01116, présentée par le préfet du Nord, et la requête enregistrée à ce greffe le 2 octobre 2024 sous le n°24DA02029, présentée pour M. A..., sont dirigées contre le même jugement, ont trait à la situation du même ressortissant étranger et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le refus de titre de séjour :

En ce qui concerne la motivation de la décision :

4. Il ressort des mentions mêmes de l'arrêté du 17 mai 2023 pris à l'égard de M. A... que cet acte comporte, dans ses motifs, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser d'accorder à l'intéressé le renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle qui lui avait été précédemment délivrée pour poursuivre des études en France. Les motifs de cet arrêté rendent compte de ce que le préfet a, en particulier, apprécié, au regard des stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995, le caractère réel et sérieux des études de M. A... et qu'il a examiné les raisons avancées par l'intéressé pour expliquer l'absence de progression dans ses études. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision refusant le renouvellement du titre de séjour de M. A... au regard de l'exigence posée par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration manque en fait.

En ce qui concerne le caractère suffisant de l'examen de la situation de l'intéressé :

5. Eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen suffisamment attentif de la situation de M. A... avant de refuser de lui accorder un renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle.

En ce qui concerne la réalité et le sérieux des études :

6. Aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre État doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage. Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent, le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants. ".

7. Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'autorité préfectorale, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

8. Il ressort des pièces du dossier que, s'étant inscrit, au titre de l'année universitaire 2019-2020 en première année de licence de droit au sein de l'université de Lille II, M. A... a été reconnu défaillant à l'issue des deux sessions d'examen. L'intéressé s'est ensuite réorienté en première année de licence en " Anglais - Français sur objectifs spécifiques appliqués aux affaires ", au titre de l'année universitaire 2020-2021, au sein de l'université de Lille III, et il a été reconnu défaillant à l'issue de la première session d'examens, puis a été ajourné au terme de la seconde session, avec une moyenne de 7,091 sur 20. Ayant été autorisé à redoubler, au titre de l'année universitaire 2021-2022, M. A... a été ajourné à l'issue des deux sessions d'examen, ayant seulement obtenu les moyennes respectives de 8,157 et de 7,571 sur 20. A la suite d'une seconde autorisation de redoublement, M. A... n'a pas davantage été en mesure de valider sa première année d'études au titre de l'année universitaire 2022-2023, ni même le premier semestre, ayant été ajourné à l'issue de la première session d'examens, avec une moyenne de 8,905 sur 20.

9. Si M. A... explique ses échecs par le contexte de la crise sanitaire qui a perturbé le suivi des cours, dispensés en visioconférence durant l'année universitaire 2019-2020, ainsi que durant une partie de l'année universitaire suivante, par des faits d'escroquerie dont il indique avoir été la victime et qui ont justifié le dépôt d'une plainte pénale, et par son état de santé, en faisant état de ce qu'il a été déclaré positif au Covid-19 le 8 juin 2022, il ne peut être tenu pour établi que l'absence de progression de l'intéressé dans son parcours d'études puisse trouver son explication exclusive dans ces événements. Ainsi, les difficultés liées aux conditions dans lesquelles les cours ont été organisés durant les périodes de confinement liées à la crise sanitaire n'ont pu avoir d'incidence directe sur le suivi des études de l'intéressé que durant les années universitaires 2019-2020 et 2020-2021, mais ne peuvent expliquer que l'intéressé n'ait pu valider aucun semestre au cours des deux années universitaires suivantes. Ensuite, le courrier rédigé par M. A..., au demeurant le 22 août 2023, c'est-à-dire à une date postérieure à celle de l'arrêté contesté, à l'adresse du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lille ne peut suffire à justifier de la réalité des faits de chantage et d'escroquerie subis sur un réseau social qui y sont exposés, dès lors que l'intéressé ne produit aucune preuve de l'envoi de ce courrier, ni n'apporte aucune précision sur les suites qui auraient pu être données à celui-ci. Enfin, la contamination de M. A..., en juin 2022, c'est-à-dire à la fin de l'année universitaire 2021-2022, par le virus du Covid-19 ne peut expliquer son échec à la première session d'examens organisée au titre de cette année, ni son ajournement à l'issue de la première session d'examens qui s'est tenue au titre de l'année suivante, dans le cadre d'un second redoublement. Dans ces conditions, en estimant, pour lui refuser le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle, que M. A... ne justifiait pas d'une progression effective dans ses études, ni de leur caractère réel et sérieux, le préfet du Nord, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise, ni ne s'est mépris dans l'appréciation de la situation de l'intéressé.

En ce qui concerne l'atteinte portée à la vie privée et familiale :

10. Le moyen tiré d'une atteinte au droit à la vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant pour contester le refus de renouveler un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui résulte seulement d'une appréciation de la réalité et du sérieux des études poursuivies, sauf dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, le préfet examine d'office si la décision de refus de séjour qu'il prend porte une atteinte disproportionnée au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale.

11. M. A..., qui, ainsi qu'il a été dit, est entré régulièrement le 11 octobre 2019 sur le territoire français, a, pour toutes attaches sur le territoire français, fait état de la présence d'un oncle, établi à Marseille, et de deux cousins, résidant en région parisienne, avec lesquels l'intéressé ne justifie pas entretenir des liens d'une particulière intensité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, malgré le décès de son père, puisqu'y demeurent, selon les propres éléments renseignés par l'intéressé dans sa demande de renouvellement de titre de séjour, sa mère, l'un de ses deux frères et ses trois sœurs, dont l'aînée l'aide à subvenir à ses besoins. Enfin, en faisant état des missions d'intérim qu'il a effectuées, en tant que préparateur de commandes, à compter de la fin 2022 et en 2023, M. A..., dont le parcours d'études n'a pas connu de progression significative et ne lui a permis d'obtenir aucun diplôme, ne justifie d'aucune perspective sérieuse d'insertion professionnelle en France, ni d'une intégration notable. Dans ces conditions et eu égard à la durée ainsi qu'aux conditions, régulières jusqu'au 25 novembre 2022, du séjour de l'intéressé, la décision par laquelle le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni, par suite, comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation à un étranger de quitter le territoire français doit être motivée, ces dispositions n'imposent pas qu'elle le soit de façon spécifique lorsqu'elle est adossée à un refus de titre de séjour. Or, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent, comme il a été dit, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A.... La décision de refus de titre de séjour doit donc être regardée comme suffisamment motivée, de sorte que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit également être tenue comme telle. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français manque en fait. L'intéressé ne peut, à cet égard, utilement invoquer les dispositions générales de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration en présence d'une disposition particulière, énoncée à l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondant l'obligation de motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

13. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision refusant à M. A... le renouvellement de son titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de titre de séjour n'est pas fondé.

14. Pour les motifs énoncés au point 11, la décision par laquelle le préfet du Nord a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni, par suite, comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci font état de la nationalité de M. A... et précisent que celui-ci n'établit ni n'a même allégué que sa vie ou sa liberté serait menacée dans son pays d'origine, ni qu'il serait susceptible d'y être exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, et alors que M. A... n'allègue pas avoir fait part au préfet du Nord, dans le cadre de sa demande de renouvellement de titre de séjour, de risques particuliers en cas de retour au Sénégal, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée.

16. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour et contre celle faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement et, en tout état de cause, du refus de séjour, n'est pas fondé.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du 17 mai 2023 du préfet du Nord en tant qu'il a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur l'interdiction de retour :

18. En vertu de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612 7, c'est-à-dire lorsque l'octroi d'un délai de départ volontaire ne lui a pas été refusé ou que l'intéressé ne s'est pas maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui a été accordé, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le même article L. 612-8 précise, dans sa rédaction applicable au litige, que les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.

19. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté du 17 mai 2023 contesté que, pour faire interdiction à M. A... de retour sur le territoire français et pour fixer à un an la durée de cette mesure, le préfet du Nord a, conformément aux dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenu compte de la durée de présence de l'intéressé sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de l'intervention éventuelle de précédentes mesures d'éloignement le concernant et de la menace qu'était susceptible de représenter sa présence pour l'ordre public.

20. Ainsi, le préfet du Nord a relevé que M. A... était entré très récemment en France, le 11 octobre 2019, qu'il n'avait fait état d'aucune attache privée et familiale sur le territoire français, hormis deux cousins et un oncle dont il n'avait pas précisé la situation administrative et avec lesquels il ne démontrait pas entretenir des liens d'une particulière intensité et qu'il n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales au Sénégal, où résident notamment sa mère, l'un de ses deux frères, l'autre résidant en Italie, et ses trois sœurs. Enfin, le préfet a retenu, en tenant compte de ce que M. A... n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et de ce que sa présence sur le territoire français ne représentait pas une menace pour l'ordre public, qu'il y avait lieu, dans ces circonstances, de lui faire interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai limité à un an.

21. S'il incombait au préfet du Nord, ainsi qu'il a été dit au point 19, en application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de tenir compte notamment, pour apprécier l'opportunité de prononcer une mesure d'interdiction de retour et pour en déterminer la durée, de ce que M. A... n'avait pas précédemment fait l'objet d'une mesure d'éloignement et de ce que sa présence ne représentait pas une menace pour l'ordre public, ces circonstances ne faisaient, par elles-mêmes, pas légalement obstacle au prononcé de cette interdiction et, même rapprochées des éléments rappelés au point précédent, concernant la situation personnelle et familiale de M. A..., ces circonstances ne révèlent pas que, pour prononcer, à l'égard de l'intéressé, une interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, le préfet du Nord aurait fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que, pour annuler sa décision faisant interdiction à M. A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, les premiers juges ont retenu à tort ce motif.

22. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'intégralité du litige afférent à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, d'examiner les autres moyens présentés, en première instance comme en appel, par M. A... à l'encontre de cette décision.

23. Eu égard à ce que, comme il a été dit aux points 19 et 20, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que, pour prononcer une interdiction de retour à l'égard de M. A... et en fixer la durée, le préfet du Nord s'est prononcé, au regard de la situation particulière de l'intéressé, sur l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

24. Pour les motifs énoncés aux points 20 et 21, les moyens tirés de ce que, pour prononcer une interdiction de retour à l'égard de M. A... et pour en fixer la durée à un an, le préfet du Nord se serait mépris dans l'appréciation de la situation de l'intéressé et, compte tenu, en outre, de ce qui a été dit au point 9 quant à la réalité et au sérieux des études de M. A..., aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ne sont pas fondés.

25. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour et contre celle faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour avant l'expiration d'un délai d'un mois devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement et, en tout état de cause, du refus de séjour, n'est pas fondé.

26. Il résulte de ce qui précède, aux points 18 à 25, que M. le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 17 mai 2023 faisant interdiction de retour sur le territoire français à M. A... avant l'expiration du délai d'un an.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

27. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions de M. A... tendant à ce que la cour prononce des injonctions sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de procédure :

28. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que M. A... présente sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2308130 du 30 mai 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 17 mai 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour sur le territoire français de M. A... avant l'expiration du délai d'un an.

Article 2 : Les conclusions correspondantes de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille sont, de même que sa requête n°24DA02029, rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... A..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur et à Me Dewaele.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. C... Le rapporteur,

J.-F. Papin Le président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

Nos24DA01116, 24DA02029 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01116
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;24da01116 ?
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