Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société H2MI Graphic a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2017, d'autre part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 138 761 euros au 30 juin 2017.
Par un jugement n° 2102771 du 29 juin 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2023 et des mémoires, enregistrés le 11 décembre 2023, le 23 janvier 2024 et le 1er juillet 2024, la société H2MI Graphic, représentée par Me Chabin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et le remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues en ce que l'administration n'a pas respecté, d'une part, l'obligation d'information du contribuable sur la teneur des renseignements obtenus de tiers et, d'autre part, l'obligation de communication qui lui incombe en application de ces dispositions ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée sont constitutifs d'un enrichissement sans cause dès lors que ses clients avaient déjà acquitté la taxe par le mécanisme de l'auto-liquidation ;
- le rehaussement de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 16 095 euros au titre de la période couvrant l'année 2015 ainsi que le rehaussement au titre de la période couvrant les troisième et quatrième trimestres de l'année 2016 ne sont pas motivés ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible ne sont pas justifiés ;
- la vérificatrice n'a pas tenu compte de factures comportant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ;
- le crédit de taxe sur la valeur ajoutée obtenu en 2015 ne peut être imputé, au titre d'achats effectués en 2015, qu'à hauteur de 4 598 euros ;
- la taxe sur la valeur ajoutée nette qui lui est due au 30 juin 2017 se chiffre à 13 526 euros ;
- en ne précisant pas les modalités de détermination du chiffre d'affaires et des dépenses réalisés en France, l'administration n'a pas suffisamment motivé les rehaussements d'impôt sur les sociétés en méconnaissance de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;
- elle subit une double imposition au titre de l'impôt sur les sociétés dès lors que ses résultats ont déjà été imposés au Portugal ;
- son résultat pour 2016 ayant été ramené par l'administration portugaise à 669 533 euros, le montant retenu pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés en France doit être ramené à ce même montant ;
- le profit sur le trésor correspondant au montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée non justifiés n'est pas fondé ;
- il résulte de l'application de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales et de l'article 7 de la convention fiscale franco-portugaise que l'administration ne pouvait, pour déterminer les bases d'imposition de son établissement stable en France, se borner à reprendre l'intégralité des résultats déclarés au Portugal.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés le 20 octobre 2023, le 5 janvier 2024, le 31 mai 2024 et le 5 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer partiel à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- par une décision du 30 janvier 2024, le directeur départemental des finances publiques de la Somme a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, à hauteur, d'une part, de 635 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible de la période couvrant l'année 2016, d'autre part, de 26 713 euros au titre de l'impôt sur les sociétés dû à raison de l'exercice clos en 2016, et a porté à la somme de 14 750 euros, au lieu de 13 526 euros, le crédit de taxe dû au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017 ;
- par une décision du 11 juin 2024, le directeur départemental des finances publiques de la Somme a prononcé un dégrèvement de 816 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la période couvrant l'année 2015 et de 408 euros, en droits et pénalités, au titre de l'impôt sur les sociétés dû à raison de l'exercice clos en 2015 ;
- les autres moyens soulevés par la société H2MI Graphic ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration, estimant que la société de droit portugais H2MI Graphic exerçait une activité à partir d'un établissement situé en France, l'a assujettie à des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016, assorties de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, et lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2017. Ce rappel a réduit le montant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont se prévalait la société au 30 juin 2017. La société a été taxée d'office, sur le fondement du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, à l'impôt sur les sociétés pour ne pas avoir déposé ses déclarations de résultat malgré l'envoi de mises en demeure. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à charge l'ont été suivant la procédure de taxation d'office, en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, faute pour la société d'avoir souscrit ses déclarations mensuelles dans le délai, hormis les rappels concernant les périodes couvrant les mois de janvier 2015, mai 2015 et janvier 2016, qui ont été établis selon la procédure contradictoire.
2. Par une décision du 25 juin 2021, l'administration a partiellement admis la réclamation formée par la société contre ces impositions et a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à hauteur de 48 550 euros et de 59 727 euros des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes couvrant respectivement l'année 2015 et l'année 2016. La société H2MI Graphic relève appel du jugement du 29 juin 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions demeurant à sa charge.
Sur l'étendue du litige :
3. Par deux décisions du 30 janvier 2024 et du 11 juin 2024, postérieures à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de la Somme, a prononcé un dégrèvement, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de 816 euros au titre de la période couvrant l'année 2015 et de 635 euros, en droits et pénalités, au titre de la période couvrant l'année 2015, d'autre part, des cotisations d'impôt sur les sociétés à concurrence, en droits et pénalités, de 408 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et de 26 713 euros au titre de l'exercice clos en 2016 et, enfin, a prononcé le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 14 750 euros au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017. Les conclusions de la requête sont, dans la mesure de ces montants, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant de la motivation de la proposition de rectification :
4. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. (...) ".
5. La société H2MI Graphic fait valoir que la proposition de rectification du 19 décembre 2018 est insuffisamment motivée en ce qui concerne, d'une part, la détermination du rehaussement de 16 095 euros de rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de la période couvrant l'année 2015 ainsi que les rappels de taxe couvrant les troisième et quatrième trimestres de l'année 2016, et d'autre part, les modalités de détermination du chiffre d'affaires et des dépenses réalisés en France.
6. Il résulte de l'instruction, comme le mentionne d'ailleurs la société requérante dans sa requête d'appel, que l'administration a, par la décision du 25 juin 2021 admettant partiellement sa réclamation, accordé le dégrèvement du rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 16 095 euros au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015. Le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification devant être apprécié distinctement par chef de redressement, la société ne peut donc, en tout état de cause, utilement soutenir que la détermination du montant de ces rappels n'était pas suffisamment motivée.
7. La notification des bases de redressement a précisé, s'agissant des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société au titre des troisième et quatrième trimestre de l'année 2016, période au cours de laquelle il a été procédé à une taxation d'office des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, que le service n'avait pas pris en compte ces déclarations au motif qu'elles avaient été déposées le 2 août 2018, soit postérieurement à l'avis de vérification de comptabilité. Il y a été fait état d'une taxe valeur ajoutée déductible admise par le service au titre de l'ensemble de l'année 2016 à hauteur de 39 975,87 euros, en renvoyant à son annexe 8 pour le détail des bases du calcul à partir des factures d'achat de la société. Ainsi la notification des bases taxées d'office, qui mentionnait l'impôt concerné et les périodes d'imposition, et indiquait le montant, en base, du rehaussement envisagé, en renvoyant, pour le détail du calcul, à la taxe apparaissant sur les factures d'achat dont la liste détaillée figurait en annexe, permettait au contribuable de connaître les modalités de détermination des bases d'imposition et ne méconnaissait dès lors pas, s'agissant de ce chef de redressement, les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.
8. S'agissant des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016, établies selon la procédure de taxation d'office, la notification des bases de redressement a indiqué que la société H2MI Graphic exerçait ses activités en France à partir d'un établissement stable et que l'analyse des factures de ventes et de charges, corroborée par les comptes de résultats déposés par la société au Portugal, avait permis d'établir le bénéfice taxable à l'impôt sur les sociétés à la somme de 316 488 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et à la somme de 731 228 euros au titre de l'exercice clos en 2016. Ainsi, l'administration a suffisamment informé la société requérante des bases et éléments servant au calcul des impositions d'office ainsi que des modalités selon lesquelles ils avaient été déterminés.
9. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
S'agissant de l'obligation d'information et de communication de l'administration :
10. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
11. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux que détient l'administration, celle-ci est tenue de les lui communiquer.
12. D'une part, il résulte des mentions de la proposition de rectification du 19 décembre 2018 que la vérificatrice s'est fondée, pour redresser les bases d'imposition de la société H2MI Graphic, sur des factures obtenues, dans l'exercice de son droit de communication, auprès de fournisseurs de la société requérante, dont le détail a été repris aux annexes 1 à 3 de cette proposition de rectification. Contrairement à ce que soutient la société H2MI Graphic, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des seules mentions portées dans ces annexes, que le service vérificateur, dont il est constant qu'il a eu accès lors des opérations du contrôle sur place à certains bons de commande émis par la requérante et précisant le lieu de livraison, se serait fondé, pour procéder aux redressements litigieux, sur d'autres éléments, en particulier des bons de livraison, qu'il aurait obtenus dans l'exercice de son droit de communication. Il suit de là que l'administration a satisfait, avant la mise en recouvrement des impositions, à l'obligation d'information du contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements et documents obtenus de tiers ayant servi à fonder les redressements en litige.
13. D'autre part, il résulte de l'instruction que, dans ses observations formulées le 20 février 2019 en réponse à la proposition de rectification, la société H2MI Graphic a demandé au service vérificateur de lui faire parvenir " l'ensemble des pièces concourant à l'établissement des rehaussements proposés ". Il appartenait toutefois au contribuable de préciser, parmi les renseignements ou documents spécifiques émanant de tiers utilisés par l'administration pour fonder les redressements litigieux, ceux dont il souhaitait obtenir la communication. En l'espèce, la société était à même, au vu des indications portées dans la proposition de rectification et ses annexes, de formuler une demande plus précise, alors, au demeurant, que l'administration l'y a expressément invitée à plusieurs reprises. Ainsi, compte tenu de son caractère imprécis, la demande présentée par la société H2MI Graphic ne saurait être regardée comme valant demande de communication de documents ou renseignements obtenus de tiers au sens de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
14. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B doit, dans toutes ses branches, être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
15. S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société H2MI Graphic pour la fraction de période correspondant aux mois de janvier 2015, mai 2015 et janvier 2016, après mise en œuvre de la procédure contradictoire, la charge de la preuve appartient à l'administration. En revanche, en raison de la situation taxation d'office dans laquelle la société s'est placée pour le reste de la période en litige s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pour les exercices clos en 2015 et 2016 s'agissant des cotisations d'impôt sur les sociétés, il incombe à la société H2MI Graphic d'apporter la preuve de l'exagération des bases des impositions qu'elle conteste.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée :
16. Aux termes du 1 de l'article 283 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). Toutefois, lorsqu'une livraison de biens (...) est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. (...) ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures (...) sont les suivantes : (...) 13° Lorsque l'acquéreur ou le preneur est redevable de la taxe, la mention : " Autoliquidation " (...) ".
17. Lorsqu'en application des dispositions de l'article 258 du code général des impôts, le lieu de la livraison de biens se situe en France, le redevable de la taxe est le vendeur s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le vendeur qui a en France un établissement stable, caractérisé par un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possible, de manière autonome, l'activité réalisée.
18. D'une part, si la société H2MI Graphic a son siège au Portugal, il n'est pas contesté que l'établissement dont elle dispose à Montataire (Oise) présente le caractère d'un établissement stable en France. Il résulte de l'instruction, notamment des mentions de la proposition de rectification, que, pour son activité d'achat-revente de matériels d'imprimerie, la société H2MI Graphic achète des pièces, livrées à l'adresse de son établissement stable en France, qu'elle revend à partir de cet établissement, sans transiter par le Portugal, à des clients situés en France. L'administration a estimé, en conséquence, que les ventes ainsi effectuées en France à partir de l'établissement stable de la société devaient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée.
19. La société H2MI Graphic, qui, à partir de son établissement stable situé en France, a vendu des biens à des entreprises françaises doit être regardée comme ayant réalisé des opérations passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle était due par le vendeur, en vertu des dispositions de l'article 258 du code général des impôts.
20. D'autre part, la société fait valoir qu'en application des dispositions du 1 de l'article 283 du code général des impôts, ses clients ont eux-mêmes acquitté, par le mécanisme de l'autoliquidation, la taxe sur la valeur ajoutée grevant les biens qu'elle leur a fournis.
21. Toutefois, il est constant que les factures en cause ne comportaient pas la mention " autoliquidation ", pourtant exigée, dans un tel cas, par l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la société H2MI Graphic, contrairement à ce qui est soutenu, ne relevait pas du régime de l'autoliquidation prévu par le 1 de l'article 283 du code général des impôts. Est sans incidence à cet égard la circonstance que les sociétés clientes de la société H2MI Graphic auraient collecté la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux factures qu'elle a émises. En tout état de cause, cette circonstance n'est, au surplus, pas établie par la seule production d'attestations émises par des clients de la société requérante entre les mois de mai et juin 2019, soit postérieurement aux opérations de contrôle et à l'envoi d'une proposition de rectification au contribuable.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
22. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison. 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. (...). IV. - La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
23. En premier lieu, si la société fait valoir que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 16 095 euros au titre de la période du 1er janvier 2105 au 31 décembre 2015 n'était pas fondé, il résulte de l'instruction que ce rehaussement a donné lieu à un dégrèvement par la décision d'amission partielle de la réclamation de la société du 25 juin 2021.
24. En deuxième lieu, la société H2MI Graphic fait état d'incohérences entre les factures d'achats inventoriées par la vérificatrice aux annexes 1 à 3 de la proposition de rectification et celles mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée déductible reprises aux annexes 7 à 9 de ce même document. Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que la vérificatrice a omis de prendre en compte la taxe sur la valeur ajoutée déductible mentionnée sur des factures, à hauteur de 6 420 euros au titre de la période couvrant l'année 2015, de 7 844 euros au titre de la période couvrant l'année 2016 et de 2 856 euros au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017.
25. Sur le fondement des éléments produits en cours d'instance par la société, le service a admis une déduction supplémentaire de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 592,27 euros au titre la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 et de 1 223,80 euros au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017 et a prononcé un dégrèvement en conséquence. Le service a également admis en cours d'instance, au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, la déduction de taxe sur la valeur ajoutée de 816 euros mentionnée sur la facture n° 18766 émise par la société Labourier et a accordé le dégrèvement correspondant, au motif que le bon de commande comportait une adresse de livraison en France.
26. En revanche, le ministre a relevé, s'agissant des autres factures dont la société fait état, que certaines d'entre elles ne concernent pas la société H2MI Graphic et que, pour celles la concernant, elles avaient été établies à l'adresse de son siège au Portugal et aucun élément ne permettait d'établir qu'elles auraient donné lieu à des livraisons de biens en France.
27. En se bornant à relever que les factures de ses fournisseurs, émises au cours de périodes où la société se trouvait en situation de taxation d'office, n'auraient pas mentionné de taxe sur la valeur ajoutée si elles avaient concerné des livraisons de biens au Portugal, la société, qui est seule en possession des bons de livraison correspondant aux factures d'achat en cause, ne justifie pas que les biens en cause ont été livrés en France. A cet égard, si la société H2MI Graphic relève en particulier que la facture établie le 16 juillet 2015 par son client, la société Labourier, référencée n° 18766, fait mention d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui n'a pas été admis par le service, elle n'établit pas que cette facture, qui a été émise au titre d'une période ayant fait l'objet d'une taxation d'office, aurait donné lieu, ainsi que le relève le ministre, à une livraison de biens en France, alors qu'elle mentionne l'adresse du siège de la société requérante au Portugal et qu'aucun bon de livraison ni bon de commande n'a été produit.
28. S'agissant des factures émises, au cours de périodes rectifiées selon la procédure contradictoire, par la société RS Diffusion le 31 janvier 2015, par la société Siba Viking les 31 janvier 2015 et 31 janvier 2016, par la société Leroy logistic transport le 31 janvier 2016 et par la société SIMB le 18 janvier 2016, l'administration justifie que ces factures ont été libellées à l'adresse du siège portugais de la société H2MI Graphic. Aucun autre élément versé au débat ne permet d'établir que les factures en cause, qui n'ont pas été produites devant la cour, auraient concerné des biens livrés en France, alors que seule la société requérante est en mesure de produire tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise. La circonstance que ces factures ne comportent pas de mention d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 1° du I de l'article 262 du code général des impôts ne suffit pas à établir que les biens en cause ont été livrés en France. Dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant que la taxe sur la valeur ajoutée y afférente ne pouvait pas faire l'objet d'une déduction.
29. En troisième lieu, la société n'a souscrit ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de juillet 2016 à décembre 2016 que le 2 août 2018, soit au cours de la vérification de comptabilité. Contrairement à ce qui est soutenu, les conditions dans lesquelles ces déclarations ont été présentées ne permettaient pas de regarder les droits litigieux à déduction de taxe comme ayant été établis, de sorte que c'est à bon droit que l'administration a refusé d'en tenir compte pour déterminer, à partir des factures émises, le montant de la taxe admise en déduction. La société ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe au titre de cette période, que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible admis par l'administration serait insuffisant.
S'agissant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 :
30. Aux termes du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations ".
31. Il résulte de l'instruction que, pour fixer, à la suite de la décision d'admission partielle de la réclamation de la société, à 3 592 euros le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société H2MI Graphic au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, l'administration a tenu compte du crédit de taxe remboursé à cette société à hauteur de 12 834 euros au titre de cette même période. Si la société fait valoir que ce crédit ne pouvait être imputé au titre de la période en litige qu'à hauteur de 4 598,48 euros dès lors que le surplus, soit 7 875,14 euros, concernait des factures émises en 2014, l'administration relève à bon droit que le remboursement de ce crédit a été sollicité par des courriers de la société en date des 10 février et 10 mars 2015, et se rapportait aux déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société au titre respectivement des mois de janvier et de février 2015. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a, pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible dus au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, retranché l'intégralité du crédit de taxe déclaré par la société au titre de cette période.
S'agissant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017 :
32. Si la société requérante soutient que la taxe sur la valeur ajoutée nette qui lui est due au titre de cette période s'élève à 13 526 euros, il résulte de l'instruction qu'à la suite du dégrèvement prononcé le 30 janvier 2024, l'administration fiscale a porté à 14 750 euros le montant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société peut bénéficier. Dès lors, la requête a perdu son objet sur ce point.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
S'agissant de l'existence d'un établissement stable en France :
33. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ".
34. Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale signée le 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal, qui vise à prévenir la double imposition d'un contribuable dans ces deux Etats au titre de l'impôt sur les sociétés : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. 2. Lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable, les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable (...) ". L'article 5 de cette convention stipule que l'expression " établissement stable " désigne " une installation fixe d'affaire où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité ".
35. Il résulte de l'instruction que la société H2MI Graphic a exercé en France à titre habituel, au cours des années d'imposition en litige, une activité de commerce de matériels d'imprimerie à partir d'installations permanentes constituées en particulier de locaux situés à Montataire (Oise) et qu'elle a employé dans ces locaux une salariée, qui exerçait des fonctions d'interlocutrice entre les clients et les fournisseurs de la société. Par suite, la société H2MI Graphic doit être regardée comme ayant exploité une entreprise en France au sens des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts, ce qu'au demeurant elle ne conteste pas. Il en résulte que les bénéfices tirés de cette activité sont imposables à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française.
36. Ces éléments permettent de regarder la société H2MI Graphic comme ayant disposé, au cours des années d'imposition en litige et pour l'exercice de son activité, d'une installation fixe d'affaires caractérisant un établissement stable en France au sens et pour l'application des stipulations de la convention fiscale franco-portugaise.
S'agissant de l'existence alléguée d'une double imposition :
37. La société H2MI Graphic fait valoir que l'imposition de ses bénéfices en France a créé une situation de double imposition contraire aux objectifs de la convention franco-portugaise dans la mesure où elle s'est déjà acquittée de l'impôt sur les sociétés au Portugal. Il résulte toutefois des termes mêmes de l'article 7 de la convention fiscale franco-portugaise que les bénéfices d'activité d'un établissement stable situé en France ne sont imposables qu'en France.
38. Il résulte de l'instruction que la société, en dépit de l'envoi de mises en demeure, n'a pas souscrit de déclarations de résultats au titre des exercices vérifiés à raison de son activité exercée dans son établissement stable en France. En l'absence de tout élément quant aux bénéfices imputables à l'établissement stable de la société, l'administration a retenu, pour ces exercices, le bénéfice réalisé par la société à partir du bilan qu'elle a déposé au Portugal, après y avoir retranché le montant de l'impôt sur les sociétés acquitté par la société dans ce pays, ainsi qu'il résulte de la réponse aux observations du contribuable, et tenu compte, comme le révèle le dégrèvement accordé le 30 janvier 2024, d'une rectification du résultat de l'exercice clos en 2016 après une réclamation auprès de l'administration fiscale portugaise.
39. La société requérante, à qui incombe la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition sur lesquelles elle a été taxée d'office, n'apporte aucun élément de nature à établir que les résultats qu'elle a déclarés au Portugal, pris en compte par le service, ne seraient, pour partie, pas imputables à l'activité de son établissement stable situé en France. Elle ne justifie pas davantage, par les pièces qu'elle produit, et dont certaines ne sont au demeurant pas traduites en langue française, que l'ensemble de ses résultats ont été taxés au Portugal.
40. Il appartient le cas échéant à la société requérante, si elle s'y croit fondée, de demander la décharge des impositions mises à sa charge au Portugal à raison des bénéfices générés par l'établissement stable en France, qui sont imposables en France par application de la convention fiscale franco-portugaise. En outre, la société ne soutient pas, ni même n'allègue, qu'elle aurait initié une procédure en application de l'article 25 de la convention fiscale franco-portugaise en vue de faire constater l'existence éventuelle d'une double imposition.
41. Dans ces conditions, la société requérante, qui n'établit pas la double imposition qu'elle allègue, n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être, pour ce motif, déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'ensemble de la période en litige.
S'agissant du profit sur le Trésor :
42. Si la société requérante demande à la cour la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés correspondant au profit sur le Trésor relatif aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été dégrevés par l'administration le 31 janvier 2024 et le 11 juin 2024, il résulte de l'instruction que l'administration a, par ces mêmes décisions, réduit le profit sur le Trésor à hauteur de ces rappels. Cette contestation est dès lors sans objet.
43. Il résulte de ce qui précède que la société H2MI Graphic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : A concurrence des sommes mentionnées au point 2 du présent arrêt, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société H2MI Graphic est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société H2MI Graphic et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
2
N°23DA01575