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05/12/2024 | FRANCE | N°23DA01470

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 05 décembre 2024, 23DA01470


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. H... A... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 et des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2101898 du 15 juin 20

23, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 et des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2101898 du 15 juin 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 11 septembre 2024, Mme E... C... et Mme D... A..., représentées par Me Brigitte de Foucher, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. A... et Mme C... ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la procédure d'imposition méconnaît l'article L. 54 du livre des procédures fiscales dès lors que le recours hiérarchique n'a donné lieu à aucun entretien malgré leurs demandes en ce sens ;

- elle méconnaît les articles L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que les termes de la proposition de rectification révèlent que l'administration avait, dès cette proposition, l'intention de prononcer le rehaussement envisagé ;

- les travaux réalisés sur l'immeuble de la SCI JUL ne constituent pas des travaux d'agrandissement dès lors que les locaux concernés étaient autrefois destinés à l'habitation de sorte que les dépenses à ces travaux correspondent à des charges déductibles ;

- la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-30-20 n° 50 et 51 conforte cette analyse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Brigitte de Foucher, représentant Mme C... et Mme A....

Une note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2024, a été présentée pour Mme C... et Mme A....

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La SCI JUL, détenue par M. H... A... et Mme E... C..., a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de sa situation fiscale en 2019. A l'issue de ce contrôle, l'administration a considéré, par une proposition de rectification du 6 décembre 2019, que les dépenses de travaux réalisés en 2015 et 2016 sur les biens immobiliers de la société situés au 22-24 rue de Beauvais à Amiens n'étaient pas des charges déductibles. M. A... et Mme C... ont en conséquence été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2020.

2. Leur réclamation du 11 février 2021 ayant été rejetée, M. A... et Mme C... ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer, en droits et pénalités, la décharge, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017. Mme C... et Mme A..., venant aux droits de son père M. H... A..., relèvent appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le recours hiérarchique :

3. Aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, dans sa version issue de l'article 12 de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L 12, L-13 et L 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai ".

4. Il résulte de cette disposition que, lorsqu'elle est adressée dans le cadre d'un contrôle sur pièces, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai. Il ne résulte pas de cette disposition, ni d'ailleurs des travaux parlementaires ayant précédé son adoption, que le contribuable aurait le droit, dans le cadre de ce recours, de s'entretenir avec le supérieur hiérarchique du fonctionnaire ayant signé la proposition de rectification.

5. Toutefois, lorsque la demande de recours hiérarchique ne donne pas lieu à un tel entretien, il incombe au supérieur hiérarchique du vérificateur, afin d'assurer l'effectivité de l'examen de cette demande et donc de la garantie prévue par cette disposition, d'apporter une réponse écrite au contribuable.

6. D'une part, il résulte de l'instruction que si M. A... et Mme C..., qui ont exercé un recours hiérarchique le 5 mars 2020 et, dans ce cadre, ont plusieurs fois sollicité un entretien, la supérieure hiérarchique du vérificateur, par un courrier du 16 juin 2020, a fait droit à la demande de recours hiérarchique, a précisé que celui-ci ne revêtait pas nécessairement un format présentiel, a relevé qu'aucun justificatif n'avait été présenté malgré sa demande formulée dans un courriel du 6 mars 2020, a confirmé en conséquence la position du service et a indiqué que les intéressées conservaient la possibilité de saisir le conciliateur fiscal départemental.

7. D'autre part, les requérantes exposent que, par un courrier du 8 octobre 2020, la directrice départementale des finances publiques de la Somme, répondant à une nouvelle demande d'entretien, ne s'est pas opposée, " par mesure de tempérament ", à un réexamen de la situation par le service chargé du contrôle " qui reprendra prochainement contact avec vous afin de fixer une date d'entretien ", et qu'aucun entretien n'a pourtant eu lieu avant la mise en recouvrement des impositions le 31 décembre 2020.

8. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. A... et Mme C... n'ont pas été privés de la garantie prévue par l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard au contenu des documents adressés à l'administration par une lettre des contribuables datée du 25 novembre 2020 et reçue le 3 décembre 2020, que l'absence de l'entretien ainsi envisagé ait été susceptible d'avoir une influence sur la décision de redressement.

9. En outre, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que l'administration, bien qu'ayant conduit la procédure de contrôle et de rectification dans le respect des garanties prévues par le législateur, aurait méconnu à leur encontre un principe de loyauté.

En ce qui concerne la proposition de rectification :

10. Aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " (...) lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts (...) les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A ". Aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que si la proposition de rectification du 6 décembre 2019 a fait état d'une somme due et précisé que les avis de mise en recouvrement seraient adressés ultérieurement, elle a indiqué également que les contribuables disposaient d'un délai de trente jours pour adresser leurs observations, ce qu'ils ont fait par un courrier du 3 février 2020 auquel le service a répondu le 12 février 2020. Dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'administration aurait méconnu la procédure de rectification contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

12. Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 31 du même code : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ".

13. Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et comme des travaux d'agrandissement ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction ou d'agrandissement que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.

14. Il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu brut les dépenses qui constituent, selon lui, des charges de la propriété de justifier du caractère déductible de ces dépenses.

15. D'une part, les actes authentiques des 4, 6, 7 octobre et 19 novembre 2004 et 5 janvier 2015 par lesquels la SCI JUL a acquis les lots n° 46, 47, 48, 49, 50, 51 et 52 du bâtiment A d'un ensemble immobilier situé au 22-24 rue de Beauvais à Amiens ont fait état de lots à usage de logement et cette désignation a pu servir à l'établissement de la fiche d'évaluation foncière des propriétés bâties de la direction générale des impôts le 4 août 2005 et justifier le paiement de charges de copropriété pour ces lots à titre de logements.

16. Toutefois, ladite désignation résulte d'actes de division des mêmes jours par lesquels les combles du 3ème étage du bâtiment A constituant des parties communes appartenant à chacun des copropriétaires ont donné lieu à la création de 8 nouveaux lots privatifs numérotés de 45 à 52, le n° 45 ayant été créé à usage de grenier et les sept autres à usage de logement. Ces mêmes actes ont précisé qu'afin d'aménager les combles, les copropriétaires avaient donné l'autorisation de procéder notamment à la pose de vélux dans la toiture, au branchement des eaux usées sur les canalisations existantes des appartements et au branchement des compteurs d'eau, d'électricité et de gaz.

17. D'autre part, si Mme C... et Mme A... font valoir que les espaces concernés, constituant des sous-combles, étaient jadis des habitations qui ont par la suite été abandonnées en raison de leur vétusté et que les espaces comportaient des escaliers mezzanines et des sanitaires, ces circonstances, à les supposer même établies, ne suffisent pas à démontrer le caractère d'habitation de ces locaux.

18. enfin, il résulte de l'instruction que les travaux réalisés, pour un montant déclaré de 154 795 euros dans des combles acquis au prix de 18 644,91 euros, ont porté notamment sur l'isolation, la pose de fenêtres de toit, la réalisation de plafonds et de cloisons séparatives de logement, la pose de blocs-portes palières ou encore l'installation de sanitaires, de chauffages et de cuisines.

19. Dans ces conditions, les travaux en litige, qui ont eu pour objet de transformer des combles en surfaces habitables, constituent des travaux d'agrandissement qui ne sont pas déductibles pour la détermination du revenu net foncier.

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

20. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut néanmoins poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

21. Mme C... et Mme A... ne sont pas fondées à se prévaloir des énonciations des paragraphes n° 50 et 51 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-20 relatifs au caractère déductible des dépenses occasionnées par la vétusté ou la force majeure, dans les prévisions desquelles, pour les motifs ci-dessus exposés, elles n'entrent pas.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et Mme A... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., à Mme D... A... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA01470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01470
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DE FOUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23da01470 ?
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