Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 août 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2303781 du 19 janvier 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2024, M. A..., représenté par Me Madeline, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'éloignement méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 15 novembre 1956, déclare être entré régulièrement en France le 22 décembre 2016. Il a sollicité, le 27 juin 2022, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande, a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 19 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser un titre de séjour à M. A..., le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé notamment sur l'avis rendu le 24 avril 2023 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a considéré que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il est en mesure d'obtenir effectivement un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. M. A..., qui a levé le secret médical, indique souffrir d'une insuffisance rénale chronique de stade cinq, en phase terminale, nécessitant une dialyse pendant quatre heures trois fois par semaine, ainsi qu'un traitement médicamenteux comportant du Phosphosorb, du Nebivolol et de l'Urapidil. Si M. A... produit à l'instance un article de presse paru en 2009 et une notice scientifique rédigée en 2014, ces éléments, eu égard à leur ancienneté, ne sont pas de nature à contredire l'appréciation du préfet sur la disponibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les informations sanitaires et statistiques versées au dossier, notamment le taux de décès des patients atteints d'insuffisance rénale chronique, qui est significativement plus important au Maroc qu'en France, et plus généralement les défaillances du système de soins marocain dont fait état le requérant ne suffisent pas à démontrer l'indisponibilité d'un traitement approprié ou l'impossibilité d'y avoir accès au sens des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas pour objet de garantir au demandeur des soins dans son pays d'origine équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. Le préfet produit en défense une liste des médicaments remboursés au Maroc en 2018, non contestée par M. A..., dont il ressort que le Nebivolol y est commercialisé et disponible, ce que confirme d'ailleurs le document rédigé par la belle-fille de l'intéressé et joint à la requête d'appel. S'il n'est pas contesté que le Phosphosorb, qui est un acétate de calcium servant au traitement de l'insuffisance rénale chronique, et l'Urapidil, anti-hypertenseur alpha-bloquant nécessaire au traitement de l'hypertension, ne sont pas commercialisés au Maroc, il ressort de la liste précitée, produite par le préfet, et de la liste à laquelle renvoie M. A... dans ses écritures (https://www.medicaments-maroc.com/ListeMedic.aspx), que des médicaments équivalents y sont disponibles sous la forme d'acétate concentré pour hémodialyse, de Coveram ou de Catapressan. A cet égard, M. A... ne produit aucun document médical de nature à établir, ainsi qu'il le soutient pour la première fois en appel, que ses médicaments ne sont pas substituables. M. A... ne démontre pas qu'un retour au Maroc impliquerait nécessairement une interruption de son traitement avec un risque létal. Le requérant, inscrit sur la liste nationale d'attente pour une greffe du rein, n'allègue pas qu'une opération de transplantation serait programmée. S'il indique que le coût de son traitement, évalué à plus de 1 500 euros par mois, ne lui est pas financièrement accessible, il ne produit, pas plus en appel qu'en première instance, d'éléments justifiant de ce qu'étaient ses conditions de vie au Maroc, où il a vécu jusqu'à l'âge de soixante ans, ou de l'insuffisance de ses ressources. Ses allégations sur l'impossibilité de bénéficier au Maroc d'une assistance par tierce personne, le cas échéant médicalisée, ne sont assorties d'aucun commencement de preuve, ainsi que l'ont relevé les premiers juges. Dans ces conditions, M. A..., qui n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié dans des conditions lui permettant d'y avoir effectivement accès, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, il ressort du compte-rendu d'hospitalisation du 9 mai 2023 que l'insuffisance rénale chronique de M. A..., diagnostiquée au début de l'année 2022, est passée du stade quatre au stade cinq, impliquant la mise en place d'un traitement par hémodialyse. Si le requérant reproche au préfet de la Seine-Maritime d'avoir omis de tenir compte de l'aggravation de son état de santé, il ressort du dossier médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que les médecins ont tenu compte, dans leur avis, sur lequel le préfet s'est fondé, d'une insuffisance rénale chronique de stade quatre impliquant un " risque d'avoir besoin d'une dialyse et d'une greffe très prochainement ". Dans ces conditions, il n'est pas démontré que le préfet aurait omis de procéder à un examen complet de la situation médicale de M. A... incluant un traitement par voie d'hémodialyse. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas tenu compte de la situation personnelle et familiale en France de M. A..., de sa durée de résidence, de la nécessité de poursuivre ses soins et de la disponibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le moyen tiré d'un défaut d'examen doit donc être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis près de sept ans, ainsi que ses quatre enfants, dont un a la nationalité française et les trois autres sont en situation régulière, qu'il est pris en charge au domicile de son fils et de sa belle-fille, par ailleurs infirmière et qui lui prodigue les soins dont il a besoin. Toutefois, si le requérant indique avoir divorcé en 2011, il n'allègue pas sérieusement être dépourvu d'attaches familiales ou personnelles au Maroc, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de soixante ans. Comme il a été dit au point 3, il n'est pas démontré que M. A... ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. M. A..., qui se prévaut du même argumentaire pour reprocher une erreur manifeste d'appréciation au préfet de la Seine-Maritime, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une telle erreur.
7. En quatrième lieu, M. A... ne justifie pas avoir sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait de lui-même examiné une admission éventuelle au séjour de M. A... sur le fondement de ces dispositions. Dès lors, le requérant ne saurait utilement se prévaloir d'une erreur manifeste d'appréciation du préfet dans leur application.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il résulte de ce qui a été au point 3 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées.
9. En dernier lieu, M. A... invoque une méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation, en faisant état de l'impossibilité pour lui de bénéficier d'un traitement approprié au Maroc. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que ses moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Madeline.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
2
N° 24DA00949