Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 30 avril 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Hautmont lui a infligé un avertissement.
Par un jugement n° 2004431 du 21 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2022 et 12 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Ruef, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 30 avril 2020 de la directrice du centre hospitalier d'Hautmont ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Hautmont le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure méconnaissant les dispositions de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 ; en effet, elle n'a pas été informée de son droit d'obtenir la communication de son dossier individuel et de se faire assister par la personne de son choix dans la décision de suspension à titre conservatoire prononcée à son encontre le 4 avril 2020 ; le délai de 15 jours séparant le courrier du 15 avril 2020 lui communiquant pour la première fois ces informations et la décision attaquée du 30 avril 2020 ne lui a pas permis d'organiser effectivement sa défense ;
- elle est entachée d'erreurs de fait et d'appréciation ; d'une part, la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ; d'autre part, ces faits ne sont, en tout état de cause, pas constitutifs d'une faute et s'inscrivent dans le cadre de sa mission de représentante syndicale et de l'exercice de son droit de retrait ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le comportement qui lui est reproché, à le supposer même établi, relèverait de l'inaptitude professionnelle et non d'une faute disciplinaire qui justifierait le prononcé d'une sanction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le centre hospitalier d'Hautmont, représenté par Me Brazier, conclut :
1°) au rejet de la requête d'appel de Mme B... ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à ce qu'une somme 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ruef, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est aide-soignante et titulaire de la fonction publique hospitalière. Elle exerce au sein du centre hospitalier d'Hautmont (Nord). Le 4 avril 2020, la directrice de cet établissement a décidé de la suspendre à titre conservatoire de ses fonctions. Par une décision du 30 avril 2020, elle lui a infligé la sanction disciplinaire d'avertissement. Mme B... relève appel du jugement du 21 juillet 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision. En défense, le centre hospitalier d'Hautmont conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 15 avril 2020, lui ayant été adressé par voie électronique le lendemain, la directrice du centre hospitalier d'Hautmont a informé Mme B... de son droit d'obtenir la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes, d'être assistée par les défenseurs de son choix et de produire des observations. A la demande de celle-ci, l'intégralité de son dossier lui a été communiqué par voie électronique dès le 17 avril 2020 et elle a alors été informée que ses observations éventuelles devaient être adressées à la direction avant le 29 avril 2020. Mme B..., qui n'établit pas ni même n'allègue ne pas avoir réceptionné en temps utiles ce courriel, s'est abstenue de le faire. Il ne ressort en outre d'aucun texte ni d'aucun principe applicable que Mme B... aurait dû être informée de ses droits dès la décision de suspension prononcée à titre conservatoire à son encontre le 4 avril 2020. Enfin, le délai séparant la réception du courrier d'information du 15 avril 2020 et le prononcé de la sanction d'avertissement le 30 avril 2020 ne peut être regardé comme insuffisant et comme l'ayant privée de la possibilité d'organiser utilement sa défense. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait pour ce motif entachée d'un vice de procédure doit, dès lors, être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. / (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports circonstanciés établis le 3 avril 2020 par la cheffe du service de soins de suite et de réadaptation et le 4 avril 2020 par la cadre de santé du même service, que les attestations de collègues produites par Mme B... ne suffisent pas à infirmer, qu'à la suite de l'annonce d'un potentiel cas de covid-19 parmi les patients, Mme B... a, le 1er avril 2020, publiquement et très vivement interpellé sa supérieure hiérarchique, a mis en cause la gestion par l'établissement de la crise sanitaire et s'est désengagée de ses fonctions pour le reste de la journée, obligeant deux de ses supérieures à la suppléer. Dans le contexte particulièrement délicat qui prévalait à la date des faits litigieux et compte tenu de l'incidence négative qu'il était susceptible d'exercer sur le fonctionnement du service et, par suite, sur la qualité des soins y étant dispensés, ce comportement anxiogène et agressif de Mme B... est constitutif d'un manquement à ses obligations de réserve et d'obéissance hiérarchique et justifiait le prononcé d'une sanction disciplinaire. Alors, d'une part, que les faits sont survenus en dehors de toute manifestation syndicale ou instance de représentation du personnel et, d'autre part, que le centre hospitalier justifie s'être conformé aux directives et préconisations émises par les autorités sanitaires régionales et nationales dans le cadre de l'épidémie de covid-19, le comportement de Mme B... n'est susceptible de se rattacher régulièrement ni à ses activités syndicales, ni à l'exercice de son droit de retrait. Enfin, alors qu'elle constitue la sanction la plus faible de l'échelle des sanctions prévues par les textes applicables et que la hiérarchie de Mme B... l'avait précédemment alertée à plusieurs reprises, lors de ses entretiens annuels d'évaluation, sur son attitude au travail, l'avertissement disciplinaire prononcé à son encontre n'est pas disproportionné. Dans ces conditions, Mme B... n'est ni fondée à soutenir que la décision attaquée reposerait sur des faits matériellement inexacts, ni que ceux-ci ne caractériseraient pas une faute disciplinaire justifiant le prononcé d'un avertissement. Les moyens qu'elle soulève en ce sens doivent, dès lors, être écartés.
6. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le comportement adopté par Mme B... au moment des faits litigieux était constitutif d'un manquement à ses obligations professionnelles mais ne suffisait pas à lui seul à révéler l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions correspondant à son grade. C'est, dès lors, sans commettre d'erreur de droit que la directrice du centre hospitalier d'Hautmont a pu décider de la sanctionner en prononçant une sanction disciplinaire plutôt que d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle et le moyen soulevé en ce sens par Mme B... doit donc être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 avril 2020.
Sur les frais liés au litige :
8. En premier lieu, le centre hospitalier d'Hautmont, au soutien de ses conclusions d'appel incident tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, n'a développé aucun moyen devant la cour. C'est en tout état de cause par des motifs suffisants que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a pu, dans les circonstances de l'espèce, retenir qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à ces conclusions. Les conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier d'Hautmont ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
9. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier d'Hautmont, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés pour elle dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge de celle-ci la somme demandée au même titre par le centre hospitalier d'Hautmont.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier d'Hautmont et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier d'Hautmont.
Délibéré après l'audience publique du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A.-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
2
N°22DA01956