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21/11/2024 | FRANCE | N°24DA00988

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 21 novembre 2024, 24DA00988


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2301479 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



P

ar une requête, enregistrée le 24 mai 2024 et un mémoire, enregistré le 16 juillet 2024, M. C..., représenté par Me Emilie D...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2301479 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2024 et un mémoire, enregistré le 16 juillet 2024, M. C..., représenté par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée ou familiale " ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- l'OFII n'a pas produit l'ensemble des éléments sur lesquels le collège de médecins s'est fondé pour rendre son avis ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Des observations, présentées par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont été enregistrés le 15 juillet 2024.

Par une ordonnance du 3 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 septembre 2024.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant togolais né le 26 février 1953, est entré en France le 28 juillet 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé, dont il a sollicité le renouvellement le 29 mars 2022. Par un arrêté du 15 novembre 2022, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 26 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, les décisions attaquées, qui énoncent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées. Au demeurant, l'obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, se soit abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. C....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Par un avis du 7 septembre 2022, dont le préfet du Nord s'est approprié les termes, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé, et qu'il peut voyager sans risque à destination de ce pays.

6. Si M. C... est atteint d'un adénocarcinome colique avec métastases hépatiques, il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié en France d'un traitement par chimiothérapie conduisant à sa rémission complète depuis environ six ans à la date de la décision attaquée et que le suivi de cette pathologie se limite à une surveillance par la réalisation, selon une périodicité qui n'est pas précisée, d'un bilan sanguin, d'un examen d'imagerie par résonance magnétique du foie et d'un scanner abdomino-pelvien. Le requérant ne conteste pas sérieusement qu'il pourrait effectuer de tels examens au Togo, en particulier, ainsi que l'a relevé le préfet en première instance, dans la clinique dans laquelle il était suivi avant son entrée sur le territoire français et qui dispose d'un centre d'imagerie médicale.

7. Il ressort des pièces médicales produites au dossier que M. C... souffre également d'hypertension artérielle et d'un diabète de type II, pour lesquels il bénéficie d'un traitement médicamenteux. A la date de l'arrêté contesté, ce traitement était composé de dix médicaments, dont quatre étaient destinés à traiter le diabète et six l'hypertension artérielle. M. C... fait valoir que quatre des médicaments qui lui sont prescrits, consistant en un vasodilatateur, un antihypertenseur, un antidiabétique oral et de l'insuline, commercialisés en France sous les dénominations Lercan, Eupressyl, Janumet et Lantus, ne sont pas disponibles au Togo. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapprochement entre les extraits de la base de données MedCOI produits par l'OFII et la liste des médicaments remboursables établie par l'Institut national d'assurance maladie du Togo et versée par le préfet en première instance, que le médicament dénommé Janumet, la lercanidipine et l'insuline lente, qui constituent les molécules entrant dans la composition des médicaments Lercan et Lantus, sont disponibles au Togo. La circonstance que l'OFII n'a pas versé au débat l'intégralité des fiches MedCOI dont il se prévaut à l'appui de ses écritures n'est pas de nature à retirer le caractère pertinent des extraits produits. S'il est constant que l'urapidil, substance active de l'un des hypertenseurs prescrits à M. C..., n'est pas disponible au Togo, il ressort des pièces du dossier que d'autres médicaments, comportant des molécules de la même classe thérapeutique des alpha-bloquants, sont commercialisés dans ce pays. M. C... n'apporte aucun élément de nature à établir que ce traitement ne serait pas substituable à celui qui lui est prescrit ni qu'il n'aurait pas une efficacité équivalente. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier que les autres médicaments qui lui sont administrés sont, le cas échant sous une autre dénomination, disponibles dans son pays d'origine. Il ressort en outre des pièces du dossier que sept des médicaments qui sont prescrits à l'intéressé sont remboursés par l'assurance maladie togolaise, M. C... n'apportant aucun élément quant au coût des trois autres composantes de son traitement médicamenteux. Par suite, le préfet du Nord a pu légalement refuser de renouveler refuser le titre de séjour de M. C... sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. C... est entré en France en 2015, soit sept ans avant la décision en litige, à l'âge de soixante-deux ans. La circonstance qu'il a été admis au séjour en raison de son état de santé ne lui donnait pas vocation à séjourner durablement en France alors qu'il a été dit précédemment qu'il pouvait bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales au Togo, où vit notamment l'un de ses enfants et où il a vécu pour l'essentiel. Rien ne fait obstacle à ce que son épouse, de même nationalité et qui l'a rejoint sur le territoire français en septembre 2017, l'accompagne dans ce pays. Dans ces conditions, malgré les efforts d'intégration de M. C... qui a produit des contrats de travail en qualité d'agent de nettoyage des écoles, le préfet du Nord, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

10. En dernier lieu, compte tenu des éléments mentionnés précédemment, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, ni que la fixation du pays de destination serait illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, au ministre de l'intérieur et à Me Emilie Dewaele.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA00988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00988
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;24da00988 ?
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