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20/11/2024 | FRANCE | N°23DA01376

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 20 novembre 2024, 23DA01376


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société La compagnie du marais a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer (CAPSO) à lui verser la somme totale de 143 399,02 euros en exécution de la convention d'affermage qu'elles ont conclue, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2020, la somme de 10 000 euros au titre du cautionnement qu'elle a versé, la somme de 96 750 euros en réparation de son préjudice d'im

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La compagnie du marais a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer (CAPSO) à lui verser la somme totale de 143 399,02 euros en exécution de la convention d'affermage qu'elles ont conclue, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2020, la somme de 10 000 euros au titre du cautionnement qu'elle a versé, la somme de 96 750 euros en réparation de son préjudice d'image et la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de la résistance abusive de l'administration à lui verser les sommes qui lui sont dues.

Par un jugement n° 2005034 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné la CAPSO à verser à la société La compagnie du marais la somme de 141 327,41 euros, sous déduction des sommes versées à titre de provision, le montant de la condamnation étant assorti des intérêts au taux annuel monétaire courant à compter du 1er mai 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juillet 2023 et le 25 juin 2024, la communauté d'agglomération du Pays de Saint Omer (CAPSO), représentée par Me Chéneau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2023 en tant qu'il la condamne à verser la somme totale de 19 600,33 euros au titre des stocks de produits nécessaires à l'exploitation à la date de résiliation du contrat et du remboursement de la quote-part de cotisation foncière des entreprises pour la période postérieure à la résiliation ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société La compagnie du marais en ce qui concerne ces deux postes de préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la société La compagnie du marais une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la valeur du stock au 30 avril 2019, fixée à la somme de 15 935 euros, et la quote-part de cotisation foncière des entreprises, pour un montant de 3 665,33 euros, ont été acquittées par la société publique locale Tourisme en Pays de Saint-Omer, qui a succédé à la société La compagnie du marais dans la gestion du service ;

- elle ne peut être condamnée à verser ces sommes à la société La compagnie du marais, sauf à la faire bénéficier d'un enrichissement sans cause ;

- la société intimée n'a subi aucun préjudice d'image dès lors qu'aucune faute ne lui est reprochée dans le cadre de la résiliation du contrat, justifiée par un motif d'intérêt général ;

- ce préjudice n'est justifié ni dans son principe, ni dans son montant ;

- le versement tardif des indemnités dues au titre de la résiliation du contrat résulte du retard de la société La compagnie du marais dans la communication de ses documents de gestion ;

- la société se trouve à l'origine de nombreux dysfonctionnements dans la reprise d'activité par la société publique locale Tourisme en Pays de Saint-Omer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, la société La compagnie du Poitou, venant aux droits de la société La compagnie du marais, représentée par Me Drouineau, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que la condamnation de la CAPSO soit portée au montant de 275 059,41 euros, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'administration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- seule la CAPSO est débitrice des sommes dues au titre de la reprise du stock et de la quote-part de cotisation foncière des entreprises, à l'exclusion de la société publique locale Tourisme en Pays-de Saint-Omer avec laquelle elle n'a aucun lien contractuel ;

- il appartient le cas échéant à la CAPSO de se retourner contre la société publique locale afin d'obtenir le remboursement de ces sommes ;

- son appel incident est recevable ;

- elle doit être indemnisée au titre des emprunts, pour un montant de 6 982 euros, dès lors qu'elle a droit à l'équilibre financier du contrat, que celui-ci n'exclut pas ce chef d'indemnisation et que lesdits emprunts ont été contractés pour l'exploitation du service ;

- elle a subi un préjudice d'image évalué à la somme de 96 750 euros ;

- le refus de l'administration de l'indemniser est à l'origine d'un préjudice évalué à 30 000 euros.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes présentées par la société La compagnie du marais tendant au versement d'une somme de 30 000 euros en réparation du retard de la CAPSO à l'indemniser, fondées sur la responsabilité fautive de la collectivité, alors que l'appel principal de la CAPSO conteste le jugement en tant seulement qu'il la condamne à indemniser les préjudices résultant de la résiliation de la convention d'affermage, mettant ainsi en cause la seule responsabilité sans faute de l'administration.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Leuliet, représentant la société La compagnie du Poitou, venant aux droits de la société La compagnie du marais.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération de Saint-Omer, devenue depuis la communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer (CAPSO), a conclu le 3 mai 2014 avec la société Sites et Cie une convention d'affermage pour l'exploitation de la " Maison du marais ", établissement dédié à la valorisation du marais maraicher audomarois, pour une durée de sept ans à compter du 1er juillet 2014. Conformément à l'article 39 de cette convention qui prévoit la création d'une société dédiée chargée de l'exploitation du service, la société La compagnie du marais est venue se substituer dans les droits et obligations du délégataire le 1er janvier 2017. Par un courrier du 22 novembre 2018, la CAPSO a informé la société délégataire de sa décision de résilier la convention d'affermage, cette résiliation étant intervenue à la date, non contestée par les parties, du 30 avril 2019. La société La compagnie du marais a adressé à la CAPSO plusieurs demandes les 27 mai 2019, 20 avril 2020 et 20 juillet 2020, tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de la résiliation de la convention d'affermage, pour un montant total fixé en dernier lieu à 280 149,02 euros, puis a saisi le tribunal administratif de Lille afin d'obtenir la condamnation de la collectivité à lui verser cette somme. Par une ordonnance du 14 octobre 2020, intervenue en cours d'instance, le juge des référés du tribunal a condamné la CAPSO à verser à la société La compagnie du marais une provision d'un montant de 113 139 euros. Par un jugement du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné la collectivité à verser le montant total de 141 327,41 euros à la société, sous déduction des sommes déjà versées au titre de la provision précitée. La CAPSO relève appel de ce jugement en contestant seulement les deux postes de préjudice se rapportant à la reprise des stocks existant à la date de la résiliation, pour un montant de 15 935 euros, et la quote-part de cotisation foncière des entreprises pour la partie résiliée du contrat en 2019, pour un montant de 3 665 euros. Par la voie d'un appel incident, la société La compagnie du marais demande l'indemnisation de trois postes de préjudice écartés par les premiers juges se rapportant aux emprunts contractés pour l'exploitation du service, pour un montant de 6 982 euros, à un préjudice d'image évalué à la somme de 96 750 euros et à un refus abusif de l'administration de l'indemniser, évalué à 30 000 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les préjudices résultant de la résiliation de la convention d'affermage :

2. Aux termes de l'article 47 de la convention d'affermage conclue entre les parties : " Le délégant pourra résilier le présent contrat pour motif d'intérêt général, et sous réserve des droits à l'équilibre financier du délégataire. / Les indemnités dues seront calculées en tenant compte notamment : / - des frais liés à la rupture des contrats de travail, consécutivement à la résiliation unilatérale, sauf reprise du personnel du délégataire par le délégant ou un nouvel exploitant ; / - des frais liés à la rupture des contrats avec les fournisseurs / - de la valeur de rachat des stocks et approvisionnements, nécessaires à la marche normale de l'exploitation ; / - du manque à gagner, sur la période restant à courir, calculé en prenant en compte la moyenne des dernières années d'exploitation, multipliée par le nombre d'années restant à courir jusqu'à l'échéance normale du contrat, et ce afin de déterminer le produit net annuel moyen. / Dans ce cas, le délégataire communiquera, le moment venu, à la CASO copie des contrats signés avec ces établissements financiers ou avec ces fournisseurs. / Les indemnités seront fixées à l'amiable et, à défaut, à dire d'expert, de manière qu'aucun chef de préjudice ne fasse l'objet d'une double indemnisation. / (...) ". En l'absence de stipulation contraire dans le contrat, le cocontractant de l'administration a droit, même en l'absence de faute de l'administration, à la réparation intégrale du préjudice résultant de la résiliation, sauf dans le cas où cette résiliation est régulièrement prononcée à ses torts en raison d'une ou plusieurs fautes commises par lui. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la société La compagnie du marais, à laquelle aucune faute n'est reprochée dans le cadre de la résiliation de la convention d'affermage, a droit à être indemnisée des conséquences préjudiciables de la résiliation prononcée à la date du 30 avril 2019.

S'agissant des préjudices résultant de la reprise du stock et de la quote-part de cotisation foncière des entreprises :

3. La CAPSO produit en appel une facture du 20 octobre 2020 adressée à la société publique locale Tourisme du Pays de Saint-Omer, qui a repris l'exploitation de l'établissement après la résiliation de la convention d'affermage le 30 avril 2019, par laquelle est sollicité le règlement d'une somme de 15 935 euros au titre de la reprise des stocks et d'une somme de 3 665,33 euros au titre de la quote-part de cotisation foncière des entreprises acquittée par la société La compagnie du marais pour la période postérieure à la résiliation, du 1er mai au 31 décembre 2019. La collectivité produit encore un extrait du compte bancaire de la société publique locale Tourisme du Pays de Saint-Omer mentionnant que la somme totale de 19 600,33 euros hors taxes, soit 23 520,40 euros toutes taxes comprises, a été versée par voie de virement le 3 mars 2021 à la société La compagnie du marais en règlement de la reprise du stock et de la quote-part de cotisation foncière des entreprises. La société défenderesse ne conteste pas sérieusement avoir perçu cette somme. Dans ces conditions, elle ne justifie pas, à la date du jugement attaqué, de l'existence des préjudices se rapportant, d'une part, à l'absence de reprise du stock disponible lors de la résiliation du contrat et, d'autre part, au règlement de la cotisation foncière des entreprises pour la période postérieure à cette résiliation. Dès lors, la CAPSO est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a mis à sa charge la somme de 19 600,33 euros au titre de ces deux chefs de préjudice.

S'agissant du préjudice résultant des emprunts :

4. La société La compagnie du marais réitère en appel sa demande tendant à la condamnation de la collectivité à lui rembourser la somme de 6 982 euros, inscrite au passif de son bilan comptable au titre des " emprunts et dettes ". Toutefois, elle se borne à soutenir que cette somme a été engagée pour les besoins de l'activité affermée sans apporter à l'instance aucune précision sur l'utilisation de la somme empruntée. Par suite, la société n'établit pas que la somme empruntée de 6 982 euros constituerait un préjudice résultant de la résiliation de la convention d'affermage.

S'agissant du préjudice résultant de l'atteinte à l'image de la société délégataire :

5. La société La compagnie du marais, à laquelle aucune faute n'a été reprochée dans le cadre de la résiliation litigieuse, n'apporte à l'instance aucun élément de nature à établir l'existence d'un préjudice résultant de l'atteinte portée à son image et à sa réputation. La demande d'indemnisation présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la CAPSO :

6. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge d'appel un litige distinct de celui qui a été soulevé par l'appel principal.

7. Dans son appel principal, la CAPSO demande l'annulation du jugement du 16 juin 2023 en tant seulement qu'il met à sa charge deux postes de préjudice qui se rapportent à la reprise des stocks existant à la date de la résiliation de la convention d'affermage et à

la quote-part de cotisation foncière des entreprises pour la partie résiliée du contrat en 2019. Ces deux postes de préjudice ont été regardés par les premiers juges comme résultant de la résiliation du contrat, dont l'administration doit en principe indemniser les conséquences dommageables, même en l'absence de faute. Les conclusions incidentes de la société La compagnie du marais visant à obtenir la condamnation de la collectivité à réparer les préjudices résultant de son refus fautif de l'indemniser sont donc fondées sur une cause juridique distincte de celle de l'appel principal. Elles sont par suite irrecevables en appel et ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la CAPSO est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a mis à sa charge les sommes de 15 935 euros au titre de la reprise des stocks et de 3 665,33 euros au titre de la quote-part de cotisation foncière des entreprises, impliquant une réduction de la condamnation prononcée par les premiers juges du montant de 141 327,41 euros à celui de 121 727,08 euros. En revanche, la société La compagnie du marais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Lille a limité le montant de la condamnation à la somme de 141 327,41 euros.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CAPSO, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la société La compagnie du marais demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La compagnie du marais la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme mise à la charge de la CAPSO par le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2005034 du 16 juin 2023 est ramenée du montant de 141 327,41 euros à celui de 121 727,08 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif n° 2005034 du 16 juin 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société La compagnie du marais versera une somme de 2 000 euros à la CAPSO sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'appel incident de la société La compagnie du marais, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer et à la société La compagnie du Poitou, venant aux droits de la société La compagnie du marais.

Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA01376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01376
Date de la décision : 20/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : DROUINEAU 1927

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-20;23da01376 ?
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