Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de fixer le décompte de résiliation du marché de maîtrise d'œuvre, conclu le 20 juin 2014, relatif à la reprise des travaux de construction d'une gendarmerie, de condamner la commune de Bouchain à lui verser la somme de 21 662,55 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 octobre 2014 et la somme de 7 220,84 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 17 décembre 2014, au titre des prestations réalisées, une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, une somme de 13 528,66 euros en réparation du préjudice financier résultant de la résiliation implicite du marché et une somme de 10 000 euros au titre du préjudice de perte de référence.
Par un jugement n° 2004908 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a fixé le décompte de résiliation du marché à 32 189,47 euros, a condamné la commune de Bouchain à verser à M. A... cette même somme, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 22 avril 2020, ainsi que la somme de 40 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 16 août 2022, 10 février 2023 et 9 mars 2023, la commune de Bouchain, représentée par Me Marcilly, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille ;
2°) à titre subsidiaire, de ramener le montant du décompte de résiliation à la somme de 3 306,08 euros ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions indemnitaires présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Lille tendant au paiement des deux factures d'un montant total de 28 883,39 euros toutes taxes comprises sont irrecevables, dès lors que le mémoire en réclamation a été adressé par l'intéressé après l'expiration du délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, prévu par les stipulations de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux prestations intellectuelles ;
- les créances en litige sont prescrites, en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- la demande indemnitaire présentée par M. A... sur un fondement contractuel doit être rejetée en raison de la nullité du contrat de maîtrise d'œuvre, en conséquence de l'absence de publicité et de mise en concurrence lors de sa passation, qui constitue un vice d'une particulière gravité dès lors qu'il manifeste une volonté de rémunérer M. A... au titre de prestations réalisées antérieurement pour le compte d'une société privée placée en liquidation judiciaire ;
- M. A... n'est pas fondé à demander le paiement des deux factures d'un montant total de 28 883,39 euros toutes taxes comprises, dès lors qu'elles correspondent à des prestations non exécutées ;
- à titre subsidiaire, l'indemnité forfaitaire contractuelle prévue en cas de résiliation du marché pour motif d'intérêt général doit être fixée à la somme de 3 306,08 euros, dès lors que le montant des factures d'un montant total de 24'069,51 euros hors taxes doit être déduit de l'assiette de calcul de cette indemnité forfaitaire.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 28 octobre 2022 et 10 et 24 février 2023, M. A..., représenté par Me Manuel de Abreu, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Bouchain ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Bouchain la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- sa demande présentée en première instance est recevable, dès lors que les stipulations de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux prestations intellectuelles n'interdit pas au titulaire d'un marché de rechercher, à l'occasion de l'établissement du décompte de résiliation, à obtenir le paiement de l'ensemble des prestations réalisées, y compris celles qui ont éventuellement donné naissance à un différend, sauf si ce différend a donné lieu à un jugement sur le fond du litige ;
- l'exception de prescription quadriennale ne peut lui être opposée dès lors que la résiliation du marché ne lui a pas été notifiée ;
- la commune n'est pas fondée à se prévaloir de la nullité du contrat, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, dès lors que l'absence de publicité et de mise en concurrence ne constitue pas un vice d'une gravité suffisante ;
- les prestations ayant donné lieu à facturation ont bien été exécutées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public ;
- les observations de Me Fillieux, représentant la commune de Bouchain et les observations de Me Bajard, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Bouchain (Nord) a, par un acte d'engagement du 20 juin 2014, conclu avec M. B... A..., architecte, un contrat de maîtrise d'œuvre portant sur la poursuite des travaux de construction de locaux destinés à loger une brigade de gendarmerie. M. A... a émis une première facture le 23 septembre 2014, d'un montant de 21 662,55 euros toutes taxes comprises, correspondant aux missions de modification du permis de construire initial et à l'ajustement du projet de consultation et de relance des appels d'offres, et une seconde facture le 17 novembre 2014, d'un montant de 7 220,84 euros toutes taxes comprises, correspondant à l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la passation des marchés de travaux. Par deux courriers de relance des 10 mars 2015 et 17 avril 2015, M. A... a demandé le règlement, respectivement, de la note d'honoraires du 23 septembre 2014, puis des deux factures des 23 septembre et 17 novembre 2014. Par une lettre recommandée notifiée à la commune de Bouchain le 25 avril 2018, M. A... a mis cette dernière en demeure de lui régler dans un délai de quinze jours ces deux factures, lesquelles n'ont pas été payées par la commune qui a entretemps abandonné le projet de construction, objet du contrat de maîtrise d'œuvre qu'ils avaient conclu.
2. Après avoir adressé à la commune de Bouchain le 28 avril 2020 un mémoire lui réclamant diverses sommes en exécution du contrat, M. A... a saisi le tribunal administratif de Lille en vue d'obtenir la condamnation de la commune à lui verser le solde du marché et à l'indemniser des préjudices résultant de sa résiliation tacite. Le tribunal administratif de Lille a fait partiellement droit à la demande de M. A... en fixant le décompte de résiliation du marché à la somme de 32 189,47 euros et en condamnant la commune de Bouchain à verser à M. A... cette même somme, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 22 avril 2020, ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement. La commune de Bouchain fait appel de ce jugement et demande son annulation ainsi que le rejet de la demande présentée en première instance par M. A....
Sur les conclusions d'appel de la commune de Bouchain :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune à la demande présentée en première instance par M. A... :
3. Aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, dans sa rédaction applicable au litige : " Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".
4. Il résulte des stipulations de l'article 37 précédemment citées du cahier des clauses administratives générales que, lorsqu'intervient, au cours de l'exécution d'un marché, un différend entre le titulaire et l'acheteur, résultant d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de ce dernier et faisant apparaître le désaccord, le titulaire doit présenter, dans un délai de deux mois, un mémoire de réclamation, à peine d'irrecevabilité de la saisine du juge du contrat. En revanche, dans l'hypothèse où l'acheteur a résilié unilatéralement le marché, puis s'est abstenu d'arrêter le décompte de liquidation dans le délai qui lui était imparti, si le titulaire ne peut saisir le juge qu'à la condition d'avoir présenté au préalable un mémoire de réclamation et s'être heurté à une décision de rejet, les stipulations de l'article 37 relatives à la naissance du différend et au délai pour former une réclamation ne sauraient lui être opposées.
5. Il résulte de l'instruction que le contrat de maîtrise d'œuvre conclu avec M. A... a été résilié " de fait " par la commune de Bouchain à une date que celle-ci fixe au 14 janvier 2015, à laquelle elle a adopté une délibération prenant acte de l'abandon du projet. En l'absence de décompte de résiliation adressé par l'administration, M. A... a présenté le 28 avril 2020 une demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché litigieux, qui doit être regardée comme le mémoire en réclamation prévu par les stipulations de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales. Sur ce point, et ainsi qu'il a été dit au point précédent, la commune de Bouchain ne saurait se prévaloir des stipulations de l'article 37 se rapportant à la naissance du différend et au délai pour former une réclamation. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune aux conclusions indemnitaires tendant au paiement des deux factures d'un montant total de 28 883,39 euros ne peut être accueillie.
En ce qui concerne la nullité du contrat de maîtrise d'œuvre :
6. Lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent, en principe, invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va toutefois autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.
7. La commune de Bouchain soutient que le contrat de maîtrise d'œuvre qu'elle a conclu le 20 juin 2014 est entaché de nullité dès lors que sa passation a été effectuée sans aucune publicité ni mise en concurrence et que ce vice est dans les circonstances de l'espèce d'une particulière gravité. Toutefois, la commune, qui se borne à soutenir que le marché en cause ne correspond à aucun des cas mentionnés au II de l'article 35 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au litige, n'établit pas l'impossibilité de passer ce marché sans publicité ni mise en concurrence, alors que M. A... était déjà maître d'œuvre du projet initial d'extension de la gendarmerie, repris à son compte par la commune, et que le 8° du II de l'article 35 prévoit la possibilité de conclure un contrat sans publicité ni mise en concurrence lorsque les prestations " ne peuvent être confiés qu'à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité ". En outre, si la commune soutient que le choix de cette procédure par l'ancienne majorité municipale avait en réalité pour objet de permettre à M. A... d'être rémunéré pour des prestations effectuées antérieurement pour le compte d'une société placée en liquidation judiciaire, elle n'apporte aucun élément laissant supposer un doute sur la validité du consentement des parties, notamment la collectivité, à la conclusion du contrat et sur la portée de ce consentement. Dans ces conditions, à les supposer établis, les vices invoqués par la commune, eu égard à leur gravité et aux circonstances dans lesquelles ils ont été commis, ne peuvent être regardés comme justifiant d'écarter le contrat pour la résolution du litige. Par suite, le moyen tiré de la nullité du contrat de maîtrise d'œuvre doit être écarté.
En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :
8. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ".
9. Les droits au paiement d'un marché de maîtrise d'œuvre à rémunération forfaitaire sont acquis lors de l'établissement du projet de décompte par l'architecte et non lors de celui du décompte général du marché par le maître d'ouvrage. La prescription quadriennale commence donc à courir à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle le projet de décompte a été établi.
10. Si M. A... a réclamé en 2014 puis à nouveau en 2018 le règlement des factures relatives à certaines missions prévues au contrat, il n'a sollicité le règlement du solde que dans son mémoire du 28 avril 2020, date qui doit être retenue comme celle de l'établissement de son projet de décompte. Par suite, la commune de Bouchain n'est pas fondée à soutenir, compte tenu de la règle énoncée au point précédent, que les créances résultant de sa décision de résilier le contrat pour un motif d'intérêt général seraient atteintes par la prescription quadriennale.
En ce qui concerne la réalité des prestations facturées :
11. Il résulte de l'instruction que le contrat de maîtrise d'œuvre litigieux a été signé entre la commune de Bouchain et M. A... le 20 juin 2014 pour un montant de 90 191,13 euros hors taxes afin de permettre la poursuite de l'opération de création de nouveaux locaux de gendarmerie, engagée initialement sous la maîtrise d'ouvrage d'un opérateur privé qui s'est avéré défaillant. D'après les stipulations de ce contrat et de son annexe financière, M. A... s'est vu notamment confier une mission " Permis de construire incluant la notice thermique, sismique, sécurité et accessibilité en fonction des travaux déjà réalisés " ou " APD-PC ", pour un montant de 6 017,38 euros hors taxes, une mission " Ajustement du dossier de consultation (élément PRO) et relance des appels d'offres " ou " PRO/DCE ", pour un montant de 12 034,75 euros hors taxes, et une mission " Assistance au maître d'ouvrage pour la passation des contrats de travaux (élément ACT) " ou " ACT " pour un montant de 6 017,38 euros hors taxes.
12. La commune de Bouchain soutient que la première mission " APD-PC " a en réalité été assurée dans le cadre du contrat de maîtrise d'œuvre précédemment conclu entre M. A... et l'opérateur privé initialement chargé de la maîtrise d'ouvrage, au motif que le permis de construire a été délivré le 4 août 2010 et a fait l'objet d'un transfert le 15 mai 2014, avant la conclusion du nouveau contrat entre l'intéressé et la commune. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du courrier de la commune du 4 novembre 2013 sollicitant une offre pour la " mission partielle " concernant la maîtrise d'œuvre de l'opération de construction, que la commune a entendu prendre en charge, dans le cadre du contrat litigieux, une prestation complémentaire, définie en fonction de l'état d'avancement de cette opération, se rapportant au permis de construire et dont la réalité n'est pas sérieusement contestable. M. A... produit à l'instance le règlement de consultation et les pièces constitutives des marchés de travaux qui mentionnent une consultation des entreprises en juillet puis en octobre 2014, justifiant ainsi de la réalité de la mission de maîtrise d'œuvre " PRO/DCE ". La circonstance, alléguée en appel, que M. A... aurait omis de se concerter avec le service immobilier de la gendarmerie avant de finaliser les documents de consultation des entreprises n'est pas de nature à démontrer une inexécution de ses prestations de maîtrise d'œuvre. Enfin, M. A... produit au dossier le rapport d'analyse des offres présentées par les entreprises dans le cadre des consultations précitées, justifiant suffisamment de la réalisation de la mission " ACT ". Par suite, le moyen tiré de ce que les prestations facturées n'ont pas été réalisées doit être écarté.
En ce qui concerne l'indemnisation forfaitaire du manque à gagner résultant de la résiliation du contrat :
13. Aux termes de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, dans sa rédaction applicable au contrat en litige : " Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations reçues, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. / Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. / Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre ". En outre, aux termes de l'article 34 du même cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, applicable au litige : " 34.1. La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. / 34.2. Le décompte de résiliation qui fait suite à une décision de résiliation prise en application des articles 31 et 33 comprend : / 34.2.1. Au débit du titulaire : / - le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; / - la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer, ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; / - le montant des pénalités. / 34.2.2. Au crédit du titulaire : / 34.2.2.1. La valeur des prestations fournies au pouvoir adjudicateur, à savoir : / - la valeur contractuelle des prestations reçues, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; / (...) / 34.2.2.4. Si la résiliation est prise en application de l'article 33, une somme forfaitaire calculée en appliquant un pourcentage à la différence entre le montant hors TVA non révisé du marché et le montant hors TVA non révisé des prestations réceptionnées. Dans le silence du marché, ce pourcentage est de 5 %. Le montant ainsi calculé sera révisé à la date d'effet de la résiliation conformément aux dispositions du marché. / 34.2.2.5. Plus généralement tous préjudices subis du fait de la résiliation par le titulaire et éventuellement ses sous-traitants et fournisseurs ".
14. Il résulte de l'instruction que par une délibération du 14 janvier 2015, le conseil municipal de la commune de Bouchain a décidé l'abandon du projet d'extension de la brigade de gendarmerie au motif que " le projet initial ne répond que très partiellement aux besoins de fonctionnement d'une brigade de gendarmerie et de ses personnels " et a indiqué que la création d'une nouvelle gendarmerie sur un autre site de la commune devait être étudiée. La commune de Bouchain justifiait ainsi d'un motif d'intérêt général pour résilier unilatéralement le contrat de maîtrise d'œuvre qui la liait à M. A..., sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance qu'elle n'ait pas régulièrement notifié sa décision à l'intéressé. Les nouveaux locaux, réalisés sous la maîtrise d'ouvrage du bailleur Partenord Habitat et sous la maîtrise d'œuvre d'un autre cabinet d'architectes, ont d'ailleurs été inaugurés le 12 juin 2019. Par suite, il y a lieu, pour déterminer les modalités et le montant de l'indemnisation des préjudices de M. A... en résultant, d'appliquer les stipulations contractuelles citées au point précédent.
15. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que la commune de Bouchain n'est pas fondée à contester la réalité des prestations facturées par M. A... pour un montant hors taxes de 24 069,51 euros, dont il y a lieu de tenir compte pour le calcul de l'indemnité forfaitaire prévue par les stipulations précitées. Ni la commune, ni M. A... ne contestent à cet égard le montant de cette indemnité fixée par le tribunal administratif à la somme de 3 306,08 euros.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire représentative des frais de recouvrement :
16. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, applicable au litige : " Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs (...) ". Aux termes du I de l'article 2 de ce décret : " Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur (...) ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement (...) à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement (...) ". Aux termes de l'article 9 de ce décret : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros ".
17. M. A... a sollicité devant le tribunal administratif de Lille l'allocation d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, que les premiers juges lui ont accordé pour un montant de 40 euros. La commune de Bouchain n'apporte en appel aucun élément de nature à contester l'appréciation portée sur ce point par le tribunal administratif.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bouchain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser la somme totale de 32 189,47 euros à M. A... au titre du décompte de résiliation, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2020.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Bouchain au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bouchain une somme de 2 000 euros sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Bouchain est rejetée.
Article 2 : La commune de Bouchain versera à M. A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bouchain et à M. B... A....
Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre ;
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur :
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 22DA01799