Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance du 13 juillet 2023, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Rouen la requête présentée par M. A... C..., en application des dispositions des articles R. 351-3 et R. 312-8 du code de justice administrative.
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen :
- de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire ;
- d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2023 par lequel le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans ;
- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de lui délivrer un titre de séjour salarié ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ou, à titre plus subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
- de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2302867 du 31 août 2023, le tribunal administratif de Rouen a admis M. C..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle (article 1), a annulé l'arrêté du 10 juillet 2023 du préfet de police de Paris portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination (article 2), a enjoint au préfet de police de Paris de procéder au réexamen de la situation administrative de M. C... et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour (article 3), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C... sous réserve de son admission définitive à l'aide juridictionnelle ou à verser à M. C... dans le cas contraire (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 5).
Par une ordonnance du 14 septembre 2023, le jugement n°2302867 a été modifié pour remplacer, dans la formule exécutoire, les mots " préfet de la Seine-Maritime " par les mots " préfet de police de Paris ".
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2023, le préfet de police de Paris demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... C....
Il soutient que :
- le vice d'incompétence retenu par le tribunal administratif de Rouen n'est pas établi ;
- il s'en rapporte à son mémoire de première instance pour les autres moyens invoqués par M. C....
La requête a été communiquée à M. A... C... qui en a accusé réception le 4 novembre 2023 mais n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 18 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant marocain né le 7 octobre 2001 a été interpellé par la gendarmerie mobile et placé en garde à vue, le 10 juillet 2023, pour des faits de rébellion. Par deux arrêtés du même jour, le préfet de police de Paris l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, lui a interdit de retourner en France pendant une durée de trois ans. Par un jugement n° 2302867 du 31 août 2023, le tribunal administratif de Rouen a, dans ses articles 2, 3, et 4, annulé l'arrêté du 10 juillet 2023, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. C... et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C... sous réserve de son admission définitive à l'aide juridictionnelle ou à verser à C... dans le cas contraire. Le préfet de police interjette appel des articles 2, 3 et 4 de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation accueilli par le tribunal administratif de Rouen :
2. L'arrêté attaqué portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement a été signé, pour le préfet de police empêché et par délégation, par M. B... E..., adjoint au chef de la division des examens administratifs et des expulsions de la préfecture de police de Paris. Il ressort des pièces produites au soutien de sa requête d'appel par le préfet de police de Paris que, par un arrêté du 23 janvier 2023, il a donné délégation à M. B... E... à l'effet de signer toutes décisions portant obligation de quitter le territoire français, avec ou sans délai et portant fixation d'un pays de destination. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement a été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
3. Par suite, le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé, pour annuler l'arrêté du 10 juillet 2023 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement, sur l'incompétence de son signataire.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... en première instance :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
6. En l'espèce, la décision mentionne avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet de police de Paris a examiné la situation personnelle de l'intéressé, notamment sa présence irrégulière en France, sa menace pour l'ordre public et son statut de célibataire sans charge de famille. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette motivation serait lacunaire ou entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. C.... Par suite, les moyens tirés d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'un défaut de motivation doivent être écartés.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
8. En l'espèce, M. C... ne fait état d'aucun élément précis relatif à sa situation, hormis son hébergement par son oncle à Canteleu en Seine-Maritime depuis huit mois et son travail occasionnel et non déclaré dans une boulangerie parisienne. Il ne démontre ainsi ni l'ancienneté et la continuité de sa présence et France, ni la stabilité et l'intensité de ses attaches personnelles et familiales. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté comme non fondé.
9. En troisième lieu, si M. C... soutient que la décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors, notamment, qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, il s'évince de la décision attaquée que celle-ci a été édictée en raison de la situation irrégulière de l'intéressé et que la caractérisation de sa menace à l'ordre public n'a été prise en compte que pour les décisions portant refus de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen doit donc être écarté comme inopérant.
S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire (...) sont indiqués ".
11. La décision attaquée mentionne avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet a notamment relevé que l'intéressé ne pouvait présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il constituait une menace pour l'ordre public et ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser un délai de départ volontaire à M. C..., le préfet de police de Paris s'est fondé, d'une part, sur le fait que l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public et ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. L'intéressé, qui se borne à faire valoir en première instance son absence de menace pour l'ordre public, ne produit aucun élément de nature à contester le second motif retenu par le préfet qui, à lui seul, peut fonder valablement la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
14. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de police de Paris, se référant à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a examiné si M. C... serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
16. En deuxième lieu, M. C... se borne à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans assortir son moyen de la moindre précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
17. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
18. En premier lieu, l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français a été signé, pour le préfet de police empêché et par délégation, par M. B... E..., adjoint au chef de la division des examens administratifs et des expulsions de la préfecture de police de Paris, lequel disposait, ainsi que cela a été dit au point 2 du présent arrêt, d'une délégation du 23 janvier 2023 à l'effet de signer toutes décisions portant notamment interdiction de retour sur le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français a été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les motifs des décisions relatives à l'interdiction de retour (...) sont indiqués ".
20. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de police de Paris, après avoir cité les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pris en compte la présence non justifiée de M. C... en France depuis huit mois, sa menace pour l'ordre public et son statut de célibataire sans enfant à charge. Par suite, et alors que l'intéressé ne conteste pas la durée de l'interdiction de retour, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
21. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés précédemment, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme non fondé.
22. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 31 août 2023, le tribunal administratif de Rouen a dans ses articles 2, 3, et 4, annulé l'arrêté du 10 juillet 2023, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation administrative de M. C... et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C... sous réserve de son admission définitive à l'aide juridictionnelle ou à verser à C... dans le cas contraire.
23. Il suit de là que le jugement doit être annulé et la demande présentée en première instance par M. C... rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du 31 août 2023 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C... en première instance est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA01846 2