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14/11/2024 | FRANCE | N°23DA01048

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 14 novembre 2024, 23DA01048


Vu la procédure suivante :





Par une requête, enregistrée le 6 juin 2023 et des mémoires enregistrés les 29 septembre 2023, 25 janvier et 13 février 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Laondis, représentée par Me Sandrine Bouyssou, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision du 23 mars 2023 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a refusé de lui délivrer l'autorisation de transformer l'ancien hypermarché Leclerc en magasin de bricolage à l'enseigne Brico Bâti Leclerc ;


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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2023 et des mémoires enregistrés les 29 septembre 2023, 25 janvier et 13 février 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Laondis, représentée par Me Sandrine Bouyssou, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 23 mars 2023 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a refusé de lui délivrer l'autorisation de transformer l'ancien hypermarché Leclerc en magasin de bricolage à l'enseigne Brico Bâti Leclerc ;

2°) d'enjoindre à la CNAC de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de statuer de nouveau ;

3°) de mettre à la charge de la CNAC la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas justifié que les membres de la CNAC aient été régulièrement convoqués, ni qu'ils auraient reçu, dans un délai raisonnable, l'ensemble des documents énumérés à l'article R.752-35 du code de commerce ;

- le motif de refus lié à l'incompatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) du pays de Laon n'est pas fondé ;

- le motif de refus lié à l'absence de contribution du projet à l'animation du territoire et à son impact négatif sur les commerces d'équipement de la maison de moins de 300 m2 dans les centres-villes du périmètre n'est pas fondé ;

- le motif de refus tiré de la faible qualité et du manque de détails du projet en matière de développement durable n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 15 janvier, 5 février et 23 septembre 2024, la SAS Laon Bricolage, représentée par Me David Bozzi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Laondis en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- d'autres motifs sont de nature à justifier le refus d'autorisation : d'une part, l'incomplétude du dossier de demande s'agissant des informations sur les flux de circulation, la faible qualité environnementale du projet, d'autre part, l'absence de satisfaction au critère tenant à l'aménagement du territoire, la localisation du projet, la consommation de l'espace et le stationnement, les flux de transport et l'absence de contribution à la préservation du tissu commercial du centre-ville, en outre, l'absence de satisfaction au critère tenant au développement durable, compte tenu de la performance énergétique du projet, son insertion paysagère et architecturale, la gestion des nuisances, enfin, l'absence de satisfaction au critère de la protection des consommateurs.

Par un mémoire en défense et un mémoire enregistrés les 5 février 2024 et 5 septembre 2024, la commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Sandrine Bouyssou, représentant la société par actions simplifiée (SAS) Laondis, et de Me Lisa Juliac-Degrelle, représentant la SAS Laon Bricolage.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Chambry distribution exploitait depuis 1984 un centre commercial constitué d'un hypermarché à l'enseigne E. Leclerc de 8 800 m2 et d'une galerie marchande de 10 boutiques et services de 1 179 m2 sur les communes de Chambry et de Laon dans le département de l'Aisne dans la zone d'aménagement concertée (ZAC) Descartes. Jugeant le bâtiment inadapté, elle a projeté de transférer ce centre commercial dans un bâtiment plus moderne situé dans la commune de Laon, au lieu-dit " Le Pré Robert ". Après l'échec d'une première demande pour l'exploitation d'un ensemble commercial d'une surface totale de vente de 17 109 m2, elle a présenté une nouvelle demande pour exploiter un hypermarché de 8 800 m2 et une galerie marchande de 10 boutiques et services de 1 179 m2. La commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ayant donné son avis favorable, le maire de Laon lui a délivré le 25 avril 2019 un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, devenu définitif après le rejet de la requête en annulation présentée par la société Carrefour hypermarchés et la non-admission de son pourvoi en cassation.

2. Le 14 octobre 2022, la SAS Laondis a déposé une demande de permis de construire valant autorisation commerciale en vue du changement d'activité de l'ancien hypermarché E. Leclerc de Chambry pour le transformer en magasin de bricolage à l'enseigne Brico-Bâti E. Leclerc d'une surface de vente de 7 977 m2. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Pas-de-Calais a émis un avis favorable le 1er décembre 2022. Saisie de recours administratifs préalables obligatoires par la société par actions simplifiée (SAS) Laon Bricolage et la société Bricorama France, la CNAC a pris une décision de refus le 23 mars 2023, en application de l'article L. 752-17 II du code de commerce. Par la présente requête, la SAS Laondis demande l'annulation de cette décision dont elle a été avisée le 21 avril 2023.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la CNAC :

3. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".

4. Une décision rejetant une demande d'autorisation d'urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l'excès de pouvoir à raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d'illégalité. En outre, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu'il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l'ensemble des moyens de la demande qu'il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu'ils portent d'ailleurs sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu'il juge que l'un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus. Ces règles s'appliquent également à la cour administrative d'appel lorsque comme, en l'espèce, elle statue, en application de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, en premier et dernier ressort, sur le refus d'un maire de délivrer un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

5. Pour refuser de délivrer à la SAS Laondis l'autorisation de transformer l'ancien hypermarché Leclerc en magasin de bricolage à l'enseigne Brico Bâti Leclerc, la CNAC a retenu comme motifs l'incompatibilité du projet avec les orientations du schéma de cohérence territorial (SCoT) de la communauté d'agglomération du pays de Laon en matière de modes de desserte et de déplacement, l'atteinte à l'animation du territoire et la faible qualité du projet sur le plan du développement durable.

En ce qui concerne le motif de refus tenant à l'incompatibilité du projet avec les orientations et objectifs du SCoT de la communauté d'agglomération du pays de Laon :

6. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet :/ (...) 3° Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 2 000 mètres carrés (...) ". Aux termes du I de l'article L. 752-6 du même code : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs [DOO] des schémas de cohérence territoriale [SCoT] (...) ". Aux termes de l'article L. 141-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le document d'orientation et d'objectifs (...) définit les orientations générales d'organisation de l'espace, de coordination des politiques publiques et de valorisation des territoires. /L'ensemble de ces orientations s'inscrit dans un objectif de développement équilibré du territoire et des différents espaces, urbains et ruraux, qui le composent (...). ". Aux termes des articles L. 141-5 et L. 141-6 du même code : " le document d'orientation et d'objectifs fixe les orientations et les objectifs en matière de : / (...) 3° localisations préférentielles des commerces dans les polarités existantes " et " comprend un document d'aménagement artisanal et commercial déterminant les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire, le commerce de centre-ville et le développement durable. ". Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

7. Selon les orientations du DOO du SCoT de la communauté d'agglomération du pays de Laon, la priorité est donnée au renouvellement urbain, à la recherche de l'optimisation de l'occupation foncière, au renforcement de l'accessibilité aux pôles et à leur connexion aux axes structurants. En matière commerciale, le SCoT prescrit la localisation préférentielle des commerces de plus de 300 m2 - à l'instar du projet litigieux - dans les " zones commerciales de périphérie " et, en particulier, dans les locaux commerciaux vacants. En matière de déplacements, il prescrit le maintien des services de transport collectif, le renforcement du covoiturage et des infrastructures de recharge pour véhicules électriques et recommande que " les aménagements prévus au niveau des communes (amélioration de l'urbanisation existante et nouveaux quartiers) et des aménagements routiers prennent bien en compte les possibilités de desserte via des liaisons douces, pour favoriser l'utilisation des deux roues (notamment les cycles) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le projet est prévu pour s'implanter dans une ancienne friche commerciale, qui correspond à l'une des zones préférentielles de localisation identifiées par le SCoT. Il répond ainsi à l'objectif d'optimisation de l'occupation foncière. La parcelle d'assiette du projet, qui dispose déjà d'accès routiers, répond à l'objectif de renforcement de l'accessibilité aux pôles et de leur connexion aux axes structurants. Elle prévoit un nombre de places de stationnement de véhicules à 4 roues divisé par deux par rapport à l'existant et intègre des places équipées de bornes électriques et des places de covoiturage. Elle est, en outre, desservie par un arrêt de bus, situé à 300 mètres. Si la CNAC relève la distance de cet arrêt et la fréquence modérée de la ligne de bus n° 2 qui le dessert, il n'apparaît pas qu'une fréquence de 30 mn environ ne serait pas adaptée à la clientèle. En outre, le dossier de demande rappelle l'existence d'un service de transport à la demande qui dessert l'arrêt de bus deux fois par semaine. L'objectif de maintien des transports collectifs n'est ainsi pas méconnu. En outre, si la CNAC critique l'absence de pistes cyclables, les orientations du SCoT sur les modes doux sont formulées d'une façon peu contraignante et n'apparaissent pas concerner au premier chef les zones commerciales. Au demeurant, il ressort du dossier de demande que la zone commerciale et la route départementale n°51 qui assure la desserte routière du projet sont équipées de trottoirs, permettant l'accessibilité des piétons. Dans ces conditions, le motif tiré de l'incompatibilité du projet avec les orientations du DOO du SCoT de la communauté d'agglomération du pays de Laon en matière de modes de desserte et de déplacement n'apparaît pas de nature à justifier la décision attaquée.

En ce qui concerne le motif de refus tenant à la méconnaissance du critère d'aménagement du territoire posé par l'article L.752-6 du code de commerce :

9. Aux termes de l'article L.752-6 du code du commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale (...) ; /(...) ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) III.- La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. (...) / IV. - Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé. ". Ces dispositions s'appliquent également à la CNAC.

10. Il ressort des pièces du dossier que le projet, qui était mentionné dans la précédente décision d'autorisation de la CNAC, permet de reconvertir des locaux commerciaux et d'éviter une friche commerciale dans une zone identifiée par le SCoT comme propice au développement commercial. Il ne ressort pas de l'analyse d'impact du projet qu'une friche existante dans le centre-ville d'une commune d'implantation permettrait l'accueil du projet. Par ailleurs, si la SAS Laon Bricolage fait valoir en défense que deux grands magasins de vente d'articles de bricolage et sept commerces d'équipement de la maison existant dans la zone d'implantation vont subir la concurrence du projet, d'une part, le critère relatif à l'aménagement du territoire n'a pas vocation à protéger les commerces existants de la concurrence, d'autre part, la société pétitionnaire fait valoir sans être sérieusement contredite que seuls sept commerces d'équipement de la maison de moins de 300 m² existant en centre-ville, dont une droguerie spécialisée en articles de bricolage, seraient impactés par le projet, à hauteur de - 2,4 % de leur chiffre d'affaires.

11. Il est vrai que la zone de chalandise et la ville de Laon ont globalement connu une baisse démographique, mais la ville de Chambry a connu une augmentation de sa population de 16 %, tandis que le nombre de logements a augmenté dans la zone et que le DOO du SCoT prévoit encore l'augmentation du parc de logements. Certes, la ville de Laon connaît un taux de vacance commerciale de 18,8 % et bénéficie de l'opération de revitalisation territoriale (ORT) " Action cœur de ville " et six communes sur les 131 de la zone d'implantation sont intégrées au dispositif " petites villes de demain ". Cependant, il n'est pas démontré que l'implantation du projet en périphérie de Chambry et Laon pourrait avoir un impact négatif sur l'animation des centres-villes et notamment celui de Laon, qui n'a pas vocation à accueillir une enseigne de bricolage d'une telle superficie, ni sur le tissu commercial de la zone d'implantation.

12. En outre, la SAS Laon Bricolage n'est pas fondée à invoquer en défense la suffisance de l'offre commerciale en magasins de bricolage par rapport à de supposées moyennes nationales et départementales, dès lors qu'il n'appartient pas à la CNAC d'apprécier la densité commerciale des surfaces soumises à autorisation commerciale dans le secteur. Elle ne saurait ainsi utilement invoquer la circonstance, au demeurant non démontrée, que des magasins de bricolage auraient déjà dû cesser leur activité dans la zone de chalandise du fait d'un excès d'enseignes de ce type. Enfin, dans un secteur à forte croissance, le projet apparaît de nature à endiguer l'évasion commerciale vers des territoires voisins. Dans ces conditions, le motif tiré de l'atteinte porté au critère de l'animation urbaine n'apparaît pas de nature à justifier la décision attaquée.

En ce qui concerne le motif de refus tiré de la méconnaissance du critère de développement durable posé par l'article L.752-6 du code de commerce :

13. Aux termes de l'article L. 752-6 du code du commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / (...) 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique (...), du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; (...) Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; (...) ".

14. Tout d'abord, si la CNAC relève que seuls 7 % de l'emprise du futur parc de stationnement seront rendus perméables, elle omet de préciser que la surface du parc de stationnement existant réservé au public sera réduite de plus de la moitié et remplacée par des espaces verts de pleine terre, dont la superficie sera également accrue en raison de la suppression d'une partie du local commercial, ainsi que cela résulte clairement de la comparaison des deux plans de masse " loi Alur " existant et projet. La superficie des places imperméabilisées de stationnement passera ainsi de 6 511 m2 à 2 634 m2, ce qui est de nature à relativiser le faible pourcentage de places perméabilisées, qui sont d'ailleurs nouvelles car le précédent parc n'en comportait aucune. Le porteur de projet fait, par ailleurs, valoir la conservation de tous les arbres sauf 3 sur 144, la plantation de 51 nouveaux arbres et l'augmentation substantielle des espaces verts de pleine terre sur l'ensemble de la parcelle d'assiette du projet, qui passeront de 13 868 m2 à 22 124 m2, favorisant ainsi la perméabilité de la parcelle. Dans ces conditions, le motif tiré de l'atteinte porté au critère du développement durable n'apparaît pas de nature à justifier la décision attaquée.

15. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que l'analyse d'impact du projet prévoit l'intégration dans les façades du bâtiment commercial existant d'un nouveau bardage comportant un isolant de laine de roche de 130 mm d'épaisseur. En outre, à l'appui de son mémoire adressé à la CNAC, le président de la SAS Laondis a joint son engagement de rénover l'isolation de la toiture en ajoutant de la laine de roche de 160 mm d'épaisseur. Si la CNAC reproche au porteur de projet de ne pas préciser les coefficients Bbio et Cep exprimant les exigences de résultats en matière de performance énergétique du bâtiment, elle ne justifie pas que la réglementation thermique 2012 (RT 2012) serait applicable aux bâtiments déjà existants et ne remet pas sérieusement en cause le gain de performance énergétique qui résultera de l'isolation du toit et des façades du bâtiment. Il est vrai qu'il n'est pas prévu de végétaliser la toiture ou d'y mettre des panneaux photovoltaïques, mais aucune disposition n'imposait, avant le 1er janvier 2024, l'installation de l'un ou l'autre de ces dispositifs sur les bâtiments commerciaux, ni de produire une étude de faisabilité pour justifier de l'impropriété de la toiture, de conception ancienne, à supporter de tels dispositifs. Par ailleurs, si la CNAC critique à juste titre l'absence d'ombrières photovoltaïques sur le parc de stationnement, des cellules photovoltaïques sont prévues pour l'alimentation des lampadaires, tandis que des lanterneaux seront aménagés sur la toiture du bâtiment et des éclairages à LED utilisés dans le bâtiment. La SAS Laondis atteste ainsi de son recours à des énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables.

En ce qui concerne d'autres motifs de refus :

16. La SAS Laon Bricolage fait valoir en défense d'autres motifs qui pourraient fonder la décision attaquée tenant à l'incomplétude du dossier de demande et à l'absence de satisfaction à d'autres sous-critères de l'aménagement du territoire et du développement durable et au critère de la protection du consommateur. Cependant, il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de faire droit à cette demande de substitution de motifs, dès lors qu'elle n'émane pas de la CNAC, autrice de la décision attaquée, et n'a pas été reprise par elle.

17. Les trois motifs retenus par la CNAC pour refuser de délivrer à la SAS Laondis l'autorisation de transformer l'ancien hypermarché Leclerc en magasin de bricolage à l'enseigne Brico Bâti Leclerc sont entachés d'illégalité. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen invoqué par la SAS Laondis et tiré de l'irrégularité de la convocation des membres de la CNAC, n'est pas susceptible d'entraîner, en l'état du dossier soumis à la cour, l'annulation de la décision contestée.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Laondis est fondée à demander l'annulation de la décision du 23 mars 2023 par laquelle la CNAC a refusé de lui délivrer l'autorisation de transformer l'ancien hypermarché Leclerc en magasin de bricolage à l'enseigne Brico Bâti Leclerc.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Il résulte de l'instruction que la CNAC ne s'est pas prononcée expressément sur l'ensemble des critères et objectifs énoncés par l'article L. 752-6 du code de commerce, et notamment sur la protection des consommateurs. Il s'ensuit que si la présente décision implique nécessairement que la commission nationale procède, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la demande de la SAS Laondis dont elle se trouve à nouveau saisie, les conclusions de la SAS Laondis tendant à ce que la cour enjoigne à la CNAC de lui délivrer l'autorisation sollicitée doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Partie perdante à l'instance, la SAS Laon Bricolage ne peut voir accueillies ses conclusions en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

21. Il y a, en revanche, lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS Laondis de la somme de 2 000 euros sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 23 mars 2023 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de délivrer à la SAS Laondis l'autorisation de transformer l'ancien hypermarché Leclerc en magasin de bricolage à l'enseigne Brico Bâti Leclerc est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la CNAC de se prononcer à nouveau sur la demande de la SAS Laondis, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Laondis une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la SAS Laon Bricolage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Laondis, à la commission nationale d'aménagement commercial, à la SAS Laon Bricolage, à la société Bricorama France et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA01048 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01048
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;23da01048 ?
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