Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. P... F... et Mme H... O... épouse F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... F... et A... F..., Mme L... M..., Mme G... K..., Mme I... K..., Mme H... F..., Mme C... F..., M. N... F..., M. J... F... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif de Lille :
1°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. P... F... la somme de 508 198, 21 euros en réparation du préjudice que lui a causé sa chute sur le parking du centre hospitalier, assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
2°) d'ordonner une contre-expertise par jugement avant-dire droit en application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative afin de déterminer le besoin d'assistance par tierce personne de M. P... F... ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme H... O... épouse F... la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice d'affection et la somme de 60 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. Q... et à Mme H... O... épouse F..., en leur qualité de représentants légaux des enfants D... F... et A... F..., la somme de 10 000 euros pour chacun d'eux en réparation de leur préjudice moral, sommes assorties des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
5°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme L... M... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
6°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme G... K... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
7°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme I... K... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
8°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme H... F... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
9°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme C... F... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
10°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. N... F... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
11°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. E... F... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
12°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. Q... et à Mme H... O... épouse F..., la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
13°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme L... M..., à Mme G... K..., à Mme I... K..., à Mme H... F..., à Mme C... F..., à M. N... F... et à M. E... F... la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Roubaix à lui verser la somme de 55 515,39 euros en réparation de ses débours imputables, assortie des intérêts et avec capitalisation desdits intérêts, à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Roubaix la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2004339 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes des consorts F... et de la CPAM de Lille-Douai, mis à la charge de l'Etat les frais et honoraires d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 000 (mille) euros dans l'instance de référé n°1811482-9 et rejeté les conclusions présentées par le centre hospitalier de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juillet 2022, 19 janvier 2023, 9 juin 2023 et 11 septembre 2023, M. P... F... et Mme H... O... épouse F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... F... et A... F..., Mme L... M..., Mme G... K..., Mme I... K..., Mme H... F..., Mme C... F..., M. N... F..., M. J... F... et M. E... F..., représentés par Me Pelletier, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 mai 2022 en ce qu'en son article 1er, il rejette leur requête indemnitaire ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. P... F... la somme de 508 198, 21 euros en réparation du préjudice que lui a causé sa chute sur le parking du centre hospitalier, assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
3°) d'ordonner une contre-expertise par jugement avant-dire droit en application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative afin de déterminer le besoin d'assistance par tierce personne de M. P... F... ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme H... O... épouse F... la somme de 70 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
5°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. Q... et à Mme H... O... épouse F..., en leur qualité de représentants légaux des enfants D... F... et A... F..., la somme de 10 000 euros pour chacun d'eux, assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
6°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme L... M... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
7°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme G... K... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
8°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme I... K... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
9°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme H... F... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
10°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à Mme C... F... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
11°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. N... F... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
12°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à M. E... F... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal et avec capitalisation ;
13°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser la somme de 5 000 euros à chaque requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Lille dans son jugement contesté, M. P... F... avait la qualité de tiers et non d'usager relativement au puits de lumière qui a causé sa chute,
- à supposer même qu'il ait la qualité non de tiers mais d'usager de cet ouvrage public, ce dernier présentait un défaut d'entretien normal compte tenu de son implantation à proximité immédiate de la bordure du trottoir, de son absence de signalisation et de protection et de son absence d'équipement en grille anti-chutes, laquelle est pourtant exigée par la règlementation en vigueur. Le centre hospitalier ne démontre par ailleurs pas s'être conformé aux exigences de contrôle périodique de ce puits de lumière issues de l'article R. 123-43 du code la construction et de l'habitation et a notamment été dans l'incapacité de fournir les documents relatifs à l'entretien et aux visites de sécurité de cet équipement. Enfin, ce puits était composé de verre, qui est un matériau non conforme pour ce type d'équipement. L'ensemble de ces non-conformités à la réglementation alors en vigueur a été constaté par un expert judiciaire dans un rapport du 4 janvier 2023,
- il résulte de plusieurs attestations concordantes et de l'absence de téléphone portable retrouvé au niveau du point d'impact que M. F... ne s'est pas assis sur le puits de lumière comme le lui reproche le centre hospitalier de Roubaix et qu'il n'a ainsi commis aucune imprudence à l'origine directe de son préjudice,
- il ne connaissait par ailleurs pas les lieux et ne peut donc se voir attribuer la qualité de participant professionnel à l'ouvrage ni, par suite, devoir démontrer une faute du centre hospitalier de Roubaix afin d'engager sa responsabilité,
- en ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires de M. P... F..., il est fondé à demander la somme de 1 776 euros au titre de frais divers, de 1 974,40 euros au titre de pertes de gains professionnels et de 9 488 euros à tout le moins au titre de ses besoins d'assistance par une tierce personne sur la base du rapport d'expertise judiciaire, lequel est sur ce point entaché de contradiction et d'insuffisance. Il y a ainsi lieu d'ordonner avant dire-droit une expertise judiciaire complémentaire afin de déterminer son besoin exact d'assistance temporaire,
- en ce qui concerne ses préjudices patrimoniaux permanents, il sera fait une exacte appréciation de ses pertes de gains professionnels en les fixant à 107 251,11 euros, de son incidence professionnelle en la fixant à 150 000 euros et de son besoin d'assistance par une tierce personne en le fixant à tout le moins à 81 034,90 euros sur la base du rapport d'expertise judiciaire, lequel est sur ce point entaché de contradiction et d'insuffisance. Il y a ainsi lieu d'ordonner avant dire-droit une expertise judiciaire complémentaire afin de déterminer son besoin exact d'assistance permanent,
- en ce qui concerne ses préjudices personnels temporaires, il sera fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel temporaire en le fixant à 9 404,06 euros, des souffrances qu'il a endurées en les fixant à 10 000 euros et de son préjudice esthétique temporaire en le fixant à 4 000 euros,
- en ce qui concerne ses préjudices personnels permanents, il sera fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel permanent en le fixant à 98 000 euros, de son préjudice esthétique permanent en le fixant à 10 000 euros, de son préjudice d'agrément en le fixant à 15 000 euros et de son préjudice sexuel en le fixant à 10 000 euros,
- Mme H... O... est fondée à solliciter les sommes de 10 000 et 60 000 euros au titre respectivement de son préjudice d'affection et des troubles dans ses conditions d'existence,
- Il y a lieu d'indemniser les deux enfants de la victime directe, D... et F..., de leur préjudice d'affection, dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à 10 000 euros chacun,
- Les autres requérants, qui ont la qualité de mère, frères et sœurs de la victime directe, justifient d'un préjudice d'affection imputable dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à 5000 euros chacun.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 7 octobre 2022, 23 juin 2023 et 19 octobre 2023, le centre hospitalier de Roubaix, représenté par Me Limonta, doit être regardé comme concluant :
1°) à titre principal, au rejet de la requête et à la confirmation de l'article 1er du jugement du 20 mai 2022 portant rejet de la requête indemnitaire des consorts F... ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que les conclusions indemnitaires des requérants soient ramenées à de plus justes proportions ;
3°) à la condamnation des requérants à lui verser la somme totale de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que de mettre à leur charge les entiers dépens.
Il fait valoir que :
- la requête des consorts F... devant le tribunal administratif de Lille était irrecevable dès lors qu'elle a été enregistrée avant expiration du délai de naissance d'une décision implicite de rejet de leur demande indemnitaire préalable,
- M. F... avait la qualité de participant professionnel à l'ouvrage public constitué par le puits de lumière, si bien que la responsabilité de l'administration ne peut être engagée que pour faute prouvée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- à tout le moins, ce dernier n'avait pas la qualité de tiers mais d'usager de cet ouvrage, si bien que la responsabilité de l'administration ne peut être engagée si elle démontre son entretien normal. Or, le puits de lumière en cause était parfaitement visible. Par ailleurs, le fait qu'il ne soit pas doté d'une grille anti-chutes ne caractérise pas un tel défaut. Enfin, le rapport d'expertise du 4 janvier 2023 dont se prévalent les requérants ne peut être retenu dès lors qu'il n'est pas contradictoire et qu'il ne contient pas d'éléments de pur fait que l'administration ne contesterait pas ou des éléments d'information corroborés par d'autres pièces. En toute hypothèse, il est imprécis et contradictoire. De même, le puits de lumière en cause a été régulièrement entretenu et, si l'administration ne peut l'établir par des pièces écrites, c'est en raison de l'ancienneté de la période en cause,
- en toute hypothèse, quelle que soit la qualité de la victime au regard de l'ouvrage public en cause, celle-ci a commis une imprudence en s'asseyant sur le puits de lumière et alors qu'il pouvait ainsi appréhender la hauteur à laquelle il se situait par rapport au couloir en contrebas. Cette imprudence constitue une faute de la victime qui est de nature à exonérer totalement l'administration de sa responsabilité,
- si par extraordinaire, la cour entrait en voie de condamnation, il y aurait lieu de l'exonérer d'une part de sa responsabilité en raison de cette imprudence de la victime. Dans les circonstances de l'espèce, cette exonération ne saurait être inférieure à 50 %,
- il y a lieu de ramener les prétentions indemnitaires des requérants à de plus justes proportions et de rejeter leur demande tendant à ce que soit ordonnée avant dire-droit une nouvelle expertise judiciaire dès lors que celle-ci serait dépourvue d'utilité,
- en ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires de M. P... F..., il justifie de frais divers à hauteur de 1 200 euros et d'un besoin temporaire d'assistance par une tierce personne à hauteur de 6 176,78 euros. Il ne justifie pas en revanche d'une perte de gains professionnels temporaire imputable à sa chute,
- en ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents, M. F... ne justifie pas d'une perte de gains professionnels temporaire imputable à sa chute. Il y a lieu de limiter l'indemnisation de l'incidence professionnelle du dommage à 5 000 euros. Il sera fait une exacte appréciation de son besoin permanent d'assistance par une tierce personne en le fixant à la somme de 50 636,55 euros,
- en ce qui concerne ses préjudices personnels temporaires, il sera fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel temporaire en le liquidant à la somme de 3 593,80 euros, des souffrances endurées en les liquidant à la somme de 3 000 euros et du préjudice esthétique temporaire en le liquidant à la somme de 1 000 euros,
- en ce qui concerne ses préjudices extrapatrimoniaux permanents, il sera fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel permanent en le fixant à 47 600 euros et de son préjudice esthétique permanent en le fixant à 500 euros. Aucune indemnisation ne lui est due en revanche au titre de son préjudice d'agrément et de son préjudice sexuel,
- le préjudice d'affection imputable subi par Mme H... O... doit être liquidé à 1 800 euros. Aucune indemnisation ne lui est en revanche due est au titre des troubles dans ses conditions d'existence,
- aucun préjudice d'affection imputable n'a été subi par les enfants de M. F... dès lors qu'ils sont nés après son accident,
- le préjudice d'affection de la mère de la victime directe peut être liquidé à 800 euros et celui des membres de sa fratrie à 500 euros pour chacun d'entre eux.
Par ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 novembre 2023.
La caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, à qui la présente procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. P... F... par une décision du 16 mai 2023.
Vu :
- l'ordonnance du 15 janvier 2020 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a taxé les frais et honoraires de l'expertise réalisée dans l'instance de référé n° 1811482-9,
- les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Pelletier, représentant les consorts F..., et de Me Mc Grogan, représentant le centre hospitalier de Roubaix.
Considérant ce qui suit :
1. M. P... F..., né le 4 juillet 1985 et qui travaillait alors en qualité d'ambulancier pour une société privée, a garé son véhicule le 2 septembre 2013 sur le parc de stationnement du centre hospitalier de Roubaix. Il était accompagné d'un collègue. Il a ensuite été victime d'une chute de plus de trois mètres après avoir traversé un puits de lumière situé à proximité de sa place de stationnement et qui permettait d'éclairer un couloir situé en contre-bas et qui relie deux bâtiments hospitaliers. Par une requête enregistrée le 25 juin 2020, M. F... et certains membres de sa famille ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Roubaix à les indemniser de leurs préjudices en lien avec cette chute. Par un jugement n° 2004339 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Les consorts F... interjettent appel de ce jugement. M. P... F... est le représentant unique des appelants en application de l'article R. 411-5 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
3. En l'espèce, le puits de lumière dont la rupture a causé la chute de M. F... est implanté à proximité immédiate d'une des places de stationnement du parking du centre hospitalier de Roubaix et fait partie intégrante de cet ouvrage public, quand bien même il permet d'éclairer une galerie sous-terraine reliant des bâtiments hospitaliers. Il en résulte que M. F... doit être regardé comme ayant en l'espèce la qualité d'usager de l'ouvrage public constitué par le parc de stationnement du centre hospitalier de Roubaix qui inclut ce puits de lumière. Le centre hospitalier de Roubaix peut par conséquent utilement soutenir, ainsi qu'il le fait en défense, que sa responsabilité ne peut être engagée dès lors que le dommage subi est entièrement imputable à une faute de la victime.
4. Si M. F... allègue être tombé sur le puits de lumière situé à proximité de son stationnement après avoir trébuché sur la bordure du trottoir par temps de pluie, le centre hospitalier a produit un compte rendu d'intervention daté du 11 septembre 2013, signé par son auteur et particulièrement détaillé. Il en résulte qu'un des agents de sécurité du centre hospitalier était présent sur place le 2 septembre 2013 et qu'il a été interpellé par le collègue de M. F... en ces termes : " il a reçu un appel téléphonique, il s'est assis machinalement sur le dôme et il est tombé ". L'administration démontre par ailleurs sans être utilement contesté qu'aucune pluie n'est tombée sur Roubaix le jour de la chute et elle apporte des éléments précis tendant à démontrer que si la victime avait effectivement trébuché sur le trottoir, elle ne serait pas tombée à plat sur le dos comme cela a été le cas. Pour contester ce compte rendu et ces éléments, M. F... ne peut utilement se prévaloir d'un constat d'huissier en date du 9 septembre 2013 qui n'évoque pas les circonstances exactes de sa chute. De même, à la supposer même probante alors qu'elle a été établie sur papier libre et qu'elle a été produite tardivement au cours des échanges contentieux de première instance, l'attestation de son collègue datée du 2 septembre 2023 ne permet pas d'établir les circonstances exactes dans lesquelles s'est produit l'accident, et notamment de confirmer que l'intéressé a trébuché comme il l'allègue. Son auteur se contente en effet d'indiquer : " j'ai entendu un gros bruit sourd et je me suis demandé ce qu'il s'est passé ". L'attestation du même collègue en date du 26 décembre 2020, a été établie plus de sept ans après les faits et ne permet pas de contester la version précise relatée immédiatement après les événements du 2 septembre 2023 selon laquelle M. F... s'est assis sur le puits de lumière pour téléphoner. Il en est de même de l'attestation de l'employeur de ce dernier, qui n'a été établie que le 24 novembre 2020. Dans ces conditions, alors que le dôme sur lequel s'est assis l'intéressé était parfaitement visible et situé à une hauteur d'une soixantaine de centimètres, il résulte bien de l'instruction que la chute dont a été victime M. F... a été consécutive à un usage non conforme de cet équipement par la victime consistant à s'y assoir volontairement.
5. Par ailleurs, le centre hospitalier de Roubaix a fait valoir sans être contesté par les appelants ni contredit par les pièces du dossier qu'il était aisé de savoir que ce puits de lumière était en verre fin ou en tout cas dans un matériau fragile et, enfin, de percevoir, compte tenu de la nature de ses matériaux, qu'il surmontait un puits d'une hauteur de plus de trois mètres. Dans ces conditions, tout usager, y compris non familier des lieux, pouvait aisément comprendre qu'il était particulièrement risqué de s'asseoir sur ce dôme.
6. Dans ces conditions, M. F... n'a pas adapté son comportement aux risques évidents et graves auxquels il s'exposait en s'asseyant sur le dôme d'un puits de lumière, si bien que le dommage dont il a été victime est en lien direct, certain et exclusif avec l'imprudence qu'il a commise. Par suite, le centre hospitalier de Roubaix est fondé à soutenir que sa responsabilité ne peut être engagée en l'espèce.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de la méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, que les conclusions indemnitaires des appelants ne peuvent être que rejetées.
8. Les consorts F... ne sont par conséquent pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs conclusions indemnitaires ainsi que, par voie de conséquence, celles relatives aux intérêts légaux et à leur capitalisation.
Sur les frais de l'instance :
9. En premier lieu, les conclusions présentées par le centre hospitalier de Roubaix sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge des consorts F... doivent être rejetées en l'absence de tout dépens dans la présente instance.
10. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Roubaix, partie gagnante dans la présente instance, le versement de la somme que les consorts F... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que le centre hospitalier de Roubaix présente au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. R... F... et Mme H... O... épouse F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... F... et A... F..., de Mme L... M..., de Mme G... K..., de Mme I... K..., de Mme H... F..., de Mme C... F..., de M. N... F..., de M. J... F... et de M E... F..., est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Roubaix présentées sur le fondement des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. P... F..., représentant unique des appelants, à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing et au centre hospitalier de Roubaix.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA01568