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07/11/2024 | FRANCE | N°23DA01618

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 07 novembre 2024, 23DA01618


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant l'année 2010 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010.



Par un jugement n° 2100054 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a réduit d'un montant de 130 354,40 euros la base d'imposition de M. C... à l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant l'année 2010 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 2100054 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a réduit d'un montant de 130 354,40 euros la base d'imposition de M. C... à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2010, l'a déchargé dans cette mesure de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il avait été assujetti au titre de l'année 2010 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 août 2023 sous le n° 23DA01618, et des mémoires enregistrés les 8 avril, 12 mai et 13 mai 2024, M. A... C..., représenté par Me Laurence Guey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions demeurant en litige ;

Il soutient que :

- il n'est pas démontré que l'homologation du rôle supplémentaire émis au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 2010 a été établie par une personne ayant pouvoir à cet effet de sorte que la procédure de mise en recouvrement de l'imposition litigieuse est irrégulière ;

- le montant des achats en espèce s'élève à la somme de 133 699,40 euros et non 130 354,40 euros et l'évaluation forfaitaire de l'administration de ces achats en espèce qui ne concerne que les achats lors de vente aux enchères ne peut être déduite qu'à hauteur de 10 232,50 euros ;

- le montant des achats par mandats postaux s'élève à la somme de 139 700 tel que cela résulte de la note Tracfin et de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 31 août 2015 qui est revêtu de l'autorité de chose jugée sur ce point et les énonciations du paragraphe n° 30 du bulletin officiel des finances publiques publié sous la référence BOI-TVA-SECT-30-20 du 12 septembre 2012 confortent cette analyse ;

- le régime de la marge en taxe sur la valeur ajoutée n'est pas applicable à son activité dès lors que les biens revendus ne constituent pas des biens d'occasion ;

- en application du régime de la marge, les charges admises en déduction des bénéfices industriels et commerciaux doivent l'être également de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2024 et par un mémoire, enregistré le 3 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés ;

- les achats en espèce ne sont pas démontrés par les factures de la SELARL Xavier Wattebled et de la SARL Varna dès lors que ces deux sociétés, créées respectivement en 2019 et 2011, n'existaient pas à la date d'émission des factures en 2010 ;

- la facture n° 19286 de la SELARL Xavier Wattebled est incomplète dès lors qu'elle ne contient pas le montant global et le mode de paiement ;

- en tout état de cause, l'évaluation forfaitaire faite par l'administration à hauteur de 47 943 euros doit être déduite du montant des factures produites.

Par une ordonnance du 15 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juin 2024 à 12 H 00.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2023 sous le n° 23DA01724, et un mémoire enregistré le 24 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. C... les impositions et pénalités au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 2010 dont la décharge a été prononcée par les premiers juges.

Il soutient que :

- l'appel incident de M. C... est irrecevable en tant qu'il porte sur les rappels de taxes sur la valeur ajoutée ;

- les achats en espèce ne sont pas démontrés par les factures de la SELARL Xavier Wattebled et de la SARL Varna dès lors que ces deux sociétés, créées respectivement en 2019 et 2011, n'existaient pas à la date d'émission des factures en 2010 ;

- la facture n° 19286 de la SELARL Xavier Wattebled est incomplète dès lors qu'elle ne contient pas le montant global et le mode de paiement ;

- en tout état de cause, l'évaluation forfaitaire faite par l'administration à hauteur de 47 943 euros doit être déduite du montant des factures produites ;

- M. C... n'établit pas que les biens achetés par mandats postaux l'ont été pour les besoins de l'exploitation de son activité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024 et par des mémoires, enregistrés les 12 mai et 13 mai 2024, M. C..., représenté par Me Laurence Guey, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande.

Il soutient que :

- le montant des achats en espèce s'élève à la somme de 133 699,40 euros et non 130 354,40 euros et l'évaluation forfaitaire de l'administration de ces achats en espèce qui ne concerne que les achats lors de vente aux enchères ne peut être déduite qu'à hauteur de 10 232,50 euros ;

- le montant des achats par mandats postaux s'élève à la somme de 139 700 euros tel que cela résulte de la note Tracfin et de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 31 août 2015 qui est revêtu de l'autorité de chose jugée sur ce point et les énonciations du paragraphe n° 30 du bulletin officiel des finances publiques publié sous la référence BOI-TVA-SECT-30-20 du 12 septembre 2012 confortent cette analyse ;

- en application du régime de la marge, les charges admises en déduction des bénéfices industriels et commerciaux doivent l'être également de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée.

Par une ordonnance du 15 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juin 2024 à 12 H 00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. A... C... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er août 2009 au 31 janvier 2022 après que le tribunal de grande instance de Valenciennes a informé l'administration fiscale de l'exercice par l'intéressé d'une activité d'achat et de revente d'objet en or. A l'issue de ce contrôle, l'administration a, par une proposition de rectification du 29 juin 2012, procédé à l'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux de M. C... et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2010, et a, par une seconde proposition de rectification du même jour, procédé au rehaussement des revenus de M. C... dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'impôt sur le revenu pour la même année. En conséquence, par des avis d'imposition des 25 septembre et 30 septembre 2012, M. C... a été assujetti, au titre de l'année 2010, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 81 240 euros et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour un montant de 104 342 euros.

2. M. C... a présenté une réclamation contre ces impositions qui a été rejetée par une décision du 6 novembre 2020. Il a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant l'année 2010 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010. Par un jugement du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a réduit d'un montant de 130 354,40 euros la base d'imposition de M. C... à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2010, l'a déchargé dans cette mesure de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il avait été assujetti au titre de l'année 2010 et a rejeté le surplus de sa demande.

3. Sous le numéro 23DA001618, M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

4. Sous le numéro 23DA01724, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du même jugement en ce qu'il a prononcé la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu. M. C... conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

5. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, dirigées contre le même jugement, pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture ".

7. Pour l'application de ces dispositions, l'article 376-0 bis de l'annexe II au code général des impôts précise que le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 du code général des impôts est celui d'administrateur des finances publiques adjoint.

8. Il résulte des éléments versés à l'instruction par le ministre en cause d'appel que le rôle émis pour la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige a été rendu exécutoire le 12 septembre 2012 par M. E... B..., administrateur des finances publiques adjoint. Comme le fait valoir le ministre, le signataire bénéficiait, comme tous les collaborateurs du directeur régional des finances publiques du Nord-Pas-de-Calais et du département du Nord ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint requis par les dispositions de l'article 1658 du code général des impôts et de l'article 376-0 bis de l'annexe II à ce code, d'une délégation de pouvoir qui lui avait été consentie par un arrêté du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord, du 21 février 2012 qui a fait l'objet, conformément à l'exigence posée par le dernier alinéa de l'article 1658 du code général des impôts, d'une publication le même jour au n°45 du recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord.

9. Dans ces conditions, compte tenu des preuves apportées par le ministre, le moyen présenté par M. C... et tiré de ce que le rôle émis pour assurer le recouvrement des suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2010 n'a pas été régulièrement rendu exécutoire, doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :

S'agissant de la charge de la preuve :

10. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

11. Il incombe à M. C..., qui a fait l'objet d'une évaluation d'office de ses bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, d'apporter la preuve de l'exagération de ces impositions en application des dispositions de l'article L. 193 de ce livre.

S'agissant des bases d'imposition :

12. Aux termes de l'article 36 du code général des impôts : " Sont compris dans le total des revenus servant de base à l'impôt sur le revenu les bénéfices obtenus pendant l'année de l'imposition ou dans la période de douze mois dont les résultats ont servi à l'établissement du dernier bilan, lorsque cette période ne coïncide pas avec l'année civile du code général des impôts ". Aux termes de l'article 38 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) ".

13. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer le bénéfice net de M. C... pour l'année 2010, le service instructeur a retenu parmi les charges déductibles les achats de marchandises réalisés par M. C... par Paypal à hauteur de 479 429 euros, par mandats postaux à hauteur de 72 000 euros et en espèces à hauteur de 47 943 euros.

Quant aux achats en espèces :

14. M. C... a produit en premier instance des preuves d'achats de bijoux et d'or réalisés en espèces au cours de l'année 2010. Le ministre soutient que certaines factures ne sont pas probantes dès lors qu'elles émanent de sociétés créées après 2010.

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les bordereaux établis par la SELARL Xavier Wattebled, exerçant une activité de commissaire-priseur, correspondent à des extraits des procès-verbaux de ventes judiciaires intervenues le 19 mai 2010.

16. Dans ces conditions, ces documents, qui comportent l'ensemble des éléments utiles, attestent de la réalité des achats réalisés par M. C... à cette date quand bien même ils ont été édités par la nouvelle société du commissaire-priseur créée en 2019.

17. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les tampons présents sur les factures de la société Varna des 9 septembre, 15 octobre et 22 novembre 2010, d'un montant respectif de 46 000 euros, 28 650 euros et 32 500 euros, comportent le numéro SIRET d'un établissement ayant débuté son activité de commerce de gros de minerais et de métaux le 19 octobre 2011, soit après l'émission de ces factures.

18. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient M. C..., que les documents ainsi produits constitueraient des rééditions, par cette société, de factures établies par la société du même nom qui existait en 2010. De plus, M. C... n'a jamais évoqué ces achats, d'un montant total s'élevant à 107 150 euros, tout au long de la procédure de contrôle.

19. Dans ces conditions, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que M. C... n'établit pas la réalité des achats en espèces correspondants.

20. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'établit la réalité des ses achats en espèces qu'à hauteur de la somme de 23 204,40 euros.

21. Or, en l'absence de comptabilité et en l'absence de présentation de justificatifs lors du contrôle, la proposition de rectification a évalué l'ensemble des achats en espèces à un forfait de 47 943 euros. C'est parce que le contribuable avait déclaré au vérificateur qu'il avait acheté des marchandises lors de ventes aux enchères que cette proposition a relié ce forfait à de tels achats. Le service n'a donc pas entendu limiter ce forfait à ces seuls achats.

22. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander une déduction supplémentaire, au titre des achats en espèces, du bénéfice net retenu par l'administration.

Quant aux mandats postaux :

23. M. C... soutient que le montant de ses mandats postaux adressés à une tierce personne s'élève à la somme de 139 700 euros et non à la seule somme de 72 000 euros.

24. M. C... invoque une note du service de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) et un arrêt de la cour d'appel de Douai du 31 mai 2015, qui se borne à retranscrire les éléments communiqués par ce service au procureur de la République, mentionnant un achat de 139 700 euros par mandats postaux fait par M. C... auprès d'un ancien commerçant de bijoux à Nice.

25. Toutefois, M. C... n'apporte aucun élément de preuve permettant d'établir que l'intégralité de ce montant porte sur des achats d'objets destinés aux besoins de l'activité en cause dans le présent litige, au sens de l'article 39 du code général des impôts, alors que ce commerçant niçois avait, au demeurant, cessé son activité depuis le 4 février 2009.

26. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à demander la déduction, au titre des achats par mandats postaux, de la somme de 67 700 euros du bénéfice net retenu par l'administration.

27. Par ailleurs, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des développements figurant au n° 30 à 50 du BOI-CTX-DG-20-30-40, relatifs à l'autorité de chose jugée qui s'attache aux faits constatés par les tribunaux répressifs, lesquels ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale qui serait opposable à l'administration.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander la réduction en base de son bénéfice net dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu en résultant.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de la charge de la preuve :

29. Il incombe à M. C..., qui a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010, d'apporter la preuve de l'exagération de ces impositions en application des dispositions de l'article L. 193 du même livre.

S'agissant de l'application du régime de taxation sur la marge :

30. Aux termes de l'article 297 A du code général des impôts : " I. - 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. / La définition des biens d'occasion, des œuvres d'art, des objets de collection et d'antiquité est fixée par décret (...) ".

31. Aux termes de l'article 98 A de l'annexe 3 à ce même code : " I. Sont considérés comme biens d'occasion les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l'état ou après réparation, autres que des œuvres d'art et des objets de collection ou d'antiquité et autres que des métaux précieux ou des pierres précieuses ".

32. Il résulte de l'arrêt C-154/17 du 11 juillet 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne que, pour relever de la catégorie des " biens d'occasion ", au sens de l'article 311, paragraphe 1, point 1, de la directive 2006/112/CE, susceptibles de bénéficier du régime particulier de la marge bénéficiaire et non de celle des " métaux précieux " ou des " pierres précieuses " qui sont exclus du bénéfice de ce régime, un objet composé de tels métaux ou pierres doit avoir eu une fonctionnalité autre que celle qui est inhérente aux matières qui le composent, l'avoir conservée et être susceptible de remploi, en l'état ou après réparation, et que l'article 311, paragraphe 1, point 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la notion de " biens d'occasion " ne couvre pas des biens usagés contenant des métaux précieux ou des pierres précieuses si ces biens ne sont plus aptes à remplir leur fonctionnalité initiale et n'ont conservé que les fonctionnalités inhérentes à ces métaux et à ces pierres, ce qu'il appartient au juge national de vérifier en tenant compte de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d'espèce.

33. M. C... soutient qu'il procédait à l'achat d'or et de bijoux cassés correspondant à des biens usagés contenant des métaux précieux qui ne conservaient que les fonctionnalités inhérentes à ces métaux. Toutefois, si M. C... se prévaut de factures de la société Varna faisant état de l'acquisition de débris d'or, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces factures ne présentent pas un caractère probant. En outre, les autres preuves d'achats produites par M. C... démontrent qu'il a fait l'acquisition de nombreux bijoux dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils n'étaient plus aptes à remplir leur fonctionnalité initiale.

34. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application du régime de taxation sur la marge.

S'agissant du calcul de la marge :

35. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à soutenir que, pour déterminer la marge servant au calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, la somme de 120 121,90 euros au titre des achats en espèces et la somme de 67 700 euros au titre des mandats postaux doivent être déduites de son chiffre d'affaires. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant.

36. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a procédé à une réduction de la base d'imposition de M. C... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 à hauteur de 130 354,40 euros et a prononcé la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge de l'intéressé au titre de cette année. Il y a ainsi lieu d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué et de remettre à la charge de M. C... la cotisation correspondante.

37. En revanche, il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel incident présenté dans l'instance n° 23DA01724, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du même jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. C... a été assujetti au titre de l'année 2010, dont la réduction a été prononcée par le jugement n° 2100054 du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Lille, est remise à la charge de M. C... dans la mesure correspondante.

Article 3 : La requête n°22DA01618 de M. C..., ensemble les conclusions d'appel incident présentées dans l'instance n° 22DA01724, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Me Guey.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. D...

La greffière,

Signé : N. Diyas

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth HELENIAK

2

N°23DA01618, 23DA01724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01618
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUEY BALGAIRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;23da01618 ?
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