Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :
1°) d'annuler la décision du 5 mai 2021 par laquelle le préfet du Nord a refusé d'enregistrer sa demande de délivrance d'un titre de séjour pour soins ;
2°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord d'enregistrer sa demande de délivrance d'un titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente qu'il soit statué sur sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2203382 du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 5 mai 2021, a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la demande d'enregistrement de la demande de titre de séjour pour soins présentée par Mme A..., a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Perinaud, conseil de Mme A..., d'une somme de 900 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2024, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2024 en ce qu'il annule sa décision du 5 mai 2021 ;
2°) de confirmer la légalité de la décision du 5 mai 2021.
Il soutient que le moyen tiré du vice d'incompétence de l'auteur de la décision du 5 mai 2021 n'est pas fondé et ne pouvait être accueilli par le tribunal.
La requête a été communiquée à Mme B... A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par un courrier en date du 2 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'absence de caractère d'acte faisant grief de l'acte du 5 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le décret n° 2010-112 du 2 février 2010 ;
- l'arrêté du 13 juin 2014 portant approbation du référentiel général de sécurité et précisant les modalités de mise en œuvre de la procédure de validation des certificats électroniques ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 23 janvier 1987 à Belgrade (Serbie), de nationalité serbe, déclare être entrée en France en novembre 2019 et a déposé une demande d'asile le 25 novembre2019. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 18 décembre 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 30 mars 2022 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 10 février 2021, elle a sollicité l'enregistrement d'une demande de titre de séjour " vie privée et familiale " compte tenu de son état de santé. Par un courriel du 5 mars 2021, sa demande a été rejetée comme irrecevable pour tardiveté, l'administration relevant que Mme A... ne la mettait pas en mesure d'examiner l'existence d'éventuelles circonstances nouvelles. Puis, par un courriel du 5 mai 2021, faisant suite à deux correspondances de Mme A... des 10 mars et 30 avril 2021, l'administration a demandé à celle-ci de produire une pièce médicale qu'elle avait annoncée afin de déterminer avec davantage de précision la date de survenance de sa pathologie. Par la présente requête, le préfet du Nord demande l'annulation du jugement n° 2203382 du 11 juin 2024, par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme A..., annulé sa décision du 5 mai 2021.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant de l'acte attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. (...) ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois. ". Aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour présentée par Mme A... sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est intervenue plus de trois mois après l'enregistrement, le 25 novembre 2019, de sa demande d'asile. Par suite, et en application des dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la recevabilité de sa demande était subordonnée à la justification de circonstances nouvelles.
4. Il ressort des correspondances adressées à l'administration par le conseil de Mme A... que cette dernière, en transmettant plusieurs pièces médicales relatives à son état de santé, a entendu lever le secret médical. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'administration était en droit de lui demander, sans passer par le biais du conseil des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, de produire une pièce médicale qu'elle avait annoncée afin de vérifier que l'intéressée satisfaisait à la condition de faire valoir une circonstance nouvelle. Dès lors, le courriel du 5 mai 2021 ne peut être regardé comme une décision implicite de refus d'enregistrer sa demande de titre et ne constitue pas non plus une décision expresse de refus d'enregistrement. Il suit de là que ce courriel n'est pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé le courriel du 5 mai 2021 et à demander l'annulation de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2203382 du 11 juin 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé en son article 1.
Article 2 : La demande de Mme B... A... à fin d'annulation de l'acte du 5 mai 2021 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°24DA01149 2