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17/10/2024 | FRANCE | N°24DA00229

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 17 octobre 2024, 24DA00229


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 août 2023 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n°2302918 du 21 novembre 2023, le tribunal administra

tif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 août 2023 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°2302918 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 février, 16 avril et 10 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Daouda Diop, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de résident, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du prononcé du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreurs de fait ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine ;

- le préfet était tenu de lui délivrer une carte de résident de 10 ans sur le fondement des stipulations de l'article 11 de la convention franco-béninoise du 21 décembre 1992 dès lors qu'elle en remplit toutes les conditions ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnait le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 mars et 8 avril 2024, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable au motif qu'elle est tardive et que la requérante, qui a été expulsée de son logement le 30 octobre 2023, ne réside plus à l'adresse indiquée ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 24 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 août 2024 à 12 heures.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 15 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention signée le 21 décembre 1992 entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République du Bénin relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport D... Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante béninoise, née le 5 septembre 1974, est entrée en France le 26 janvier 2014 sous couvert d'un visa de court séjour et a été admise au séjour du 27 décembre 2016 au 12 mai 2022 en raison de son état de santé. Le 14 avril 2022, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 août 2023, le préfet de l'Aisne a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 21 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions internationales, légales et réglementaires sur lesquelles il se fonde et mentionne les éléments de faits relatifs à la situation personnelle D... B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. Pour refuser d'accorder à Mme B... un renouvellement de la carte de séjour temporaire valable un an qui lui avait été précédemment délivrée pour raisons de santé, le préfet de l'Aisne a notamment fondé son appréciation sur un avis émis le 18 octobre 2022 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel si l'état de santé D... B... rend nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a entendu lever le secret médical, souffre d'hypertension artérielle, d'un glaucome et d'apnée du sommeil, et bénéficie d'un traitement composé de Candesartan, Corgard et Lercan. Pour soutenir qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Bénin, Mme B... fait valoir que le prix de ces médicamenteux dans différentes pharmacies au Bénin, évalué à environ 144 euros, est supérieur au salaire minimum de ce pays qui est d'environ 80 euros. Toutefois, le Bénin n'étant pas, contrairement à ce que soutient la requérante, dépourvu de système de sécurité sociale, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le coût des médicaments, dont il n'est pas démontré, par les rapports et articles généraux produits, qu'ils seraient indisponibles au Bénin, serait intégralement à sa charge alors par ailleurs que les enfants majeurs D... Mme B... pourraient en assurer, au moins partiellement, la prise en charge financière. En outre, si la requérante se prévaut du prix élevé des appareils pour la prise en charge de l'apnée du sommeil, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du 21 août 2023 qui préconise un appareillage futur, que Mme B... ne bénéficiait pas, à la date de la décision attaquée, d'un tel équipement.

7. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 11 de la convention franco-béninoise susvisée : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des parties contractantes établis sur le territoire de l'autre partie, peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans renouvelable de plein droit dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil ".

9. D'autre part, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur un autre fondement, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

10. En l'espèce, il est constant que Mme B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 11 de la convention franco-béninoise est inopérant et doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

12. Si Mme B..., qui est entrée en France le 26 janvier 2014, réside avec deux de ses cinq enfants sur le territoire français où vivent également sa mère, l'une de ses filles majeures et plusieurs de ses frères, et a exercé un emploi d'agent social à temps non complet au sein du centre communal d'action social de Laon depuis novembre 2021, il ressort des pièces du dossier que sa mère réside en France sous couvert d'un visa long séjour portant la mention visiteur délivré le 19 septembre 2022. En outre, il ne résulte d'aucune pièce que sa présence auprès de ses frères et de sa fille majeure serait nécessaire. Par ailleurs, Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside au moins l'un de ses enfants. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français et alors même que le préfet aurait indiqué à tort que l'intéressée serait entrée sur le territoire européen par Bruxelles, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

14. Mme B... fait valoir que les deux enfants mineurs qui l'accompagnent, dont l'un est ressortissant belge, sont scolarisés en France et vivent auprès de leurs oncles, de leur grand-mère et de leur sœur. Toutefois, elle ne démontre, ni même n'allègue qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Bénin. Dans ces conditions, et sans qu'y fasse obstacle la présence en France de membres de leurs familles, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaitrait les stipulations précitées.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête D... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au préfet de l'Aisne, au ministre de l'intérieur et à Me Daouda Diop.

Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : Sophie Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N° 24DA00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00229
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DIOP

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;24da00229 ?
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