Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, par deux demandes successives, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.
Par un jugement nos 2101599, 2202293 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Dahmoun, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- dans une situation dans laquelle, d'ailleurs, ils étaient liés à la société civile immobilière (SCI) Sevran 5050, propriétaire de leur habitation principale, par un bail tacite, l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la valeur de l'avantage correspondant à la mise à leur disposition de ce logement ;
- contrairement à ce qu'a retenu, en méconnaissance du principe d'autonomie du droit fiscal, le tribunal administratif, la prise en charge, par la SCI Sevran 5050, de certaines dépenses afférentes à l'entretien de ce logement, quand bien même celles-ci auraient constitué des charges locatives par nature, résultait d'un accord contractuel non écrit conclu avec cette société, de sorte que cette dernière, qui y a librement consenti, était fondée à porter ces dépenses en déduction de ses résultats imposables et qu'ils ont été regardés à tort comme ayant bénéficié, à due concurrence des sommes correspondantes, d'avantages occultes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- contrairement à ce qui est soutenu, l'administration a rapporté, par les éléments contenus dans la proposition de rectification qu'elle a adressée le 14 décembre 2018 à M. et Mme A..., la preuve du bénéfice, par les intéressés, d'une mise à disposition gratuite, par la SCI Sevran 5050, de leur logement, constitutive d'un avantage occulte imposable au sein de leur foyer fiscal, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, et a également justifié, par comparaison avec les données se rapportant à des biens immobiliers comparables à la propriété en cause, de la valeur de cet avantage, à laquelle les appelants n'opposent aucune évaluation alternative ;
- les dépenses afférentes à cette propriété, prises en charge par la SCI Sevran 5050 au vu de factures établies à l'adresse de ce bien, qui correspond à celle du domicile fiscal de M. et Mme A..., ont été regardées à bon droit, en l'absence de justification de la conclusion d'un bail entre cette société et les intéressés pour fixer leurs obligations réciproques, comme constituant, pour M. et Mme A..., des avantages occultes imposables au sein de leur foyer fiscal sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ; il en est ainsi notamment des factures d'eau et d'électricité, ainsi que les dépenses d'entretien courant de la piscine, qui constituent des charges locatives par nature.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ;
- le décret n°87-713 du 26 août 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Mme D... A... épouse A... est la gérante statutaire de la société civile immobilière (SCI) Sevran 5050, dont elle détient 66 % des parts sociales. Cette société civile, qui a opté pour le régime fiscal applicable aux sociétés commerciales, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, étendue au 30 juin 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, la vérificatrice a estimé que Mme A... et son époux devaient être regardés comme ayant été les bénéficiaires de revenus réputés distribués par la SCI Sevran 5050 au cours des exercices clos les 31 décembre 2016 et 2017. Ces revenus distribués ont été identifiés comme correspondant, d'une part, à des abandons de recettes résultant de la mise à la disposition de M. et Mme A..., à titre gratuit, d'une propriété située à Lamorlaye (Oise), dans laquelle les intéressés ont fixé leur résidence principale et, d'autre part, à des dépenses que l'administration a analysées comme n'ayant pas été engagées par la SCI Sevran 5050 dans l'intérêt de son exploitation, mais dans l'intérêt particulier de M. et Mme A....
2. Parallèlement à la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SCI Sevran 5050, l'administration a fait connaître son analyse à M. et Mme A... par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 14 décembre 2018. Les observations formulées par M. et Mme A... n'ayant pas convaincu l'administration de reconsidérer son appréciation, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis en conséquence des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 30 juin 2020, à hauteur d'une somme totale de 51 750 euros en droits et pénalités.
3. Les deux réclamations successivement introduites par M. et Mme A... ayant été rejetées, ceux-ci ont porté, par deux demandes successives, le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 21 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.
Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur les revenus et de prélèvements sociaux en litige :
4. En vertu des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes, notamment, sont considérés comme des revenus distribués.
En ce qui concerne la mise à disposition de la propriété :
5. Au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SCI Sevran 5050, cette société n'a été en mesure de justifier de la conclusion d'aucun bail de location concernant la propriété, située à Lamorlaye, mise par elle à la disposition de M. et Mme A... à titre de résidence principale depuis son acquisition en 1997 et a pu seulement justifier, concernant cette propriété, de la perception, au titre des exercices clos en 2016 et en 2017, d'un loyer s'élevant à un montant mensuel de 660 euros. Il a ensuite été précisé au service vérificateur que ce loyer, versé par une tierce société ayant pour dirigeante Mme A..., se rapportait au pavillon, d'une surface habitable d'environ 60 m², donné en location au gardien employé par cette tierce société, tandis que l'habitation principale, entourée d'un terrain d'une superficie de 14 418 m², offrait une surface habitable de l'ordre de 500 m² répartie sur deux niveaux. Dans cette situation, l'administration a estimé que M. et Mme A... devaient être regardés comme ayant bénéficié, au titre des années 2016 et 2017, de la mise à disposition, à titre gratuit, de cette propriété par la SCI Sevran 5050 et que cet avantage, dont le service vérificateur a estimé la valeur par comparaison avec celle relevée à partir d'annonces immobilières portant sur des biens comparables eux aussi situés dans le domaine du Lys à Lamorlaye, correspondait, pour la société bailleresse, à un abandon de recettes contraire à son intérêt et avait, pour M. et Mme A..., la nature d'un avantage occulte imposable, au sein de leur foyer fiscal, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en tant que revenu distribué, sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.
6. Si M. et Mme A... contestent que le loyer mensuel moyen de 2 650 euros retenu par l'administration, au terme de l'évaluation par comparaison opérée par le service vérificateur, ainsi qu'il a été dit au point précédent, puisse constituer une base appropriée pour déterminer la valeur de l'avantage dont ils ne contestent pas avoir bénéficié, ils n'avancent aucun terme de comparaison alternatif à ceux utilisés par le service vérificateur, dont ils ne critiquent pas sérieusement la pertinence, ni ne font état de l'existence d'une contrepartie tangible à l'avantage en cause, ni même de circonstances particulières susceptibles d'expliquer que la SCI Sevran 5050 renonce à percevoir de leur part un loyer, en contrepartie de la mise à disposition de la propriété dans laquelle ils ont établi leur résidence principale, alors qu'ils font eux-mêmes état de l'existence d'un bail qu'ils qualifient de tacite. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant, par l'évaluation par comparaison à laquelle le service s'est livré, rapporté la preuve, qui lui incombe, de l'existence et de la valeur de l'avantage occulte dont M. et Mme A... ont bénéficié au titre des deux années d'imposition en litige.
En ce qui concerne les dépenses exposées par la société bailleresse et non admises en déduction en tant que charges :
7. Au cours du contrôle dont a fait l'objet la SCI Sevran 5050, la vérificatrice a constaté que cette société avait comptabilisé, en tant que charges des exercices clos en 2016 et en 2017, des dépenses se rapportant à la propriété mise à la disposition de M. et Mme A... à Lamorlaye et correspondant, pour l'essentiel, à des factures établies, le plus souvent au nom et à l'adresse de M. et Mme A..., par des fournisseurs d'électricité et d'eau potable, ainsi que par des entreprises ayant réalisé des interventions d'entretien courant et de maintenance concernant la piscine aménagée dans l'entresol de l'habitation principale. Après avoir constaté que la SCI Sevran 5050 ne justifiait pas de l'intérêt qu'aurait revêtu, pour son exploitation, la prise en charge de ces dépenses, qui n'étaient pas de celles incombant, par nature, au propriétaire, l'administration a remis en cause la déduction de celles-ci des résultats imposables de la SCI Sevran 5050 et a, par ailleurs, regardé les sommes correspondantes comme des avantages occultes imposables au sein du foyer fiscal de M. et Mme A..., leur bénéficiaire, sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.
8. M. et Mme A... contestent l'analyse ainsi retenue par l'administration et soutiennent que le bail, fût-il tacite, qui les lie à la SCI Sevran 5050 a pu valablement prévoir la prise en charge, par cette société, des dépenses dont la déduction des résultats imposables de cette société a été remise en cause.
9. Toutefois, M. et Mme A... ne justifient par aucune pièce du bail dont ils font état, ni même d'un accord avec la SCI Sevran 5050 en ce qui concerne la prise en charge de ces dépenses, qui, dès lors qu'elles se rapportent à des consommations et frais d'abonnement d'électricité et d'eau, ainsi qu'à des opérations d'entretien courant de la piscine, ce dont l'administration s'est assurée, comme le confirme le ministre, et ce qui n'est pas contesté, sont de celles qui incombent, par nature, au locataire ou que le propriétaire, s'il les a exposées, est fondé à récupérer auprès du locataire en application de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, et de l'article 1er du décret n°87-713 du 26 août 1987, pris pour l'application de cette dernière loi. Enfin, la circonstance que la déduction des résultats imposables de la SCI Sevran 5050 d'autres dépenses exposées, au cours des années d'imposition en litige, en ce qui concerne la propriété en cause, telles que le remplacement d'une chaudière ou de l'un des composants d'un déshumidificateur équipant la piscine, lesquelles interventions excèdent l'entretien courant, a été admise demeure sans incidence sur le bien-fondé de l'analyse de l'administration.
10. Dans ces conditions, l'administration a pu à juste titre regarder les sommes correspondantes comme ayant la nature, pour M. et Mme A..., bénéficiaires de ces dépenses, d'avantages occultes et les imposer à bon droit au sein de leur foyer fiscal sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.
Sur les frais de procédure :
12. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que M. et Mme A... présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : S. Cardot
La greffière,
E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Sophie Cardot
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N°23DA02154