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17/10/2024 | FRANCE | N°23DA00667

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 17 octobre 2024, 23DA00667


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... F... et Mme B... D... E... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2006624 du 10

février 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... et Mme B... D... E... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2006624 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2023 et un mémoire, enregistré le 18 septembre 2024, M. A... F... et Mme B... D... E..., représentés par Me Brigitte de Foucher, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il omet d'apporter une réponse suffisante à leurs moyens tirés, d'une part, de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification qui leur a été adressée le 20 décembre 2018, et, d'autre part, du caractère injustifié de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré ;

- la proposition de rectification n'a pas fourni la base de calcul des rehaussements année par année de sorte qu'elle est insuffisamment motivée et méconnaît ainsi l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- la doctrine administrative publiée au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-IOR-10-40, qui prévoit en son paragraphe n° 40 que l'administration indique de façon claire la nature, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, conforte cette analyse ;

- les remboursements des frais de déplacement entre le domicile de M. F..., situé à Valenciennes où il exerce une activité professionnelle pour la société-mère Tem Holding, et le lieu du siège de la société TEM industrie ont été engagés dans l'intérêt de cette société dès lors que le cabinet d'expert-comptable et le cabinet d'avocat de cette société se situent à Valenciennes, qui est par ailleurs un lieu stratégique pour cibler de nouvelles cibles industrielles afin d'assurer le développement de ses sociétés, et que le montant de ces frais est équivalent à celui du loyer du logement qu'il a occupé à Moreuil lors de la reprise de la société en 2013 et qui avait été pris en charge par la société TEM industrie ;

- compte tenu de ces mêmes éléments, il n'est pas démontré l'absence de contrepartie pour la société TEM industrie, de sorte que l'article 111 c du code général des impôts n'est pas applicable ;

- les remboursements de frais réels perçus par les gérants majoritaires sont exonérés d'impôt sur le revenu dès lors qu'ils sont destinés à couvrir des frais inhérents à la fonction et à l'emploi et sont utilisés conformément à leur objet en application du 1° de l'article 81 du code général des impôts et de la doctrine administrative publiée au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RSA-GER-20 n° 100 du 12 septembre 2012 ;

- à titre subsidiaire, la qualification d'avantages en nature est incompatible avec la qualification de revenu occulte imposable sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, de sorte que la majoration prévue par le 2° du 7 de l'article 158 de ce code n'est pas applicable ;

- cette majoration méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées pour les rappels des années 2015 et 2016 ne sont pas justifiées, dès lors qu'elles n'ont pas été appliquées aux rappels de l'année 2017 et que l'intention délibérée de se soustraire à l'impôt n'est pas caractérisée, l'absence de déclaration des rémunérations de gérance résultant d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société TEM industrie, détenue à 100 % par la SAS TEM Holding et dont la gérance est assurée par M. A... F..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 20 décembre 2018, procédé au rehaussement des rémunérations de gérance de M. F... et a considéré que les remboursements de frais kilométriques versés par la société TEM industrie à M. F... constituaient un avantage occulte constitutif de revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts et imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. En conséquence, par des avis d'imposition des 13 décembre 2019 et 21 janvier 2020, M. F... et Mme D... E... ont été assujettis, au titre des années 2015 à 2017, à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties d'une majoration de 10 % sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts et d'une majoration de 40 % pour manquements délibérés sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts.

2. M. F... et Mme D... E... ont présenté une réclamation contre ces impositions, qui a été rejetée par une décision du 20 juillet 2020. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 10 février 2023 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement dont M. F... et Mme D... E... relèvent appel que celui-ci a apporté, en ses points 2 et 3, une réponse expresse à leur moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 20 décembre 2018, en exposant notamment que ce document indique précisément l'imposition, l'année d'imposition et les catégories d'imposition concernées, ainsi que la nature, les motifs, les fondements légaux et les montants des rectifications. Le jugement ajoute que la circonstance que les requérants n'aient pas réussi à comprendre les revenus bruts et nets imposables mentionnés dans le tableau des conséquences financières des rectifications, que le service vérificateur a joint à la proposition alors qu'il n'y était pas tenu par les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, les contribuables ayant fait l'objet d'un contrôle sur pièces, est par elle-même sans incidence sur la régularité de cette proposition. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, il ressort des termes des points 10 et 11 du même jugement que celui-ci a apporté une réponse expresse au moyen tiré de ce que la pénalité pour manquement délibéré appliquée pour les rappels des années 2015 et 2016 ne serait pas justifiée en exposant notamment que l'administration fiscale, qui se prévaut de la différence entre les sommes perçues par M. F... et celles qu'il a portées sur ses déclarations de revenus, du caractère répété et de l'importance des omissions et de ce que M. F... ne pouvait ignorer ni avoir perçu ces rémunérations, qui avaient été comptabilisées par la société TEM Industrie et qui avaient été validées par l'assemblée générale de cette société, ni leur caractère imposable, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, conformément à l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée du contribuable de se soustraire à l'impôt dû à raison des sommes imposées à l'issue du contrôle. Par suite, quand bien même le jugement n'aurait pas répondu à l'argument au demeurant inopérant de M. F... relatif à l'absence de pénalité au titre de l'année 2017, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, en vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration, lorsqu'elle met en œuvre la procédure de rectification contradictoire, adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. L'article R. 57-1 du même livre précise que la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

6. Il ressort des mentions mêmes de la proposition de rectification qui a été adressée le 20 décembre 2018 à M. F... et Mme D... E..., que celle-ci indique les années concernées par les rectifications sur lesquelles elles portent, ainsi que l'impôt en cause, de même que la nature et le montant des rectifications envisagées par l'administration. Ce même document expose en outre les motifs de droit et de fait sur lesquels les rectifications sont fondées, à savoir les dispositions de l'article 62, du c de l'article 222 et du 2° de l'article 158-7 du code général des impôts. Elle fait également référence à la proposition de rectification adressée le même jour à la société TEM industrie dont M. F... assure la gestion et en contient des extraits en annexe. Enfin, la proposition de rectification précise les conséquences financières en résultant pour les intéressés. Par suite, et alors même que la proposition de rectification ne contiendrait pas les modalités précises de calcul des redressements envisagés, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

7. En second lieu, M. F... et Mme D... E... ne sauraient utilement se prévaloir des énonciations du paragraphe n° 40 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-IOR-10-40, qui, s'agissant d'une question afférente à la régularité de la procédure d'imposition, ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

S'agissant des revenus distribués :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) ". Aux termes de l'article 39 de ce code, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. / (...) ". Aux termes de l'article 54 bis du même code : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme des revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 ; / (...) ".

9. Les frais de transport, hôtellerie et restauration exposés par une société pour les besoins des déplacements effectués par un salarié ou par un dirigeant dans l'exercice de leurs fonctions constituent en principe des charges déductibles de son bénéfice. Il en va de même des charges exposées pour le remboursement au salarié ou au dirigeant de telles dépenses, qui ont la nature de frais professionnels, lorsque celui-ci en a fait l'avance. Dans un tel cas, ces sommes ne sont pas taxables entre les mains de l'intéressé.

10. En revanche les dépenses exposées pour les besoins du déplacement du salarié ou du dirigeant depuis son domicile vers lieu où il exerce ses fonctions ont la nature d'une dépense personnelle de ce dernier. S'il est loisible à l'employeur d'en assurer la prise en charge, celle-ci, sous réserve qu'elle ne conduise pas à porter la rémunération à un niveau excessif, a la nature, pour le salarié ou le dirigeant, d'un avantage en nature taxable entre ses mains dans la catégorie des traitements et salaires ou en application de l'article 62 du code général des impôts. Symétriquement, elle constitue, sous la même réserve, une charge déductible des bénéfices de l'employeur. Ce traitement fiscal est toutefois subordonné à la condition que les avantages en nature ainsi accordés par la société à son personnel, y compris ses dirigeants soient, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts, inscrits explicitement comme tels en comptabilité. A défaut, ils constituent des avantages occultes au sens du c de l'article 111 du même code, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non déductibles des bénéfices de la société.

11. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 20 décembre 2018, que la société TEM Industrie a versé à M. F..., son gérant majoritaire, en 2015, 2016 et 2017, les sommes respectives de 17 086 euros, 19 520 euros et 21 091 euros en remboursement de ses frais de déplacements entre son domicile personnel à Valenciennes et le siège de la société TEM Industrie, situé à Moreuil, dans le département de la Somme.

12. Pour soutenir que ces frais ont une nature professionnelle, M. F... et Mme D... E... exposent que la société mère TEM holding a son siège à Valenciennes où M. F... possède un bureau pour exercer ses activités professionnelles de gérant et où se situent les cabinets d'expert-comptable et d'avocat des différentes sociétés du groupe, et ils font valoir que la ville de Valenciennes, et en particulier le siège de la société mère, constitue un lieu géographique stratégique pour le développement des mêmes sociétés.

13. Toutefois, M. F..., qui a bénéficié d'indemnités kilométriques calculées en tenant compte de son seul domicile et à raison de déplacements quotidiens, n'a fourni aucun justificatif de sa présence au siège de la société mère et il n'a démontré ni qu'il exerçait effectivement une activité professionnelle depuis son domicile à Valenciennes pour la société TEM Industrie, ni que sa présence physique au siège de la société mère, à la supposer établie, présentait un intérêt pour la société TEM Industrie.

14. Dans ces conditions, et alors même que M. F... avait, lors du rachat de la société TEM industrie en 2013, loué un logement à Moreuil dont le loyer avait été pris en charge par la société et que la reprise de cette société avait permis de faire l'économie de deux salariés, les sommes en cause présentent la nature de dépenses personnelles.

15. Or ces dépenses n'ont pas, compte tenu du fait qu'elles ont été inscrites dans le compte n° 625100 relatif aux voyages et frais de déplacements professionnels, fait l'objet d'une comptabilisation explicite des avantages en nature.

16. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a imposé ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.

17. En second lieu, aux termes de l'article 81 du code général des impôts : " " Sont affranchis de l'impôt :1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet (...) ".

18. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les sommes versées par la société TEM Industrie à M. F... en 2015, 2016 et 2017 au titre du remboursement de ses frais de déplacements entre son domicile personnel à Valenciennes et le siège de la société ne sont pas inhérentes à la fonction ou à l'emploi de M. F....

19. Dans ces conditions, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article 81 du code général des impôts ou de l'interprétation administrative de la loi fiscale mentionnée au BOI-RSA-GER-20 n° 100.

S'agissant de l'application de la majoration d'assiette prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts :

20. En premier lieu, d'une part, aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

21. D'autre part, aux termes de l'article 158 du code général des impôts : " (...) / 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / (...) / 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111 (...) ".

22. Dans le dernier état de leurs écritures, M. F... et Mme D... soutiennent que l'application de la majoration prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts aux revenus distribués au sens du c de l'article 111 du même code lui impose une charge excessive et se prévaut de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 dans l'affaire 26604/16 Waldner c/ France, qui s'est prononcée sur la conventionnalité, au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.

23. Toutefois, cette décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 s'est prononcée sur la conventionnalité d'une majoration distincte applicable aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, de bénéfices non commerciaux ou de bénéfices agricoles quand ils ne sont pas adhérents à un organisme de gestion agréé, et non sur la majoration applicable aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111 prévue au 2° du 7 du même article.

24. En tout état de cause, d'une part, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019 déclarant conformes à la Constitution la référence " c " et les mots " et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice " figurant au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, le législateur a entendu, en adoptant ces dispositions, soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes, afin de dissuader de telles opérations, et a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. La majoration en cause repose donc suffisamment sur une base raisonnable.

25. D'autre part, ainsi que l'a également rappelé le Conseil constitutionnel, l'application de cette majoration, qui porte sur des revenus de capitaux mobiliers dissimulés, non spontanément déclarés par le contribuable, ne conduit pas à une charge excessive au regard des facultés contributives des contribuables. La majoration en cause n'entraîne donc pas une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du contribuable.

26. Dans ces conditions, la méthode retenue par le législateur, pour les revenus distribués du c de l'article 111 du code général des impôts, au 2° du 7 de l'article 158 du même code n'a pas rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.

27. Le moyen tiré de ce que cette dernière disposition est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

28. En second lieu, comme il a été dit ci-dessus, les sommes de 17 086 euros, 19 520 euros et 21 091 euros correspondant aux revenus distribués par la société TEM Industrie à M. F... au titre respectivement des années 2015, 2016 et 2017 sont imposables à l'impôt sur le revenu sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.

29. Par suite, c'est à bon droit que le service vérificateur a multiplié ces sommes par 1,25 pour le calcul de l'impôt en application des dispositions précitées de l'article 158 du code général des impôts.

En ce qui concerne les pénalités :

30. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

31. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % aux cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux liées au rehaussement des rémunérations de gérance pour les années 2015 et 2016, l'administration fait valoir que le montant des rémunérations de gérance qui n'ont pas été déclarées par M. F... s'élève à la somme de 68 944 euros au titre de l'année 2015, soit quatre fois son salaire déclaré, et à la somme de 72 717 euros au titre de l'année 2016, soit cinq fois son salaire déclaré, alors que M. F..., qui dirigeait seul la société TEM industrie, ne pouvait ignorer ni avoir perçu ces rémunérations de la part de cette société, ni que ces rémunérations devaient être portées sur sa déclaration de revenus.

32. Ces éléments sont de nature à établir l'intention délibérée de M. F... et Mme D... E... d'éviter le paiement de l'impôt dû quand bien même que l'administration a décidé de ne pas appliquer une majoration de 40 % aux cotisations supplémentaires au titre de l'année 2017 compte tenu de la déclaration rectificative à l'impôt sur le revenu souscrite par les requérants le 13 octobre 2018 pendant la procédure de vérification de la société TEM industrie.

33. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a fait application, aux cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux liées au rehaussement des rémunérations de gérance pour les années 2015 et 2016, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.

34. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... et Mme D... E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... et Mme D... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., Mme B... D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S.Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N°23DA00667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00667
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DE FOUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;23da00667 ?
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