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17/10/2024 | FRANCE | N°23DA00611

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 17 octobre 2024, 23DA00611


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2103652 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif d'Amiens a, à son article 1er, déchargé M. A... C..., en droits et pénalités, des cot

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2103652 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif d'Amiens a, à son article 1er, déchargé M. A... C..., en droits et pénalités, des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 et, à son article 2, rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... C... et de remettre à sa charge les impositions, en droits et pénalités, dont le tribunal administratif a prononcé la décharge.

Il soutient que :

- le tribunal administratif s'est mépris sur la portée de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dont la rédaction applicable à l'espèce résulte du 3° du II de l'article 92 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 ;

- en tout état de cause, les insuffisances d'imposition en cause ont été révélées par une instance devant les tribunaux au sens de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure à la loi de finances rectificative pour 2012 ;

- les autres moyens soulevés par M. A... C... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au M. A... C... qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 31 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. A... C..., qui exerçait alors la profession de conseiller en gestion de patrimoine, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2010 à 2012 à la suite de de la transmission à l'administration fiscale par l'autorité judicaire, le 12 août 2020, d'indications de nature à faire présumer une fraude ou manœuvre fiscale en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales. A l'issue de ce contrôle, l'administration, faisant application du délai spécial de reprise de dix ans prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts, les sommes appréhendées par M. A... C... et provenant du compte d'une personne dont il avait été désigné comme curateur. En conséquence de ces redressements notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire, M. A... C... a été assujetti à des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010 à 2012, lesquelles ont été assorties d'intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue au I de l'article 1758 A du code général des impôts.

2. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation de l'article 1er du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a déchargé, en droits et pénalités, M. A... C... des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012.

Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

En ce qui concerne les textes applicables :

3. En vertu du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration s'exerce, pour l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.

4. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparés par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes du II de l'article 92 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 : " Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié : (...) / 3° A l'article L. 188 C, les mots : " instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance " sont remplacés par les mots : " procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure ", et aux termes du IV de ce même article 92 : " Le 3° du II s'applique aux délais de reprise venant à expiration à compter de la publication de la présente loi. L'article L. 188 C du livre des procédures fiscales demeure applicable, dans sa rédaction résultant de l'article 10 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, aux révélations intervenues avant la publication de la présente loi ".

5. La loi du 29 décembre 2015 ayant été publiée au Journal officiel de la République française le 30 décembre 2015, les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction résultant du 3° du II de son article 92, s'appliquent aux délais de reprise venant à expiration à compter de cette date. A cette date, le délai de reprise fixé à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales était expiré pour les années d'imposition 2010 et 2011. Dès lors, la version applicable de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales est, pour ces années, celle issue de la loi du 29 décembre 2012 et, pour l'année 2012, celle issue de la loi du 29 décembre 2015.

En ce qui concerne les années 2010 et 2011 :

6. Pour l'application de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012 et applicable aux années 2010 et 2011, aux omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux répressifs, seul l'engagement de poursuites, qui inclut la phase de l'instruction conduite par le juge d'instruction, doit être regardé comme ouvrant l'instance. L'ouverture d'une enquête préliminaire, en revanche, n'a pas un tel effet. Lorsque des insuffisances ou omissions d'impositions sont révélées à l'administration fiscale postérieurement à l'ouverture d'une instance, au sens de ces dispositions, le délai spécial de reprise qu'elles prévoient est applicable, alors même que les insuffisances ou omissions d'impositions sont mises en évidence par des pièces de la procédure établies au stade d'une enquête préliminaire.

7. Il résulte de l'instruction que si M. A... C... soutenait en première instance que la plainte déposée le 7 juin 2013 à son encontre faisait déjà apparaître qu'il avait appréhendé sur son compte personnel les sommes en cause prélevées sur le compte d'une personne dont il était le curateur, l'administration n'a toutefois été informée que par la réception, le 20 août 2020, d'un soit-transmis du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Compiègne daté du 12 août 2020 de l'existence d'un dossier détenu par le parquet contenant des informations de nature à laisser présumer une fraude fiscale de M. A... C... ou une manœuvre ayant eu pour objet ou résultat de frauder ou compromettre un impôt et a été autorisée, par ce courrier, à prendre copie des éléments de cette procédure.

8. Il résulte des mentions du jugement du tribunal judiciaire de Compiègne, statuant en matière correctionnelle, du 27 avril 2021, et produit pour la première fois en appel par le ministre, que les parties ont été convoquées le 22 août 2020 à l'audience de ce tribunal fixée au 24 novembre 2020. La notification de cette convocation le 22 août 2020 manifeste l'engagement de poursuites à l'encontre de M. A... C... dès avant cette date. Ainsi, à la date à laquelle l'administration a reçu le soit-transmis du procureur de la République, qui est concomitante à la notification de la convocation à l'audience du tribunal correctionnel, l'instance devant une juridiction répressive était déjà ouverte.

9. Dans ces conditions, les omissions d'impositions en cause ont été révélées à l'administration postérieurement à l'ouverture d'une instance, au sens de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 2010 et 2011.

En ce qui concerne l'année 2012 :

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, les omissions d'imposition relatives à l'année 2012 ont été révélées à l'administration par une procédure judiciaire au sens de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2015.

11. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur la circonstance que l'administration ne pouvait pas se prévaloir, pour les années 2010 à 2012, du délai de reprise spécial prévu par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales pour prononcer la décharge des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été assignées à M. A... C... au titre de ces années.

12. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... C... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif :

13. En premier lieu, les irrégularités qui peuvent entacher la décision statuant sur la réclamation du contribuable sont sans influence sur la régularité et le bien-fondé des impositions. Par suite, le moyen tiré par M. A... C... de ce que la décision de rejet de sa réclamation aurait été prise par une autorité incompétente est inopérant.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

15. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

16. Le ministère public, qui fait partie de l'autorité judiciaire, ne commet pas d'erreur de droit en se fondant sur les dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales pour communiquer à l'administration fiscale tout dossier, document ou renseignement établi ou recueilli à l'occasion d'une instance judiciaire, civile ou pénale et de nature à servir le contrôle fiscal alors même que l'article L. 82 C de ce livre prévoit également qu'à l'occasion de toute instance le ministère public peut communiquer des dossiers à l'administration.

17. La proposition de rectification du 11 décembre 2020 adressée à M. A... C... a mentionné que le service, après y avoir été autorisé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Compiègne, a obtenu, le 10 septembre 2020, dans le cadre de son droit de communication exercé auprès du ministère public sur le fondement des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, la copie des pièces de la procédure ouverte à l'encontre de l'intimé. Cette proposition de rectification a indiqué également que l'administration a utilisé, pour les besoins de la procédure fiscale, le procès-verbal de dépôt de plainte du 7 juin 2013, le procès-verbal d'investigations du 16 janvier 2016, le procès-verbal de l'audition de M. A... C... au cours de sa garde à vue des 1er et 2 juillet 2019 ainsi que les copies de relevés bancaires issues de la procédure pénale.

18. Ce faisant, l'administration a, en l'espèce, suffisamment informé M. A... C... de l'origine et la teneur des renseignements qu'elle avait recueillis dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, dont le ministère public fait partie contrairement à ce que soutient M. A... C..., pour que l'intéressé soit en mesure d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé M. A... C..., en droits et pénalités, des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2103652 du tribunal administratif d'Amiens du 26 janvier 2023 est annulé.

Article 2 : Les cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. A... C... a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 et dont le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge, sont remises à sa charge à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés.

Article 3 : Les conclusions de la demande de M. A... C... présentée devant le tribunal administratif d'Amiens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N°23DA00611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00611
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;23da00611 ?
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