Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2004645 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, et des mémoires, enregistrés le 22 février 2024, le 25 mars 2024 et le 10 avril 2024, M. A..., représenté par Me Guey Balgairies, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- n'ayant eu connaissance de la proposition de rectification du 8 janvier 2019 que le 11 février 2019, le refus de prolongation du délai pour présenter des observations qui lui a été opposé l'a privé d'une garantie, de sorte que la procédure d'imposition est irrégulière ;
- la mise en demeure n'ayant pas été notifiée à son adresse, connue de l'administration, la procédure de taxation d'office a été mise en œuvre à tort par le service au titre de l'année 2017 ; il n'a pas été en mesure de bénéficier d'une prolongation du délai pour présenter ses observations ;
- l'écriture comptable de 216 969,45 euros enregistrée en 2016 constitue la correction symétrique d'une erreur d'enregistrement au débit de ce compte au titre d'exercices antérieurs et non de charges qu'il a supportées et incombant à la SARL BP Peinture ;
- il n'est pas établi que la somme de 23 757 euros avait fait l'objet d'un enregistrement en comptabilité au débit du compte 641 500 ;
- la somme de 54 990 euros enregistrée au débit du compte 641 500 ne tient pas compte de la somme de 40 000 euros enregistrée au crédit de ce compte ; cette somme de 40 000 euros a été reprise à la suite de sa reclassification au débit du compte courant ;
- l'ensemble des écritures au débit du compte de rémunération du personnel résulte d'erreurs comptables dès lors qu'il ne disposait d'aucune rémunération au titre de son mandat de gérant et qu'il n'était pas lié par un contrat de travail à la SARL BP Peinture ;
- il n'a pas été tenu compte d'une écriture de 5 000 euros passée le 24 mars 2017 au crédit du compte de charges 641 500 traduisant l'annulation d'écritures antérieures à hauteur de ce montant ;
- la majoration de 40 % qui a été appliquée n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 25 août 2023 et le 21 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer partiel à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- par une décision du 12 septembre 2023, un dégrèvement, en droits et pénalités, a été prononcé à hauteur de 2 673 euros au titre de la cotisation d'impôt sur le revenu de l'année2017 ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Guey Balgairies, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. M. A... détient, avec son épouse, l'intégralité du capital de la SARL BP Peinture dont il est le gérant. A l'issue d'une vérification de comptabilité de cette société et d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, l'administration a estimé que la somme de 216 969,45 euros, mise par la société à la disposition de son associé, M. A..., le 1er novembre 2016, constituait des revenus de capitaux mobiliers qu'elle a imposés entre les mains de ce dernier, sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts, au titre de l'année 2016. En conséquence de ce rehaussement, effectué selon la procédure contradictoire, M. et Mme A... ont été assujettis à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contributions sociales au titre de l'année 2016, assorties de pénalités de 40 % pour manquement délibéré.
2. L'administration a également rehaussé les revenus de M. et Mme A... de 78 747 euros au titre de l'année 2017 et a imposé cette somme, par voie de taxation d'office en l'absence de déclaration, dans la catégorie des traitements et salaires. Ce redressement a donné lieu à une cotisation primitive d'impôt sur le revenu, assortie d'une pénalité de 40 % pour absence de déclaration.
3. M. A... relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions primitives et supplémentaires.
Sur l'étendue du litige :
4. Par une décision du 12 septembre 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord a prononcé, à concurrence de 2 673 euros, le dégrèvement partiel de la cotisation d'impôt sur le revenu et des pénalités établies au titre de l'année 2017 mises à la charge de M. et Mme A.... Les conclusions de la requête relatives à ces impositions et pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant des impositions établies selon la procédure contradictoire :
5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) ". L'article L. 11 du même livre dispose : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Selon l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable dispose d'un délai franc de trente jours pour faire connaître ses observations sur la proposition de rectification et que la durée de ce délai peut être portée à soixante jours à sa demande.
6. Une proposition de rectification doit, en principe, pour satisfaire aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, être notifiée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale aux fins d'y recevoir ses courriers. Cette adresse est celle connue de l'administration fiscale à la date d'envoi du pli contenant la proposition de rectification. En cas de changement de domicile, il appartient à celui-ci d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse.
7. Il résulte de l'instruction que l'administration a, par lettre recommandée avec accusé de réception, adressé à M. et Mme A... le pli contenant la proposition de rectification du 8 janvier 2019 tirant les conséquences sur leur situation fiscale du contrôle diligenté à l'égard de la société à la dernière adresse, située à Hénin-Beaumont, que ceux-ci avaient communiquée à l'administration, ce pli ayant été remis, contre signature, aux contribuables le 10 janvier 2019.
8. Si M. A... soutient qu'il avait changé de domicile à compter du 1er janvier 2017 et qu'il résidait depuis lors à Neuvireuil, il ne résulte pas de l'instruction qu'il en aurait averti l'administration à la date d'envoi de la proposition de rectification. Au demeurant, dans leur déclaration de revenus au titre de l'année 2018, M. et Mme A... n'ont pas indiqué avoir changé d'adresse en 2017. La circonstance qu'un huissier des finances publiques s'est présenté, le 13 septembre 2018, à l'adresse de l'intéressé à Neuvireuil en vue d'y effectuer une saisie de meubles, n'est pas de nature à faire regarder M. A... comme ayant entendu, dès cette date, communiquer cette adresse à l'administration fiscale aux fins d'y recevoir ses courriers. D'ailleurs, le ministre justifie que M. A... n'a demandé à recevoir les courriers émanant de l'administration à son adresse à Neuvireuil que le 7 janvier 2021.
9. En outre, si M. A... conteste être l'auteur de la signature apposée sur l'avis de réception du pli contenant la proposition de rectification, il ne soutient pas ce pli aurait été reçu par une tierce personne qui n'avait pas qualité pour recevoir les courriers qui étaient destinés à son foyer fiscal, et notamment son épouse, alors que cette " griffe ", qui figure également sur les avis de réception des plis contenant l'avis de vérification de comptabilité de la société et un courrier de demande de documents, correspond à la signature de Mme A... telle qu'elle figure sur l'acte de cession d'un fonds artisanal produit par le requérant.
10. Il suit de là que la proposition de rectification du 8 janvier 2019 ayant été régulièrement notifiée à M. et Mme A... le 10 janvier suivant, les contribuables disposaient à compter de cette date d'un délai franc de trente jours pour faire connaître leurs observations. M. A... n'a fait parvenir à l'administration que le 14 février 2019, soit au-delà du délai qui lui était ouvert, un courrier par lequel il a sollicité que le délai pour présenter ses observations soit porté à soixante jours. Il suit de là que le service a pu valablement constater, sans priver le contribuable d'une garantie, que cette demande de prorogation du délai ouvert au contribuable pour formuler ses observations avait été présentée au-delà du délai fixé par le deuxième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
S'agissant des impositions établies selon la procédure de taxation d'office :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 (...) ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre : " (...) La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ". L'article 170 du code général des impôts dispose : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille (...) ".
12. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressé le 14 septembre 2018 à M. et Mme A... une mise en demeure les invitant à déposer, dans un délai de trente jours et pour l'année 2017, la déclaration prévue au 1 de l'article 170 du code général des impôts. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, et contrairement à ce que soutient M. A..., cette mise en demeure a été régulièrement adressée à la seule adresse communiquée au service à la date de son envoi, c'est-à-dire celle de la résidence de M. et Mme A... à Hénin-Beaumont. Le ministre produit l'avis de réception du pli recommandé portant notification de cette mise en demeure, distribué le 19 septembre 2019 à l'adresse connue de M. et Mme A... et revêtu d'une signature. Si M. A... soutient ne pas être l'auteur de la signature portée sur l'avis de réception, il n'établit pas que ce pli aurait été retiré par une tierce personne qui n'avait pas qualité pour recevoir les courriers recommandés qui étaient destinés à lui-même et son épouse. Par suite, la lettre de mise en demeure de déposer une déclaration de revenus au titre de l'année 2017 doit être considérée comme ayant été régulièrement notifiée à M. et Mme A... le 19 septembre 2019. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait, en violation des dispositions rappelées au point précédent, taxé d'office les revenus de son foyer au titre de l'année 2017 sans l'avoir mis en demeure de régulariser sa situation.
13. En second lieu, M. et Mme A... ayant été régulièrement taxé d'office au titre de l'année 2017, le requérant ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui ne sont applicables qu'aux rectifications établies selon la procédure contradictoire, en faisant valoir qu'il n'a pas bénéficié d'un délai supplémentaire de trente jours pour présenter ses observations à la suite de la réception de la proposition de rectification.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant des impositions établies selon la procédure contradictoire :
14. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme des revenus distribués : a) Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ".
15. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
16. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". En vertu du 3 de l'article 158 du même code, les revenus de capitaux mobiliers, lorsqu'ils sont payables en espèces, sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d'un compte.
16. Il résulte de ces dispositions que les sommes à retenir pour l'assiette de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre d'une année déterminée, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription au crédit d'un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre.
17. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.
18. Il résulte de l'instruction que, le 1er novembre 2016, une somme de 216 969,45 euros a été inscrite, sous le libellé " PPS chèque acompte ", au crédit du compte courant d'associé ouvert à M. A... dans les livres de la SARL BP Peinture, dont il était le gérant. Le service a estimé que cette somme, comptabilisée comme un acompte fait à M. A..., avait été mise à la disposition de celui-ci dès lors que rien ne faisait obstacle à ce qu'il ait pu prélever cette somme sur son compte courant avant la fin de l'année 2016.
19. Pour établir qu'il n'a pas eu la disposition de la somme de 216 969,45 euros, M. A..., auquel incombe la charge de la preuve, fait valoir que l'écriture portée au crédit de son compte courant d'associé correspond à la correction de la comptabilisation, à la suite d'une erreur comptable, d'une somme de 240 000 euros inscrite, avec l'intitulé " encaissements clients C/C ", au débit de ce compte d'associé au cours de l'exercice clos en 2007. Il soutient qu'en contrepartie de cette écriture, le compte de client n° 411000 a été crédité de la somme de 240 000 euros, l'unique client de la SARL BP Peinture étant alors l'office public de l'habitat (OPH) Pas-de-Calais Habitat avec lequel elle avait conclu un marché de travaux et dont elle était le mandataire d'un groupement d'entreprises. M. A... expose également que la différence entre la somme de 240 000 euros et celle de 216 969,45 euros est justifiée par un litige pendant relatif à l'exécution de ce marché et opposant la SARL BP Peinture à l'EURL Kulzack Alain, dont le nom commercial est " Prestation Sol Service ", soit " PSS ", ce qui expliquerait le libellé de l'écriture litigieuse " PPS chèque acompte ".
20. Toutefois, M. A..., qui est gérant de la SARL BP Peinture et en détient, avec son épouse, l'intégralité du capital, était présumé, sauf preuve contraire qu'il n'apporte pas, connaître la situation comptable de la société. Ainsi, à supposer même que l'expert-comptable de la société aurait, par erreur, apuré la créance d'un client en débitant le compte courant d'associé de M. A... de la somme de 240 000 euros à la clôture de l'exercice 2007, l'intéressé, qui ne pouvait pas ignorer les opérations faites sur son compte courant, n'apporte aucun élément, ainsi que le relève le ministre, de nature à justifier la raison pour laquelle il n'a procédé à la régularisation invoquée qu'en 2016 et pas dès la clôture de l'exercice en cause en 2007. Au demeurant, le libellé de l'écriture litigieuse ne précise pas qu'il s'agit d'une régularisation et se porte la mention " PPS " et non " PSS ".
22. En outre, pour justifier que la somme de 240 000 euros a été portée dans le même temps, dans les écritures de la SARL BP Peinture, au crédit du compte de client de l'OPH Pas-de-Calais Habitat à la clôture de l'exercice clos en 2007, M. A... s'est borné à produire un extrait compte de client n° 411000, non nominatif, qui a été édité le 4 juillet 2020, soit postérieurement à la proposition de rectification du 8 janvier 2019 adressée à M. et Mme A....
23. Enfin, le lien entre cette somme de 240 000 euros et celle de 216 969,45 euros n'est pas rapporté par la seule production d'un mémoire de la SARL BP Peinture du 23 janvier 2018 dans lequel celle-ci conclut, devant le tribunal de commerce d'Arras, à ce que l'EURL Kulczak Alain soit condamnée à lui verser la somme de 216 969,45 euros résultant d'un trop-versé à cette société dans le cadre du règlement du marché conclu avec l'OPH Pas-de-Calais Habitat.
24. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il n'a pas pu avoir la disposition, en 2016, de la somme de 216 969,45 euros ou de ce que cette somme ne correspond pas à la mise à disposition d'un revenu.
S'agissant des impositions établies selon la procédure de taxation d'office :
25. La procédure de taxation d'office ayant été régulièrement appliquée à M. A..., il lui incombe, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition.
Quant aux traitements et salaires versés à Mme A... :
26. Si M. A... soutient, sans apporter d'élément au soutien de cette allégation, qu'il n'est pas établi que la SARL BP Peinture a versé à son épouse des traitements et salaires pour un montant de 23 757 euros au titre de l'année 2017, il résulte de l'instruction que ce montant correspond à celui porté par la société elle-même dans sa déclaration de résultats au titre de l'exercice clos en 2017. Il suit de là que l'administration était fondée à imposer cette somme comme des traitements et salaires.
Quant aux traitements et salaires versés à M. A... :
27. Aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues à l'article 239 bis AA ou à l'article 239 bis AB ; (...) Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ".
28. A la suite du dégrèvement mentionné précédemment, le service a maintenu, dans la base imposable des traitements et salaires versés par la SARL BP Peinture à M. A... au titre de l'année 2017, une somme de 47 990 euros, comptabilisée par la société entre le 1er janvier 2017 et le 31 octobre 2017 au débit du compte de rémunération du personnel n° 641500.
29. En premier lieu, si M. A... soutient que l'ensemble des écritures inscrites au débit du compte de rémunération du personnel n° 641500, intitulé " supplément familial ", résulte d'erreurs comptables dès lors qu'il n'est pas lié par un contrat de travail à la société et qu'il ne dispose d'aucune rémunération au titre de son mandat de gérant, il n'apporte aucun élément de nature à le justifier alors qu'en outre, ainsi qu'il a été dit, le requérant était présumé connaître la situation comptable de la société dont il était le gérant et associé. Au demeurant, la déclaration de résultat produite par la société au titre de l'exercice clos en 2017 fait également état de sommes versées à M. A... à titre de traitements. Dès lors, le requérant n'établit pas les erreurs comptables qu'il allègue.
30. En deuxième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie, dès lors, dans ces deux derniers cas, que le créancier de la somme est un dirigeant de la société ayant déterminé la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due et que le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société, les circonstances matérielles du retrait ou les modalités de détermination du montant exact de la somme susceptible d'être retirée.
31. Pour soutenir qu'il n'a pas eu la disposition de l'intégralité des sommes que la SARL BP Peinture a mentionnées au débit de ce compte de rémunération, M. A... fait valoir, d'une part, que la société a comptabilisé, le 31 octobre 2017, une somme de 40 000 euros au crédit du compte de rémunération du personnel n° 641500 dont la contrepartie a été inscrite en comptabilité au débit de son compte courant d'associé et, d'autre part, que ce compte de rémunération a été crédité le 24 mars 2017 d'une somme de 5 000 euros. Le requérant en déduit que la somme de 45 000 euros doit être imputée sur la somme de 47 990 euros que l'administration a réintégrée dans ses revenus au titre de l'année 2017.
32. Toutefois, M. A..., qui se borne à alléguer que la SARL BP Peinture ne lui versait pas de traitements et salaires, ce que contredit d'ailleurs la déclaration de résultats faite par la société au titre de l'exercice 2017, ne démontre pas que les sommes inscrites au crédit du compte de rémunération n° 641500 ne lui ont pas été effectivement versées à titre de paiement de traitements, émoluments et indemnités, comme le service l'a relevé dans la proposition de rectification du 8 janvier 2019. M. A..., qui est le gérant de la société et qui a déterminé d'inscrire au débit du compte de charges à payer n° 641500 la somme de 47 990 euros qui lui était due à titre de traitements et salaires, ne fait état d'aucun motif qui aurait rendu impossible le retrait de cette somme au plus tard le 31 décembre 2017, dès lors que la circonstance que ce compte de rémunération a été crédité, au cours de l'exercice clos en 2017, d'une somme totale de 45 000 euros, fût-ce pour partie en contrepartie du débit du compte courant d'associé, n'a pas eu pour effet de priver le contribuable, avant la clôture de l'exercice, de la disposition effective des sommes inscrites au débit du compte de charge.
33. En troisième lieu, en tout état de cause, si M. A... expose qu'il se rémunérait par le remboursement de son compte courant d'associé, créditeur du fait de la cession de son fonds de commerce à la SARL BP Peinture pour la somme de 400 000 euros en 2005, et que la somme de 40 000 euros débitée en 2017 correspondait non pas à des traitements et salaires imposables mais à un remboursement non imposable, la réalité du remboursement de créance non imposable ainsi allégué n'est pas établie.
34. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. A... avait disposé, à titre de traitements et salaires, de la somme de 47 990 euros portée au débit du compte de rémunération du personnel n° 641500 au cours de l'année 2017.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
35. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
36. Pour appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré au supplément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016 afférent à la somme de 216 969,45 euros inscrite sur le compte courant d'associé de M. A... auprès de la SARL BP Peinture, l'administration a indiqué que l'intéressé, qui était le gérant de cette société dont il détenait, avec son épouse, la totalité des parts sociales, ne pouvait ignorer qu'il avait eu la disposition de cette somme créditée sur son compte courant d'associé. Si M. A... soutient que la correction, en 2016, d'une erreur comptable commise en 2007, n'est pas constitutive d'une volonté de minorer l'impôt dû, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la correction de cette prétendue erreur n'est pas avérée. Dès lors, l'administration établit suffisamment la volonté délibérée M. A... d'éluder l'impôt et justifie de l'application des dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts à la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2016.
37. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que, sous réserve du dégrèvement prononcé en cours d'instance, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande s'agissant des impositions restant en litige.
38. L'Etat n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance. Par suite, les conclusions de M. A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : A concurrence de 2 673 euros, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge, en droit et pénalités, de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2017.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. B...La greffière,
Signé : S. Cardot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Sophie Cardot
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N°23DA00374