Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2304853 du 25 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2304913 du 25 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 29 avril 2024 sous le n° 24DA00830, Mme D..., représentée par Me Leprince, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2023 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet de la Seine-Maritime a omis de procéder à un examen de sa situation ;
- il a omis de consulter le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- la décision d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont la décision d'éloignement est entachée ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- cette décision est privée de base légale et doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision d'éloignement ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 29 avril 2024 sous le n° 24DA00831, M. B..., représenté par Me Leprince, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2023 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet de la Seine-Maritime a omis de procéder à un examen de sa situation ;
- la décision d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont la décision d'éloignement est entachée ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- cette décision est privée de base légale et doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision d'éloignement ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par deux décisions du 4 avril 2024, Mme D... et M. B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... et son compagnon, M. B..., tous deux ressortissants russes nés les 31 octobre 1969 et 1er mai 1966, déclarent être entrés en France en 2013 pour y déposer une demande de protection internationale. Leurs demandes d'asile ont été rejetées le 23 décembre 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont les décisions ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 18 juillet 2016. Mme D... et M. B... ayant sollicité le réexamen de leur situation au regard du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes par deux décisions du 8 août 2023. Constatant que le couple ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime a pris à leur encontre, le 4 décembre 2023, deux arrêtés les obligeant à quitter le territoire français sans délai à destination de leur pays d'origine, en leur interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, Mme D... et M. B... relèvent appel des jugements du 25 janvier 2024 par lesquels la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité des décisions obligeant les requérants à quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Les décisions obligeant Mme D... et M. B... à quitter le territoire français, qui font suite au rejet de leurs demandes de réexamen de leur situation au regard du droit d'asile et qui n'avaient pas à reprendre l'ensemble des éléments se rapportant à leur situation personnelle et familiale, mentionnent de façon suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont donc suffisamment motivées.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...) ". Aux termes de l'article R. 611-2 de ce code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". En application de l'article 9 de l'arrêté précité du 27 décembre 2016, l'étranger qui sollicite le bénéfice de la protection prévue au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est tenu de faire établir le certificat médical par son médecin traitant. Aux termes de l'article 10 du même arrêté, le demandeur doit communiquer sans délai ce certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse lui a été préalablement communiquée.
4. Il ressort des pièces des dossiers que, par un courrier du 7 novembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime a demandé à Mme D... de compléter une fiche d'information concernant sa situation en France, et notamment sa situation médicale. Pour soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise au terme d'une procédure irrégulière, la requérante se borne à soutenir avoir mentionné ses problèmes de santé dans un courrier adressé en réponse à la préfecture. Dans le mémoire en défense déposé devant le tribunal administratif, le préfet indique n'avoir reçu qu'un document médical mentionnant que l'intéressée a été opérée sept ans auparavant. Dans ces conditions, il n'est pas démontré, ni même sérieusement allégué, que Mme D... aurait transmis un certificat médical établi par son médecin traitant dans les conditions prévues par les dispositions citées au point précédent. A cet égard, l'intéressée ne produit à l'instance, outre des documents médicaux anciens antérieurs à 2022, qu'une attestation établie par le centre hospitalier de Dieppe le 16 décembre 2023, postérieurement à la décision contestée. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime l'a obligée à quitter le territoire français sans consulter préalablement le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... et M. B... sont entrés sur le territoire français en 2013 et s'y sont maintenus en dépit du rejet de leurs demandes d'asile en 2015 et 2016. Ils ont fait l'objet de deux mesures d'éloignement le 3 octobre 2016 et le 22 octobre 2020, auxquelles ils n'ont pas déféré, et M. B... a encore été destinataire d'une décision du 26 octobre 2021 lui interdisant le retour sur le territoire français et l'assignant à résidence. Mme D... et M. B..., hébergés par leur fils, n'établissent pas, par les pièces versées à l'instance, la réalité de leur insertion professionnelle à la date des arrêtés contestés. Si leur fils, étudiant en France, et leur fille, conjointe d'un ressortissant français, sont titulaires d'un titre de séjour, il n'est pas établi que Mme D... et M. B..., tous deux en situation irrégulière, seraient dépourvus de toute attache en Russie, où ils ont vécu jusqu'à l'âge, respectivement, de quarante-quatre ans et quarante-sept ans. Les requérants n'établissent ni que les soins que requiert leur état de santé ne pourraient être effectivement pris en charge en Russie ni qu'un défaut de prise en charge aurait pour l'un d'eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, eu égard aux conditions du séjour en France de Mme D... et M. B..., et en dépit de l'ancienneté de ce séjour et de la présence en France de leurs deux enfants, tous deux majeurs, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à leur droit de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par une mesure d'éloignement. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Pour les mêmes raisons, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en les obligeant à quitter le territoire français.
6. En dernier lieu, il n'est pas établi que le préfet de la Seine-Maritime a omis de procéder à un examen de la situation de Mme D... et M. B... avant de les obliger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit sur ce point doit être écarté.
Sur la légalité des décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, les décisions contestées, qui visent les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent qu'un délai de départ volontaire est refusé à Mme D... et M. B... dès lors qu'ils se sont soustraits aux précédentes mesures d'éloignement prises à leur encontre. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de ces décisions ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, Mme D... et M. B... soutiennent que les décisions refusant de leur accorder un délai de départ sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en reprenant sur ce point les arguments exposés au soutien de leur contestation des mesures d'éloignement. Il y a lieu d'écarter leur moyen pour les mêmes motifs que ceux qui sont rappelés plus haut.
9. En dernier lieu, il n'est pas établi que le préfet de la Seine-Maritime a omis de procéder à un examen de la situation de Mme D... et M. B... avant de refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit sur ce point doit être écarté.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, les arrêtés contestés, qui visent l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent que Mme D... et M. B... sont ressortissants russes et précisent qu'ils seront reconduits à destination du pays dont ils ont la nationalité en cas d'exécution d'office des mesures d'éloignement. Ces arrêtés rappellent également les conditions dans lesquelles ils sont entrés et ont séjourné sur le territoire français, ainsi que les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant leurs demandes d'asile. Il ne ressort pas des pièces des dossiers et il n'est pas allégué que, invités par le préfet de la Seine-Maritime à présenter leurs observations par un courrier du 7 novembre 2023, les requérants auraient exprimé des craintes pour leur sécurité en cas de retour dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, alors que le préfet n'avait pas à préciser les raisons l'ayant conduit à estimer qu'un tel retour ne présentait pas de risque pour les intéressés, ses décisions fixant le pays de destination ne sont entachées d'aucune insuffisance de motivation.
11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que Mme D... et M. B... n'établissent pas que les décisions les obligeant à quitter le territoire français seraient illégales. Ils ne sont donc pas fondés à se prévaloir de la prétendue illégalité de ces décisions pour soutenir que, par voie d'exception, les décisions fixant le pays de destination seraient elles-mêmes illégales.
12. En troisième lieu, Mme D... et M. B... n'apportent à l'instance aucun élément laissant supposer qu'un défaut de soins aurait pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou qu'ils ne pourraient accéder en Russie aux soins que requiert leur état de santé. Le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions, citées plus haut, du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut en tout état de cause qu'être écarté.
13. En dernier lieu, Mme D... et M. B..., qui font état de l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe depuis février 2022, soutiennent qu'ils encourent des risques pour leur sécurité en cas de retour en Russie. Toutefois, il n'est pas établi que les origines ukrainiennes de la mère de M. B... les exposeraient à un tel risque. En outre, les éléments généraux auxquels ils se réfèrent sur la situation politique générale en Russie, où toute opposition à la guerre est réprimée, ne sont pas de nature à conforter les craintes alléguées alors que leurs demandes de réexamen au titre de l'asile ont été rejetées en dernier lieu le 8 août 2023. La photographie, produite à l'instance, sur laquelle ils appellent à l'arrêt de la guerre et de toute aide financière de la France " pour la guerre ", ne démontre pas plus le risque de poursuites pour avoir participé à des manifestations hostiles au gouvernement russe, en cas d'éloignement vers leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité des décisions d'interdiction de retour sur le territoire français :
14. En premier lieu, les décisions contestées, qui n'avaient pas à rappeler l'intensité des liens familiaux entretenus sur le territoire français, mentionnent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont suffisamment motivées.
15. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions les obligeant à quitter le territoire français sont illégales et doivent être annulées. Par suite, ils ne sont pas plus fondés à soutenir que les décisions leur interdisant le retour sur le territoire français doivent être annulées en conséquence de l'annulation des mesures d'éloignement.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
17. Si les requérants résident en France depuis dix ans à la date des décisions contestées, ils se maintiennent sur le territoire français en dépit du rejet de leurs demandes d'asile, de deux mesures d'éloignement prises à leur encontre en 2016 et 2020 et d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en 2021 à l'encontre de M. B.... Ce dernier et sa compagne ne justifient pas d'une insertion sociale et particulière sur le territoire français. Dans ces conditions, alors même que les deux enfants majeurs du couple résident en France en situation régulière, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions précitées en interdisant le retour sur le territoire français à Mme D... et M. B... pendant une durée d'un an.
18. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui sont indiqués au point 5, les décisions par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a interdit à Mme D... et M. B... le retour en France pendant la durée d'un an ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie privée et familiale, eu égard aux buts poursuivis par une telle mesure d'interdiction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
19. En dernier lieu, il n'est pas établi que le préfet de la Seine-Maritime a omis de procéder à un examen de la situation de Mme D... et M. B... avant de leur interdire le retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit sur ce point doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions présentées à fin d'injonction et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme D... et M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Leprince.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
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N°s 24DA00830, 24DA00831