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16/10/2024 | FRANCE | N°23DA01653

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 16 octobre 2024, 23DA01653


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 janvier 2021 par laquelle le proviseur du lycée Edouard Branly de Boulogne-sur-Mer a mis fin à son contrat de travail à compter du 31 janvier 2021.



Par un jugement n° 2108231 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée

le 18 août 2023, Mme A..., représentée par Me Robiquet, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 janvier 2021 par laquelle le proviseur du lycée Edouard Branly de Boulogne-sur-Mer a mis fin à son contrat de travail à compter du 31 janvier 2021.

Par un jugement n° 2108231 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 août 2023, Mme A..., représentée par Me Robiquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2021 par laquelle le proviseur du lycée Edouard Branly de Boulogne-sur-Mer l'a licenciée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- son licenciement étant intervenu deux jours après la fin de la période d'essai, la décision le prononçant doit être motivée, en application des dispositions de l'article 45-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ;

- à supposer, subsidiairement, que son licenciement ait été prononcé le 14 janvier 2021, il est intervenu au cours de la période d'essai, auquel cas la décision doit également être motivée conformément à l'article 9 de ce décret ;

- son licenciement ne pouvait être prononcé, sans mise en œuvre de la garantie que constitue l'information relative au droit de consulter son dossier, conformément aux dispositions de l'article 45-2 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- si elle a bénéficié d'un entretien préalablement à son licenciement, celui-ci n'a pas été organisé conformément aux dispositions de l'article 47 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, en l'absence de courrier indiquant l'objet de la convocation et l'informant de son droit d'être accompagnée par une personne de son choix et d'accéder à son dossier individuel ; à supposer que le licenciement soit intervenu au cours ou au terme de la période d'essai, la perspective de ce licenciement n'a pas été évoquée au cours de l'entretien ;

- son licenciement a été décidé sans recueillir l'avis de la commission consultative paritaire, en méconnaissance de l'article 47-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où son insuffisance professionnelle n'est pas établie.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 avril 2024 et le 11 juin 2024, le lycée Edouard Branly, représenté par Me Penel, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de légalité externe soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;

- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision de licenciement, soulevé pour la première fois en appel, est irrecevable dès lors qu'il repose sur une cause juridique distincte ; en tout état de cause, ce moyen doit être écarté compte tenu du constat des difficultés professionnelles rencontrées par Mme A... au cours de sa période d'essai.

Par une ordonnance du 11 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 juillet 2024 à 12 heures.

Par une décision du 20 juin 2023, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été recrutée le 18 octobre 2020 par le proviseur du lycée Edouard Branly de Boulogne-sur-Mer, responsable du " pôle inclusif d'accompagnement localisé inter-degré ", pour occuper, en qualité d'agent contractuel, les fonctions d'accompagnante d'élèves en situation de handicap au collège Darras-Riaumont de Liévin. Le contrat prévoyait un engagement de Mme A... pour une durée de trois ans mais, estimant que sa période d'essai de quatre-vingt-dix jours n'avait pas été concluante, par une décision du 14 janvier 2021, le proviseur du Lycée Edouard Branly a décidé d'y mettre fin à compter du 31 janvier 2021. Mme A... relève appel du jugement du 10 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le contrat ou l'engagement peut comporter une période d'essai qui permet à l'administration d'évaluer les compétences de l'agent dans son travail et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. / (...) / La période d'essai peut être renouvelée une fois pour une durée au plus égale à sa durée initiale. / La période d'essai et la possibilité de la renouveler sont expressément stipulées dans le contrat ou l'engagement. / Le licenciement en cours ou au terme de la période d'essai ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. / Aucune durée de préavis n'est requise lorsque la décision de mettre fin au contrat intervient en cours ou à l'expiration d'une période d'essai. / Le licenciement au cours d'une période d'essai doit être motivé. / Le licenciement au cours ou à l'expiration d'une période d'essai ne donne pas lieu au versement de l'indemnité prévue au titre XII ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le contrat à durée déterminée par lequel Mme A... a été recrutée pour une durée de trois ans, du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2023, prévoit, en son article 3, une période d'essai de quatre-vingt-dix jours " à compter de sa date de début ". Si la requérante soutient que cette période d'essai expire en principe le 29 janvier 2021, il ressort du compte-rendu d'entretien ayant eu lieu le 11 janvier 2021, qu'au cours de cette entrevue, il a été signifié à l'intéressée que sa période d'essai n'était pas concluante et se terminerait le 31 janvier suivant. En outre, il ressort de courriels échangés durant la période du 14 au 25 janvier 2021 entre le secrétariat du principal du collège Darras-Riaumont de Liévin et le gestionnaire des contrats du centre mutualisé du lycée Branly de Boulogne-sur-Mer, que la date du 31 janvier 2021, retenue comme échéance de la période d'essai rémunérée, a été fixée afin de tenir compte des droits à congés annuels restant dus à Mme A... avant son départ effectif du service le 22 janvier précédent. Enfin, il ressort sans ambiguïté des termes mêmes de la décision contestée du 14 janvier 2021, que le proviseur du lycée Edouard Branly a entendu licencier Mme A... dès le terme de sa période d'essai. Compte tenu de ces circonstances, et alors au surplus qu'il est peu vraisemblable que l'administration ait entendu fixer le début de la période probatoire dès le 1er novembre correspondant à un jour chômé, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que son licenciement, prenant effet à compter du 31 janvier 2021, a été décidé au-delà du terme de la période d'essai. Par suite, son licenciement étant intervenu au terme de la période d'essai, l'appelante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 45-3 du décret du 17 janvier 1986, qui ne sont applicables qu'aux procédures de licenciement menées au cours du contrat de l'agent, après l'expiration du terme de la période d'essai. En outre, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe général qu'une décision mettant fin aux fonctions d'un agent contractuel au terme de sa période d'essai serait au nombre de celles qui doivent être motivées, les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 prévoyant seulement une obligation de motivation pour les décisions de licenciement intervenant au cours d'une période d'essai. Enfin, si la décision mettant fin au contrat de Mme A... a été signée le 14 janvier puis notifiée le 19 janvier suivant, soit durant la période d'essai, cette circonstance est sans incidence sur la qualification de la rupture de son engagement dès lors que cette décision ne prenait effet qu'à compter du 31 janvier 2021, correspondant au terme de sa période probatoire. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a écarté, en toutes ses branches, le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision contestée.

4. En deuxième lieu, si les dispositions de l'article 9 du décret précité prévoient que le licenciement en cours ou au terme de la période d'essai ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable, ces dispositions ne prévoient aucun formalisme ni aucune obligation particulière à la charge de l'employeur public quant au déroulement de cet entretien préalable. Mme A..., qui ne conteste pas avoir été reçue en entretien le 11 janvier 2021 n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'entretien préalable à son licenciement ne pouvait avoir lieu sans un courrier préalable indiquant l'objet de la convocation et l'informant de son droit d'être accompagnée par une personne de son choix et de son droit d'accès à son dossier individuel. En tout état de cause, il ressort

du compte-rendu d'entretien précité que les motifs du licenciement envisagé lui ont été communiqués au cours de son entrevue avec les représentants de l'administration employeur de sorte qu'elle a ainsi été mise à même de faire valoir ses observations avant l'intervention de la décision.

5. En troisième lieu, alors même que la décision prononçant son licenciement a été prise en considération de sa personne, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû être mise en mesure de consulter son dossier s'agissant d'un licenciement en fin de période d'essai.

6. En quatrième lieu, dès lors que Mme A... a été licenciée au terme de sa période d'essai, elle ne peut utilement soutenir que l'administration était tenue de recueillir l'avis de la commission consultative paritaire sur le fondement de l'article 47-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986.

7. En dernier lieu, Mme A... soutient que la décision prononçant son licenciement ne repose sur aucun motif d'insuffisance professionnelle susceptible de justifier une telle mesure, de sorte qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, il ressort de la requête de première instance que Mme A... s'est bornée à contester la légalité externe de cette décision et soulève pour la première fois en appel le moyen de légalité interne tiré de ce que son licenciement procède d'une erreur manifeste d'appréciation. Ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, repose sur une cause juridique distincte de celle soulevée devant le tribunal. Dès lors, il y a lieu de faire droit à la fin de non-recevoir opposée en défense et d'écarter ce moyen comme irrecevable.

8. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'un premier rapport, circonstancié, a fait état des difficultés professionnelles rencontrées par Mme A... dans son rôle d'accompagnante d'élèves en situation de handicap durant les cours dispensés par les enseignants, qui a donné lieu à une première rencontre avec les responsables des deux établissements concernés le 23 novembre 2020. Selon les énonciations du compte-rendu d'entretien préalable au licenciement, il a été constaté que le manque d'accompagnement et de patience qui avait initialement été évoqué au cours du point d'étape précédent perdurait. A cet égard, il est relevé que l'intéressée a refusé catégoriquement d'être bienveillante en particulier envers l'un des élèves en situation de handicap et ses parents, avec lesquels elle se montrait très négative, voire hautaine et dédaigneuse. Outre ce comportement, il est fait état de ce que Mme A... n'est toujours pas parvenue à prendre une posture d'accompagnante d'élève en situation de handicap, persistant à faire les exercices à la place des élèves, à remettre en question les stratégies des enseignants, sans s'interroger sur les raisons de ses difficultés, qu'elle attribue à l'établissement. La persistance du manque d'empathie de Mme A... vis-à-vis d'un élève en situation de handicap et de son incapacité à respecter le périmètre de ses interventions durant les cours, qui ressortent de manière suffisante du dossier sans être sérieusement contestés par l'appelante, caractérisent son inaptitude à exercer les tâches d'accompagnante qui lui étaient confiées. Dans ces conditions, la décision de la licencier au terme de la période d'essai n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 mai 2023 attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la ministre de l'éducation nationale et à Me Camille Robiquet.

Copie en sera délivrée au proviseur du lycée Edouard Branly de Boulogne-sur-Mer.

Délibéré après l'audience publique du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 23DA01653 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01653
Date de la décision : 16/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : ROBIQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-16;23da01653 ?
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