Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile d'exploitation agricole (SCEA) de l'Ostrevant ainsi que MM. B... F..., E... F..., K... F... et Mmes J... F... et I... G... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de leur délivrer l'autorisation d'exploiter des parcelles d'une surface totale de 17 hectares 47 ares et 30 centiares sur le territoire de la commune de Hendecourt-lès-Cagnicourt.
Par un jugement n° 2000044 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, la SCEA de l'Ostrevant, M. B... F..., M. E... F..., M. K... F..., Mme J... F... et Mme I... G..., représentés par Me de Limerville, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 novembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté du 22 novembre 2019 est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation en tant que leur demande d'autorisation d'exploiter aurait dû être classée au rang n° 3 de priorité au lieu du rang n° 4 et primer sur celles M... et de M. D... ;
- pour rejeter sa demande d'autorisation d'exploiter, le préfet a fait une appréciation erronée de l'intérêt économique, environnemental et social des projets concurrents classés au même rang de priorité.
Par un mémoire, enregistré le 22 janvier 2024, l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) D... Gossart et fils et M. H... D..., représentés par Me Berthelot, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge solidaire de la SCEA de l'Ostrevant, de MM. F... et de Mmes F... et G... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2018-1173 du 19 décembre 2018
- l'arrêté du 29 juin 2016 établissant le schéma directeur régional des exploitations agricoles du Nord-Pas-de-Calais ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. Par actes notariés des 30 décembre 1994 et 5 et 10 mai 1995, il a été consenti à M. C... L..., associé M..., un bail rural à long terme portant sur des parcelles d'une superficie totale de 9 hectares 24 ares et 40 centiares situées sur le territoire de la commune de Hendecourt-lès-Cagnicourt. Par acte délivré le 5 septembre 2019, il a été donné congé au preneur du bail rural, au bénéfice de Mme J... F..., nue-propriétaire des terres et associée de la SCEA de l'Ostrevant.
2. Par acte notarié du 30 décembre 1994, il a été consenti à M. A... D..., un bail rural à long terme portant sur des parcelles d'une superficie totale de 8 hectares 22 ares et 90 centiares situées sur la même commune. Ce bail a ensuite été cédé à M. H... D..., associé de l'EARL D... Gossart et Fils. Par acte délivré le 6 septembre 2019, il a été donné congé au preneur du bail rural, au bénéfice de Mme J... F....
3. Par une demande enregistrée le 1er août 2019 la SCEA de l'Ostrevant a sollicité l'autorisation d'exploiter ces parcelles pour une superficie totale de 17 hectares 47 ares et 30 centiares. Par un arrêté du 22 novembre 2019, le préfet de la région Hauts-de-France a rejeté cette demande au motif qu'elle n'est pas prioritaire par rapport aux preneurs en place. La SCEA de l'Ostrevant et ses associés, MM. B... F..., E... F..., K... F... et Mmes J... F... et I... G..., relèvent appel du jugement du 10 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 de ce code : " I.- L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 (...) ". Aux termes, enfin, de l'article R. 331-6 du même code : " (...) II.- La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1 (...) ".
5. En premier lieu, l'arrêté du 22 novembre 2019 rappelle les dispositions du code rural et de la pêche maritime et de l'arrêté du 29 juin 2016 établissant le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) du Nord-Pas-de-Calais, alors en vigueur, précise que les biens faisant l'objet de la demande d'autorisation d'exploiter n'étant pas libres d'occupation, il y a lieu de mettre en œuvre l'ordre de priorité établi par le SDREA. L'arrêté attaqué mentionne les motifs pour lesquels le préfet a regardé la demande d'agrandissement présentée par la SCEA de l'Ostrevant comme relevant du quatrième rang de priorité et n'est pas prioritaire par rapport à la situation des preneurs en place. Ainsi, cet arrêté, qui ne devait pas nécessairement détailler les calculs opérés en vue de déterminer les surfaces par unité de main d'œuvre (UMO) des exploitations des demandeurs et preneurs en place, ni la configuration des parcelles en litige, énonce avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est ainsi suffisamment motivé.
6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 3 du SDREA du Nord-Pas-de-Calais que relèvent du troisième rang de priorité les demandes d'agrandissement d'exploitations au-delà du seuil de 60 ha par UMO après reprise des terres et dans la limite de 90 ha par UMO après reprise, et relèvent du quatrième rang de priorité les demandes d'agrandissement d'exploitations au-delà de 90 ha par UMO après reprise. Pour déterminer la surface équivalente du demandeur par UMO, ces dispositions précisent qu'il convient de prendre en compte, notamment, la surface exploitée par le demandeur après reprise et la surface équivalente calculée à partir des revenus du travail provenant des autres activités professionnelles du demandeur conformément à l'article 1 du schéma. Cet article dispose notamment que " pour la prise en compte de la pluriactivité, les revenus du travail provenant des autres activités professionnelles du demandeur sont convertis en surface selon l'équivalence un SMIC = 60 ha ".
7. Il résulte de l'annexe 4 à la demande d'autorisation d'exploiter relative à la situation des demandeurs que quatre des cinq associés de la SCEA de l'Ostrevant disposent de revenus provenant d'activités autres que l'exploitation agricole. Ainsi, MM. B... et K... F... sont directeurs de société, Mme J... F... est responsable des ressources humaines et Mme I... G... exerce une activité de gestionnaire de transports. Conformément aux dispositions précitées, l'administration a converti en surface leurs revenus et a pris en compte les avis d'imposition produit par deux des associés révélant des revenus extra-agricoles de 36 217 euros et 46 954 euros soit un total de 83 171 euros. L'administration a tenu compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) de 14 450 euros nets annuels pour l'année 2019, fixé par le décret du 19 décembre 2018 portant relèvement du salaire minimum de croissance, au cours de laquelle la demande a été présentée, et non du SMIC brut ainsi que l'affirment à tort les appelants. Les services préfectoraux ont ainsi converti les revenus extra-agricoles des associés en surface (soit 83 171 euros / 14 450 euros = 5,75577855 x 60 ha = 345,3467 ha) et ont additionné la surface exploitée par le SCEA de l'Ostrevant avant reprise, soit 125,6016 ha, la surface faisant l'objet de la demande d'agrandissement, soit 17,4730 ha et la surface équivalent des revenus agricoles, soit 345,3467 ha, pour obtenir un total de 488,6016 ha. Cette surface totale a été divisée par quatre UMO, correspondant aux quatre associés exploitants de la SCEA de l'Ostrevant, pour obtenir une surface par UMO de 122,1504 ha. Cette surface par UMO étant supérieure au seuil d'agrandissement de 90 ha par UMO fixé par l'article 3 du SDREA, le préfet de la région Hauts-de-France n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 6 du présent arrêt en estimant que la demande d'autorisation d'exploiter présentées par la SCEA de l'Ostrevant relève du quatrième rang de priorité tel que déterminé par le SDREA et non du troisième. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur d'appréciation sur ce point doit être écarté.
8. En dernier lieu, il résulte de l'article 5 du SDREA que, pour départager la situation du demandeur de l'autorisation d'exploiter et celle du preneur en place relevant d'un même rang de priorité, l'administration peut apprécier la dimension économique de l'exploitation agricole du demandeur avant l'opération ou l'un des autres critères d'intérêt économique, environnemental ou social. Parmi ces autres critères, l'administration peut prendre en compte l'intérêt de la demande dans l'aménagement parcellaire des exploitations concernées.
9. En l'espèce, après avoir regardé à bon droit la demande d'autorisation de la SCEA L'Ostrevant comme relevant du quatrième rang de priorité ainsi qu'il a été dit au point 7, le préfet du Nord a estimé que la situation de l'EARL D... Gossart et Fils et M... relevait respectivement des troisième et quatrième rangs de priorité instaurés par le SDREA. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan parcellaire produit par le préfet de la région Hauts-de-France en première instance représentant l'ensemble des parcelles exploitées par la SCEA Le Paradis ainsi que les parcelles ZD 01 et ZD 15, qui font l'objet de la demande d'autorisation d'exploiter litigieuse, que ces deux dernières sont implantées au cœur des îlots culturaux M.... Eu égard à leur localisation, la délivrance à la SCEA de l'Ostrevant de l'autorisation sollicitée est susceptible d'entraîner le démantèlement partiel de l'aménagement parcellaire du preneur en place sans que les appelants n'établissent que la SCEA L'Ostrevant exploiterait quant à elle des parcelles situées à proximité immédiate des deux parcelles en cause et dont l'exploitation pourrait être améliorée par l'adjonction de celles-ci. Au surplus, l'administration fait valoir sans être contestée que ces parcelles sont situées à plus de trente kilomètres du siège de l'exploitation de la SCEA de l'Ostrevant alors qu'elles sont proches du siège de l'exploitation M.... Ainsi en estimant, pour départager les demandes de la SCEA requérante et celle M... relevant du même rang de priorité, que la reprise des terres envisagée par les appelants détériorera plus l'aménagement parcellaire M... qu'elle n'améliorera le leur, le préfet n'a pas entaché son arrêté ni d'une erreur de droit ni d'une erreur d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la région Hauts-de-France en date du 22 novembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des appelants le paiement à l'EARL D... Gossart et Fils et à M. D... d'une somme au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCEA de l'Ostrevant et des consorts F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'EARL D... Gossart et Fils et M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole de l'Ostrevant, à M. B... F..., à M. E... F..., à Mme J... F..., à M. K... F..., à Mme I... F... épouse G..., à l'exploitation agricole à responsabilité limitée D... Gossart et fils, à M. H... D..., à la société civile d'exploitation agricole Le Paradis et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 24 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delehaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de la chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA01652