Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :
- d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel la préfète de l'Oise a décidé sa réadmission en Hongrie ;
- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2302103 du 19 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2023 et des mémoires enregistrés les 28 août 2023 et 10 avril 2024, M. B... A..., représenté par Me Victoria Ferrero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;
- il ne procède pas d'un examen attentif de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée le 5 septembre 2023 à la préfère de l'Oise qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 18 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n°99-63 du 25 janvier 1999 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Hongrie relatif à la prise en charge des personnes à la frontière, signé à Paris le 16 décembre 1996 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant sri-lankais né le 1er avril 1986 à Kaliwanchikudy (Sri-Lanka), déclare être entré en France le 26 mars 2016. La préfète de l'Oise a constaté qu'il disposait d'une carte de séjour en qualité de réfugié délivrée par les autorités hongroises. Après l'acceptation des autorités hongroises de le reprendre en charge, la préfète de l'Oise a, par une décision du 22 juin 2023, ordonné sa remise aux autorités hongroises, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement n° 2302103 du 19 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté :
S'agissant de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... :
2. Aux termes de l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. / L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. Il est mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ".
3. La décision de remise en litige vise le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ainsi que l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Hongrie relatif à la prise en charge des personnes à la frontière, signé à Paris le 16 décembre 1996, et indique que M. A..., qui dispose d'un droit au séjour en Hongrie, est légalement réadmissible dans ce pays. Elle souligne qu'il été condamné le 19 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Beauvais à une peine de trois ans d'emprisonnement pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la convention de Schengen en bande organisée, commis du 15 novembre 2019 au 22 juin 2021, et décrit également ses attaches familiales en France. Si elle évoque sa remise aux autorités " grecques ", cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait caractériser une motivation contradictoire alors que le droit au séjour de l'intéressé en Hongrie est rappelé dans ses motifs et que son dispositif prononce sa réadmission en Hongrie. Ces énonciations ont mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement un recours. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation.
S'agissant de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 19 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Beauvais à une peine de trois ans d'emprisonnement pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la convention de Schengen en bande organisée, commis du 15 novembre 2019 au 22 juin 2021. Ces infractions récentes, qui portent atteinte aux personnes, mais également aux valeurs de la société française, sont de nature à établir, par leur nature et leur gravité, que M. A... constitue une menace pour l'ordre public. Par ailleurs, il ne conteste pas ne pas avoir déféré à une mesure d'éloignement prononcée à son encontre en 2021 et n'avoir jamais cherché à régulariser sa situation depuis son arrivée alléguée sur le territoire français.
6. Si M. A... fait valoir être entré en France en mars 2016, il ne justifie de sa présence continue sur le territoire que depuis novembre 2018, date à laquelle il a signé un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) avec une entreprise de vente de produits alimentaires située à Serifontaine dans l'Oise. S'il se prévaut de sa vie maritale avec une ressortissante sri-lankaise en situation régulière, qui dispose d'un CDI dans la même entreprise que lui et avec laquelle il a eu deux enfants nés en France en 2018 et 2020, il ne saurait utilement faire état de leur mariage le 26 mars 2024 et de l'état de grossesse de sa femme, qui sont postérieurs à l'arrêté attaqué. Alors que son épouse et ses jeunes enfants ont la même nationalité que lui et qu'il ne justifie d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Hongrie, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
S'agissant de la méconnaissance de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
7. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, préalablement à l'arrêté attaqué, M. A... aurait sollicité son admission exceptionnelle au séjour en France dans la mesure où le justificatif de dépôt d'une telle demande dont il fait état porte un timbre postal datant du 5 août 2023, postérieur à l'arrêté attaqué. L'intéressé ne saurait donc exciper, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus d'admission exceptionnelle au séjour que le préfet lui aurait opposée. En tout état de cause, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, M. A... ne justifie pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir droit au séjour en France au titre de la vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ferait obstacle à sa réadmission en Hongrie. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel la préfète de l'Oise a décidé sa remise aux autorités hongroises.
Sur les frais liés au litige :
10. Partie perdante à la présente instance, M. A... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera transmise au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA01633 2