Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :
- d'annuler la décision par laquelle le maire de Marly a implicitement rejeté sa demande présentée le 14 septembre 2019 et tendant à l'abrogation de la délibération du conseil municipal du 8 octobre 2009 transférant la parcelle B 494 dans le domaine public communal ;
- d'enjoindre à la commune de Marly de remettre en état cette parcelle et de la fermer à la circulation publique ;
- de condamner la commune de Marly à lui verser les sommes de 7 820 euros et de 20 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du transfert dans le domaine public communal de la rue Gustave Courbet et de son ouverture à la circulation publique ;
- et de mettre à la charge de la commune de Marly la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1910927 du 24 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et rejeté les conclusions présentées par la commune de Marly en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2022, et des mémoires complémentaires enregistrés les 4 mai 2023 et 10 juillet 2023, Mme D... B..., représentée par Me Manon Lieuliet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal :
- d'annuler la décision par laquelle le maire de Marly a implicitement rejeté sa demande présentée le 14 septembre 2019 et tendant à l'abrogation de la délibération du conseil municipal du 8 octobre 2009 transférant la rue Gustave Courbet dans le domaine public communal ;
- de constater la restitution de la parcelle dans son patrimoine ;
- d'enjoindre à la commune de Marly de remettre en état cette parcelle et de la fermer à la circulation publique ;
- de condamner la commune de Marly à lui verser les sommes de 7 820 euros et de 20 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis du fait, d'une part, des frais d'avocat engagés, d'autre part, de la privation de son bien et des nuisances résultant de l'ouverture de la parcelle à la circulation publique ;
3°) à titre subsidiaire :
- de renvoyer à la juridiction judiciaire la question préjudicielle portant sur la propriété de la parcelle incorporée au domaine public par la délibération du conseil municipal de Marly du 8 octobre 2009 ;
- de surseoir à statuer dans l'attente de la décision judiciaire ;
4°) en tout état de cause :
- de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
- et de mettre à la charge de la commune de Marly la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité interne en ce qu'il considère, d'une part, qu'elle ne fait pas état de circonstances postérieures à l'édiction de la délibération du 8 octobre 2009 qui justifient son abrogation, d'autre part, qu'il statue sur la propriété de la parcelle B494 alors que l'impasse Gustave Courbet dont elle est propriétaire n'est pas comprise dans cette parcelle ;
- la délibération du 8 octobre 2009 viole son droit de propriété garantie par l'article 1er du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'elle est propriétaire de la partie de la rue Gustave Courbet située devant son habitation, qui a été vendue à ses parents et n'est plus la propriété de la compagnie industrielle de matériel de transport Lorraine ;
- cette délibération et tous les actes antérieurs sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation, ce qui justifie l'abrogation de la délibération ;
- la procédure d'enquête publique qui a précédé le transfert de sa parcelle dans le domaine public communal est entachée d'un vice de procédure tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article R. 141-7 du code de la voirie routière ;
- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente en méconnaissance de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, alors qu'elle a toujours manifesté son opposition à l'ouverture de la voie à la circulation publique et à la procédure d'incorporation au domaine public ;
- les caractéristiques physiques de la voie, qui est endommagée et n'admet pas le passage des voitures en double sens, ne permettent pas son ouverture au public ;
- elle subit un préjudice anormal et spécial, notamment un préjudice matériel d'un montant de 7 820 euros résultant des frais d'avocat engagés pour faire valoir ses droits contre la commune de Marly et un préjudice moral d'un montant de 20 000 euros en raison de la privation de son bien et des nuisances résultant de l'ouverture de la rue Gustave Courbet à la circulation publique.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 mars 2023 et le 27 juin 2023, la commune de Marly, représentée par Me Amandine Capitani conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme B... n'est pas la propriétaire de la parcelle B 494 ni de la rue Gustave Courbet ;
- il n'existe aucune difficulté sérieuse sur la propriété à faire trancher par le juge judiciaire ;
- la commune de Marly n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;
- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Par une lettre du 16 septembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office suivant : l'arrêt est susceptible de faire application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, pour relever une situation de compétence liée de l'administration pour refuser l'abrogation de la délibération du 8 octobre 2009 du conseil municipal de Marly transférant la parcelle B 494 dans le domaine public communal, s'agissant d'un acte non réglementaire non créateur de droits, et en l'absence de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction.
Mme D... B... a présenté ses observations sur ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 19 septembre 2024.
Mme D... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Marine Pedro, substituant Me Leuliet, représentant Mme D... B... et de Me Amandine Capitani, représentant la commune de Marly.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de la commune de Marly (59770) a, par une délibération du 22 juillet 2009, décidé d'engager la procédure prévue par les dispositions des articles L. 318-3 et R. 318-10 du code de l'urbanisme aux fins d'incorporer, d'office et sans indemnités, dans son domaine public les voies privées ouvertes à la circulation publique d'un lotissement, implantées sur une parcelle cadastrée B494 et d'autoriser son maire à ouvrir l'enquête publique préalable afférente. Par une délibération du 8 octobre 2009, le conseil municipal de Marly a décidé de transférer d'office dans le domaine public communal la rue Salvador Allende et une partie des rues Gustave Courbet et du Mur des fédérés cadastrées section B494 d'une superficie de 2 829 m2, représentant 374 mètres linéaires. Par une lettre reçue le 14 octobre 2019, Mme D... B... a demandé l'abrogation partielle de cette délibération en tant qu'elle autorise le transfert de la rue Gustave Courbet dans le domaine public communal et l'indemnisation des préjudices résultant de cette délibération. Par la présente requête, Mme B... demande à la cour d'annuler le jugement n°1910927 du 24 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a refusé d'annuler la décision du maire de Marly rejetant implicitement sa demande d'abrogation de la délibération du 8 octobre 2009 et de condamner la commune à l'indemniser des préjudices subis du fait du transfert dans le domaine public communal de la rue Gustave Courbet et de son ouverture à la circulation publique.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme B... reproche au jugement attaqué d'être entaché d'" irrégularité interne ". Elle doit être regardée comme critiquant la contradiction de motifs dont il serait affecté. Cependant, d'une part, il ressort du point 4 du jugement que le tribunal administratif de Lille a estimé que les éléments dont elle se prévalait pour justifier de sa propriété sur une partie de la rue Gustave Courbet, dont certains étaient effectivement postérieurs à la délibération du 8 octobre 2009, ne pouvaient pas être regardés comme révélant un changement dans les circonstances de fait ou de droit justifiant son abrogation. D'autre part, il ressort du point 5 du jugement que le tribunal a considéré que le transfert dans le domaine public communal opéré par la délibération du 8 octobre 2009 concernait l'intégralité de la parcelle B494 qui recouvre une partie de la rue Gustave Courbet dont Mme B... revendique, sans la démontrer, la propriété. Le tribunal a ainsi apprécié les pièces justificatives qui lui étaient soumises sans entacher son jugement d'une contradiction de motifs. En tout état de cause, la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Lille aurait entaché son jugement d'une contradiction de motifs est sans influence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du refus d'abrogation de la délibération du 8 octobre 2009 :
S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.243-2 du code des relations entre le public et l'administration :
3. Une décision intégrant un terrain au domaine public ne constitue pas une décision réglementaire et ne présente pas davantage le caractère d'une décision administrative individuelle.
4. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément (...) un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. ".
5. En premier lieu, Mme B... fait état d'éléments qui entacheraient la délibération du 8 octobre 2009 dès son édiction. Toutefois, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'enquête publique, de l'incompétence du conseil municipal et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'inadaptation de la voie à la circulation publique sont inopérants dès lors qu'ils ne reposent pas sur des circonstances nouvelles, postérieures à la délibération de classement.
6. En deuxième lieu, Mme B... se prévaut de la révélation, postérieurement à la délibération, d'éléments qui démontreraient sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée B 494.
7. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire une question préjudicielle en cas de contestation sur la propriété du bien litigieux dont l'examen soulève une difficulté sérieuse. Le caractère sérieux de la contestation s'apprécie au regard des prétentions contraires des parties et au vu de l'ensemble des pièces du dossier. Le juge doit prendre en compte tant les éléments de fait que les titres privés invoqués par les parties.
8. Il ressort des pièces du dossier que, par un acte de vente des 21 et 29 octobre 1965, M. et Mme E..., parents de Mme B..., ont acquis sur le territoire de la commune de Marly-lez-Valenciennes auprès de la compagnie industrielle de matériel de transport (CIMT) Lorraine, qui mettait en vente douze lots, le lot n°4 d'un ensemble immobilier à usage d'habitation situé rue Saint-Eloi et rue Saint-Eloi " prolongée ", formant la parcelle cadastrée n° B 494 et dénommées depuis rue Gustave Courbet. L'acte précise que la vente concerne une maison à usage d'habitation de type chalet, ayant accès directement à la rue Saint-Eloi prolongée ". Le cahier des charges des ventes de la CIMT Lorraine précise que l'acquéreur de chaque lot prendra accès à la rue Saint-Eloi prolongée, sur son propre fonds, soit directement pour sept lots, dont le lot n° 4, qui se trouvent en bordure de cette voie, soit par l'impasse publique aboutissant à la rue Saint Eloi prolongée pour les cinq autres lots. Il ne ressort pas du plan annexé à ce cahier des charges que l'assiette de la rue Saint-Eloi prolongée serait comprise dans l'assiette d'un lot et notamment dans celle du lot n° 4. Les mentions de l'acte de vente selon lesquelles les acquéreurs font leur affaire personnelle de l'emprise possible de l'opération de voirie signalée dans la lettre de dispense de lotissement de la préfecture du Nord ne concernent pas la rue Saint-Eloi prolongée mais un projet de voie Nord-Sud entre Valenciennes et Aulnoy et infèrent plutôt une servitude pesant sur les acquéreurs qu'un transfert de propriété à leur profit.
9. L'arrêté du préfet du Nord du 5 avril 1949, qui approuve le projet de lotissement de la CIMT sur un terrain situé à Marly notamment rue Saint-Eloi et indique en particulier que " le lotisseur effectuera la cession immédiate des terrains compris dans les alignements ou réservés pour les espaces libres et les voies publiques dans les conditions fixées par l'article II de la loi du 19 juillet 1924 " et qu'" aucun lot ne pourra être vendu avant l'achèvement des travaux d'aménagement et la mise en état de complète viabilité (...) des voies publiques desservant le lotissement ", n'emporte aucun transfert de propriété des voies publiques au profit des futures acquéreurs des lots construits par la CIMT. Quant à la délibération du conseil municipal de Marly du 17 novembre 1964 décidant, à la suite d'une pétition, de ne pas démolir les maisons des locataires de la cité Saint-Eloi, dont celle du père de Mme B..., et à la délibération du même conseil du 14 novembre 1971 décidant de dénommer " impasse Gustave Courbet " une voie nouvelle créée à la suite de la réalisation d'un autre ensemble immobilier, elles ne se prononcent nullement sur le statut et la propriété de la voie concernée par la délibération du 8 octobre 2009. En outre, le courrier adressé en mars 1973 par le préfet du Nord au maire de Marly, à la suite de la délibération de son conseil municipal du 23 décembre 1972 au sujet de l'acquisition du terrain d'assiette des voies privées rues Saint-Eloi et rue Saint-Eloi prolongée, s'il exprime l'avis défavorable du représentant de l'Etat au classement de la rue Saint-Eloi prolongée et de la première impasse dans la voirie communale compte tenu de leur largeur insuffisante, n'établit nullement la propriété de Mme B... sur une partie de ces rues alors qu'il fait état de l'appartenance de ces voies à la CIMT. Enfin, l'acte de vente en 1973 de la CIMT au profit de M. A... et de Mme C... pour une maison située au 26 de la rue Salvador Allende, anciennement rue Saint-Eloi, mentionne expressément que cette rue est une voie privée cadastrée sous le n° B494 appartenant à la CIMT et que la CIMT lui accorde un droit de circulation, lequel n'emporte aucun transfert de propriété de la voie à l'acquéreur.
10. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle au juge judiciaire, que les documents dont Mme B... fait état et qui sont antérieurs à la délibération du 8 octobre 2009 n'établissent pas qu'elle serait devenue propriétaire de la rue Gustave Courbet après l'édiction de la délibération. Au demeurant, alors que Mme B... n'invoque aucune circonstance exceptionnelle qui l'aurait empêchée d'en prendre connaissance avant la délibération du 8 octobre 2009, ils ne sauraient caractériser la survenance d'une circonstance nouvelle au sens de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration.
11. En troisième lieu, Mme B... se prévaut de pièces établies postérieurement à la délibération du 8 octobre 2009. Toutefois, la circonstance que le cadastre qu'elle a consulté le 8 janvier 2010 indique la propriété de la CIMT sur la rue Salvador Allende cadastrée B494 et que le géomètre lui a indiqué par une lettre du 10 mai 2016 que la parcelle B494 correspond à la rue Salvador Allende et qu'il n'est pas notifié la rue Gustave Courbet sur ses documents ne révèle pas son droit de propriété sur cette dernière.
12. Par suite, Mme B... ne démontre pas que la délibération du 8 octobre 2009 serait devenue illégale en raison de circonstances de droit ou de fait survenues postérieurement à son édiction et qui établiraient sa propriété sur une partie de la rue Gustave Courbet. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le maire de Marly, en refusant d'abroger la délibération du 8 octobre 2009, aurait méconnu les dispositions de l'article L.243-2 du code des relations entre le public et l'administration
S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.243-1 du code des relations entre le public et l'administration :
13. Aux termes de l'article L.243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6. ". Une telle décision ou le refus de prendre une telle décision n'est pas susceptible de contrôle par le juge administratif, sauf invocation d'une fraude.
14. Il ressort des écritures de Mme B... que celle-ci ne se prévaut d'aucune fraude. D'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, le moyen tiré de sa qualité de propriétaire de la parcelle supportant la rue Gustave Courbet n'est pas fondé. Il s'ensuit que les moyens tirés du défaut de notification du dossier d'enquête publique à son profit et du défaut de recueil de son accord sont inopérants. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'aussi bien à la date d'édiction de la délibération qu'à la date à laquelle la cour statue, la rue Gustave Courbet était et est ouverte à la circulation publique. Certes, il ressort de procès-verbaux de constat, réalisés le 6 mai 2005 et le 3 juillet 2009, que le revêtement de cette rue était dégradé par endroits et que la circulation à double sens ne pouvait s'effectuer qu'en empiétant sur les trottoirs. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces inconvénients auraient été d'une gravité telle, au regard notamment de l'intensité du trafic, qu'ils auraient rendu la rue impropre à la circulation publique, alors qu'il n'est fait allusion à aucun accident routier à cet endroit. En outre, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à la délibération du 8 décembre 2009, la commune a réalisé des travaux de réfection de la chaussée et des trottoirs et a limité la circulation à un seul sens sur le tronçon le plus étroit. Par conséquent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'inadaptation de la voie à la circulation publique n'est, en tout état de cause, pas fondé.
15. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le maire de Marly, en refusant d'abroger la délibération du 8 octobre 2009, aurait méconnu les dispositions de l'article L.243-1 du code des relations entre le public et l'administration.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme B... à fin d'annulation de la décision par laquelle le maire de Marly a implicitement rejeté sa demande présentée le 14 septembre 2019 et tendant à l'abrogation de la délibération du conseil municipal du 8 octobre 2009 transférant la rue Gustave Courbet dans le domaine public communal doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions à fin de constat et d'injonction :
17. D'une part, il n'appartient pas à la juridiction administrative de procéder à des constats. D'autre part, le rejet des conclusions à fin d'annulation implique le rejet corrélatif des conclusions à fin d'injonction. Il y a donc lieu de rejeter les conclusions de Mme B... tendant à ce que la cour constate la restitution de la parcelle B494 dans son patrimoine et enjoigne à la commune de Marly de la remettre en état et de la fermer à la circulation publique.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
S'agissant de la responsabilité pour faute :
18. Les illégalités commises par l'administration sont constitutives d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité et d'entraîner la réparation des préjudices qui en sont la conséquence directe.
19. Il se déduit des écritures de Mme B... que celle-ci fonde ses conclusions indemnitaires sur le préjudice résultant non seulement de l'illégalité de la décision par laquelle le maire de Marly a implicitement rejeté sa demande du 14 septembre 2019 relative à l'abrogation de la délibération du conseil municipal du 8 octobre 2009, mais également de l'illégalité de la délibération du 8 octobre 2009 elle-même.
20. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus d'abroger la délibération du 8 octobre 2009, pas plus que cette délibération, ne sont entachées d'une illégalité fautive.
S'agissant de la responsabilité sans faute :
21. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
22. Si Mme B... invoque l'existence de nuisances tenant à l'ouverture à la circulation publique de la rue Gustave Courbet, à l'augmentation du trafic, au mauvais état de la chaussée, à l'absence d'entretien de l'espace vert aménagé devant sa propriété et à son usage pour les besoins des chiens, d'une part, les nuisances résultant de l'ouverture de la rue à la circulation publique préexistaient à la décision de transfert de la voie dans le domaine public communal, d'autre part, l'intéressée n'établit pas le caractère grave et spécial des préjudices allégués, inhérents à l'existence même de la voie et à son fonctionnement et qui ne présentent donc pas le caractère de dommages permanents de travaux publics.
23. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Marly à lui verser une indemnité en réparation du maintien de la rue Gustave Courbet dans le domaine public routier communal.
24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction et d'indemnisation.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
25. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur les frais liés au litige :
26. Partie perdante à l'instance, Mme B... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme demandée par la commune de Marly sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de Mme B... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Marly présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à Me Manon Leuliet et à la commune de Marly.
Délibéré après l'audience publique du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°22DA02516 2