Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2008002 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mai 2023 et des mémoires, enregistrés le 2 octobre 2023 et le 1er mars 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. et Mme C..., représentés par Me Guey Balgairies, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge totale, en droits et pénalités, des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il n'est pas justifié de l'homologation régulière des rôles des années d'imposition 2016 et 2017 ;
- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée et est contraire à la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, en ce qu'elle instaure le droit à l'erreur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2023, et un mémoire, enregistré le 31 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Guey Balgairies, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. A la suite d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus de M. et Mme C... ayant donné lieu à une proposition de rectification du 22 janvier 2019, l'administration les a assujettis respectivement à des cotisations supplémentaire et primitive d'impôt sur le revenu ainsi qu'à des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des années 2016 et 2017, assorties de pénalités. Par une décision du 8 septembre 2020, l'administration a partiellement admis la réclamation formée par les contribuables contre ces impositions et a prononcé un dégrèvement à concurrence de 1 411 euros au titre de l'année 2016. Par un jugement du 2 mars 2023, dont M. et Mme C... relèvent appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la réduction des impositions demeurant à leur charge, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la régularité du rôle :
2. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement. Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture ". Ces rôles doivent comporter l'identification du contribuable, ainsi que le total par nature d'impôt et par année des sommes à acquitter.
3. Pour l'application de ces dispositions, l'article 376-0 bis de l'annexe II au code général des impôts précise que le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 de ce code est celui d'administrateur des finances publiques adjoint. L'article 1659 du même code dispose : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables ".
4. Il résulte de l'instruction, et, notamment des avis d'imposition versés à l'instance, que les cotisations supplémentaire et primitive d'impôt sur le revenu ainsi que les cotisations supplémentaires de contributions sociales qui ont été assignées à M. et Mme C... au titre des années 2016 et 2017 ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2019. Il résulte en outre des décisions d'homologation du rôle n° 933 d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, produit par le ministre et afférent aux années 2016 et 2017, dont sont extraits les avis d'imposition adressés à M. et Mme C..., ainsi qu'il résulte du numéro de rôle qu'ils visent, que le rôle dans lesquels sont comprises les impositions contestées a été homologué par deux décisions du 2 décembre 2019, lesquelles indiquent que la date de mise en recouvrement de l'impôt sur le revenu, d'une part, et des contributions sociales, d'autre part, a été fixée au 31 décembre 2019.
5. Si M. et Mme C... soutiennent que ces décisions d'homologation ont été signées par une personne incompétente, il résulte des pièces produites par le ministre, d'une part, que le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation de pouvoir, par un arrêté du 20 décembre 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, aux fins de rendre exécutoires les rôles d'impôts directs, aux collaborateurs du directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, à l'exclusion de ceux ayant la qualité de comptable, et d'autre part que le signataire des décisions d'homologation du rôle, qui a le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, et dont il est constant qu'il n'exerçait pas la fonction de comptable, était au nombre des agents ayant régulièrement reçu délégation pour signer les décisions en cause.
6. Les pages nos 0002 et 0003 extraites du rôle n° 933 produites par le ministre comportent, sur la première d'entre elles, l'identité des contribuables ainsi que le montant total dû en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2016 et, sur la seconde de ces pages, le montant dû au titre de l'année 2017 à raison de ces mêmes impositions. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., l'identification des contribuables n'avait pas à être de nouveau reproduite en en-tête de la page n° 0003, dans la mesure où les mentions qui y figurent constituent la suite de celles, relatives au même rôle, mentionnées sur la page précédente. Ainsi, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le rôle serait irrégulier faute de comporter les mentions requises et, en particulier, l'identification du contribuable.
Sur la pénalité pour manquement délibéré :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ;(...) ".
8. Il résulte de l'instruction que, par un protocole conclu le 28 juin 2016, M. et Mme C... ainsi que leur fille, rattachée à leur foyer fiscal, ont cédé chacun cinquante actions de la société Générale Thermique à la société Keyros, moyennant le versement, le 28 juillet 2016, d'un prix provisoire auquel devait s'ajouter un versement complémentaire " à concurrence du résultat de l'exercice réalisé au jour de la signature de l'acte de cession définitif ". Ce complément de prix a été versé aux intéressés le 6 mars 2017 pour un montant total de 61 125 euros. Or M. et Mme C... se sont abstenus de déclarer le complément de prix de cession de leurs actions au titre de l'année 2017.
9. Pour appliquer la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux impositions résultant de la taxation, selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, des compléments de prix d'un montant de 20 375 euros que M. et Mme C... ainsi que leur fille ont chacun perçus en vertu d'un acte " constatant le versement du prix complémentaire de cession " qu'ils ont signé le 6 mars 2017, l'administration a relevé que les intéressés, qui connaissaient l'importance des sommes en cause, représentant près des deux tiers des revenus du foyer, n'ont pas déclaré ce complément de prix de cession, alors qu'ils avaient déclaré, au titre de l'année 2016, les sommes qui leur avaient été versées à titre provisoire à raison de cette même cession de titres. M. et Mme C..., qui demeurent responsables de leurs déclarations, ne peuvent utilement soutenir, à le supposer même établi, que ces omissions de déclarations sont uniquement imputables à leur expert-comptable. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant établi la volonté des contribuables d'éluder une partie des impositions dont ils étaient redevables, justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré.
10. Aux termes de l'article L. 123-1 inséré dans le code des relations entre le public et l'administration par la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 100-1 de ce code : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables ". Les dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales organisent un régime spécifique de régularisation des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais.
11. Dès lors que, d'une part, les dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration ne s'appliquent, en vertu des dispositions de l'article L. 100-1 du même code, qu'en l'absence de dispositions spéciales et que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales organisent un régime spécifique de régularisation des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration pour contester la majoration mise à leur charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.
12. En tout état de cause, M. et Mme C... qui n'ont pas régularisé leur situation, et ne devaient pas être invités à le faire par l'administration, compte tenu, pour les motifs énoncés au point 9, de la mauvaise foi caractérisant le manquement sanctionné, ne sont pas fondés à invoquer le droit à l'erreur reconnu par l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration.
13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. B...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
2
N°23DA00795