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08/10/2024 | FRANCE | N°23DA00402

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 08 octobre 2024, 23DA00402


Vu la procédure suivante :



Procédure antérieure :



La société Hygrotop Assèchement a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 716,09 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction du marché public de travaux de traitements parasitaires et de reprises structurelles de la résidence de la sous-préfecture de Dieppe et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.



Par un

jugement n° 2103156 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société Hygrotop Assèchement a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 716,09 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction du marché public de travaux de traitements parasitaires et de reprises structurelles de la résidence de la sous-préfecture de Dieppe et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2103156 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société Hygrotop Assèchement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars 2023 et 6 février 2024, la société Hygrotop Assèchement, représentée par Me Gratien, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 716,09 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de la procédure de passation du lot n° 3 du marché public de travaux de traitements parasitaires et de reprises structurelles de la résidence de la sous-préfecture de Dieppe ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure méconnaît les dispositions de l'article R. 2111-7 du code de la commande publique dès lors qu'en exigeant notamment une conformité à la norme ROHS et en ne mentionnant pas l'expression " ou équivalent ", le cahier des clauses techniques particulières a imposé un procédé technique électronique et breveté pour la réalisation des travaux de traitement des remontées capillaires et l'utilisation d'appareils électroniques d'un seul fabricant sans que ces exigences ne soient justifiées par l'objet du marché ;

- son offre n'était pas irrégulière dès lors que le cahier des clauses techniques particulières prévoit la possibilité d'utiliser des procédés non agréés sur autorisation du maître d'ouvrage ;

- le procédé technique qu'elle utilise dispose de la qualification Qualibat et de toutes les garanties exigées dans les documents de la consultation ;

- la décision d'infructuosité de la première procédure de consultation à l'issue de laquelle elle aurait nécessairement emporté le marché est irrégulière en l'absence de motivation ;

- ces irrégularités sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- le prix de son offre étant plus attractif que celle de la société attributaire du marché, elle a été privée d'une chance certaine d'emporter le marché et a subi, de ce fait, un manque à gagner à hauteur de 5 343,86 euros après déduction des frais restant à sa charge, auquel s'ajoutent des frais de déplacement pour un montant de 372,23 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 12 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'offre de la société requérante ne répondait pas aux exigences techniques du cahier des clauses techniques particulières dès lors que le procédé utilisé n'était pas breveté et ne disposait pas d'un avis favorable délivré par un organisme agréé, le certificat Qualibat ne correspondant pas à un tel avis ;

- la possibilité d'obtenir une autorisation du maître d'ouvrage pour utiliser des appareils non agréés ne s'applique qu'en phase d'exécution du marché et la société requérante n'a en tout état de cause pas sollicité le bénéfice d'une telle autorisation ;

- l'exigence d'un procédé breveté permettait de garantir l'efficacité et la qualité du procédé proposé par les candidats et était justifié par l'objet du marché ;

- l'offre de la société requérante était irrégulière au motif qu'elle reposait sur un procédé utilisant un appareil géomagnétique alors que le cahier des clauses techniques particulières imposait un système électronique ;

- le recours aux appareils électroniques était justifié par l'objet du marché dès lors qu'il permet de stopper les remontées capillaires et répondait ainsi au besoin du maître d'ouvrage, et correspondait à une spécification technique concernant le procédé d'asséchement des murs qui ne contraint pas le choix des appareils dans la mesure où il existe plusieurs types d'appareils électroniques sur le marché ;

- le cahier des clauses techniques particulières n'impose aucune marque d'appareils dès lors qu'il contient l'expression " appareils de type " qui a le même sens que l'expression " ou équivalent " ;

- l'offre de la société requérante déposée dans le cadre de la première consultation était irrégulière de sorte que la société n'avait aucune chance d'emporter le marché ;

- à titre subsidiaire, la société ne démontre pas qu'elle aurait été classée en première position en l'absence d'irrégularité ;

- la société ne justifie pas ni la réalité du montant de son manque à gagner, ni celle du montant de ses frais de déplacements.

Par une ordonnance du 12 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2024 à 12 H 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Seine-Maritime a lancé, en juillet 2020, dans le cadre d'une procédure adaptée, une consultation en vue de l'attribution d'un marché portant sur des travaux de traitements parasitaires et de reprises structurelles de la résidence de la sous-préfecture de Dieppe. La procédure de passation de l'attribution du lot n° 3 relatif à l'assèchement des murs ayant été déclarée infructueuse, une seconde consultation avec une remise des offres au plus tard le 21 octobre 2020 a été lancée sans publicité ni mise en concurrence. Par une lettre du 27 novembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime a informé la société Hygrotop Assèchement du rejet de son offre pour irrégularité et de l'attribution du marché à la société ADN Humidité pour un montant de 16 909,09 euros hors taxes. Par un courrier du 18 mai 2021, la société Hygrotop Assèchement a demandé au préfet de la Seine-Maritime de l'indemniser du préjudice subi en raison de son éviction illégale.

2. Sa demande ayant été implicitement rejetée, la société Hygrotop Assèchement a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 716,09 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de la procédure de passation du lot n° 3 relatif à l'assèchement des murs. Elle relève appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Le motif du rejet de l'offre de la société Hygrotop Assèchement a été tiré de sa non-conformité au cahier des clauses techniques particulières qui imposait que le procédé mis en œuvre soit breveté et qu'il possède un avis favorable délivré par un organisme de contrôle agréé.

En ce qui concerne la légalité du cahier des clauses techniques particulières :

4. Aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".

5. En outre, selon l'article L. 2111-2 du même code : " Les travaux, fournitures ou services à réaliser dans le cadre du marché public sont définis par référence à des spécifications techniques ". Selon son article R. 2111-4 : " Les spécifications techniques définissent les caractéristiques requises des travaux, des fournitures ou des services qui font l'objet du marché (...) ". Selon son article R. 2111-7 : " Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d'un mode ou procédé de fabrication particulier ou d'une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type lorsqu'une telle mention ou référence est susceptible de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. / Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l'objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle et à la condition qu'elle soit accompagnée des termes " ou équivalent " ". Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu d'examiner si la spécification technique a ou non pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits, puis, dans l'hypothèse seulement d'une telle atteinte à la concurrence, si cette spécification est justifiée par l'objet du marché ou, si tel n'est pas le cas, si une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle.

6. Enfin, aux termes de l'article R. 2151-14 du code de la commande publique : " Dans les documents de la consultation, l'acheteur peut exiger que les soumissionnaires fournissent, comme moyen de preuve de la conformité aux spécifications techniques, aux critères d'attribution ou aux conditions d'exécution du marché, un rapport d'essai d'un organisme d'évaluation de la conformité accrédité, conformément au règlement (CE) n° 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 fixant les prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits et abrogeant le règlement (CEE) n° 339/93 du Conseil, ou un certificat délivré par un tel organisme. Lorsqu'il exige un certificat établi par un organisme d'évaluation identifié, il accepte un certificat établi par un organisme équivalent. / Lorsqu'un opérateur économique n'a pas accès aux certificats ou aux rapports d'essai mentionnés à l'alinéa précédent ni la possibilité de les obtenir dans les délais fixés par l'acheteur, ce dernier accepte d'autres moyens de preuve appropriés. ".

7. En l'espèce, le 2.2 du V du cahier des clauses techniques particulières du marché en litige d'une part imposait le recours à un procédé électronique pour le traitement des remontées capillaires et d'autre part indiquait que le procédé devait faire l'objet d'un brevet et d'un avis favorable délivré par un organisme de contrôle agréé et être conforme à la norme ROHS. Il citait par ailleurs des marques d'appareils électroniques en précisant que les appareils utilisés devaient correspondre à ce type de matériels.

8. Il ne résulte ni de cette stipulation, ni d'aucune autre pièce du dossier de consultation qu'un brevet particulier ou l'utilisation exclusive des marques d'appareils citées aient été exigés, alors par ailleurs que le préfet de la Seine-Maritime démontre que différents fabricants proposent des appareils électroniques brevetés sur le marché. Ces spécifications techniques n'ont ainsi pas eu pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits.

9. En tout état de cause et surtout, les spécifications techniques contestées étaient justifiées par l'objet du marché dès lors qu'elles permettaient de garantir l'efficacité du procédé utilisé par le candidat.

10. Dans ces conditions, le cahier des clauses techniques particulières n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 2111-7 du code de la commande publique.

En ce qui concerne le respect du cahier des clauses techniques particulières :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ".

12. En l'espèce, il est constant que le procédé proposé par la société Hygrotop Assèchement dans son offre ne faisait pas l'objet d'un brevet. Il résulte également de l'instruction que le certificat Qualibat dont se prévaut la société requérante et qui correspond à une qualification professionnelle de l'activité de l'entreprise ne constitue pas à un avis favorable délivré par un organisme de contrôle agréé au procédé technique utilisé par la société tel qu'exigé par le cahier des clauses techniques particulières.

13. En deuxième lieu, aux termes du II du cahier des clauses techniques particulières du marché en litige : " Les matériaux, produits et composants de construction doivent être conformes aux stipulations du marché et particulièrement aux prescriptions des normes françaises homologuées ou justifiées d'un avis technique favorable CSTB en cours de validité. L'utilisation des matériaux, éléments ou ensembles non agréés peut intervenir dans le cas exceptionnel et seulement si le maître d'ouvrage l'a autorisé. Le maître d'ouvrage se réserve le droit d'imposer les matériaux ou appareils prévus au cas où le produit " similaire " ne serait pas jugé satisfaisant ".

14. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte des termes mêmes de la stipulation précitée qu'elle s'applique au titulaire du contrat lors de son exécution et qu'elle n'a donc ni pour objet ni pour effet de permettre aux candidats de déroger, avec l'autorisation du maître d'ouvrage, aux exigences fixées par le cahier des clauses techniques particulières pour la présentation de leur offre.

15. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement écarter l'offre de la société Hygrotop Assèchement comme irrégulière.

16. Par suite, cette irrégularité de l'offre, qui est la cause directe de l'éviction de la société, fait obstacle à ce que soit caractérisé un lien direct de causalité entre, d'une part, les autres irrégularités de la procédure de passation, à les supposer établies, que la société invoque et tirées de ce que le cahier des clauses techniques particulières du marché imposait un procédé technique électronique en méconnaissance de l'article R. 2111-7 du code de la commande publique et de ce que la décision déclarant infructueuse la première consultation était dépourvue de motivation et, d'autre part, le préjudice dont elle se prévaut tiré de ce qu'elle aurait disposé d'une chance d'obtenir le contrat.

17. Il résulte de ce qui précède que la société requérante ne peut prétendre à aucune indemnité en raison de son éviction de la procédure de passation litigieuse.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hygrotop Assèchement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Hygrotop Assèchement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hygrotop Assèchement et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N° 230DA00402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00402
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GRATIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23da00402 ?
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