Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Alliance Grenoble a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 30 novembre 2016, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015.
Par un jugement n° 2105129 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juillet 2023 et le 14 mars 2024, la SARL Alliance Grenoble représentée par la SELARL Horrie et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le montant des redevances versées par elle à la société Financière du Val-de-Reuil, la société-mère du groupe auquel elle appartient, a été remise en cause à tort par l'administration, dès lors que ces versements, qui sont d'un niveau modeste, sont la contrepartie de prestations que cette société lui a facturées, en application de la convention d'assistance qui les liait, lesquelles prestations sont nécessairement réelles et répondaient à son intérêt, ainsi que l'a d'ailleurs retenu la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- il en est de même de la remise en cause, par l'administration, de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix de prestations de services commandées dans son intérêt par la société Financière du Val-de-Reuil et que celle-ci lui a refacturées à l'euro près, ainsi qu'elle en justifie, sans réaliser de marge ; la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a d'ailleurs également émis un avis défavorable au maintien de ce chef de rectification ;
- les rehaussements appliqués par l'administration aux résultats imposables des exercices correspondants, au titre du profit réalisé sur le Trésor, ne sont, dans ces conditions, pas fondés ;
- les provisions pour dépréciation de certaines créances détenues par elle sur des clients ont fait l'objet, à tort, d'une remise en cause partielle par l'administration, alors que ces provisions étaient fondées, dans leur principe comme dans leur montant ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, elle est fondée à demander que la remise en cause de ces provisions soit compensée par la diminution de l'actif de son bilan du montant des créances correspondantes, qui ont, à tort, été comptabilisées au débit du compte 416 " clients douteux ", c'est-à-dire comme irrécouvrables ;
- eu égard à ce qui a été dit, c'est également à tort que l'administration a remis en cause la déductibilité, en tant que charges des exercices correspondants, des redevances versées à la société Financière du Val-de-Reuil ;
- il en est de même, eu égard à ce qui a été dit, des dépenses d'achat de prestations de services qui lui ont été refacturées par la société Financière du Val-de-Reuil ;
- les redevances qu'elle a versées à la société Séminaire Investissement, membre du groupe auquel elle appartient, constituaient aussi des charges des exercices correspondants, dès lors qu'elles étaient la contrepartie de prestations de service réelles ;
- la décharge des intérêts de retard qui ont été mis à sa charge doit, par voie de conséquence, être prononcée ;
- pour justifier l'application aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et suppléments d'impôt sur les sociétés en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle aurait eu l'intention d'éluder l'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'administration, qui n'est aucunement liée par l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, était fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée se rapportant aux redevances versées par la SARL Alliance Grenoble à la société Financière du Val-de-Reuil en exécution de la convention d'assistance liant ces deux sociétés, en l'absence de justification de la nature exacte, et même de la réalité, des prestations dont ces versements seraient la contrepartie et que la société Financière du Val-de-Reuil n'était d'ailleurs pas en capacité de réaliser ;
- l'administration était également fondée à remettre en cause la déduction, par la SARL Alliance Grenoble, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses afférentes à des prestations de services exposées par la société Financière du Val-de-Reuil et que cette dernière lui a refacturées, en l'absence de justification de la réalité de ces prestations, ni de leur engagement pour les besoins de l'activité taxable de la SARL Alliance Grenoble ;
- dans ces conditions, l'administration a tenu compte à bon droit, pour la définition des rectifications à apporter aux résultats imposables de la SARL Alliance Grenoble, du profit sur le Trésor réalisé par elle en raison de ces déductions de taxe inappropriées ;
- le maintien, au passif du bilan de la SARL Alliance Grenoble, de provisions pour créances douteuses a été à bon droit remis partiellement en cause, dès lors que cette société n'a pu justifier que pour partie du bien-fondé, dans leur principe comme dans leur montant, de ces provisions ; en outre et compte tenu de l'impossibilité de rapprocher avec certitude les créances ayant fait l'objet de ces provisions de celles portées en comptabilité comme irrécouvrables, la SARL Alliance Grenoble ne peut prétendre à la compensation qu'elle sollicite ;
- pour les mêmes motifs que précédemment, la déductibilité, en tant que charges des exercices vérifiés, des redevances versées à la société Financière du Val-de-Reuil et des dépenses refacturées par cette dernière à la SARL Alliance Grenoble a été remise en cause à bon droit par l'administration ;
- ce caractère de charges déductibles des exercices clos en 2015 et en 2016 des redevances versées par la SARL Alliance Grenoble à la société de droit luxembourgeois Séminaire Investissement a également été remis en cause à bon droit, sur le fondement des articles 39 et 57 du code général des impôts, en l'absence de justification de la nature, ni même de la réalité, des prestations dont ces versements seraient la contrepartie et compte tenu du lien de dépendance existant entre ces deux sociétés ;
- en retenant que la gérante de la SARL Alliance Grenoble, eu égard à ses qualités de dirigeante de la société Financière du Val-de-Reuil et de membre du conseil d'administration de la société luxembourgeoise Séminaire Investissement, ne pouvait raisonnablement ignorer que les redevances facturées par ces deux dernières sociétés, lesquelles sont d'un montant important, étaient dépourvues de contreparties pour la SARL Alliance Grenoble, l'administration a apporté la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de la majoration de 40%, prévue en cas de manquement délibéré par le a de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux chefs de rectification correspondants.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Alliance Grenoble, dont le siège est situé à Val-de-Reuil (Eure), exerce une activité d'agence de travail temporaire. Elle dispose, pour l'exercice de cette activité, d'une agence à Bourgoin-Jallieu (Isère) et d'une autre à Béthune (Pas-de-Calais). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, étendue au 30 novembre 2016 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée. Au terme de ce contrôle, la vérificatrice a estimé qu'il y avait lieu de remettre en cause la déductibilité, en tant que charges des exercices concernés, des versements, par la SARL Alliance Grenoble, de redevances à la société Financière du Val-de-Reuil, société mère du groupe auquel elle appartient et qu'il convenait également de remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente. La vérificatrice a, en outre, entendu remettre en cause la déductibilité, en tant que charges des exercices concernés, de dépenses exposées par la société Financière de Val-de-Reuil et refacturées par elle à la SARL Alliance Grenoble et estimé que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses ne pouvait davantage être admise en déduction. Par ailleurs, le maintien, dans la comptabilité de la SARL Alliance Grenoble, de provisions pour créances douteuse est apparu injustifié, de sorte que la vérificatrice a estimé devoir réintégrer les sommes correspondantes aux résultats imposables déclarés par cette société. Enfin, la vérificatrice a retenu que des redevances facturées par la société de droit luxembourgeois Séminaire Investissement à la SARL Alliance Grenoble avaient été à tort portées, par cette dernière, en déduction en tant que charges des exercices clos en 2014 et en 2015.
2. L'administration a fait connaître à la SARL Alliance Grenoble son analyse sur ces différents points par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 28 août 2017. Les observations formulées par la SARL Alliance Grenoble n'ont pas convaincu l'administration de reconsidérer son appréciation, pas davantage que l'avis partiellement défavorable au maintien des rehaussements émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de sorte que l'essentiel des rectifications a été maintenu. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant des rectifications notifiées ont été, dans ces conditions, mis en recouvrement le 31 mars 2021, à hauteur des sommes respectives, pénalités incluses, de 63 778 euros et de 127 453 euros.
3. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL Alliance Grenoble a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 30 novembre 2016, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015. La SARL Alliance Grenoble relève appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :
4. En vertu du 1. du II de l'article 271 du code général des impôts, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations taxables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe sur la valeur ajoutée dont les redevables peuvent opérer la déduction est notamment, selon le a) de ce 1, celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 du même code, et à condition que la taxe puisse légalement figurer sur ces factures. Il incombe au contribuable d'établir le bien-fondé des déductions de taxe sur la valeur ajoutée portées sur ses déclarations de chiffre d'affaires.
En ce qui concerne les redevances versées à la société Financière du Val-de-Reuil :
5. Par une convention conclue le 25 juin 2010, la société Financière du Val-de-Reuil, société mère du groupe auquel la SARL Alliance Grenoble appartient, s'est engagée à apporter à cette dernière, qui a accepté, une assistance dans des domaines limitativement énumérés à l'article 1er de cette convention, à savoir en matière de : " définition et organisation des orientations stratégiques et de politique de développement ; / politique commerciale et marketing ; / service qualité ; / politique d'investissements, de recherche et d'étude pour les opérations de croissance externe ; / gestion des grands comptes ; / gestion du personnel permanent en ressources humaines ; / gestion du paiement des intérimaires ; / gestion des clients ; / assistance juridique, fiscale et sociale. ". L'article 2 de la même convention, tel que modifié par un avenant conclu entre ces deux sociétés le 30 décembre 2011, prévoit qu'en contrepartie des services rendus par la société Financière du Val-de-Reuil, celle-ci facturera à la SARL Alliance Grenoble, selon une fréquence mensuelle, une redevance " égale à 1% du chiffre d'affaires HT réalisé par la Société Bénéficiaire " et majorée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur.
6. Pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les versements effectués, durant la période vérifiée, par la SARL Alliance Grenoble à la société Financière du Val-de-Reuil, l'administration a estimé que les seules explications données à la vérificatrice quant à l'objet de ces versements ne pouvaient suffire, alors qu'aucune facture n'avait été produite au cours du contrôle, à justifier de la nature exacte, ni d'ailleurs de la réalité, des prestations dont les versements en cause seraient la contrepartie, la seule existence de la convention mentionnée au point précédent étant insuffisante à cet égard.
7. Quand bien même elle n'aurait disposé, au cours de la période d'imposition en litige, d'aucun salarié à même d'éclairer sa gérante dans les domaines visés par la convention d'assistance conclue le 25 juin 2010 avec la société Financière du Val-de-Reuil, domaines qui couvrent un champ particulièrement vaste, la SARL Alliance Grenoble, qui ne conteste pas avoir eu directement recours à des prestataires extérieurs compétents dans ces domaines et qui n'a d'ailleurs produit aucune des factures mensuelles en cause, ni aucun élément de nature à justifier de la nature exacte des prestations dont elle aurait bénéficié de la part de la société Financière du Val-de-Reuil, ne rapporte pas, par ses seules allégations, selon lesquelles les prestations prévues par la convention ont, dans ces conditions, nécessairement été réalisées par cette société, la preuve, qui lui incombe, ainsi qu'il a été dit au point 4, de ce que les redevances, dont le montant est d'ailleurs forfaitaire, qu'elle a versées, durant la période d'imposition en litige, à la société Financière du Val-de-Reuil, société mère du groupe auquel elle appartient, qui détenait 94 % de ses actifs et avec laquelle elle possédait une communauté d'intérêts notamment pour avoir la même dirigeante, étaient la contrepartie de prestations effectivement réalisées, pour les besoins de son activité taxable, par cette société. D'ailleurs, la société appelante n'établit pas davantage que la société Financière du Val-de-Reuil, qui n'employait pas, au cours de la période vérifiée, de personnel justifiant des compétences lui permettant d'assurer ces missions, aurait effectué, pour le compte de la SARL Alliance Grenoble, des prestations visées par la convention mentionnée au point 5. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces versements de redevances, peu important le caractère modeste de leur montant. La SARL Alliance Grenoble ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir de l'avis, partiellement défavorable au maintien des rectifications contestées, émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui, en tout état de cause, ne s'imposait pas à l'administration.
En ce qui concerne les prestations refacturées par la société Financière du Val-de-Reuil :
8. Au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Alliance Grenoble, la vérificatrice a constaté que, indépendamment des factures mensuelles mentionnées aux points précédents, la société Financière du Val-de-Reuil avait adressé, durant la période vérifiée, plusieurs autres factures à la SARL Alliance Grenoble, qui avaient, en réalité, pour objet de lui refacturer des prestations de services facturées à la société Financière du Val-de-Reuil par des prestataires extérieurs. Pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures ainsi établies par la société Financière du Val-de-Reuil, l'administration a estimé que les mentions portées sur ces factures et sur les copies des factures de prestataires qui y étaient jointes n'étaient pas de nature à établir que les prestations en cause, dont la plupart faisaient d'ailleurs double emploi avec celles dont la réalisation avait été directement confiée à des prestataires extérieurs par la SARL Alliance Grenoble, avaient été commandées et réalisées pour les besoins de l'activité taxable de cette dernière.
9. En soutenant que les dépenses en cause lui ont été refacturées à l'euro près par la société Financière du Val-de-Reuil et en faisant référence aux mentions des factures adressées à cette dernière par les prestataires, qui désignent l'agence de Bourgoin-Jallieu et qui se rapportent à des prestations en matière informatique et d'accès à l'internet, de location de copieurs, de copies et de fournitures administratives ou encore d'acheminement de courriers, la SARL Alliance Grenoble n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, comme il a été dit au point 4, de ce que les prestations en cause ont été réalisées pour les besoins de son activité taxable, alors qu'elle ne conteste pas que, comme l'a relevé la vérificatrice dans la proposition de rectification qui lui a été adressée, d'une part, le matériel informatique ainsi que les logiciels utilisés dans le cadre de son activité ne lui appartiennent pas, ni d'ailleurs à la société Financière du Val-de-Reuil, mais sont mis à sa disposition, moyennant le versement d'une redevance, par une autre société du groupe auquel elle appartient, la société Groupement Initiative Economique, d'autre part, la majeure partie des prestations ainsi refacturées par la société Financière du Val-de-Reuil a fait parallèlement l'objet de commandes auprès de prestataires extérieurs par cette autre société du groupe et de refacturations à la SARL Alliance Grenoble, telles celles afférentes à la location de copieurs, à des abonnements téléphoniques ainsi qu'à des accès à l'internet, et à l'acheminement de courriers. Enfin, la société appelante n'établit pas davantage, ainsi qu'il a été dit, que la société Financière du Val-de-Reuil, qui n'employait pas, au cours de la période vérifiée, de personnel justifiant des compétences lui permettant d'assurer ces missions, aurait effectué, pour le compte de la SARL Alliance Grenoble, le paiement des salaires des intérimaires et la souscription des déclarations y afférentes, de sorte que l'administration était fondée à mettre en doute la réalité même des prestations de services bancaires refacturées à ce titre. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces refacturations. La SARL Alliance Grenoble ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir de l'avis, partiellement défavorable au maintien des rectifications contestées, émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui, en tout état de cause, ne s'imposait pas à l'administration.
Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur les sociétés en litige :
En ce qui concerne le profit sur le Trésor :
10. Eu égard à ce qui a été dit aux points précédents en ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, l'administration était fondée à tenir compte, pour déterminer les rectifications à apporter aux bénéfices imposables des exercices correspondants, du profit sur le Trésor réalisé par la SARL Alliance Grenoble en conséquence des déductions de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a opérées à tort.
En ce qui concerne la remise en cause de la déduction, en tant que charges, des redevances versées à la société Financière du Val-de-Reuil et des dépenses refacturées par celle-ci :
11. En vertu du 1° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, qui comprennent notamment les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, ainsi que le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application de ces dispositions du 1° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
12. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la SARL Alliance Grenoble ne peut être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les redevances qu'elle a versées, au cours de la période vérifiée, à la société Financière du Val-de-Reuil avaient pour contrepartie des prestations de service identifiables et répondant à un intérêt pour son exploitation. Dès lors, l'administration était fondée à remettre en cause la déductibilité, en tant que charges des exercices concernés, de ces redevances. La SARL Alliance Grenoble ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir de l'avis, partiellement défavorable au maintien des rectifications contestées, émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui, en tout état de cause, ne s'imposait pas à l'administration.
13. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la SARL Alliance Grenoble ne peut être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les dépenses qui lui ont été refacturées, au cours de la période vérifiée, par la société Financière du Val-de-Reuil correspondaient à des prestations de service répondant à un intérêt pour son exploitation. Dès lors, l'administration était fondée à remettre en cause la déductibilité, en tant que charges des exercices concernés, de ces dépenses. La SARL Alliance Grenoble ne peut davantage que précédemment se prévaloir utilement, à cet égard, de l'avis, partiellement défavorable au maintien des rectifications contestées, émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui, en tout état de cause, ne s'imposait pas à l'administration.
En ce qui concerne la remise en cause de la déduction, en tant que charges, des redevances versées à la société Séminaire investissement :
14. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. / (...) ". Ces dispositions, rendues applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices, qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France qu'à charge, pour celle-ci, d'apporter la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation.
15. A l'issue de la vérification de comptabilité dont la SARL Alliance Grenoble a fait l'objet, l'administration a remis en cause, en se fondant notamment sur les dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts et sur celles du 1 de l'article 39 du même code, la déductibilité, en tant que charges des exercices clos en 2014 et en 2015, de redevances versées par cette société, à hauteur des montants respectifs de 36 437 euros et 57 600 euros, à la société de droit luxembourgeois Séminaire Investissement, qui est une autre entité du groupe auquel elle appartient. L'administration a constaté que la convention d'assistance en matière de suivi des personnels commerciaux, produite, au cours du contrôle, par la SARL Alliance Grenoble pour justifier ces versements, n'était pas revêtue de la signature du représentant légal de la société Séminaire Investissement, et a estimé que le tableau récapitulatif établi par la société vérifiée, également fourni à la vérificatrice, n'était pas de nature, même rapproché d'une attestation émise par la société Séminaire Investissement, à justifier, en l'absence de tout autre élément, de la réalité des prestations qui auraient été réalisées par cette dernière, de sorte que la déduction par la SARL Alliance Grenoble, en tant que charges des exercices clos en 2014 et en 2015, des redevances versées par elle à la société Séminaire Investissement n'était pas justifiée au regard des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts. En outre, l'administration a relevé que la SARL Alliance Grenoble était en situation de dépendance par rapport à cette société luxembourgeoise, dont le dirigeant était le père de la gérante de la SARL Alliance Grenoble et détenait 99 % des actifs de la société Financière du Val de Reuil, société mère du groupe, de sorte que la SARL Alliance Grenoble devait, en l'absence de justification d'une contrepartie identifiable au versement de ces redevances à la société de droit luxembourgeois Séminaire Investissement, être présumée s'être livrée à des transferts indirects de bénéfices. Par ces éléments, dont la matérialité n'est pas contestée, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un lien de dépendance de la SARL Alliance Grenoble à l'égard de la société luxembourgeoise Séminaire Investissement et d'une pratique entrant dans le champ des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts.
16. Pour combattre cette analyse, en particulier la présomption de transfert indirect de bénéfices, invoquée en conséquence par l'administration, la SARL Alliance Grenoble ne produit aucun autre élément que ceux qu'elle a fournis au cours du contrôle, auxquels elle se réfère, à savoir un état récapitulatif de prestations dressé par elle, ainsi qu'une attestation de la société Séminaire Investissement, selon laquelle les prestations en cause ont été réalisées par son dirigeant, lesquels documents, qui ne sont appuyés par aucun élément probant afférent aux conditions concrètes de réalisation des prestations mentionnées sur l'état récapitulatif, ne peuvent suffire à justifier de la réalité même de ces prestations. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction par la SARL Alliance Grenoble, en tant que charges des exercices clos en 2014 et en 2015, des redevances ainsi versées à la société Séminaire Investissement, au motif qu'elles n'étaient pas déductibles sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Dès lors que ce motif suffisait à remettre en cause la déductibilité de ces dépenses, il n'est pas nécessaire d'examiner si les conditions prévues par l'article 57 de ce code, sur le fondement desquelles l'administration a également entendu se placer, étaient satisfaites.
En ce qui concerne la provision pour créances douteuses :
17. En vertu du 2 de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. Le même article ajoute que l'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. En outre, en vertu du 5° du 1. de l'article 39 de ce code, le bénéfice net est établi, notamment, sous déduction des provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice.
18. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL Alliance Grenoble a fait l'objet, la vérificatrice a constaté que cette société avait maintenu inscrit dans sa comptabilité, dans le bilan d'ouverture de son exercice clos en 2014, un passif d'un montant de 64 864,67 euros correspondant à une provision pour créances douteuse concernant plusieurs clients de la société. Cette dernière n'a cependant pu justifier à la vérificatrice ce passif qu'à concurrence d'une somme de 8 455,76 euros, de sorte que l'administration a regardé la différence, soit la somme de 56 408,91 euros, comme correspondant à un passif injustifié devant être réintégré au résultat de l'exercice en cause, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts.
19. En faisant seulement état de ce qu'une partie des créances ayant justifié la provision en cause a donné lieu à une indemnisation par un assureur, dans le cadre de l'exécution d'un contrat d'assurance-crédit, la SARL Alliance Grenoble, qui n'a fourni, devant le juge de l'impôt, aucune justification ni précision supplémentaires par rapport à celles produites au cours du contrôle, ne rapporte la preuve, qui lui incombe, ni de ce que le risque de non recouvrement de tout ou partie des créances ayant fait l'objet, à concurrence de la somme de 56 408,91 euros, de cette provision présentait, à tout le moins à la clôture de l'exercice comptable 2014, un caractère suffisant de probabilité pour justifier le maintien de ce passif, ni, au demeurant, de ce que ces créances étaient irrécouvrables et pouvaient en conséquence donner lieu à la constatation d'une perte. Par suite, l'administration était fondée à regarder, à concurrence de cette somme de 56 408,91 euros, cette provision comme non justifiée, dans son principe comme dans son montant et à la réintégrer, dans cette mesure, au résultat imposable de la SARL Alliance Grenoble.
En ce qui concerne la demande de compensation :
20. En vertu de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 du même livre, c'est-à-dire, dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition.
21. En application de ces dispositions, le contribuable peut solliciter le dégrèvement total ou partiel d'une imposition consécutive à une rectification reconnue justifiée lorsque la rectification fait apparaître une surtaxe ou une double imposition. Il incombe au contribuable qui invoque l'existence d'une surtaxe ou d'une double imposition d'en rapporter la preuve.
22. La SARL Alliance Grenoble demande à la cour, puisque les créances concernées par la provision ci-dessus étaient selon elle en réalité irrécouvrables, une compensation entre, d'une part, la somme de 56 408,91 euros réintégrée, à ce titre, par l'administration à son résultat imposable de l'exercice clos en 2014 et, d'autre part, la somme de 45 896,97 euros correspondant à la part des créances sur des clients qu'elle indique avoir, à tort, également inscrite au débit du compte 416 " clients douteux ".
23. Toutefois, la SARL Alliance Grenoble, qui, ainsi qu'il a été dit, supporte la charge de la preuve, n'a produit aucun élément, et en particulier aucun état détaillé, écriture comptable ou justificatif de paiement par créance des versements de son assureur, de nature à établir une correspondance entre les créances concernées par la provision litigieuse et les créances ayant fait l'objet des inscriptions au compte 416 dont elle fait état. Dans ces conditions et en tout état de cause, la demande de compensation ne peut qu'être rejetée.
Sur les pénalités :
En ce qui concerne l'intérêt de retard :
24. Dès lors que, comme il a été dit aux points précédents, la SARL Alliance Grenoble n'est pas fondée à contester le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 30 novembre 2016, ni celui des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices correspondants, clos en 2014 à 2016, son moyen tiré de ce que l'intérêt de retard appliqués à ces rappels et suppléments d'impôt doit être déchargé par voie de conséquence de la décharge des droits en litige ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
25. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
26. L'administration a assorti de la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, les suppléments d'impôt résultant de la remise en cause de la déductibilité, en tant que charges des exercices concernés, des redevances versées à la société de droit luxembourgeois Séminaire Investissement et à la société Financière du Val-de-Reuil, ainsi que des dépenses refacturées par cette dernière société, et elle a appliqué la même majoration aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause de la déductibilité de la taxe se rapportant aux versements ainsi effectués au profit de la société Financière du Val-de-Reuil.
27. Pour justifier, ainsi que la charge lui en incombe, l'application de cette majoration à ces suppléments d'impôt et à ces rappels de taxe, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification qu'elle a adressée le 28 août 2017 à la SARL Alliance Grenoble, d'une part, que cette société ne pouvait raisonnablement ignorer qu'elle portait en comptabilité, en tant que charges déductibles de ses résultats imposables, des redevances et autres paiements versés, de façon répétée sur les deux exercices vérifiés, à la société Financière du Val-de-Reuil, société mère du groupe auquel elle appartient et avec laquelle elle était liée par une communauté d'intérêts, pour lesquels elle n'était à même de justifier d'aucune contrepartie tangible susceptible de répondre à un intérêt effectif pour son exploitation. La même proposition de rectification retient, d'autre part, que la SARL Alliance Grenoble, bien que consciente de cette situation, a porté en déduction la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces versements, qu'elle ne pouvait cependant justifier comme opérés pour les besoins de son activité taxable. Selon les termes de la même proposition de rectification, l'administration a retenu, par ailleurs, que la SARL Alliance Grenoble ne pouvait raisonnablement ignorer que les redevances versées par elle, durant la même période, à la société de droit luxembourgeois Séminaire Investissement, avec laquelle elle était liée par une communauté d'intérêts, n'avaient aucune contrepartie tangible et que ces versements répétés, qu'elle a sciemment comptabilisés en tant que charge déductibles de ses résultats imposables, ne correspondaient à aucun intérêt pour son exploitation. Par ces considérations, que le ministre s'approprie en appel, en insistant sur l'importance des montants en cause, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée qui a animé, s'agissant de ces chefs de rectification afférents à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés, la SARL Alliance Grenoble et, par suite, du bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assortis, en application des dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt correspondants.
28. Il résulte de tout ce qui précède, que la SARL Alliance Grenoble n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Sur les frais de procédure :
29. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que la SARL Alliance Grenoble présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la SARL Alliance Grenoble est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Alliance Grenoble, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. HeinisLe président de la formation de jugement,
F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La greffière,
E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
1
2
N°23DA01457
1
3
N°"Numéro"