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02/10/2024 | FRANCE | N°23DA02264

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 02 octobre 2024, 23DA02264


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2300052 du 13 juin 2023, le tribunal administr

atif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2300052 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Leprince, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui accorder dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour sans procéder à un examen personnalisé de sa situation ;

- il a méconnu les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de justice administrative ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est lui-même entaché ;

- le préfet a omis de procéder à un examen de sa situation avant de décider son éloignement ;

- la décision d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est lui-même entaché ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, avec un taux de 25 %, par une décision du 9 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- et les observations de Me Domigues, substituant Me Leprince et représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante sri-lankaise née le 23 avril 1990, est entrée en France le 17 décembre 2017, sous couvert d'un visa de court séjour, à l'expiration duquel elle s'est maintenue sur le territoire. Le 28 octobre 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 décembre 2022, le préfet de

la Seine-Maritime a rejeté la demande de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, la décision refusant un titre de séjour à Mme B..., qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments se rapportant à sa situation personnelle, mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivée. En outre, la décision obligeant la requérante à quitter le territoire français vise les dispositions applicables du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent au préfet d'assortir une décision de refus de séjour d'une décision obligeant à quitter le territoire français l'étranger dont la demande a été rejetée. Dans ces conditions, et conformément à l'article L. 613-1 du même code, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme B... n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui, ainsi qu'il a été dit, est suffisamment motivée. Enfin, la décision fixant le pays de renvoi, qui vise les dispositions applicables des articles L. 721-3, L. 722-1 et L. 722-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle que la requérante est de nationalité srilankaise et précise qu'elle pourra être reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité, est également suffisamment motivée en droit et en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Mme B... fait état de son ancienneté de résidence en France, où elle réside avec son époux titulaire d'une carte de résident, de la présence sur le territoire français de plusieurs membres de sa famille et de sa belle-famille, de son insertion sociale et professionnelle, ainsi que de la prise en charge dont elle fait l'objet dans le cadre d'une procréation médicalement assistée. Toutefois, s'il n'est pas contesté que la requérante réside en France depuis cinq ans à la date de l'arrêté contesté, elle ne fait état, pour justifier de son intégration dans la société française, que de sa participation à des cours de français depuis le mois de septembre 2018, qui lui ont permis d'obtenir le niveau A2 du diplôme d'études en langue française le 29 août 2023, postérieurement à cet arrêté, et d'attestations établies par des proches et des membres de sa famille. Si elle soutient que les qualifications professionnelles obtenues dans son pays d'origine, et les emplois qu'elle y a occupés, lui assureront une intégration professionnelle en France, elle ne produit sur ce point qu'une unique promesse d'embauche consentie plus de quatre mois après l'arrêté contesté. Ni le certificat médical du 6 octobre 2022, déjà produit en première instance, indiquant que Mme B... fait l'objet de soins depuis trois ans contre la stérilité et que " son état nécessite la prise en charge dans un centre de PMA ", ni le certificat établi par un gynécologue le 12 juillet 2023, produit en appel, indiquant que son état " nécessite des investigations médicales et chirurgicales plus avancées et plus agressives ", ni encore les résultats d'analyses médicales également produits à l'instance, ne sont de nature à établir que les deux époux étaient engagés dans une procédure de procréation médicalement assistée à la date de l'arrêté contesté. Il n'est pas plus démontré que les soins prodigués à la requérante ne pourraient être poursuivis au Sri Lanka, durant le temps nécessaire à l'examen d'une demande de regroupement familial auquel l'intéressée est éligible. Enfin, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas contesté que l'époux de Mme B... bénéficiait d'un droit au séjour dans des conditions ouvrant droit au regroupement familial au moment de l'arrivée sur le territoire français de la requérante, qui est donc entrée en France en méconnaissance de cette procédure d'introduction. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... et en décidant son éloignement, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, eu égard aux buts poursuivis par ces décisions. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Les circonstances dont Mme B... fait état, rappelées au point précédent, ne caractérisent aucun motif exceptionnel ou humanitaire de nature à justifier son admission au séjour à titre exceptionnel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de Mme B... en refusant de lui accorder un titre de séjour, en décidant son éloignement et en fixant le Sri Lanka comme pays de destination. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante avant de prendre ces décisions à son encontre.

7. En dernier lieu, Mme B... n'établit pas que la décision lui refusant le droit au séjour serait illégale. Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir de la prétendue illégalité de ce refus de séjour pour soutenir que, par voie d'exception, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination seraient elles-mêmes illégales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Leprince.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 octobre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA02264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02264
Date de la décision : 02/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-02;23da02264 ?
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