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26/09/2024 | FRANCE | N°23DA02147

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 26 septembre 2024, 23DA02147


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiées (SAS) Terres d'Opale a demandé au tribunal administratif de Lille :

- d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2020 par lequel le maire de Wissant a prononcé le retrait du permis de construire qu'il lui avait délivré le 17 mars 2020 pour la construction d'un bâtiment comprenant six logements et une cellule commerciale, sur un terrain situé chemin du Moulin sur le territoire communal ;

- de mettre à la charge de la c

ommune de Wissant la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Terres d'Opale a demandé au tribunal administratif de Lille :

- d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2020 par lequel le maire de Wissant a prononcé le retrait du permis de construire qu'il lui avait délivré le 17 mars 2020 pour la construction d'un bâtiment comprenant six logements et une cellule commerciale, sur un terrain situé chemin du Moulin sur le territoire communal ;

- de mettre à la charge de la commune de Wissant la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2008145 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 22 septembre 2020 et mis à la charge de la commune de Wissant la somme de 1 500 euros à verser à la SAS Terres d'Opale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 23DA02147 le 20 novembre 2023 et un mémoire complémentaire enregistré le 29 novembre 2023, la commune de Wissant, représentée par Me Lou Deldique, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 septembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de la SAS Terres d'Opale ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Terres d'Opale la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, dans la mesure où le tribunal ne s'est pas prononcé sur deux motifs qu'elle lui avait demandé de substituer aux motifs de l'arrêté attaqué, en les écartant sans vérifier leur opérance ; il n'a pas examiné un motif de refus qui figurait dans l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté du 22 septembre 2020 s'analyse comme une abrogation et non un retrait du permis de construire du 17 mars 2020 ; il a été pris dans le délai de 4 mois prévu par l'article L.242-1 du code des relations entre le public et l'administration, prorogé par l'article 12 ter de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période de l'état d'urgence sanitaire ; il a également été pris dans le respect de la procédure contradictoire préalable prévue à l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 22 septembre 2020 abroge le permis illégal du 17 mars 2020 qui méconnaît les dispositions des articles UA6, UA7 et UA14 du plan d'occupation des sols (POS), est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article R.111-27 du code de l'urbanisme et méconnaît les dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance du 11 juin 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

A la demande de la cour, la commune de Wissant a déposé des pièces enregistrées les 18 et 27 juin 2024, qui ont été communiquées en application des dispositions de l'article R.613-1-1 du code de justice administrative.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 23DA02216 le 29 novembre 2023, la commune de Wissant, représentée par Me Lou Deldique, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 19 septembre 2023 ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Terres d'Opale la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application de l'article R.811-15 du code de justice administrative, des moyens sérieux sont de nature à entraîner l'annulation du jugement dont l'exécution risquerait d'entraîner des conséquences difficilement réparables, en application de l'article R.811-17 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier ;

- l'arrêté du 22 septembre 2020 abroge régulièrement, dans les délais et selon la procédure prescrits, le permis illégal du 17 mars 2020 qui méconnaît les dispositions des articles UA6, UA7 et UA14 du plan d'occupation des sols (POS), est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article R.111-27 du code de l'urbanisme et méconnaît les dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance du 11 juin 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire non communiqué, enregistré le 11 juin 2024 postérieurement à la clôture de l'instruction, la SAS Terres d'Opale, représentée par Me Jean-Baptiste Dubrulle, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Wissant en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

A la demande de la cour, la commune de Wissant a déposé des pièces enregistrées les 18 et 27 juin 2024, qui ont été communiquées en application des dispositions de l'article R.613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique,

- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Camille Mascaro, représentant la commune de Wissant.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 17 mars 2020, le maire de Wissant a délivré, au nom de la commune, à la société par actions simplifiée (SAS) Terres d'Opale un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation comprenant six logements et une cellule commerciale, sur deux parcelles cadastrées AB 24 et AB 527 situées chemin du Moulin, classées en zone UAa du plan d'occupation des sols applicable sur le territoire de la commune de Wissant (62179). Le 23 juillet 2020, la sous-préfète de Boulogne-sur-Mer a formé un recours gracieux contre cet arrêté. Par un arrêté du 22 septembre 2020, le maire de Wissant a prononcé le retrait du permis de construire accordé. Par les deux requêtes, qu'il convient de joindre, la commune de Wissant demande à la cour, d'une part, d'annuler le jugement n° 2008145 du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 22 septembre 2020, d'autre part, de surseoir à son exécution.

Sur la requête n°23DA02147 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. D'une part, la commune de Wissant soutient que le tribunal a considéré à tort que les motifs de retrait tirés de la méconnaissance par le projet des articles UA 6 et UA 7 du règlement du plan d'occupation des sols (POS), étaient invoqués par elle dans le cadre d'une demande de substitution de motifs, alors qu'ils servaient de fondement à l'arrêté du 22 septembre 2020.

3. Toutefois, il ressort de l'arrêté attaqué que celui-ci n'est pas fondé sur la méconnaissance des articles UA6 et UA7 du POS de la commune, mais sur l'incomplétude du dossier ne permettant pas de vérifier le respect de ces deux articles. En affirmant, dans ses écritures en défense de première instance, que le projet méconnaissait ces deux articles, la commune doit être regardée comme ayant demandé que ces deux motifs soient substitués à ceux invoqués par elle dans son arrêté. Aussi, c'est sans erreur que le tribunal a visé, dans les motifs objets de la demande de substitution, non seulement la méconnaissance par le projet des articles R.111-2 et R.111-27 du code de l'urbanisme, mais également sa méconnaissance des articles UA6 et UA7 du POS qui ne figurait pas expressément dans l'arrêté attaqué.

4. D'autre part, la commune soutient que le tribunal a omis de statuer en écartant à tort comme inopérante sa demande de substitution de motifs.

5. Toutefois, avant d'annuler l'arrêté de retrait et de faire droit aux conclusions de la société demanderesse, les premiers juges ont écarté les nouveaux motifs de retrait invoqués par la commune en défense. L'inopérance qui justifie que ces nouveaux motifs soient écartés est sans incidence sur la régularité du jugement et ne peut être discutée qu'au titre de son bien-fondé dans le cadre dévolutif de l'appel.

6. Il suit de là que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Lille est entaché d'irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant des moyens d'annulation accueillis par le tribunal administratif de Lille :

7. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant ou retirant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.

Quant au moyen tiré du non-respect du délai de retrait d'une autorisation d'urbanisme :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 240-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Au sens du présent titre, on entend par : / 1° Abrogation d'un acte : sa disparition juridique pour l'avenir ; / 2° Retrait d'un acte : sa disparition juridique pour l'avenir comme pour le passé ". Aux termes L. 242-1 de ce code : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Aux termes de l'article L. 242-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie (...) ". Aux termes de l'article L. 241-2 de ce code : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire (...) ". Compte tenu de l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 dont ces dispositions sont issues, l'autorité compétente ne peut rapporter un permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, que si la décision de retrait est notifiée au bénéficiaire du permis avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date à laquelle ce permis a été accordé.

10. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes (...) qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. ".

11. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, qui dérogent à la règle posée à l'article L.242-1 du code des relations entre le public et l'administration, limitent à trois mois le délai pendant lequel une autorisation de construire peut être retirée, spontanément ou à la demande d'un tiers, par l'autorité qui l'a délivrée. Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle, d'une part, à ce que le représentant de l'Etat puisse former un recours gracieux, jusqu'à l'expiration du délai dont il dispose pour déférer un tel acte au tribunal administratif, et, d'autre part, à ce que le cours de ce délai soit interrompu par ce recours gracieux. Elles s'opposent, en revanche, à ce que le recours gracieux du représentant de l'Etat puisse proroger le délai de retrait. En outre, la circonstance qu'un acte administratif a été obtenu par fraude permet à l'autorité administrative compétente de l'abroger ou de le retirer à tout moment, sans qu'y fassent obstacle, s'agissant d'un permis de construire, les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, selon lesquelles une telle décision ne peut faire l'objet d'aucun retrait passé le délai de trois mois.

12. Aux termes de l'article 12 ter de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " (...) les délais d'instruction des demandes d'autorisation et de certificats d'urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l'urbanisme, y compris les délais impartis à l'administration pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction, ainsi que les procédures de récolement prévues à l'article L. 462-2 du même code, qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter du 24 mai 2020. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 est reporté à l'achèvement de celle-ci. / Les mêmes règles s'appliquent (...) au délai dans lequel une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou une autorisation d'urbanisme tacite ou explicite peut être retirée, en application de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que le permis du 17 mars 2020, qui a créé des droits au profit de la SAS Terres d'Opale, a été délivré sous la réserve du respect de prescriptions tendant, notamment, à " retrouver un rythme plus serré des baies sur les pignons ", à ne pas entreprendre les travaux avant le 26 avril 2020, à signaler immédiatement les vestiges archéologiques éventuellement mis à jour lors de la réalisation des travaux, à fournir les documents réclamés par le service départemental d'incendie et de secours et à obtenir une autorisation complémentaire en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment avant son ouverture au public. Pour décider le 22 septembre 2020 de retirer ce permis de construire, le maire de Wissant, faisant référence aux irrégularités invoquées par la sous-préfète de Boulogne-sur-Mer dans son recours gracieux du 23 juillet 2020, a relevé que le dossier de demande de permis de construire ne permettait pas de s'assurer du respect des règles d'implantation des constructions et de la règle du coefficient d'occupation maximale du sol posées respectivement, d'une part, par les articles UA 6 et UA 7, d'autre part, par l'article UA 14 du règlement du POS de Wissant applicable au permis délivré.

14. Si la commune de Wissant prétend ne pas avoir procédé au retrait mais à l'abrogation du permis de construire, elle fait valoir comme seule raison l'erreur de qualification entachant son arrêté. Il ressort pourtant sans ambiguïté de celui-ci que le maire de Wissant a entendu prononcer le " retrait " du permis délivré, ce terme étant réitéré dans l'en-tête de l'arrêté et dans l'article 1er de son dispositif, sur le fondement du code de l'urbanisme qu'il vise et non de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration qui n'est pas cité.

15. En vertu des dispositions précitées de l'article 12 ter de l'ordonnance du 25 mars 2020, le délai de trois mois dont disposait le maire de Wissant pour retirer, à son initiative ou à celle d'un tiers, le permis de construire délivré le 17 mars 2020 à la SAS Terres d'Opale a commencé à courir le 24 mai 2020 et expirait le 24 août 2020, sans pouvoir être prorogé par le recours gracieux exercé entre-temps par la sous-préfète de Boulogne-sur-Mer. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le retrait prononcé le 22 septembre 2020 serait intervenu à la demande de la société bénéficiaire. Il n'est pas établi ni même allégué que la disparition du permis de construire résulterait du constat de ce qu'une condition de son maintien ne serait plus remplie. Par ailleurs, si la commune relève dans ses écritures la concomitance de date entre la délivrance du certificat d'urbanisme à la SAS Terres d'Opale faisant relever son projet des dispositions de l'ancien POS de la commune et la transmission du nouveau PLUi de La Terre des 2 caps aux services du contrôle de légalité, elle ne démontre ni même n'allègue sérieusement que le permis aurait été obtenu par fraude. Dans ces conditions, l'arrêté du 22 septembre 2020 prononçant le retrait du permis de construire du 17 mars 2020 est intervenu tardivement et est entaché d'erreur de droit.

Quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA14 du plan d'occupation des sols de la commune de Wissant :

16. D'une part, aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction [des demandes de permis de construire] court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Aux termes de l'article R.423-38 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Aux termes de l'article R. 423-41 du même code : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R.423-38 ou ne portant pas sur l'une des pièces énumérées par le présent code n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49. ".

17. D'autre part, aux termes de l'article UA14 du POS de la commune de Wissant : " Le coefficient d'occupation du sol maximal du secteur UAa est fixé à 1,50 ".

18. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Terres d'Opale a déposé sa demande de permis de construire le 26 décembre 2019 et que la commune de Wissant a demandé la communication de pièces manquantes le 23 janvier 2020. Si elle a souligné l'insuffisance du plan de masse, de la notice décrivant le terrain et présentant le projet, du formulaire de demande édité par le Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (Cerfa) et de la déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions, il ne ressort pas de sa demande qu'elle ait invité la société pétitionnaire à compléter son dossier en précisant la surface totale de l'unité foncière afin de vérifier le respect du coefficient d'occupation du sol (COS) maximal du secteur UAa fixé à 1,50 par l'article UA14 du POS de la commune.

19. D'une part, la société pétitionnaire soutient qu'en application de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme, son dossier de demande devait être regardé comme complet en l'absence d'une demande régulière de la pièce manquante relative à la superficie du terrain d'assiette du projet dans le délai d'un mois imparti par cet article. Cependant, cette circonstance avait seulement pour conséquence, comme le prévoit l'article R. 423-41 du même code, de faire obstacle à une modification du délai d'instruction de la demande mais n'interdisait pas au maire de fonder la décision de retrait litigieuse sur l'incomplétude du dossier de demande.

20. D'autre part, la SAS Terres d'Opale soutient que la commune n'ignorait pas les surfaces des terrains d'assiette du projet du fait des informations afférentes portées sur ses demandes de certificat d'urbanisme des 25 et 28 novembre 2019. Il ressort des pièces du dossier que ces demandes comportaient la superficie des terrains d'assiette, respectivement de 577 m2 pour la parcelle AB 24 et de 207 m2 pour la parcelle AB 527, et ont donné lieu, le 12 décembre 2019, à la délivrance de certificats d'urbanisme fondés sur l'article L.410-1 du code de l'urbanisme indiquant notamment leur situation en zone UAa du POS et le taux de COS de 1,5. Il s'en déduit qu'en dépit de l'absence de mention, sur le formulaire Cerfa de demande de permis de construire, de la superficie des parcelles d'assiette du projet, la commune disposait des informations nécessaires pour vérifier le respect de l'article UA14 du POS.

21. Par suite, le maire de Wissant ne pouvait légalement fonder sa décision de retrait sur le motif tiré de ce que l'absence d'indication de la surface totale de l'unité foncière ne permettait pas de vérifier que le projet respectait les dispositions de l'article UA14 du POS de la commune.

S'agissant de la demande de substitution de motifs présentée en appel :

22. La commune de Wissant soutient que des motifs, dont elle demande qu'ils soient substitués à ceux figurant dans l'arrêté du 22 septembre 2020, fondent légalement le retrait qu'il prononce.

23. Cependant, la légalité d'une décision retirant une autorisation d'urbanisme repose sur deux conditions cumulatives qui tiennent à ce que le retrait intervienne dans un délai de trois mois suivant l'édiction de cette autorisation et à ce que cette autorisation soit illégale. Dès lors qu'une décision de retrait prise à l'initiative de l'administration est intervenue au-delà du délai de 3 mois, sauf cas de fraude, son illégalité doit être constatée, quand bien même cette décision serait fondée. Dans ces conditions, si les premiers juges annulent à bon droit une telle décision de retrait en raison de sa tardiveté, l'administration ne peut utilement faire valoir ni en première instance ni en appel, les motifs qui pourraient légalement fonder ce retrait. Par suite, le juge d'appel qui confirme le moyen d'annulation retenu par les premiers juges tiré de la tardiveté de la décision de retrait n'a pas à examiner la légalité de ces motifs, y compris ceux que l'administration pourrait demander de substituer à ceux figurant dans la décision initiale. Le juge d'appel ne méconnaît ce faisant pas les dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Wissant n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 22 septembre 2020 et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à la SAS Terres d'Opale en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n°23DA02216 :

25. Le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 2008145 du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Lille, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement devient sans objet.

Sur les frais liés aux litiges :

26. Partie perdante aux deux instances qu'elle a introduites, la commune de Wissant ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 23DA02147 de la commune de Wissant est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution présentées par la commune de Wissant dans la requête n° 23DA02216.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23DA02216 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Wissant, à la société Terres d'Opale, à la communauté de communes de la Terre des deux caps et au ministre de la transition énergétique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA02147,23DA02216 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02147
Date de la décision : 26/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : AARPI LEXION AVOCATS;AARPI LEXION AVOCATS;AARPI LEXION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-26;23da02147 ?
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