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26/09/2024 | FRANCE | N°23DA02002

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 26 septembre 2024, 23DA02002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.



Par un jugement n°2301026 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de

trente jours et fixation du pays de destination, a enjoint au préfet du Nord de réexaminer la sit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n°2301026 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination, a enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de sa notification et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2023, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2023 en ce qu'il annule ses décisions du 4 octobre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... en première instance.

Il soutient que la décision d'éloignement litigieuse ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, M. B... A..., représenté par Me Dewaele, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel du préfet du Nord ;

2°) de confirmer le jugement d'annulation partielle du 13 octobre 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Dewaele, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les liens qu'il entretenait avec sa fille de nationalité française à la date de la décision d'éloignement contestée justifient son annulation sur le fondement des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par ordonnance du 15 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2024.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de la sécurité sociale,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant surinamais né le 7 août 1983 à Paramaribo (Suriname) et entré sur le territoire français le 14 septembre 2018 sous couvert d'un visa Schengen de type C valable du 16 août au 29 novembre 2018, a présenté, le 6 juillet 2020, une demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en se prévalant de la qualité de " parent d'enfant français ". Par un arrêté du 4 octobre 2022, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

2. M. A... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 13 octobre 2023, a fait partiellement droit en sa demande en annulant les décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination. Par la présente requête, le préfet du Nord interjette appel de ce jugement en tant qu'il annule lesdites décisions.

Sur le moyen accueilli par le jugement du tribunal administratif de Lille :

3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a entretenu une relation conjugale avec une Française et qu'une fille de nationalité française est née de leur union le 30 septembre 2019. Le couple et son enfant ont dans un premier temps demeuré à une adresse commune, jusqu'en mai 2021, avant la séparation de M. A... de sa compagne française qu'il date, sans être contesté, de juin 2021. Il est vrai que, ainsi que l'a estimé à raison le tribunal administratif de Lille dans son jugement du 13 octobre 2023, les pièces fournies par le requérant ne permettent pas d'établir qu'il aurait contribué à l'entretien de sa fille française depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de la décision d'éloignement contestée, notamment à compter de juin 2021, si bien que le préfet du Nord était fondé à refuser de lui délivrer de plein droit un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français en application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Il incombait néanmoins à l'autorité administrative, ainsi qu'il a été dit au point précédent, de veiller à ce que la décision d'éloignement litigieuse, qui a pour effet d'affecter de manière directe et certaine la situation de l'enfant de M. A... en la séparant de l'un de ses parents, ne porte pas atteinte à son intérêt supérieur.

5. Or, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a habité à la même adresse que sa fille française jusqu'en mai 2021, a ainsi nécessairement participé à son entretien et à son éducation pendant ses 20 premiers mois de vie. Postérieurement à juin 2021, il ressort d'attestations concordantes du directeur de l'école de l'enfant et de son médecin traitant, corroborées par des témoignages précis de la mère de son enfant et de nombreux membres de sa famille, ainsi que par des photographies, que M. A... a continué de participer activement à l'éducation de sa fille en l'accueillant à son domicile certains week-ends et une partie des vacances scolaires. En août 2022, M. A... et la mère de sa fille française ont également conclu une convention parentale ayant force exécutoire, conformément aux dispositions de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale, pour définir les modalités d'exercice de son autorité parentale ainsi que sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Dans ces circonstances, alors que le requérant a contribué à l'éducation de sa fille sans discontinuer depuis sa naissance, qu'il a participé à son entretien pendant ses vingt premiers mois de vie et qu'il venait de conclure une convention parentale ayant force exécutoire, manifestant ainsi son engagement à contribuer activement à l'avenir à la prise en charge de sa fille de nationalité française, il était de l'intérêt supérieur de cet enfant de ne pas être séparée de son père. Il en résulte que la décision du 4 octobre 2022 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé ladite décision, ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions portant octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours et fixation du pays de destination.

Sur les frais de l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me Dewaele, avocat de M. A..., au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Dewaele renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Dewaele, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Dewaele renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées en appel par M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Dewaele.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la 1ère chambre

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°23DA02002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02002
Date de la décision : 26/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-26;23da02002 ?
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